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Mangosuthu Buthelezi, chef du parti national zoulou, l'Inkhata, Afrique du sud. Auteur de la déclaration citée dans le cours.

 

  « Qui ne voit que la cohésion sociale est due, en grande partie, à la nécessité pour une société de se défendre contre d'autres, et que c'est d'abord contre tous les autres hommes qu'on aime les hommes avec lesquels on vit ? Tel est l'instinct primitif. Il est encore là, heureusement dissimulé sous les apports de la civilisation : mais aujourd'hui encore nous aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens, tandis que l'amour de l'humanité est indirect et acquis. A ceux là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour : car c'est seulement à travers Dieu, en Dieu, que la religion convie l'homme à aimer le genre humain : comme aussi c'est seulement à travers la Raison, dans la Raison par où nous communions tous, que les philosophes nous font regarder l'humanité pour nous montrer l'éminente dignité de la personne humaine, le droit de tous au respect. Ni dans un cas ni dans l'autre nous n'arrivons à l'humanité par étapes, en traversant la famille et la nation. Il faut que, d'un bond, nous nous soyons transportés plus loin qu'elle et que nous l'ayons atteinte sans l'avoir prise pour la fin, en la dépassant. Qu'on parle d'ailleurs le langage de la religion ou celui de la philosophie, qu'il s'agisse d'amour ou de respect, c'est une autre morale, c'est un autre genre d'obligation ».

                             Bergson. Les Deux Sources de la Morale et de la Religion 1932. 

 

 
  Thème : L'hétérogénéité des relations humaines ; le privilège des relations familiales et concitoyennes sur des relations élargies à la dimension de l'universel.

  Questions : Sur quoi se fondent les diverses obligations que l'homme ressent à l'égard de l'autre homme ? Sont-elles de même nature selon qu'il s'agit de la famille, de la société ou de l'humanité ?

  Thèse : A l'évidence non. La morale familiale et la morale sociale sont radicalement différentes d'une morale dont l'horizon est l'humanité en général. Elles s'enracinent « dans un instinct primitif » liant certains contre d'autres. Il y a, ce que Bergson appelle une morale close inhérente aux sociétés closes, qu'il convient de distinguer d'une morale ouverte exigée pour une société ouverte ou société des nations. (NB : Bergson a été le représentant de la France pour négocier, à la fin de la guerre de 14-18 les clauses de la SDN).
 
 Question : Comment neutraliser la xénophobie consubstantielle à la morale close? Comment, contre toutes les forces de clôture dressant les hommes les uns contre les autres, élargir le rapport humain à la dimension de l'universel?
 
 Thèse : Cet effort civilisateur est à porter au crédit de la religion monothéiste et de la philosophie. Bergson en analyse le principe en montrant que l'une et l'autre ont cherché à transformer le rapport de l'homme avec l'homme en le médiatisant par une transcendance. La transcendance de Dieu ou celle de la Raison. (Cf. les majuscules dans le texte).
 
 Problématisation de la thèse de Bergson : S'il est vrai que Bergson énonce une vérité historique, on peut néanmoins observer que les solutions mises en œuvre pour lutter contre les maux inhérents à la morale close, n'ont pas été efficaces. On ne doit la Société des nations (plus tard ONU) ni à l'efficacité de la religion ni à celle de la philosophie. Elle est née des rivières de sang de la guerre de 14-18 (De même l'ONU est née de la tragédie de 39-45). Alors, pourquoi la religion et la philosophie ne sont-elles pas des solutions aux maux que l'humanité a à endiguer et comment dès lors le problème peut-il être résolu ?
 
 
 
I)                   La morale close.
 
 
 Bergson commence par formuler ce qu'il présente comme une évidence. « Qui ne voit » ? L'expression signifie : cela saute aux yeux. L'auteur décrit ce que tout observateur attentif de l'histoire humaine peut constater. Cette évidence porte sur ce qui est au principe de la cohésion sociale.
 PB : Qu'est-ce que la cohésion sociale ? On dit d'une société qu'elle est cohérée, lorsque ses membres sont solidement unis dans des rapports étroits de solidarité et d'obligations réciproques. Le contraire de l'union civile est la désunion, le conflit social, latent ou larvé, la guerre civile. Or le ressort de la cohésion sociale, affirme Bergson, est l'hostilité des membres de la société à l'égard de ceux qu'ils identifient collectivement comme des ennemis. C'est contre d'autres qu'on est uni avec certains. L'opposition : amis, ennemis, est constitutive de l'unité sociale. Certes ce n'est pas son seul fondement, comme l'indique la réserve « en grande partie ». La cohésion sociale repose aussi sur des habitudes, un passé, une culture, une langue et un projet communs mais ces données sont secondaires par rapport au mécanisme essentiel de la solidarité sociale. Celle-ci n'est jamais aussi forte que lorsqu'elle est menacée de l'extérieur. Pour qu'il y ait un « avec certains » il faut un « contre d'autres », les étrangers, les ennemis. La discrimination des siens et des autres, (les étrangers) est le principe constitutif de l'ethnicité ou de la communauté nationale. Ce qui construit le lien social est ce qui brise le lien humain.
 Il y a là, dit Bergson, « un instinct primitif » repérable toujours et partout. Instinct doit être compris ici, au sens de tendance naturelle. « Primitif » connoté par « d'abord » dans la phrase précédente indique que cette tendance est originaire, archaïque. Elle est première tant dans l'ordre historique de la formation des sociétés que dans l'ordre anthropologique des déterminations psychiques.
 L'observation des faits le confirme. Cf. cours sur Autrui et le chapitre 3 de Race et histoire de Claude Lévi-Strauss.
 Exemples : Les Français n'ont jamais été aussi unis que lorsque l'ennemi (la perfide Albion, puis « les boches ») leur permettait de faire front commun. Il y a quelques années le dirigeant de l'Inkatha en Afrique du Sud déclarait : « Beaucoup de Zoulous qui ne comprennent rien à la politique n'attendent qu'un mot de leur roi pour laver, selon la tradition, leurs lances dans le sang ennemi. Sans cela, ils n'auraient même pas le sentiment d'appartenir à la nation zouloue ».  Rousseau de même écrivait : « Tout patriote est dur aux étrangers, ils ne sont rien à ses yeux. Cet inconvénient est inévitable ». Emile ou de l'Education. LI.
 NB: Si l'hostilité à l'endroit d'un ennemi est constitutive de l'unité  et de l'identité nationale, il s'ensuit que là où il n'y a plus d'ennemi extérieur il faut, soit en inventer un, soit en trouver un à l'intérieur.
 Exemples : L'Allemagne nazie a voulu se cohérer contre le juif de l'intérieur et de l'extérieur, l'Union Soviétique contre le capitaliste ou le bourgeois. Certains Français voudraient aujourd'hui se cohérer contre le musulman, les riches, les patrons, les fonctionnaires, les pourris etc. La liste peut être indéfiniment allongée au gré des passions du moment.
 Par ce constat, Bergson pointe la source trouble où s'alimente ce qu'il appelle la morale sociale ou morale close. Elle met en jeu une obligation par proximité et ressemblance. Le membre d'une famille ou d'une nation fait bien l'expérience morale de l'obligation. Il se sent tenu à une certaine conduite de solidarité à l'égard de ses concitoyens, de son frère ou de son cousin mais les étrangers sont exclus du champ des devoirs familiaux et sociaux. On est dans une logique de la solidarité fragmentaire.
 Tel est, ramené à son principe, le secret de la morale sociale. Il s'agit d'une morale où l'obligation se distingue à peine des automatismes acquis par habitude.  C'est que la famille et la société sont tellement nécessaires à la sauvegarde des intérêts de leurs membres, que cette nécessité détermine les conduites appropriées à leur viabilité. Dans l'injonction sociale ou familiale, c'est donc la totalité collective qui exerce sur chacun de ses éléments une pression le disposant automatiquement à certains devoirs. On est aux antipodes d'une authentique morale procédant d'un élan personnel et d'une initiative de la liberté. Bergson souligne l'impersonnalité de cette morale collective.
 Sans doute faut-il creuser sous les scories déposées par la civilisation pour retrouver sous sa forme brute cet instinct primitif, cet archaïsme mais il agit toujours souterrainement
  La civilisation est l'ensemble des institutions, des œuvres, des processus par lesquels l'homme s'éloigne de son état sauvage et prend visage humain, au sens spirituel et moral. Léon Blum disait que :  « Le problème de la civilisation est précisément de substituer aux énergies animales des forces disciplinées, humanisées, spiritualisées, de transformer les fanatismes et les idolâtries sauvages en certitudes fondées sur la raison, en convictions fondées sur les exigences de la conscience personnelle ». En disant que « l'instinct primitif est heureusement dissimulé sous les apports de la civilisation » Bergson énonce deux idées. D'une part, il faut se réjouir de l'action civilisatrice. Elle arrache l'homme à la brutalité et à la sauvagerie de ses tendances archaïques en leur donnant forme humaine. D'autre part, il ne faut pas méconnaître la fragilité du processus civilisateur. On peut neutraliser, sublimer (dirait Freud) une tendance naturelle, on ne l'éradique pas. Elle garde son potentiel de nuisance. Il faut ruser avec elle, il ne faut jamais commettre la faute d'en sous-estimer l'importance.
 Cette première analyse fonde un constat : « Aujourd'hui encore, nous aimons naturellement et directement nos parents et nos concitoyens. Tandis que l'amour de l'humanité est indirect et acquis. A ceux-là nous allons tout droit, à celle-ci nous ne venons que par un détour ».
 Ce constat fait la transition de la première thèse du texte à la seconde car il introduit la question dont il est déjà en partie l'élucidation : Quel est le ressort du processus civilisateur ?
 
 
II)                La morale ouverte.
 
 
 Bergson établit que ce n'est pas en prenant appui sur la morale close, en essayant de l'élargir horizontalement par exemple (Cf. traverser la famille et la nation) que cette ouverture peut s'opérer. Dans son principe la morale close est l'obstacle à la morale ouverte. Le mécanisme structurant la première ne peut donc être au principe de la seconde. Instituer un rapport d'obligation entre tous les hommes, quelles que soient leurs appartenances nationales ou ethniques, implique de neutraliser le ressort de la préférence nationale ou familiale.
 PB : Comment faire de tous les hommes « le prochain » ?
Bergson souligne que cette œuvre civilisatrice est historiquement le propre de la religion monothéiste et de la philosophie car le discours judéo-chrétien et le discours philosophique proposent aux hommes un moyen universel d'identification
 Alors que les religions antiques étaient essentiellement des religions civiles, chaque peuple ayant ses dieux, garants de son identité et au nom desquels il combattait d'autres peuples ayant d'autres dieux, le monothéisme s'efforce de surmonter la dispersion  de l'humanité en l'unissant dans une filiation commune. Il n'y a qu'un seul Dieu, créateur ou Père de toutes choses. Tous les hommes sont donc ses enfants et si le judaïsme maintient encore un privilège pour le peuple élu, le christianisme affirme qu'  « il n'y a plus ni Juif, ni païen, il n'y a plus ni esclave, ni homme libre, il n'y a plus l'homme et la femme, car tous, vous ne faîtes qu'un dans la Christ Jésus » St Paul. Epître aux Galates.
 De même Socrate invite à définir l'homme par une faculté que tous possèdent, qu'ils soient esclaves ou hommes libres, Grec ou barbare. Cette faculté c'est la raison, la capacité de penser et de parler de manière sensée et cohérente.
 En invitant à aimer un Dieu un et universel, en invitant à honorer les exigences de la Raison universelle, la religion et la philosophie transforment profondément le rapport de l'homme avec l'homme parce qu'elles le médiatisent par un tiers. Alors que tout différencie empiriquement les hommes, la couleur de leur peau, leurs langues, leurs coutumes etc. il y a quelque chose qui les rassemble et fonde l'unité du genre humain. Ce quelque chose est une transcendance. Dieu pour la religion, la Raison pour la philosophie. C'est dire que ni l'une ni l'autre n'enseignent l'amour ou le respect de l'humanité directement. On ne peut pas unir par un coup de baguette magique ce qui est divisé. Il faut un trait d'union. Et comme horizontalement la désunion prévaut, l'union implique une verticalité, une capacité de faire un détour par ce qui, au-dessus des uns et des autres peut métamorphoser le rapport immédiat.
 La religion judéo-chrétienne invite ainsi à aimer Dieu le Père. Elle médiatise les rapports humains par la foi dans le Seigneur parce que seul l'amour du Père peut disposer ses enfants à s'aimer les uns les autres. Voilà pourquoi les préceptes disent  « Aime le Seigneur ton Dieu et ton prochain comme toi-même ». « Ce que vous ferez au plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous le ferez ».Ces grandes paroles révèlent qu'autrui ne devient le prochain que par la médiation de Celui qui, au nom de la foi exige de la part de ceux qui obéissent à sa loi, une subversion de la nature. Voilà pourquoi le texte dit qu'il faut «  se transporter plus loin que l'humanité », que nous ne pouvons l'atteindre qu'en la dépassant, sans l'avoir prise pour la fin. Il faut le détour par Dieu pour obtenir comme un effet de la fidélité à sa parole, que le croyant identifie en tout homme son alter ego, celui qui, au même titre que lui, est le fils de Dieu.
 La philosophie procède d'une manière similaire. Elle nous invite à élever notre parole et notre conduite au niveau des exigences de la Raison. Or faire cet effort revient à découvrir que la mesure du vrai et du bien, ce n'est ni moi, ni toi, c'est ce qui, transcendant nos particularités empiriques nous permet de dire nous. En nous convoquant à une pensée dialogique en lieu et place d'une pensée prisonnière des opinions, la philosophie nous fait faire un détour par la raison qui est en même temps reconnaissance de l'autre comme être porteur de cette même raison que j'expérimente en moi. Elle nous appelle à rechercher la vérité, à cultiver la vertu philosophique (doute, examen, accomplissement de notre excellence humaine) et elle obtient comme un effet de cet effort une métamorphose du rapport humain. Bergson emploie un langage religieux pour décrire l'expérience philosophique. Il parle de « communion dans la raison ». Communier c'est recevoir le sacrement de l'eucharistie, c'est être en union spirituelle avec le Christ. Par la raison, nous nous sentons unis spirituellement, nous sentons que nous faisons communauté avec tous les hommes. Et cette communauté est une communauté de valeurs dont la première consiste à reconnaître qu'un être porteur d'une raison n'est pas une simple chose. C'est une personne ayant droit au respect.
 Par le détour de la foi en Dieu, la religion obtient l'amour du prochain. Par le détour de la Raison, la philosophie obtient le respect de l'homme. Certes il faut distinguer la nature des deux morales. L'agapè c'est la charité, l'amour de bienveillance. Le respect c'est le sentiment portant à témoigner des égards à ce qui s'impose à soi comme une valeur. La charité est une subversion de notre nature infiniment plus difficile que le respect. Alors qu'il suffit d'être un être raisonnable pour se sentir tenu de respecter ce qui a de la dignité, il faut peut-être la grâce divine pour être capable de faire du bien à ses ennemis autant qu'à ses amis. Bergson ne se préoccupe pas dans ce texte de marquer les différences. L'enjeu de son analyse est au contraire de faire apparaître le point commun de ces deux morales. Elles impliquent l'une et l'autre un élan, ayant sa source dans la personne, élan par lequel est initiée une morale fondamentalement différente de la morale sociale ou familiale. L'une procède d'une tendance archaïque, l'autre d'un élan sublime, l'une retient prisonnier de ce qu'il y a de misérable dans l'humaine condition, l'autre libère ce qu'il y a en elle de meilleur , l'une clôt, l'autre ouvre, l'une distille la haine et la guerre, l'autre donne ses chances à la paix.
 
 
III)             Problématisation :
 
 
 
 1°) Est-il vrai que le ressort de la cohésion sociale soit pour l'essentiel le mécanisme indiqué par Bergson ?
 
 
 N'y a-t-il pas comme l'enseigne Aristote (Bergson aussi d'ailleurs) une sociabilité naturelle poussant les hommes à faire communauté ? Certes cette sociabilité commence par être sélective et l'automatisme décrit par Bergson est historiquement indiscutable. La discrimination amis/ennemis, a joué et continue de jouer un rôle, hélas important. Mais si on peut fonder le lien social sur une sociabilité naturelle, rien n'interdit d'en concevoir l'élargissement à tous les habitants de la planète. Si l'hostilité à certains  n'est pas l'élément structurant fondamental, on peut envisager de lier les hommes dans des communautés d'intérêts et de sympathie de plus en plus larges. Il suffirait au fond de cesser  d'exploiter politiquement la peur et de parier sur l'efficacité politique d'autres mobiles : la sympathie au sens de Smith par exemple ou la simple intelligence de ses intérêts. L'intérêt de chacun bien compris passe en effet par la reconnaissance des intérêts légitimes des autres. Ces mobiles ne peuvent-ils pas, autant que la haine, fonder la communauté nationale et internationale ?
 
 
 2°) Est-il vrai que ce soit seulement en Dieu, ou en la Raison qu'on puisse promouvoir la société ouverte ?
 
 L'expérience montre que la construction d'institutions internationales est en marche. Or, contrairement à ce que dit Bergson, elles s'instituent (qu'on pense à la construction européenne ou à la SDN, ou à l'ONU) selon la même logique que celle qui construit la société close. Elle ne met pas en jeu, sauf chez certaines personnalités d'exception, les élans sublimes de la nature humaine. Elle ne passe pas par la contagion de ceux que Bergson appelle « les héros de la moralité » du type de Socrate ou de Jésus. Elle obéit plus prosaïquement à la logique horizontale des intérêts.
 
 Ici il faut souligner qu'il est vain d'attendre des masses des conduites relevant de l'exception morale. Or la solution aux maux de l'humanité passe nécessairement par les masses. La vertu chrétienne et la vertu philosophique sont donc beaucoup trop difficiles et marginales pour être une solution politique aux problèmes que nous avons à résoudre.
 
 Il faut ensuite interroger la nature des ressorts de la construction supra nationale :
 
  •  La planétarisation des échanges, la mondialisation des rapports économiques telles que les hommes ont le sentiment d'être liés dans de larges solidarités exigeant des régulations internationales.
 
  •  Le développement des moyens de communication tels que la planète, grâce à l'avion, à la télévision, à l'internet apparaît de plus en plus comme un village.
 
  •  L'urgence des problèmes écologiques nécessitant des solutions mondiales et pas seulement nationales. Les pluies acides, le réchauffement climatique, le nuage de Tchernobyl ignorent les frontières politiques et concernent chacun en tant que citoyen du monde.
 
  • L'apprentissage des langues, la démocratisation de la culture, l'instruction ébranlant les constructions fantasmatiques de l'autre et promouvant la conscience de l'universalité humaine.
 
 
Ces réalités là, bien plus efficacement que les élans sublimes de la nature humaine semblent conduire les hommes à se civiliser. D'où la possibilité de nourrir un optimisme désenchanté. 
 
 

 

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27 Réponses à “Morale close, morale ouverte. Bergson.”

  1. DAVID dit :

    Bonjour,
    Votre site est super.
    Bergson ne soutient pas que la morale ouverte soit possible que par la médiation de Dieu ou de la raison. Votre argumentation est soutenue par l’idée fondamentale que l’ouverture est une irruption de « verticalité » dans le plan de nature. Je pense que son raisonnement est plus ambigu. Le mystique serait une incarnation de la transendance dans l’immanence.? Le mystique tiendrai alors lieu de la transendance de l’impératif kantien? Ou ne peut-on pas penser au contraire que l’ouverture est toujours une ouverture dans l’immanence sur la radicalité singulière et imprévisible de l’évenement. Cet évenement qui fait éclater la morale close.
    D’ou vient l’évenement? C’est cette question qui nous fait tomber dans les antinomies car elle pousse à la réferer à un transcendant qui excède le plan d’immanence.

  2. Simone MANON dit :

    La dimension mystique du bergsonisme n’est pas facile à interpréter. En fondant l’appel des héros de la moralité dans l’élan vital, il l’inscrit si vous voulez dans l’immanence. Mais enfin, l’élan créateur des héros et des saints, c’est Dieu lui-même saisi dans l’expérience mystique. Deux textes me paraissent significatifs sur ce point:
    « Les grands entraîneurs de l’humanité, qui ont forcé les barrières de la cité, semblent bien s’être replacés par là dans la direction de l’élan vital. Par l’intermédiaire de ces volontés géniales, l’élan de vie qui traverse la matière obtient de celle-ci, pour l’avenir de l’espèce, des promesses dont il ne pouvait même être question quand l’espèce se constituait, En allant de la solidarité sociale à la fraternité humaine, nous rompons donc avec une certaine nature, mais non pas avec toute nature, On pourrait dire, en détournant de leur sens les expressions spinozistes, que c’est pour revenir à la Nature naturante que nous nous détachons de la Nature naturée. » (Les deux sources de la morale et de la religion, 55.)
    « Les vrais mystiques s’ouvrent simplement au flot qui les envahit. Sûrs d’eux-mêmes, parce qu’ils sentent en eux quelque chose de meilleur qu’eux, ils se révèlent grands hommes d’action, à la surprise de ceux pour qui le mysticisme n’est que vision, transport, extase. Ce qu’ils ont laissé couler à l’intérieur d’eux-mêmes, c’est un flux descendant qui voudrait, à travers eux, gagner les autres hommes; le besoin de répandre autour d’eux ce qu’ils ont reçu, ils le ressentent comme un élan d’amour. Amour auquel chacun imprime la marque de sa personnalité. Amour qui est alors en chacun d’eux une émotion toute neuve, capable de transposer la vie humaine dans un autre ton. »
    (Ibid, 101.)

  3. DAVID dit :

    Vous pensez donc que le dieu bergsonien est extérieur, transcendant, transitif? Pourtant, il utilise l’expression spinoziste dans l’extrait que vous avez relevé. Ces extraits sont d’ailleurs parfaitement choisis.

  4. Simone MANON dit :

    Non. Le bergsonisme est une philosophie de la Vie, mais l’expression « flux descendant  » est intéressante.
    Mon explication ne suppose pas, comme la formule consacrée de l’épreuve le souligne, la connaissance de l’auteur. Dans l’extrait proposé aux élèves, il est question du message universaliste de deux formations de la culture: la philosophie et la religion monothéiste. Il est bien vrai que ces deux discours introduisent le principe d’une transcendance.

  5. DAVID dit :

    Je ne critiquai pas. Je voulais connaitre votre point de vue sur cette question car Bergson est amibigu. Il distingue « la source » de l' »élan ». Or, les mystiques retournent à la source elle-même. La lecture consacrée aujourd’hui est deleuzienne mais Deleuze ne developpe pas cette idée d’une participation à quelque chose de « pur ». Ce qui est de son aveu quelque chose de platonicien.

  6. Simone MANON dit :

    Je n’ai pas reçu votre propos comme une critique. Je vous expliquais seulement pourquoi j’ai parlé de transcendance. Quant à la vérité bergsonnienne, franchement je ne peux qu’exprimer ma perplexité à son sujet.

  7. Antoine dit :

    Merci pour votre site, très bien écrit et très instructif.

    J’ai une question concernant cet article :

    « L’apprentissage des langues, la démocratisation de la culture, l’instruction ébranlant les constructions fantasmatiques de l’autre et promouvant la conscience de l’universalité humaine. »

    Est-ce que ce n’est pas revenir sur l’argument de Bergson qui dit que l’on peut atteindre la morale ouverte par la Raison?

    Merci

  8. Simone MANON dit :

    Il faut éviter, Antoine, des lectures hâtives.
    1) L’expression »on peut atteindre la morale ouverte par la raison » n’a guère de sens.
    2) Bergson ne dit pas que la philosophie est une solution aux maux de l’humanité mais qu’elle a participé à l’effort civilisateur par un discours et une pratique ouvrant la conscience à la dimension de l’universel.
    3) Les idées énoncées dans la formule que vous relevez disent autre chose. Il ne faut pas tout mélanger.
    Bien à vous.

  9. Antoine dit :

    Bonjour,

    Merci pour votre réponse.

    Il me semble pourtant que Bergson explique en quoi la philosophie et la religion initient à une morale « ouverte » caractérisée par l’amour et le respect des autres êtres humains.

    Vous posez cette question à la suite du texte : « Est-il vrai que ce soit seulement en Dieu, ou en la Raison qu’on puisse promouvoir la société ouverte ? ». Est-ce que cela ne sous-entend pas que Bergson explique qu’on peut être porté vers la morale ouverte que par Dieu ou la Raison?

    Merci

  10. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Bergson est un penseur de l’élan vital et de la mystique.
    Ce texte est un extrait des Deux sources. On ne demande pas aux élèves de terminale de connaître la pensée de l’auteur aussi l’explication fait-elle l’impasse sur la substance du bergsonisme. Reste qu’il convient de restituer correctement les significations.
    Ce qui n’était pas le cas dans votre premier message.
    Ayez bien présent à l’esprit qu’on ne peut pas faire parler un auteur à partir de quelques lignes de son oeuvre.
    Quoiqu’il en soit les facteurs d’ouverture de la société close que je pointe ne sont pas dans le prolongement du message de Socrate.
    Bien à vous.

  11. Isaac Parienté dit :

    Madame
    Je ne decrirai pas l‘utilité et l‘efficacité de votre blog.
    C‘est parfait!
    Je n‘ai pas encore de commentaires a faire.
    Je voudrais juste savoir comment utiliser vos études dans un livre que je tente d‘écrire et qui se
    Propose de relier modernité, monotheisme et philosophie!
    Je n“ai pas de formation particulière sinon un vécu qui me laisse penser
    Que j‘ai qq chose a dire, une synthèse des influences subies par un juif formé par la
    Culture occidentale et française en terre d‘islam et qui a été obligé de quitter ces deux
    Pays -pour cause de judeité- pour atterrir en Israël composé de groupes clos pretendant
    Etre ouverts!!! Votre blog est une mine que souhaite pouvoir exploiter.
    Dites moi comment. Merci
    Isaac

  12. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Je ne comprends guère le sens de votre requête. Si exploiter veut dire être fécondé par les pensées des grands auteurs que je rends accessibles à un grand public, il n’y a pas de problème. Les penseurs ont toujours été formés par d’autres, puis vient un moment où leur génie leur permet de devenir eux-mêmes des auteurs. Je dois dire toutefois qu’une formation n’est pas une simple initiation, ce qui est l’enjeu de ce blog s’adressant d’abord à des élèves de classes terminales.
    Mais si exploiter veut dire plagier, paraphraser alors c’est évidemment dangereux car mon blog est protégé par droits d’auteur.
    Bien à vous.

  13. Isaac Pariente dit :

    Au contraire, votre réponse prouve que vous avez tout compris, le contraire étant impossible !
    Fécondé, c’est déjà en route…
    Il n’a jamais été ni ne sera jamais question de plagier !!! CIEL !
    Simplement dans quelles conditions citer certains des auteurs et des sujets que vous traitez en restant dans la légalité.
    et si je reprends une partie de certaines de vos interventions, vous nommer, bien entendu.
    Je vous ai interrogée pour justement rester dans le respect de vos droits d’auteur…
    Sinon mon courrier n’aurait aucun sens.
    puis-je par exemple reprendre une phrase ou un paragraphe en indiquant la source ?
    Merci et avec infiniment d’admiration pour le travail que vous faites
    HIP

  14. Simone MANON dit :

    Oui, vous le pouvez, il suffit de mettre des guillemets et de donner les coordonnées de mon site.
    Tous mes voeux de succès pour votre livre.
    Bien à vous.

  15. Isaac Pariente dit :

    Bonjour Madame,
    Merci pour votre prompte réponse et vos voeux.
    J’aurais des questions que je ne voudrais pas mettre en ligne pour le moment.
    Si vous permettez que je vous interroge pas courriel, pouvez vous me transmettre votre adresse mail? Vous avez mes coordonnées.
    Cordialement

  16. Simone MANON dit :

    Désolée Isaac, je ne communique pas par d’autre canal que ce blog.

  17. […] » Morale close, morale ouverte. Bergson […]

  18. Alexandre Panetto dit :

    Bonjour,
    je suppose que vous aviez donné ce texte à vos élèves : est-ce bien le cas ? et aviez-vous introduis à la philosophie de Bergson, du moins à la notion de morale chez lui ? Car, sans, ce texte me semble obscur et très difficile pour des terminales, non seulement parce qu’il est d’une portée très générale et qu’il nécessite une culture historique que les élèves ne mobilisent que rarement. Sans parler d’une certaine équivoque sur la thèse elle-même (surtout sans connaissance de l’auteur, m’enfin cela reste interprétatif). Bref, il ne me semble pas répondre à la consigne « pour expliquer le texte la doctrine de l’auteur n’est pas requise ». Vos élèves avaient-ils réussi l’explication ? Je m’interroge simplement sur le choix du texte, non l’explication pertinente que vous en faites.
    Cordialement.

  19. Alexandre Panetto dit :

    introduit…

  20. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Oui, mes élèves ont eu, à l’époque, à expliquer ce texte et il ne me semble pas que ce choix contrevienne à la règle selon laquelle la connaissance de la pensée de l’auteur n’est pas requise.
    Ils avaient eu préalablement un cours sur autrui et en particulier le cours mis en lien.
    Les lycéens ont tout de même une idée du message socratique ou christique, ils ont dû entendre parler des analyses de Levi-Strauss et si ce n’est pas le cas, la fonction des professeurs n’est-elle pas de leur donner accès aux messages fondateurs de notre civilisation et aux textes des grands auteurs?
    Pour chaque devoir, dissertation ou explication de texte, j’ai pour principe de donner aux élèves les prérequis sans lesquels ils ne pourraient pas réussir l’exercice mais ici, il ne m’a pas semblé nécessaire de faire un cours introductif au bergsonisme.
    Bien à vous.

  21. sylla saïd dit :

    Que recherche reellenent Henri Bergson en parlant d’une morale ouverte?

  22. Simone MANON dit :

    Bonjour
    1) Lorsqu’on demande un service à une personne, on ne se dispense pas de quelques formules de politesse élémentaires. C’est ce que vous devez commencer par apprendre.
    2) Quant à la réponse à votre question, il me semble qu’il vous suffit de lire sérieusement le commentaire pour vous en faire une idée.
    Bien à vous.

  23. sylla saïd dit :

    Bonsoir.
    Merci pour votre conseil.
    Vous savez le veritable ignorant c’est celui qui refuse son tort.

  24. Alexe dit :

    Bonjour,
    Premièrement, votre site est très intéressant.
    Deuxièmement, j’avais une question. Dans ma lecture j’ai cru apercevoir que Bergson faisais une distinction entre Société close, Morale close, Société ouverte et Morale ouverte. Je ne suis toute fois pas certaine de cette avancer. Je voulais savoir qu’est-ce que vous en pensiez? Il y aurait-il une distinction entre celles-ci ? Et si c’est le cas, qu’elle serait-elle?

  25. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Si vous n’avez pas compris ce qu’il faut entendre par société close et société ouverte avec l’explication qui en est donnée dans cet article, il ne faut vous en prendre qu’à vous-même.
    Bon travail.

  26. Emmanuel dit :

    bonjour madame,
    très heureux après la lecture de ce développement sur la morale de Bergson.
    Je suis en troisieme année de philosophie et je suis en train d’ecrire un mémoire qui a pour thème le fondement de la morale chez Henri bergson. j’ai pris comme ouvrage de base les deux sources. Je voudrai avec votre permission, que vous m’aidiez en ce qui concerne la portée de sa morale dans le vecu quotidien et l’interêt philosophique de sa pensée. Merci d’avance. Emmanuel.

  27. Simone MANON dit :

    Bonjour
    L’enjeu d’un mémoire est de permettre à un étudiant de réfléchir par lui-même.
    Il ne faut donc pas attendre de quelqu’un d’autre qu’il le fasse à votre place.
    Bon travail.

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