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Van Gogh. Une paire de chaussures. 1885. Musée Van Gogn d'Amsterdam.

 

  

   « Il y a dans la condition d'être conscient un perpétuel malaise. Au moment où je perçois une chose, j'éprouve qu'elle était déjà là avant moi, au-delà de mon champ de vision. Un horizon infini de choses à prendre entoure le petit nombre de celles que je peux prendre pour de bon. Un cri de locomotive dans la nuit, la salle de théâtre vide où je pénètre font apparaître, le temps d'un éclair, ces choses de toutes parts prêtes pour la perception, des spectacles donnés à personne, des ténèbres bourrées d'êtres.

Même les choses qui m'entourent me dépassent à condition que j'interrompe mon commerce habituel avec elles et que je les retrouve, en deçà du monde humain ou même vivant, sous leur aspect de choses naturelles. Un vieux veston posé sur une chaise dans le silence d'une maison de campagne, une fois la porte fermée sur les odeurs du maquis et les cris des oiseaux, si je le prends comme il se présente, ce sera déjà une énigme. Il est là, aveugle et borné, il ne sait pas qu'il y est, il se contente d'occuper ce morceau d'espace, mais il l'occupe comme jamais je ne pourrai occuper aucun lieu. II ne fuit pas de tous côtés comme une conscience, il demeure pesamment ce qu'il est, il est en soi. Chaque chose n'affirme son être qu'en me dépossédant du mien, et je sais toujours sourdement qu'il y a au monde autre chose que moi et mes spectacles. Mais d'ordinaire je ne retiens de ce savoir que ce qu'il faut pour me rassurer. Je remarque que la chose, après tout, a besoin de moi pour exister. Quand je découvre un paysage jusque-là caché par une colline, c'est alors seulement qu'il devient pleinement paysage et l'on ne peut pas concevoir ce que serait une chose sans l'imminence ou la possibilité de mon regard sur elle. Ce monde qui avait l'air d'être sans moi, de m'envelopper et de me dépasser, c'est moi qui le fais être. Je suis donc une conscience, une présence immédiate au monde, et il n'est rien qui puisse prétendre à être sans être pris de quelque façon dans le tissu de mon expérience. Je ne suis pas cette personne, ce visage, cet être fini, mais un pur témoin, sans lieu et sans âge, qui peut égaler en puissance l'infinité du  monde.

   C'est ainsi que l'on surmonte, ou plutôt que l'on sublime, l'expérience de l'Autre. Tant qu'il ne s'agit que des choses, nous nous sauvons facilement de la transcendance. Celle d'autrui est plus résistante. Car si autrui existe, s'il est lui aussi une conscience, je dois consentir à n'être pour lui qu'un objet fini, déterminé, visible en un certain lieu du monde. S'il est conscience, il faut que je cesse de l'être. Or, comment pourrais-je oublier cette attestation intime de mon existence, ce contact de moi avec moi, plus sûr qu'aucun témoignage extérieur et condition préalable pour tous? Nous essayons donc de mettre en sommeil l'inquiétante existence d'autrui ».

 Le roman et la métaphysique dans Sens et non sens. Gallimard. 1996. p.37.38.

 

 

    La thématique de ce texte n'est pas fondamentalement différente de celle du texte de Sartre précédemment présenté. Comme Sartre, Merleau-Ponty médite le statut de la conscience dans son rapport au monde mais il infléchit l'analyse dans le sens d'un approfondissement de la nature du malaise inhérent à ce qu'il appelle « la condition d'être conscient ».

   Nous sommes en effet au monde sous la modalité de la conscience et cela ne laisse pas d'être une source d'étonnement et de difficulté d'être. Car difficulté il y a. C'est ce que connote l'idée de malaise. En disant : « Il y a dans la condition d'être conscient un perpétuel malaise » le philosophe suggère que ce malaise n'est pas contingent. Il est constitutif de notre manière d'être (cf. la notion de condition) même si l'homme ne répugne pas aux stratégies d'esquive de cette expérience dérangeante.  Nul n'apprécie l'inconfort, l'inquiétude des moments où le mouvement de l'existence est en quelque sorte suspendu, où n'ayant plus l'aisance de ce qui va de soi, il se sent en butte à quelque chose qui l'angoisse ou du moins le met mal à l'aise.

   Qu'est-ce donc qui suscite ce malaise et quelle est la nature de celui-ci ? (Questions).

   Merleau-Ponty n'en nomme pas d'emblée le principe. Il s'attarde d'abord sur la description de notre expérience perceptive comme si sa dramaturgie, seule, pouvait rendre sensible ce qui est précisément de l'ordre de l'expérience sensible. Car la plus élémentaire des perceptions nous confronte à ce qui, sous forme plus ou moins furtive, nous inquiète. Elle nous fait découvrir que ce vers quoi la conscience transcende, la transcende en retour. Ce monde qu'elle dévoile par son intentionnalité la dépasse de toutes parts. Elle ne peut pas plus se dissoudre en lui qu'elle ne peut l'absorber en elle. Il est irréductiblement autre et voilà ce qui la déstabilise. Elle achoppe sur l'expérience de l'Autre mais si elle peut en esquiver l'inquiétante étrangeté lorsqu'il s'agit des choses, il n'en est pas de même avec la transcendance d'autrui. Celle-ci est plus résistante (thèse).

 

   La thèse est explicitée en deux parties.

 

   Dans la première, l'auteur décrit l'expérience perceptive des choses. Il montre que :

  • La plus anodine des perceptions me fait expérimenter la consistance d'un être n'ayant pas besoin du dévoilement que j'en opère pour avoir hors de moi une réalité. Ici c'est la reprise du thème sartrien explicité dans le cours précédent. « Au moment où je perçois une chose, j'éprouve qu'elle était déjà là avant moi, au-delà de mon champ de vision ». Soulignons l'importance du « au-delà ». Le mot connote l'idée de dépassement, de transcendance de l'être sur son apparaître pour une conscience. La perception implique bien une connivence entre moi et ce que je perçois puisque c'est de l'intérieur du monde que je le perçois  mais ce monde dont je suis est aussi ce qui subsiste sans moi. L'en soi n'a pas besoin du pour soi pour être.
  • Non seulement ma perception s'éprouve inessentielle quant à l'être de la chose dévoilée mais mon champ de vision n'épuise pas la totalité de l'être. Il s'arrache sur un fond qu'il fait disparaître ; pas suffisamment cependant pour en dissoudre la tenace présence. Celle-ci affleure dans son absence même. « Un horizon infini de choses à prendre entoure le petit nombre de celles que je peux prendre pour de bon ». L'opération perceptive se décline ici dans le registre de l'appropriation, de l'appréhension mais d'une appropriation limitée faisant surgir subrepticement hors d'elle ce qui échappe à sa prise, ce qui la déborde de toutes parts et reste disponible pour d'autres dévoilements possibles. Notons que cette transcendance de l'être renvoie en creux à l'expérience intersubjective. Le vide de la salle de théâtre, l'obscurité de la nuit bruissent de l'absence des autres, de tous ces points de vue possibles dont la présence absence confronte le sujet à sa solitude et à sa partialité. Le monde comme « horizon infini » ne se rappelle jamais mieux à moi que dans le surgissement insolite de possibles non réalisés. La manifestation de ces « spectacles donnés à personne » n'est pas confirmation de ma souveraineté perceptive  mais épreuve de mon insuffisance. La transcendance du monde est toujours déjà transcendance d'autrui.
  • Néanmoins cette transcendance du monde est d'ordinaire masquée par la familiarité du commerce avec lui. Voilà pourquoi l'analyse a d'abord évoqué le parasitage de la perception par ce qu'elle s'emploie à anéantir. Le cri de la locomotive dans la nuit, la salle de théâtre vide brisent l'expérience habituelle et font apparaître « le temps d'un éclair », ce qui d'ordinaire n'apparaît pas. De fait, les intérêts pragmatiques, les significations usuelles ont tôt fait de réduire les choses à ce qu'elles sont pour moi. Tout se passe comme si leur extériorité et leur étrangeté étaient en quelque sorte annulées dans l'appropriation que la conscience engluée dans le projet vital ou dans l'habitude en opère. Elles semblent vivre de la même vie que celle du vivant ou de l'humain. Elles ont perdu leur énigme c'est-à-dire leur part de mystère. Elles ne sont plus ce qui met en échec les requêtes de la conscience dont Hegel explique qu'elle est poussée par un besoin naturel à se retrouver dans son autre, à inscrire en lui ce qu'elle est intérieurement. Mais lorsque s'interrompt le commerce habituel avec les choses, la familiarité du monde se fracture et son caractère énigmatique surgit. Moments furtifs où la conscience cesse de s'aliéner dans ses spectacles et se rend présente à soi et au monde. Celui-ci se met à vivre d'une autre vie que celle de la conscience. Le vieux veston arraché à sa fonction, à la constellation des rapports lui conférant le sens d'un objet d'usage adapté à la ballade dans le maquis ou à la partie de chasse se leste tout à coup d'une présence insolite. Il s'offre dans la solitude métaphysique des objets, dans l'énigme d'un être auquel le pour soi est étranger puisque être pour soi, c'est précisément être impuissant à être sur le mode de l'en soi. Le veston est, il n'existe pas. Il ne se tient pas hors de soi (Ek-sistere), il est sous forme massive, aveugle, muette, déterminée. Il n'est pas comme la conscience que je suis, mouvement de fuite hors de soi, transcendance vers autre chose que lui, quelque chose qu'il n'est pas, qu'il fait apparaître mais lui résiste dans son dévoilement même. Ainsi « chaque chose n'affirme son être qu'en me dépossédant du mien ». Inquiétante présence des choses se présentant dans leur pur être là. Elles sont irréductiblement hors de moi quelle que soit la maîtrise que je prétends m'en assurer par la représentation. Elles incarnent une altérité radicale. Elles m'échappent, elles me repoussent, elles me transcendent. Il faut sans doute la singularité de l'expérience artistique pour rendre sensibles, dans cet objet indistinctement matériel et spirituel qu'est une œuvre d'art, les choses dans la pure énigme de leur présence, présence sans éloquence, présence nue du réel désertée par le sens, (idiote dirait Clément Rosset).  
  • Certes, remarque l'auteur, chacun sait « qu'il y a au monde autre chose que moi et mes spectacles », « mais d'ordinaire je ne retiens de ce savoir que ce qu'il faut pour me rassurer ». De fait, expert dans l'art de fuir ce qui le gêne, l'homme est prompt à neutraliser le face à face avec l'altérité en se confortant dans l'assurance que sans la conscience, les choses ne viendraient pas à l'existence. Elles se contenteraient de subsister dans l'inertie de l'en soi. La plénitude de leur être équivaudrait à un néant. Seule la capacité de décompresser l'être en introduisant en lui du néant peut le faire paraître. Sans conscience donc pas de dévoilement de l'être et cette certitude suffit à nous consoler de nos limites. Pire. Cette assurance en alimente d'autres, injustifiées cette fois car si nous nous examinons avec lucidité nous découvrons que nous ne sommes pas loin de nous croire un spectateur absolu de l'être, une sorte d'œil non situé dans le monde qu'il fait paraître. Exit l'inhérence spatiale, temporelle, l'opacité du vécu de l'existant. Il nourrit la prétention « d'égaler en puissance l'infinité du monde ». Tout se passe comme si, dans un rêve de souveraineté, il s'octroyait la position de surplomb, de transcendance qui est celle même de l'être dont il fait partie. «  C'est ainsi, dit l'auteur, que l'on surmonte, ou plutôt que l'on sublime l'expérience de l'Autre ». Formule riche de significations. La majuscule souligne que l'altérité en question n'est pas relative. C'est un absolu. Impossible de la réduire et l'on comprend que l'homme n'ait de cesse de dépasser ce qui le met en échec. Il « surmonte » cet obstacle en s'appropriant symboliquement le réel, en le configurant par son intentionnalité. Mais il prétend plus et c'est ce qu'indique l'idée de sublimation. On parle de sublimation lorsque s'opère une transformation radicale d'état. En science le processus désigne le passage de la matière de l'état solide à l'état gazeux. Par analogie, sublimer consiste ici à transformer imaginairement sa situation en l'idéalisant de telle sorte qu'elle en devient méconnaissable. « Je ne suis pas cette personne, ce visage, cet être fini, mais un pur témoin, sans lieu et sans âge, qui peut égaler en puissance l'infinité du monde ». Or quoi de plus vain que cette prétention ? Mais l'inertie du monde des objets se prête à ce fantasme. La conscience peut effectivement exercer une maîtrise symbolique sur ce qui l'entoure. Elle ne se heurte pas à une spontanéité la renvoyant au monde des choses auquel elle croit pouvoir échapper. Tout autre est l'expérience d'autrui. Il s'ensuit que si l'on peut aisément se sauver de la transcendance des choses, il n'en est pas de même avec celle d'autrui. 

 

 

  Ce thème fait l'objet de la deuxième partie de l'extrait proposé à l'explication. En réalité il n'est qu'introduit en guise de prélude à l'étude du roman de Simone de Beauvoir : L'Invitée.

   Il s'agit donc de comprendre que la transcendance d'autrui est plus résistante que celle des choses ainsi qu'en feront la douloureuse expérience les personnages du roman.

   Remarquons que Merleau-Ponty se donne la distinction phénoménologique entre la chose et autrui à titre de présupposé. Présupposé dont il élude la dimension problématique en recourant au conditionnel. « Si autrui existe » dit le texte, et cette condition est bien venue car il ne va pas de soi que l'on puisse « rendre compte de l'existence d'autrui  par un simple bilan des modes de son apparaître », aussi peut-on avec Ricœur « parler de déception à propos de la phénoménologie d'autrui »* Sympathie et respect dans A l'école de la phénoménologie. Vrin, p. 380.381.

   Quoi qu'il en soit, si autrui existe, c'en est fini de la souveraineté que la chose me laisse passivement exercer sur elle.

  • Car autrui est un sujet, une autre conscience et le propre d'un sujet est de dévoiler un monde d'objets. L'expérience de l'existence d'autrui m'expulse de ma position de transcendance et me fait exister comme un objet du monde, même si cet objet revêt pour lui une ambiguïté. Impossible en sa présence d'échapper à ma condition d'être situé dans le monde. Dans son regard j'existe dans la facticité qui est la mienne. J'ai une visibilité, une dimension finie, déterminée. Je ne peux plus entretenir l'illusion « d'égaler en puissance l'infinité du monde ». Je suis ramené à ma condition phénoménale, destitué de mon statut usurpé de sujet transcendantal. Le voyant devenu visible est réinscrit dans l'opacité des choses. Merleau-Ponty insiste surtout sur cette signification dans un style très sartrien. «  S'il est conscience, il faut que je cesse de l'être ». Cette proposition fait écho au propos de Sartre : « Autrui m'est présent partout comme ce par quoi je deviens objet » ou bien : « S'il y a un Autre, quel qu'il soit, où qu'il soit, quels que soient ses rapports avec moi, sans même qu'il agisse autrement sur moi que par le pur surgissement de son être, j'ai un dehors, j'ai une nature; ma chute originelle c'est l'existence de l'autre ». Autrui me met en question dans l'intuition que j'ai de ma propre existence comme sujet, intuition dont Merleau-Ponty souligne qu'elle est fondatrice du sentiment de mon identité et condition de toute expérience possible. Sa transcendance fait obstacle à la mienne en me mettant en demeure de me voir comme une autre conscience peut me voir. Non point qu'elle puisse m'empêcher de m'échapper de ma dimension d'objet mais autrui me rappelle que cette fuite n'est pas un mouvement acosmique. C'est un mouvement situé dans l'espace et dans le temps. Il s'opère à partir d'un corps par lequel le sujet est inséré d'une certaine manière dans le monde des objets. La présence d'autrui lestée elle-même de corporéité me réincarne par sa seule présence et résiste à l'objectivation que je peux en opérer. Il me dépasse, il me transcende et cette transcendance là fait de la résistance.
  • Elle en fait d'autant plus qu'elle est celle d'une spontanéité, d'une liberté, rebelle par sa nature même à l'appropriation que je pourrais être tenté d'en faire. Rebelle aussi à son instrumentalisation ou à son absorption en moi. Merleau-Ponty développe ce thème dans la suite de son texte. Il n'est pas interdit de l'anticiper même s'il est vrai qu'il n'est pas explicite dans l'extrait proposé.

 

 Conclusion :

   Etre pour un existant consiste à transcender vers les choses et vers les autres mais ni les unes ni les autres ne sont réductibles à ce qu'ils sont pour la conscience qui les dévoile. Ils ont une extériorité et une altérité irréductibles. Si l'inertie de l'en soi permet facilement de se sauver de sa transcendance, la spontanéité des pour soi nous y confronte brutalement. Mais même les choses nous la rappellent furtivement. D'où les stratégies d'esquive et aussi le malaise constitutif de la condition d'être conscient.

 

 

 

 

 *« Pourquoi parler de déception à propos de la phénoménologie d'autrui ? Parce qu'elle est une promesse qui ne pouvait être tenue.

   Son problème est de rendre compte de la coupure entre la manière dont une personne s'annonce et la manière dont une chose se montre ; il appartient à l'apparence de la personne de se donner non seulement comme la présence d'un être, donc comme une apparence ontique, mais, en outre, comme l'apparence d'un autre sujet, l'apparence de mon semblable.

   Pour rendre justice à cette double énigme de la subjectivité étrangère ET semblable, il faut briser ce qu'on peut appeler la dictature de la «représentation », de la Vorstellung, et accéder à la position absolue de l'existence d'autrui. Par la dictature de la « représentation », je désigne cette invitation subtile qui procède de la phénoménologie de la « chose », «de la Dingkonstitution, - cette invitation à ne plus saluer dans le monde que des significations purement présumées, des « unités de sens, comme dit Husserl, que je lance en avant de moi pour maîtriser le flux de silhouettes à quoi se réduit l'objet de ma perception, cet objet que j'appelle chose. La lutte contre le faux prestige de l'en-soi, contre le faux absolu de la chose, réussit trop bien à délester la  « chose » de présence. Car la présence, en dernier ressort, est le propre des personnes et ce sont elles qui confèrent de la présence aux choses même. Et cela de diverses manières : d'abord mon perçu est aussi aperçu comme perçu par autrui et la présence d'autrui qui regarde la même chose que moi irradie sa présence sur mon propre perçu ; mais autrui est non seulement celui qui regarde les mêmes choses dans le même monde, mais qui travaille aux mêmes œuvres et habite les mêmes séjours ; ainsi les choses sont non seulement lourdes du regard d'autrui, mais chargées de son labeur et imprégnées de cette présence subtile et diversement qualifiée que l'on respire dans une maison amicale, dans un bureau anonyme, devant un public hostile ou sur un champ de bataille.

   La présence des personnes est si entremêlée à l'apparence des choses que la conquête du pur apparaître des «profils» de choses présuppose bien plus que la suspension du prétendu en-soi de ces choses : la « suspension », l'épochè, de la présence d'autrui ; bien plus il faut poursuivre cette réduction non seulement dans les apparences, dans le flot de profils que déroule mon environnement vital, mais jusque dans la conscience sourde que je  prends de mon corps, comme centre de perspective et d'orientation, comme point zéro et comme ici, comme repère existentiel et comme puissance charnelle du présent vivant. » 

               Paul Ricoeur. Sympathie et respect dans A l'école de la phénoménologie. Vrin, p. 381.

 

 

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3 Réponses à “La transcendance d'autrui est plus résistante que celle des choses. Merleau-Ponty.”

  1. Maya dit :

    Bonsoir,

    je ne comprends pas bien ce que signifie « transcendant »; est-ce que ça caractérise quelque chose qui est au-delà, « supérieur » à tout le reste. C’est par définition une chose absolue, qui ne dépend pas de ce qui l’entoure ?
    Merci d’avance.
    Maya

  2. Simone MANON dit :

    Il faut vous munir d’un dictionnaire philosophique si vous voulez faire des études de philosophie. Je ne saurais vous en tenir lieu.
    Le mot transcendance est ici employé dans son sens phénoménologique.
    La conscience se caractérise par son intentionnalité, c’est-à-dire par sa capacité de se projeter vers autre chose qu’elle-même, de se dépasser vers quelque chose qui est extérieur à elle.
    Est donc transcendant, en ce sens, tout ce que vise la conscience, tout ce vers quoi elle se dépasse (le monde, autrui) tout en en restant distincte.
    Dans l’usage phénoménologique le mot ne connote aucune idée de supériorité.

  3. Maya dit :

    Merci pour votre réponse. Je possède un dictionnaire philosophique mais il y a souvent plusieurs définitions qui sont données pour une même notion, et parfois je ne suis pas sûre du sens qu’il faut utiliser en philosophie.

    PS: votre site est très bien fait et très utile, il m’aide à comprendre des subtilités que je n’avais pas saisi jusqu’alors! Merci pour cette aide précieuse, et bonne continuation.

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