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Lopold Infeld. 1898. 1968. info.fuw.edu.pl/~bartnik/hist.html 

 

 «  L'idée la plus simple que l'on puisse se faire de la naissance d'une science expérimentale est celle qui repose sur la méthode inductive Des faits isolés sont choisis et regroupés de manière à faire ressortir les régularités qui les relient. Et regroupant ensuite ces régularités, on en fait apparaître de nouvelles plus générales, jusqu'à obtenir un système plus ou moins unitaire capable de rendre compte de l'ensemble des faits donnés, de telle manière que, par une démarche inverse, purement intellectuelle, l'esprit puisse, à partir des dernières généralisations effectuées, retrouver à nouveau les faits isolés.

   Un regard même rapide sur ce qui s'est effectivement produit nous enseigne que les grands progrès de connaissance scientifique n'ont été que pour une faible part réalisés de cette manière Si le chercheur, en effet abordait les choses sans la moindre idée préconçue comment pourrait-il  dans l'incroyable complexité de tout ce qui fournit I'expérience isoler des faits bruts assez simples pour qu'apparaisse la loi à laquelle ils obéissent? [...]
 Les progrès véritablement importants réalisés dans notre connaissance de la nature sont nés d'une démarche presque diamétralement opposée a la démarche inductive Une compréhension intuitive de ce qui est essentiel dans un ensemble complexe de faits amène le chercheur à poser une ou plusieurs lois fondamentales à titre d'hypothèses. De cette loi fondamentale (système d axiomes) il tire ensuite les conséquences par une démarche purement logico-déductive et de façon aussi complète que possible ».
                                           Albert Einstein. Induction et déduction en physique.
 
«  C'est en réalité tout notre système de conjectures qui doit être prouvé ou réfuté par l'expérience. Aucune de ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique est remarquablement opérant. Nous pouvons néanmoins imaginer un autre système, basé sur des suppositions différentes, qui soit opérant au même degré.
   Les concepts physiques sont des créations libres de l'esprit humain et ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur. Dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d uns montre fermée. Il voit le cadran et les aiguilles en mouvement, il entend le tic-tac, mais il n'a aucun moyen d'ouvrir le boîtier. S'il est  ingénieux il pourra se former quelque image du mécanisme, qu'il rendra responsable de tout ce qu'il observe, mais il ne sera jamais sûr que son image soit la seule capable d'expliquer ses observations. Il ne sera jamais en état de comparer son image avec le mécanisme réel, et il ne peut même pas se représenter la possibilité ou la signification d'une telle comparaison. Mais le chercheur croit certainement qu'à mesure que ses connaissances s'accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera des domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles. Il pourra aussi croire à l'existence d'une limite idéale de la connaissance que l'esprit humain peut atteindre. Il pourra appeler cette limite idéale la vérité objective ».  
                                 Einstein et Infeld. L'Evolution des idées en physique. §1. (1938)
 
Thème : La méthode scientifique.
Question : Comment s'élabore le savoir scientifique ? Est-ce conformément à « l'idée la plus simple que l'on puisse s'en faire », à savoir la méthode inductiviste ? Comment ont été réalisés « les grands progrès de la connaissance scientifique » ?
Thèse : La conception étroitement inductiviste ou empiriste de la science est insoutenable pour plusieurs raisons :
 
-         Des raisons de fait : « Un regard même rapide sur ce qui s'est effectivement produit nous enseigne que les grands progrès de la connaissance scientifique n'ont été que pour une faible part réalisés de cette manière » dit le premier texte ; « Les concepts physiques [...] ne sont pas, comme on pourrait le croire, uniquement déterminés par le monde extérieur » dit le second. NB : Il convient de noter la réserve « pour une faible part » et « uniquement ». Nos auteurs ne disent pas que le savant ne procède jamais inductivement. C'est parfois le cas mais pour l'essentiel, la méthode est autre.
 
-         Des raisons de droit. « Si le chercheur, en effet, abordait les choses sans la moindre idée préconçue, comment pourrait-il dans l'incroyable complexité de tout ce que fournit l'expérience isoler des faits bruts assez simples pour qu'apparaisse la loi à laquelle ils obéissent » ? NB : Notons l'expression « fait brut ». Le fait brut est le fait donné dans la complexité confuse et muette de sa simple présence. Il se distingue du fait scientifique qui est le fait isolé, circonscrit, articulé à d'autres faits selon des rapports d'intelligibilité. Le fait scientifique n'est pas un pur observable, il se découpe dans le chaos des impressions sensibles sur fond d'un ensemble de connaissances permettant de l'identifier. Bref le fait scientifique est un fait construit.
 
 
   La réflexion de Einstein part de là. Si les conditions de l'observation du fait scientifique sont un dispositif conceptuel et expérimental, n'est-il pas erroné de prétendre que l'expérience précède la théorie et la fonde ? En réalité ne faut-il pas dire que la démarche du savant est hypothético-déductive et que c'est de manière intuitive qu'il pose les hypothèses, celles-ci correspondant à de libres inventions de l'esprit?
 
Explication détaillée :
 
   On croit communément que la méthode scientifique est la méthode inductive. Le schéma académique de la méthode expérimentale : observation des faits - invention d'une hypothèse - vérification de l'hypothèse, le laisse d'ailleurs penser.  La méthode scientifique consisterait à tirer une conclusion générale d'un inventaire le plus large possible de faits observés. Si tel était toujours le cas, la description empiriste de la connaissance serait pertinente car procéder inductivement consiste à partir de l'expérience et à fonder exclusivement sur elle les énoncés théoriques. La démarche du savant serait la suivante :
  • 1) Observation et enregistrement de faits.
  • 2) Analyse et classification des faits.
  • 3) Dérivation d'énoncés généraux par induction de ces faits.
  • 4) Contrôle supplémentaire de ces énoncés généraux.
 
   Einstein ne soutient pas que cette manière de procéder est absolument stérile. « Pour une faible part » on procède bien ainsi. On répertorie des faits, on note des régularités. Il arrive même qu'on fasse des expériences « pour voir » espérant ainsi trouver ce qu'on n'a pas cherché. Parfois une découverte naît d'un heureux hasard. Pensons à Roentgen (1845.1923. Prix Nobel de physique en 1901) découvrant par hasard en 1895, alors qu'il étudie les décharges électriques à travers les gaz que le tube de Crookes, mis au point pour étudier les rayons cathodiques, émet des rayons capables de traverser la matière et d'impressionner une plaque photographique. Il les baptise « rayons x » en raison de leur nature inconnue.
   Einstein veut simplement souligner les difficultés de la description empiriste de la connaissance. A la limite, veut-il faire comprendre, une recherche scientifique ainsi conçue ne pourrait jamais débuter.
 
   En effet, les faits sont en nombre infini. Quel fait faut-il enregistrer ? S'il s'agit de collectionner les faits, l'opération n'a pas de fin et à supposer que cela soit possible, une collection de faits ne saurait constituer une science. Celle-ci cherche à produire de l'intelligibilité, à mettre de l'ordre dans la multiplicité et la diversité des apparences. Or cela requiert des hypothèses de travail, des problèmes théoriques.
   Comment les corps tombent-ils, se demande Galilée. Quelles sont les causes du mouvement de la chute des corps, se demande Newton en imaginant qu'il y a identité entre ce qui se passe à la surface de la terre et au niveau des astres.
   C'est en fonction des questions que le savant pose au réel qu'il sélectionne les faits significatifs. Ce que Einstein appelle « un fait significatif » est donc le fait permettant à l'esprit d'éclairer le problème qu'il cherche à résoudre. Il observe ce qui confirme ou infirme l'idée préconçue ayant orienté ses recherches. Il n'y a donc de faits significatifs que par rapport à des hypothèses de travail. Par exemple, que la colonne de mercure diminue ou non en transportant la cuve à mercure au sommet d'une montagne est un fait significatif relativement à l'hypothèse de Torricelli ou de Pascal. Il ne suffit donc pas de regarder le réel pour voir apparaître le fait. La plupart du temps il faut forcer le réel à répondre aux questions que lui pose l'esprit en construisant un dispositif expérimental permettant de se donner une situation simplifiée, idéalisée, propice à l'identification du fait.
   Ex : Pour découvrir que la chute des corps est un mouvement uniformément accéléré (c'est-à-dire qui connaît un accroissement continu de vitesse), Galilée fait rouler ses billes sur un plan incliné et mesure minutieusement tous les paramètres de l'expérience.
   « En somme, la maxime selon laquelle on doit rassembler les données sans être guidé par une hypothèse antérieure sur les relations entre les faits que l'on étudie se détruit elle-même et personne ne la suit dans une recherche scientifique. En revanche, il est nécessaire de hasarder des hypothèses pour orienter une recherche. De telles hypothèses déterminent entre autres choses, quelles données doivent être recueillies à un certain moment dans une recherche » Hempel. Eléments d'épistémologie.
 
   L'erreur de l'empirisme est donc de méconnaître que l'observation et l'expérimentation scientifiques présupposent des idées dont le rôle est de guider le savant dans « l'incroyable complexité » du donné. Son erreur est de croire que la science est déposée dans le grand livre du réel qu'il suffirait de lire sans préjugé et sans a priori théoriques. En réalité, affirme Einstein, le principe permettant d'une part de repérer les faits, d'autre part de les rendre intelligibles n'est pas donné à l'observation. Il faut l'inventer et l'opération de l'esprit alors en œuvre est une intuition.
« Une compréhension intuitive de ce qui est essentiel dans un ensemble complexe de faits amène le chercheur à poser une ou plusieurs lois fondamentales à titre d'hypothèses. De cette loi fondamentale il tire ensuite les conséquences par une démarche purement logico déductive et de façon aussi complète que possible » écrit Einstein.
 
   Illustrons ce propos par ce texte où le grand physiologiste Claude Bernard (1813.1878) décrit sa propre démarche.
 
 «  On apporta un jour dans mon laboratoire des lapins venant du marché. On les plaça sur une table où ils urinèrent, et j'observai par hasard que leur urine était claire et acide. Ce fait me frappa, parce que les lapins ont ordinairement l'urine trouble et alcaline, en leur qualité d'herbivores, tandis que les carnivores, ainsi qu'on le sait, ont, au contraire, les urines claires et acides. Cette observation d'acidité de l'urine chez les lapins me fit venir la pensée que ces animaux devaient être dans la condition alimentaire des carnivores. Je supposai qu'ils n'avaient probablement pas mangé depuis longtemps et qu'ils se trouvaient ainsi transformés par l'abstinence en véritables animaux carnivores, vivant de leur propre sang. Rien n'était plus facile que de vérifier par l'expérience cette idée préconçue ou cette hypothèse. Je donnai à manger de l'herbe aux lapins, et quelques heures après leurs urines étaient devenues troubles et alcalines On soumit ensuite les mêmes lapins à l'abstinence, et après vingt-quatre ou trente-six heures au plus, leurs urines étaient redevenues claires et fortement acides; puis elles devenaient de nouveau alcalines en leur donnant de l'herbe, etc. Je répétai cette expérience si simple un grand nombre de fois sur les lapins, et toujours avec le même résultat. Je la répétai ensuite chez le cheval, animal herbivore, qui a également l'urine trouble et alcaline. Je trouvai que l'abstinence produit, comme chez le lapin, une prompte acidité de l'urine, avec un accroissement relativement très considérable de l'urée, au point qu'elle cristallise parfois spontanément dans l'urine refroidie, J'arrivai ainsi, à la suite de mes expériences, à cette proposition générale qui alors n'était pas connue, à savoir, qu'à jeun tous 1es animaux se nourrissent de viande, de sorte que les herbivores ont alors des urines semblables à celles des carnivores.
   Il s'agit ici d'un fait particulier bien simple qui permet de suivre facilement l'évolution du raisonnement expérimental Quand on voit un phénomène qu'on n'a pas l'habitude de voir, il faut toujours se demander à quoi il peut tenir, ou, autrement dit, quelle en est la cause prochaine; alors il se présente à l'esprit une réponse ou une idée qu'i s'agit de soumettre à l'expérience. En voyant l'urine acide chez les lapins, je me suis demandé instinctivement quelle pouvait en être la cause. L'idée expérimentale a consisté dans le rapprochement que mon esprit a fait spontanément entre 1'acidité de 1'urine chez le lapin, et l'état d'abstinence, que je considérai comme une vraie alimentation de  carnassier. Le raisonnement inductif que j'ai fait implicitement est le syllogisme suivant : les urines des carnivores sont acides; or, les lapins que j'ai sous les yeux ont des urines acides; donc ils sont carnivores, c'est-à-dire à jeun. C'est ce qu'il fallait établir par l'expérience.
   Mais pour prouver que mes lapins à jeun étaient bien des carnivores, il y avait une contre-épreuve à faire. Il fallait réaliser expérimentalement un lapin carnivore en le nourrissant avec de la viande, afin de voir si ses urines seraient alors claires, acides et relativement chargées d'urée comme pendant l'abstinence. C'est pourquoi je fis nourrir des lapins avec du boeuf bouilli froid (nourriture qu'ils mangent très bien quand on ne leur donne pas autre chose). Ma prévision fut encore vérifiée, et pendant toute la durée de cette alimentation animale, les lapins gardèrent des urines claires et acides.
   Pour achever mon expérience, je voulus en outre voir par l'autopsie de mes animaux si la digestion de la viande s'opérait chez un lapin comme chez un carnivore. Je trouvai, en effet, tous les phénomènes d'une très bonne digestion dans les réactions intestinales, et je constatai que tous les vaisseaux chylifères étaient gorgés d'un chyle très abondant, blanc, laiteux, comme chez les carnivores. Mais voici qu'à propos de ces autopsies, qui m'offrirent la confirmation de mes idées sur la digestion de la viande chez les lapins, il se présenta un fait auquel je n'avais nullement pensé et qui devint pour moi, comme on va le voir, le point de départ d'un nouveau travail ».
 Introduction à l'étude de la médecine expérimentale. 1865.
 
   Ce texte me semble intéressant parce qu'il s'agit de la naissance d'une science et que l'auteur fait expressément référence à une méthode inductive. Or que constatons-nous ? Que la proposition : « à jeun tous les animaux se nourrissent de viande », se donnant comme le résultat d'une démarche inductiviste, met en jeu dans sa découverte une opération de l'esprit qui n'est pas à strictement parler une induction.
   Certes, l'expérience est bien l'origine de l'activité intellectuelle de Claude Bernard. Il est étonné par la nature des urines des lapins qu'on vient de déposer sur sa table de son laboratoire. Il « observe par hasard » ce fait. Remarquons combien Pasteur a raison de dire que « le hasard ne favorise que les esprits préparés ». C'est son savoir de physiologiste que lui permet de repérer ce fait. Une cuisinière serait plutôt sensible au caractère charnu ou non du râble et des cuisses car sa préoccupation n'est pas le savoir mais la préparation d'un bon civet. Immédiatement l'esprit du savant est en alerte et il se demande quelle peut être la cause de ce fait.
   Comment découvre-t-il cette cause ? Est-ce en multipliant les observations et en induisant à partir d'elles un énoncé général ? Non, car que faut-il observer ? Quels sont les faits significatifs propres à faire apparaître la loi à laquelle ils obéissent ? Celle-ci n'est pas donnée à l'observation. Il faut d'abord en avoir une idée, il faut l'inventer et c'est cette idée préconçue qui va orienter l'expérimentation. « L'idée expérimentale a consisté dans le rapprochement que mon esprit a fait spontanément entre l'acidité de l'urine chez le lapin, et l'état d'abstinence que je considérais comme une vraie alimentation ».
   Avec les expressions : « spontanément », « il se présente à l'esprit une réponse ou une idée », « instinctivement », Claude Bernard souligne la spontanéité de la procédure mentale mise en œuvre. Le rapprochement opéré entre la nature des urines et l'état d'abstinence et entre l'abstinence et l'état de carnivore n'est pas offert par l'expérience, ce n'est pas non plus la conclusion d'un raisonnement ; c'est l'objet d'une intuition. Ce qui a rendu possible le raisonnement inductif implicite n'est pas une induction, c'est une intuition. Claude Bernard, par une  invention de l'esprit, fait une hypothèse et à partir de son hypothèse, il déduit un certain nombre de conséquences.
 
   Ce qui est vrai au niveau élémentaire de la découverte des lois expérimentales le sera encore plus au niveau du travail proprement théorique lorsqu'il s'agit de coordonner les lois et les faits expérimentaux dans un système théorique les hiérarchisant et les formalisant mathématiquement.
 
   Dans son Discours de réception à l'Académie des sciences de Prusse, Einstein insiste sur le rôle de l'intuition dans l'invention scientifique.
«  La méthode du théoricien implique qu'il utilise comme base dans toutes les hypothèses, ce qu'on appelle des principes, à partir desquels il peut déduire les conséquences. Son activité se divise donc essentiellement en deux parties. Il doit rechercher d'abord ces principes et ensuite développer les conséquences qui lui sont inhérentes. Pour l'exécution de ce second travail, il reçoit à l'école un outillage  excellent. Si donc la première des tâches est déjà accomplie dans un certain domaine et pour un certain ensemble de relations, il ne manquera pas de réussir par un travail et un raisonnement persévérants. Mais la première clef de ces tâches c'est-à-dire celle d'établir des principes qui serviront de base à sa déduction se présente de manière toute différente. Car il n'existe pas de méthode qu'on puisse apprendre ou systématiquement appliquer pour atteindre un objectif ».
 
 Conclusion : La manière dont s'élabore le savoir n'est pas sans incidence sur la question de la vérité scientifique. L'esprit du savant, venons-nous de comprendre, n'est pas un bureau d'enregistrement de faits donnés à une observation passive. La science met en ordre le réel selon des principes qui cherchent à se valider par l'expérience mais qu'il est difficile de dériver entièrement d'elle, étant donné leur caractère universel et nécessaire. Elle propose une image de la réalité qui ne peut pas être envisagée comme l'empreinte dans l'esprit d'un donné qui serait offert en dehors de ses initiatives dans une sorte d'innocence objective. Le réel scientifique est un réel construit et cette construction met en jeu des intuitions, « un saut dans l'imaginaire » (René Thom), une imagination créatrice par lesquels des propositions premières sont avancées, des variables imaginaires introduites.
   Sans doute la modélisation du réel doit-elle correspondre à des observations et doit-elle se soumettre à des tests de vérification mais, soulignent Einstein et Infeld,  des systèmes théoriques basés sur des suppositions différentes peuvent également satisfaire à ces exigences.
   « La théorie de la relativité générale a prouvé qu'il était possible, en s'éloignant énormément du schéma newtonien, d'expliquer le monde phénoménal et les faits de façon plus cohérente et plus complète que le schéma newtonien ne le permettait [...] Le caractère fictif des principes devient évident simplement pour la raison qu'on peut établir deux principes radicalement différents et qui pourtant concordent en grande partie avec l'expérience » écrit Einstein.
 
   C'est que, comme le texte le dit, « dans l'effort que nous faisons pour comprendre le monde, nous ressemblons quelque peu à l'homme qui essaie de comprendre le mécanisme d'une montre fermée [...] »
Nous construisons une image de ce mécanisme mais nous sommes dans l'impossibilité de mesurer avec exactitude l'adéquation de cette image avec le mécanisme réel car, tout en étant l'enjeu de tous nos efforts de connaissance, celui-ci est inaccessible dans ce qu'il est en soi, indépendamment de notre manière de le modéliser. 
   L'homme ne peut pas prendre le point de vue de Sirius par lequel il pourrait, ayant la connaissance du réel tel qu'il est en soi et celle de la représentation scientifique de ce réel, se prononcer sur leur correspondance exacte.
   Le réel n'existe pour lui que médiatisé par la connaissance qu'il en élabore. Mais tous ses efforts reposent sur la croyance « qu'à mesure que ses connaissances s'accroîtront, son image de la réalité deviendra de plus en plus simple et expliquera les domaines de plus en plus étendus de ses impressions sensibles ».
   Toute la recherche scientifique tend vers ce que nos auteurs appellent « la limite idéale de la connaissance », le nom de cette limite idéale étant « la vérité objective ».
La question se pose en dernière analyse de savoir ce qu'il faut entendre par là. Accord intersubjectif sur la réalité phénoménale ou adéquation de nos énoncés à ce qui est ? Option idéaliste ou option réaliste ? Le texte ne se prononce pas sur cette question.

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9 Réponses à “Comment s’élabore le savoir scientifique?”

  1. […] ailleurs: https://www.philolog.fr/comment-selabore-le-savoir-scientifique/ Publié par Caroline Sarroul le 15 mai 2011 dans Textes complémentaires Vous pouvez laisser une […]

  2. Orlina audrey dit :

    dite moi par rapport a ce texte de Einstein,comment pouvons degager l’interet philosophique tout en procedant a son etude ordonnee?par exemple

  3. Simone MANON dit :

    Il me semble que vous avez tout ce qu’il vous faut pour répondre à vos questions dans cet article. Nul ne peut faire l’effort de comprendre à votre place.
    Bien à vous.

  4. Orlina Audrey dit :

    MERCI mais je voulais plus d’explication.JUSTE SUR UNE PARTIE ALLANT de (l’idéee ….. obeissent)

  5. Simone MANON dit :

    Je ne peux que vous faire la même réponse.
    Si vous ne comprenez pas que le texte est expliqué, personne ne pourra le comprendre à votre place.
    Bon courage.

  6. […] » Comment s'élabore le savoir scientifique? « L'idée la plus simple que l'on puisse se faire de la naissance d'une science expérimentale est celle qui repose sur la méthode inductive Des faits isolés sont choisis et regroupés de manière à faire ressortir les régularités qui les relient. […]

  7. DIOMANDE dit :

    Très bonne rédaction, très bonne explication…

  8. Cid dit :

    Bonjour,
    Je voulais déjà vous remercier pour votre travail d’explication qui est rudement bien mené.
    Mais je voulais vous poser une question quand à savoir s’il y a une réelle distinction à faire entre la notion de <> et de <> ?
    Je vous remercie d’avance pour votre réponse !
    Cdlmt.

  9. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Comme les notions à distinguer ou non ne figurent pas dans votre message, je ne puis vous répondre.
    Bien à vous.

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