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chaines-esclaves

 

  Cf. Texte.  Cf. Explication.

 Platon nous apprend, dans l'allégorie de la caverne, que nous sommes prisonniers d'une demeure obscure, close et souterraine. La caverne, avons-nous vu dans le cours précédent, est la métaphore de l'ignorance, de la servitude, d'une vie indigne d'un être spirituel pour autant qu'il oublie les exigences de l'âme au profit des besoins et des intérêts sensibles.

 La question est donc de comprendre plus précisément la nature de ce qui le retient prisonnier, autrement dit de déchiffrer ce à quoi renvoie l'image des chaînes.

 
1)      Les pesanteurs de l'enfance.
 
 « Ils sont là depuis leur enfance » dit le texte. Platon dévoile ici la face négative de l'enfance. Elle ne s'y limite pas car l'enfance est aussi la capacité de s'émerveiller, de questionner et d'être curieux. Mais la faiblesse de l'enfant est de faire confiance aux réponses que les parents, les maîtres apportent à ses questions. Sa réceptivité exclut la remise en question des significations et des valeurs transmises avec le lait maternel. Il est déterminé à son insu à se représenter le réel, les conduites souhaitables conformément à la manière dont il est éduqué et s'il y a des éducations libérales, il s'en faut de beaucoup que ce soit l'éducation la plus communément donnée. On ne surmonte jamais totalement l'enfant en soi mais on peut se disposer courageusement à redresser les erreurs premières.
 Cf. Descartes : «  Et ainsi encore je pensais que, pour ce que nous avons tous été enfants avant que d'être hommes et qu'il nous a fallu longtemps être gouvernés par nos appétits et nos précepteurs, qui étaient souvent contraires les uns aux autres, et qui, ni les uns ni les autres ne nous conseillaient peut-être pas le meilleur, il est presque impossible que nos jugements soient si purs ni si solides qu'ils auraient été si nous avions eu l'usage entier de notre raison dès le point de notre naissance ; et que nous n'eussions été conduits que par elle » Descartes. Discours de la méthode, Deuxième Partie. 1637.
 
 
2)      Le conditionnement socioculturel.
 
 Si l'enfant est inscrit dans une famille qui le produit à son image, la famille est inscrite dans une société, celle-ci se caractérisant par une culture. On appelle ainsi, au sens sociologique ou ethnique, un ensemble de manières de penser, d'agir et de sentir propres à une collectivité donnée. L'humanité est éclatée en une multiplicité et une diversité de cultures, chacune ayant ses propres significations et son propre système de valeurs. Or tant que l'homme n'est pas en situation de prendre conscience du fait culturel et d'en interroger la nature, il le subit. Il reçoit par sa seule immersion en lui et par la langue qui en est le véhicule une vision du monde déterminant, à son insu, la totalité de ses représentations.
 Cf. « Un même homme, avec son même esprit, étant nourri dès son enfance entre des Français ou des Allemands, devient différent de ce qu'il serait s'il avait toujours vécu entre des Chinois ou des cannibales » remarque Descartes. Discours de la méthode. Deuxième partie.
 
 
3)      L'habitude.
 
  L'habitude est une manière d'être (manière d'agir ou de penser) acquise par répétition et confinant au mécanisme. Elle est tellement incorporée qu'elle détermine l'action ou la pensée et leur ôte toute capacité de se mettre en question et de s'étonner. Une âme habituée est une âme morte disait Péguy.
 « Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise pensée. C'est d'avoir une pensée toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une mauvaise âme et même de se faire une mauvaise âme. C'est d'avoir une âme toute faite. Il y a quelque chose de pire que d'avoir une âme même perverse. C'est d'avoir une âme habituée ». Charles Péguy. Œuvres en prose. 1909.1914.
 
4)      Le piège des impressions sensibles.
 
 Notre rapport au réel est médiatisé par les sens et ceux-ci nous renseignent sur ce que les choses sont dans leur rapport à notre équipement sensoriel, non sur ce qu'elles sont en vérité. Ex : Tous les jours nous voyons le soleil se lever et se coucher ; la science nous a appris que nous avons tort de nous fier aux informations sensorielles, elles peuvent nous induire en erreur. Cependant la tendance immédiate des hommes est de bâtir leurs savoirs en se fondant sur les impressions sensibles.
 
5)      La subversion de la raison par l'imagination.
 
 Il n'y a peut-être pas de pensée sans images or l'imagination n'est pas une faculté inoffensive. Malebranche l'appelle « la folle du logis » et Pascal l'accuse d'être une « maîtresse d'erreurs et de fausseté ». Elle est une puissance capable de circonvenir les sens, le cœur ou la raison en brouillant la frontière entre le réel et l'imaginaire. Il en est ainsi parce qu'en elle l'esprit ne s'exerce pas au service de la vérité et de la valeur, il s'exerce au service des diverses concupiscences oeuvrant dans la nature humaine. La représentation est donc soumise au principe du plaisir et à la jouissance immédiate du sensible. Par là, elle est une grande pourvoyeuse d'illusions. Mais sa force étant de rendre les hommes heureux même si c'est d'un bonheur inconsistant et vain, son hégémonie dans l'existence humaine est sans limite. Même celui qui s'efforce de raisonner avec rectitude, le philosophe, subit son empire. La raison a beau lui montrer qu'il ne risque rien sur sa planche solidement arrimée au-dessus du vide, l'imagination a tôt fait de prendre le dessus et de susciter le vertige. La raison a beau lui dire qu'il est en présence d'une grande âme, le bouton sur le nez  ou une quelconque disgrâce a tôt fait de dissiper le respect et d'initier le mépris ou la moquerie. Elle fait passer l'apparence des choses pour les choses elles-mêmes et sa puissance est telle que même si la raison peut dénoncer ses ruses, elle est sans force de conviction par rapport à ses séductions.
 
   Cf. « Imagination. C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autant plus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge. Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vrai et le faux.
   Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand droit de persuader les hommes. La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.
   Cette superbe puissance, ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, a établi dans l'homme une seconde nature. Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, ses pauvres; elle fait croire, douter, nier la raison; elle suspend les sens, elle les fait sentir; elle a ses fous et ses sages et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrement pleine et entière que la raison. Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudents ne se peuvent raisonnablement plaire. Ils regardent les gens avec empire; ils disputent avec hardiesse et confiance; les autres, avec crainte et défiance et cette gaieté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion des écoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature. Elle ne peut rendre sages les fous; mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrant de gloire, l'autre de honte.
   Qui dispense la réputation? qui donne le respect et la vénération aux personnes, aux ouvrages, aux lois, aux grands sinon cette faculté imaginante? Combien toutes les richesses de la terre insuffisantes sans son consentement!
   Ne diriez-vous pas que ce magistrat, dont la vieillesse vénérable impose le respect à tout un peuple, se gouverne par une raison pure et sublime, et qu'il juge des choses dans leur nature sans s'arrêter à ces vaines circonstances qui ne blessent que l'imagination des faibles? Voyez-le entrer dans un sermon, où il apporte un zèle tout dévot, renforçant la solidité de sa raison par l'ardeur de sa charité. Le voilà prêt à l'ouïr avec un respect exemplaire. Que le prédicateur vienne à paraître, que la nature lui ait donné une voix enrouée et un tour de visage bizarre, que son barbier l'ait mal rasé, si le hasard l'a encore barbouillé de surcroît, quelque grandes vérités qu'il annonce, je parie la perte de la gravité de notre sénateur.
   Le plus grand philosophe du monde, sur une planche plus large qu'il ne faut, s'il y a au-dessous un précipice, quoique sa raison le convainque de sa sûreté, son imagination prévaudra. Plusieurs n'en sauraient soutenir la pensée sans pâlir et suer [...] »
 Pensées. B 78
 
6)      La paresse et la lâcheté.
 
 Il est difficile de s'arracher au confort de l'enfance, à l'inertie de l'habitude ou aux prestiges des sens et de l'imagination. La conquête de la rectitude du raisonnement, de la majorité intellectuelle et morale requiert des efforts et suppose du courage. On comprend que peu d'hommes en assument le prix. Ceux-ci préfèrent d'ordinaire se complaire dans les faux savoirs qui ménagent leurs intérêts et leur tranquillité.
 Cf.  « Les Lumières, c'est la sortie de l'homme hors de l'état de tutelle dont il est lui-même responsable. L'état de tutelle est l'incapacité à se servir de son entendement sans la conduite d'un autre. On est soi-même responsable de cet état de tutelle quand la cause tient non pas à une insuffisance de l'entendement mais à une insuffisance de la résolution et du courage de s'en servir sans la conduite d'un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Voilà la devise des Lumières.
Paresse et lâcheté sont les causes qui font qu'un si grand nombre d'hommes, après que la nature les eut affranchis depuis longtemps d'une conduite étrangère (naturaliter maiorennes), restent cependant volontiers toute leur vie dans un état de tutelle; et qui font qu'il est si facile à d'autres de se poser comme leurs tuteurs.
 Il est si commode d'être sous tutelle. Si j'ai un livre qui a de l'entendement à ma place, un directeur de conscience qui a de la conscience à ma place, un médecin qui juge à ma place de mon régime alimentaire, etc., je n'ai alors pas moi-même à fournir d'efforts. II ne m'est pas nécessaire de penser dès lors que je peux payer; d'autres assumeront bien à ma place cette fastidieuse besogne ».  Kant. Qu'est-ce que les Lumières ? 1784.
 
7)      La toute puissance des besoins, des désirs, des intérêts et des passions.
 
 On peut s'interroger sur la question de savoir si l'esprit constitue en l'homme un ordre d'exigences désintéressées et autonomisables ; cette question sera d'ailleurs au cœur du débat opposant la philosophie à la sophistique. En revanche il n'est pas douteux que l'esprit commence par payer son tribut au fait que l'homme est un être sensible ayant des besoins, des intérêts matériels ou des désirs à satisfaire. Le danger est qu'il s'y limite et même que la capacité de jugement soit altérée par les déterminations physiologiques, psychologiques, économiques etc. de l'homme empirique. Prisonnier d'une particularité, obnubilé par un désir l'homme ne peut alors penser le vrai ou le bien selon l'ordre de la raison. Son esprit est privé de la liberté de poursuivre ses propres fins. Il est aliéné. Le corps est alors le tombeau de l'âme pour parler comme Platon.
 Cf.  « Je vais te le dire, repartit Socrate. Les amis de la science, dit-il, savent que, quand la philosophie a pris la direction de leur âme, elle était véritablement enchaînée et soudée à leur corps et forcée de considérer les réalités au travers des corps comme au travers des barreaux d'un cachot, au lieu de le faire seule et par elle-même, et qu'elle se vautrait dans une ignorance absolue. Et ce qu'il y a de terrible dans cet emprisonnement, la philosophie l'a fort bien vu, c'est qu'il est l'oeuvre du désir, en sorte que c'est le prisonnier lui-même qui contribue le plus à serrer ses liens. Les amis de la science savent, dis-je, que la philosophie, qui a pris leur âme en cet état, l'encourage doucement, s'efforce de la délivrer, en lui montrant que, dans l'étude des réalités, le témoignage des yeux est plein d'illusions, plein d'illusions aussi celui des oreilles et des autres sens, en l'engageant à se séparer d'eux, tant qu'elle n'est pas forcée d'en faire usage, en l'exhortant à se recueillir et à se concentrer en elle-même et à ne se fier qu'à elle même et à ce qu'elle a conçu elle-même par elle-même de chaque réalité en soi, et à croire qu'il n'y a rien de vrai dans ce qu'elle voit par d'autres moyens et qui varie suivant la variété des conditions où il se trouve puisque les choses de ce genre sont sensibles et visibles ; tandis que ce qu'elle voit par elle-même est intelligible et invisible.
- En conséquence, persuadée qu'il ne faut pas s'opposer à cette délivrance, l'âme du vrai philosophe se tient à l'écart des plaisirs, des passions, des chagrins, des craintes, autant qu'il lui est possible. Elle se rend compte en effet que, quand on est violemment agité par le plaisir, le chagrin, la crainte ou la passion, le mal qu'on en éprouve, parmi ceux auxquels on peut penser comme la maladie ou les dépenses qu'entraînent le passions, n'est pas aussi grand qu'on le croit, mais qu'elle est en proie au plus grand et au dernier des maux et qu'on n'y prête pas attention.
- Quel est ce mal, Socrate ? demanda Cébès.
- C'est que toute âme humaine, en proie à un plaisir ou à un chagrin violent, est forcée de croire que l'objet qui est la principale cause de ce qu'elle éprouve est très clair et très vrai, alors qu'il n'en est rien. Ces objets sont généralement des choses visibles, n'est-ce pas?
- Oui.
- Or n'est-ce pas quand elle est ainsi affectée que l'âme est le plus strictement enchaînée par le corps?
- Comment cela?

- Parce que chaque plaisir et chaque peine a pour ainsi dire un clou avec lequel il l'attache et la rive au corps, la rend semblable à lui et lui fait croire que ce que dit le corps est vrai ». Platon. Phédon 83a>83c.

 

Conclusion :
 
  Réfracté sur le mur des sens, de l'imagination, de la paresse, de la lâcheté, des désirs, des passions et des intérêts, le réel éclate en une multiplicité d'apparences (les ombres) aussi diverses que les manières de se projeter vers lui. Il n'est pas éclairé par la lumière naturelle, celle de l'esprit, symbolisée par le soleil mais par la lumière artificielle (conventionnelle) qui règne dans la caverne. Aussi est-il l'otage d'un contexte culturel, de situations d'intérêts, d'aveuglements passionnels et de ceux qui savent tirer les ficelles de la servitude dont ils sont, en grande partie, les artisans. Platon les appelle les « montreurs de marionnettes ».
 
   Il faut entendre par là les maîtres de la parole qui diffusent une image du réel sans inviter ceux auxquels ils s'adressent à se préoccuper de savoir si l'image est adéquate ou non à ce dont ils parlent.. Sont visés tous ceux qui, à un degré ou à un autre, sont des faiseurs d'opinion. L'homme politique, le prêtre, les parents, les maîtres, l'artiste et aujourd'hui, bien sûr, les médias. Le rapport aux significations et aux valeurs qu'ils engagent n'est pas un rapport critique. A la différence de Socrate, ils prétendent posséder un savoir qu'ils n'ont pas et ne sont pas des éveilleurs des esprits. Le sophiste incarne, pour Platon, le type même du montreur de marionnettes.

 

  La caverne et ses chaînes figurent donc un monde où l'on n'éclaire pas le réel avec les ressources d'un esprit libéré de ce qui, en nous et hors de nous, projette de l'ombre. La connaissance qu'on y professe n'est pas science mais opinion. La doxa reflète la confusion d'un monde sensible auquel Platon oppose le monde intelligible, celui qui doit être l'horizon d'un être porteur d'un esprit.
 

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17 Réponses à “Les chaînes des prisonniers de la caverne. Platon.”

  1. mamyp.a dit :

    j ai vu qu ici toutes les notions ont ete detailler.et j m s s8 rendn compt k c tres important d avwr soulever d importantes kestions .

  2. Necib dit :

    Bonsoir, je deviens jour après jour un lecteur assidu de vos compositions, et certaine un vocabulaire ou des notions abscons. Je me permets de vous les exposer afin si possible bien évidemment de m’y apporter une réponse.
    Dans cette article vous avez rédigé cela :

    « cependant la tendance immédiate des hommes est de bâtir le savoir en se fondant sur les impressions sensibles »

    De plus ces deux expressions sont assez difficile à comprendre pour moi, il existe pas sur internet de définition clair si ce n’est vous.

    Doxa
    l’Aune

    Une question Hors sujet je comprendrai si vous ne m’apportez pas de réponse.

    Quel est la place de la Religion dans la Philosophie ?

  3. Simone MANON dit :

    Je ne peux pas vous tenir lieu de dictionnaire. Il suffit de vous en acheter un. C’est un minimum quand on veut faire des études. Par ailleurs vous pouvez trouver des dédinitions sur internet:
    Ex pour aune: « 1.(Métrologie) Mesure ancienne équivalant à 1,188 mètre.
    Pour faire une saya ordinaire, il faut de douze à quatorze aunes de satin ; elle est doublée en florence ou en petite étoffe de coton très légère. — (Flora Tristan; Les Femmes de Lima, dans Revue de Paris, tome 32, 1836)
    2.(Par extension) Bâton de même longueur dont on se servait pour mesurer.
    Une aune étalonnée.
    3.(Figuré) La mesure d’une chose.
    A cette aune, il apparaît que le mouvement qui s’est mis en place en France à la fin des années 1990 a été beaucoup plus tardif que dans nombre d’autres pays. — (INSEE, Partage de la valeur ajoutée, partage des profits et écarts de rémunérations en France, mai 2009) »
    Il s’ensuit que l’expression: « à l’aune de » signifie: selon ce principe de mesure ou ce critère de jugement.

    Doxa est le mot grec (croyance) que nous traduisons par opinion. Le doxique renvoie ainsi à toutes les affirmations humaines non fondées sur un ordre de raison. On oppose la connaissance doxique ou sensible à la connaissance intelligible (science et philosophie).
    Est sensible toute connaissance élaborée à partir de l’impression que le réel fait en nous par la médiation de notre dimension sensible. Celle-ci comprend aussi bien notre équipement sensoriel que nos affects: sentiments, passions, désirs. Elle se caractérise par sa subjectivité, son extrême relativité. C’est pourquoi la connaissance sensible nous en apprend plus sur le sujet du discours que sur son objet. Elle nous permet de dire ce que les choses sont dans leur rapport à notre subjectivité, non ce que les choses sont objectivement.
    On commence à penser lorsque l’on essaie de s’affranchir de l’empire de cette part de nous-même sur l’exercice de l’esprit. D’où l’idée d’ascèse.
    Ex: Tant que la science a été piégée par la perception qui fait que nous voyons le soleil se lever et se coucher, elle s’est trompée.
    Ex: Tant qu’un sujet juge en étant piégé par ses affects, il confond le vrai avec ce qu’il lui plaît ou lui est utile de croire tel.

    La religion est pour la philosophie un objet de réflexion comme un autre. Comme le philosophe affronte la question: qu’est-ce que l’art? Qu’est-ce que connaître? Qu’est-ce que désirer? etc. Il pose la question: qu’est-ce que le fait religieux? En quoi consiste le sentiment religieux? Le discours religieux peut-il prétendre à la vérité? La croyance religieuse est-elle autre chose qu’une pure illusion? Etc.

  4. ludovic dit :

    Pour Guénon, la caverne est le centre, l’origine, le point de départ, indivisible, l’image de l’unité primordiale. 
    De la Grèce antique (Platon), à l’Extrême-Orient, elle est conçue comme l’image du monde, le lieu de la naissance et de l’initiation, parfois aussi symbolisant le cœur. En tant que lieu et centre, la caverne est considérée tantôt comme : un réceptacle d’énergie tellurique, ceci pour la caverne souterraine ; tantôt comme un lieu illuminé par rapport aux ténèbres de l’extérieur, car une initiation y a lieu et l’initiation, la seconde naissance, est une illumination. En effet, la caverne qui serait en même temps lieu de mort initiatique et un lieu de seconde naissance, donne accès à la fois aux niveaux souterrains et aux niveaux supraterrestres.
    Là s’effectue la communication avec les états supérieurs et inférieurs : elle devient donc le centre du monde, tous les états s’y reflétant. 

    Comme dans le souterrain se cache l’archétype de la matrice maternelle (regressus ad uterum), la grotte et la caverne, comme la matrice, symbolisent les origines, les renaissances.
    Dans le nouveau testament, la caverne se retrouve à plusieurs niveaux, celui de Marie et de Jésus.

  5. Simone MANON dit :

    Merci pour ces remarques.
    Bien à vous.

  6. aurélien ferenczi dit :

    Bonjour,
    Si je vous suis bien, l’imagination est d’autant plus puissante qu’elle répond à l’appel du désir. Par exemple, l’amoureux veut tellement être aimé qu’il croit l’être au point de ne plus faire la différence entre une franche parole de refus et la parole pudique d’une femme qui voudrait dissimuler son émoi. Il pense que la réalité est au-delà des apparences, qu’elle est porteuse d’un sens caché, qu’il revient à l’imagination de déceler. (C’est en ce sens, il me semble que vous dites que l’imagination brouille la frontière entre le réel et l’imaginaire.)
    Mais dans ce cas, c’est l’apparence dans sa crudité qu’on ne veut pas voir, et l’invisible qui devient la vérité (rêvée).
    Or, cette manière de refuser la réalité n’est-elle pas différente de la répulsion que nous inspire le visible, quand nous jugeons par exemple une personne à son style vestimentaire, ou à ses disgrâces physiques? Je repense à ce passage de la Recherche ou le narrateur ne peut pas se faire à l’idée que Bergotte ait un nez en tire bouchon. Je ne pense pas que Marcel prenne l’apparence (le nez) pour la chose même (l’artiste de talent), c’est plutôt que ce qu’il avait imaginé (un homme supérieur aux autres) est soudainement nié par ce que lui donne à voir la réalité (un homme imparfait). C’est l’inadéquation du talent et de la laideur qui, en créant la déception, suscite la moquerie ou le mépris. En ce sens, l’imagination est déçue et se venge, mais il n’est pas exclu que l’estime puisse ensuite être rétablie par l’habitude.
    Je récapitule.. Il y a l’imagination qui ne veut pas voir, et qui s’invente un monde de plaisir. Celle-ci nie les apparences (les faits). Et il y a l’imagination qui voit trop bien et qui ne peut faire que renoncer à ce qu’elle avait imaginé. Celle-là se heurte aux apparences (aux faits) et souffre de les accepter.
    Qu’en pensez-vous ?
    PS : J’ajoute une précision car vous risqueriez de ne pas comprendre mon raisonnement.
    Je veux dire que prendre ses désirs pour des réalités comme dans le 1er cas (prendre le désir d’être aimé pour l’amour réciproque) et prendre l’apparence pour la chose elle-même (en l’occurrence un vilain nez pour une vilaine personne), ce n’est pas la même chose.
    Dans les deux cas, l’imagination détourne de la raison ou la réduit au silence, très bien, mais dans le 1er cas l’image (l’indifférence de la femme aimée) n’est pas prise en compte, tandis que dans le 2ème cas (le vilain nez) l’image fait écran.

    Comment distinguer les bonnes des mauvaises images?
    Celles qui révèlent la vérité (l’évidence du visible, l’image poétique, l’image du peintre) des autres (les faux semblants, les illusions, les chimères)?

  7. Simone MANON dit :

    Bonjour
    J’ai effectivement de la peine à comprendre clairement votre propos.
    Le réel, c’est ce que l’on peut observer, constater, même si les sciences montrent combien ces opérations ne vont pas de soi et exigent un certain nombre de précautions.
    L’imaginaire, c’est ce qui n’a de réalité que pour l’esprit qui se le représente.
    Il y a une dialectique subtile entre le désir et l’imagination car si l’imagination est l’exercice de l’esprit au service des désirs, elle contribue en retour à alimenter le désir au point de le porter à un point d’incandescence comme on le voit dans le phénomène passionnel ou d’avoir des effets de réalité comme s’emploie à le montrer Rousseau. https://www.philolog.fr/malheur-a-qui-na-plus-rien-a-desirer-rousseau/
    On dit souvent que l’amour est aveugle. ce qui signifie simplement que l’amoureux ne voit pas l’être réel dans l’être aimé mais un être fantasmé, transformé par sa manière de se projeter vers lui. Il n’y a pas de sens ici, me semble-t-il, à dire qu’il distingue les apparences d’une réalité qui serait au-delà ou le visible de l’invisible. L’être aimé lui apparaît embelli par toutes les perfections qu’il cristallise sur lui; il le voit tel qu’il le transfigure par la magie de son imagination. Voyez la description que Stendhal fait du phénomène de la cristallisation.

    Dans votre deuxième exemple: il y a un hiatus entre la constatation, la perception d’une réalité (le nez en tire bouchon de Bergotte) et l’image fantasmée du personnage. Il me semble qu’il n’y a pas de sens à parler « d’imagination qui voit trop bien ». Le narrateur n’imagine pas la forme du nez de Bergotte, il la perçoit et cette perception suscite une déception car le réel est en défaut par rapport à l’imaginaire.
    Il n’y a pas de sens non plus à distinguer ici l’apparence et le réel car une réalité physique ( la forme d’un nez) est une chose, une réalité morale (le talent) en est une autre. La déception s’opère au niveau de la représentation physique (de ce qui apparaît, se donne à la perception). Il n’est pas question ici de prendre une vilaine apparence physique pour une vilaine personne morale. La beauté morale ne s’exhibe pas physiquement (Cf. la laideur de Socrate) mais il est vrai, comme le souligne Pascal, que le sensible peut faire écran à l’intelligible.
    Platon distinguait l’image portrait et l’image simulacre.
    Excepté dans l’art, conçu à la manière hégélienne comme l’apparence qui déchire les apparences et révèle l’essence, il faut bien voir que Platon distingue le sensible et l’intelligible et que le vrai ou le réel ne se saisit pas avec « les yeux du corps » mais avec « ceux de l’esprit » (pour parler métaphoriquement).
    Votre dernière question ouvre donc un autre champ de réflexion.
    Bien à vous.

  8. aurélien ferenczi dit :

    Merci pour ces distinctions, je reconnais avoir écrit l’esprit confus… C’est que je n’arrive pas à voir le rapport entre certains éléments, entre le principe de plaisir, le bonheur et l’histoire du vertige et du nez chez Pascal. Je vois bien que la raison n’est pas entendue dans les deux cas, mais le ressort de l’imagination n’est pas le même.

    Sur l’amour,
    ce n’est pas à la cristallisation que je pensais mais au délire qui nous incite à croire que le réel n’est pas tant ce qu’on perçoit que ce qui se dissimule derrière ce qu’on perçoit. Exemple en amour, une femme gifle un homme qui la courtise, il se persuade qu’elle s’efforce de lui résister. Dans ce cas de figure, ce qui relève de l’imagination c’est l’interprétation (erroné) à partir de ce que l’homme perçoit comme des signes, émis par l’être aimé.
    Ce n’est pas à Stendhal que je songeais mais à Clément Rosset, auteur du Principe de cruauté. Quand la réalité est trop difficile à accepter (la gifle), l’imaginaire devient un refuge. Mais dans ce cas, on ne peut pas dire que « l’apparence est prise pour la chose elle-même ». Car il n’y a rien au-delà de l’apparence. Evidemment, là on n’est plus chez Platon!

  9. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Sur le principe du plaisir: le propre du désir est d’aspirer à se satisfaire. Autrement dit, il est régi par le principe du plaisir. Dès lors que la pensée s’exerce à son service, elle produit des représentations propres à assurer cette satisfaction.
    Sur le bonheur: Nous désirons être heureux, aussi l’imagination qui est aux ordres du désir est-elle bien plus encline à nous rendre heureux que la raison dont le souci est la vérité, la lucidité. Dans le conflit qui les oppose, l’imagination a infiniment plus de force de persuasion.
    L’expérience du vertige illustre la subversion de la raison par l’imagination. Manière de reconnaître que le sensible a plus d’impact sur la psyché que l’intelligible. D’où l’erreur de ceux qui croient faire fi de cette vérité de la condition humaine. Ils sont condamnés à en être victimes. Je pense par exemple à ceux qui croient pouvoir porter certaines valeurs au mépris de la figuration sensible de celles-ci. Ex: supprimez les images symboliques, vous dévitalisez les significations qu’elles figurent. Supprimez les marques sensibles de l’autorité, vous la déstabilisez.
    Même si, à la manière nietzschéenne, on considère qu’il n’y a que des apparences, toutes ne se valent pas. Elles renseignent sur la volonté de puissance qui les fait surgir. https://www.philolog.fr/eloge-de-lapparence-nietzsche/
    Bien à vous.

  10. aurélien ferenczi dit :

    Merci de me faire des réponses si précises.
    Cordialement, Aurélien

  11. Pascal De Oliveira dit :

    Bonjour madame,
    J’ai passé beaucoup de temps cet été à lire et relire cette allégorie (ainsi que lire des articles ou visionner des vidéos sur le sujet car Internet est dorénavant un formidable outil qui nous permet d’accéder à de nombreuses conférences et cours), et j’ai été surpris car Platon ne nous fournit que bien peu d’informations sur ce que sont ces chaînes et les marionnettistes. Nous sommes donc obligés d’interpréter … exercice difficile …
    Parmi ces éléments qui nous empêchent de « regarder le soleil en face », il en est un dont on parle peu : notre propre cerveau. Bachelard a dit dans « La formation de l’esprit scientifique » : « Le cerveau est l’obstacle à la pensée scientifique. Il est un obstacle en ce sens qu’il est un coordonnateur de gestes et d’appétits. Il faut penser contre le cerveau. ». Je pense que Bachelard fait là allusion au fait que notre cerveau étant le produit de l’évolution, il est adapté à la survie mais pas forcément à la pensée rigoureuse. C’est une position proche de celle de la psychologie évolutionniste. L’évolution nous a doté de comportements réflexes, d’instincts et d’émotions certainement bien adaptés à une vie « sauvage » (pour faire court), mais aussi pleine d’a-prioris sur le monde qui nous entoure.
    Je me demande si en étant un obstacle à la pensée scientifique, notre cerveau n’est pas aussi un obstacle à la pensée philosophique. Bien entendu, nous sommes là devant un paradoxe puisque nous ne pouvons penser qu’avec notre cerveau. Il faut donc penser avec et contre. Mais n’est-ce pas là l’une de ces difficultés et de ces souffrances dont nous parle Platon à propos du prisonnier libéré et qui marche vers la lumière ? La première chaîne dont nous devons nous libérer et le premier marionnettiste que nous devons dénoncer, c’est une partie de nous même, peut-être celle à laquelle nous tenons le plus ! il me semble qu’ensuite les autres s’effondrent comme châteaux de sable, car notre propre imposture est dévoilée. Ce n’est qu’une fois que nous avons compris que, comme le dit Clément Rosset, nous nous fabriquons des doubles (c’est à dire que nous projetons nous-mêmes des ombres sur le mur de notre caverne intérieure), que nous sommes prêts à faire le chemin vers le réel.

    Qu’en pensez-vous ?

    Philosophiquement vôtre,
    Pascal

  12. Simone MANON dit :

    Bonjour
    On ne peut pas dire que Platon nous fournit peu d’informations sur ce que sont les chaînes et les montreurs de marionnettes. Toute son œuvre s’emploie à en expliciter les significations.
    En pointant le cerveau et les habitudes que l’évolution a sédimentées en lui, vous déclinez à votre manière le thème platonicien du corps tombeau de l’âme. Libérez l’œil de l’âme consiste en effet à l’affranchir de tout ce qui en nous projette de l’ombre. Bachelard a développé ce point avec l’idée des obstacles épistémologiques internes à l’exercice de l’esprit.
    Les habitudes mentales, les tendances premières de notre psyché, sont autant source d’un rapport imaginaire au réel que notre équipement physiologique ou nos conditionnements culturels etc. L’exercice critique a beaucoup à faire.
    Bien à vous.

  13. Pascal De Oliveira dit :

    Bonjour,
    Merci pour votre réponse, toujours stimulante pour l’esprit.
    Il y a toujours un point sur lequel je bute à propos de cette différence entre les hommes et les marionnettistes. Si ces derniers sont, par exemple, les sophistes, est-ce que cela veut dire qu’ils se sont libérés des chaînes (et donc d’un certain nombre de déterminants sociaux, éducatifs, etc) ?
    Je reconnais que je suis perturbé par cette histoire de marionnettes. De quoi parle-t-il exactement ? Je ne comprends pas la déconnexion totale que Platon établit entre le monde extérieur (le monde intelligible) et ce que nous regardons (le monde sensible) qui n’est plus que l’ombre d’un spectacle de marionnettes. Il me semble que j’aurais mieux compris si Platon avait dit que ce nous voyons est l’ombre du monde extérieur, c’est à dire que le monde sensible est l’ombre du monde intelligible. Par exemple, si je vois un arbre, je ne le vois pas tel qu’il est réellement, mais je suppose quand même qu’il existe un arbre réel et que ce que je vois n’est pas totalement déconnecté de cet arbre réel. Mais Platon introduit ce spectacle de marionnettes, qui marque une rupture totale entre les deux mondes (c’est à dire que l’arbre que je vois n’existe plus du tout, il est l’ombre d’une silhouette d’arbre animé par un marionnettiste), et je ne comprends pas pourquoi …

    J’espère que vous allez pouvoir éclairer ma caverne intérieure …

    Cordialement,
    Pascal
    PS: pour la question du cerveau, du corps et de l’âme, je développerai ce point dans une page plus appropriée

  14. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas deux mondes et qu’on pourrait sortir de l’un pour accéder à l’autre. Il n’y a qu’un réel mais il y a plusieurs manières de se projeter vers lui. Tant que nous l’appréhendons à travers les yeux du corps (pour parler métaphoriquement), c’est-à-dire tant que nous le saisissons à travers nos sens, notre imagination, notre langue, notre culture, etc. nous ne saisissons que des apparences dans la multiplicité, la diversité, la mobilité qui les caractérisent. Seuls les yeux de l’esprit permettent de dépasser ce chaos sensible, pour identifier une réalité une, identique à elle-même, éternelle. Cette réalité est celle des Formes ou Idées qui n’ont pas de dimension sensible mais qui seules permettent de comprendre le donné sensible.
    Ainsi si nous n’établissions pas un rapport entre la multiplicité sensible des lits et l’essence du lit, nous ne pourrions pas prononcer ce jugement : « ceci est un lit ». L’Idée remplit chez Platon une fonction d’unité et d’identité. Elle constitue un noyau stable de signification dont il s’agit de fixer les contours, tâche de la définition. Elle a une structure étrangère à la mobilité du sensible. Elle ne peut être tantôt ceci, tantôt cela, elle n’admet aucun changement demeurant une et identique à elle-même.
    Voilà pourquoi le dualisme du sensible et de l’intelligible a d’abord un sens épistémologique même si chez Platon il a aussi un sens ontologique dans la mesure où il soutient l’idée d’un réalisme des Idées. Seul l’intelligible a une réalité. Les apparences ne sont que des reflets de l’intelligible et elles tiennent leur peu de réalité de leur PARTICIPATION à l’intelligible. Si ce n’était pas le cas, l’esprit ne pourrait rien identifier en elles et elles n’auraient pas cette fonction de réminiscence que Platon leur reconnaît.
    Ex : les apparences de la beauté permettent à l’esprit de se souvenir de l’Idée du beau dont elles participent et de remonter vers elle par un mouvement dialectique. Idem pour les apparences de l’Idée d’égalité, de proportion, de lit, etc.

    Pour ce qui est des montreurs de marionnettes : voyez bien que notre rapport au réel est médiatisé par le langage et que les maîtres des représentations sont nécessairement les maîtres de la parole dans une cité donnée.
    Ex : Votre représentation du réel a été fabriquée par votre langue maternelle, vos parents, vos professeurs, les médias que vous lisez, les politiques qui ont vos sympathies etc. Sauf exception (et cela s’appelle le cynisme) les uns et les autres n’ont pas conscience d’être des montreurs de marionnettes. Ils croient fermement que ce qu’ils disent est vrai. Ils participent des aveuglements qu’ils contribuent à répandre chez les autres. Ce sont des sophistes au sens large. Ils s’imaginent posséder un savoir qu’ils n’ont pas et ils abusent les autres autant qu’ils sont abusés eux-mêmes.

    Bien à vous.

  15. Pascal De Oliveira dit :

    Bonjour,
    Merci pour tous ces éclaircissements.
    Cordialement,
    Pascal

  16. Francis Candylaftis dit :

    Bonjour et Meilleurs voeux pour cette nouvelle année.

    Je me rattache à votre réponse du 9 août 2016 à Pascal de Oliveira.
    Comme notre rapport au réel est médiatisé par le langage, conventionnel par définition, comment Platon suggère-t-il (s’il a abordé cette question dans un des ses dialogues) de se libérer de cette chaîne? Les « yeux de l’esprit » peuvent-ils se passer du langage, peuvent-ils utiliser une autre voie pour arriver aux idées, si la foi, l’imagination, les sens ont déjà été écartés?
    On peut essayer d’avoir une analyse, un regard critique, sur le discours pour éviter les écueils du sophisme, mais comment penser tout en se défiant du langage?

    Merci, bien cordialement,

  17. Simone MANON dit :

    Bonjour
    On ne peut pas penser sans langage mais ce qui distingue la langue mathématique ou scientifique de la langue commune, c’est qu’à la différence de la langue commune dont les pesanteurs idéologiques et les ambiguïtés sont sources de confusion, l’arbitraire dont la langue mathématique ou la langue scientifique ne sont pas exemptes est celui de notre raison commune.
    Le philosophe aussi s’efforce de ne pas être piégé par les langues naturelles, d’interroger le sens des mots afin de leur redonner un sens capable de « plaire eux Dieux » disait Platon, c’est-à-dire d’honorer l’exigence de vérité. « Qui n’a pas encore réfléchi sur le langage, disait Alain, n’a pas commencé à philosopher »
    C’est toute la différence entre une pratique philosophique de la parole et la pratique commune qui est en grande partie une pratique sophistique. https://www.philolog.fr/quelle-pratique-de-la-parole-implique-lesprit-philosophique/
    Bien à vous.

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