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La caverne. Platon.

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caverne12

 
 
 
 Cf. Texte.  Cf. Explication.
 
  Il ne va pas de soi de faire entendre ce que Platon signifie par la célèbre image de la caverne et dès qu'il s'agit de prendre au sérieux la signification, les résistances se font jour.

  Nulle évidence en effet dans cette manière d'opposer un monde d'obscurité et un monde de lumière, tant chacun sait bien qu'il n'y a qu'un monde et que c'est dans celui-ci que nous avons à vivre.

    Mais il est clair qu'il y a différentes manières de l'habiter. La distinction de l'ombre et de la clarté, de l'apparence et de l'essence ne se joue pas hors de nous, dans ce qui s'imposerait comme une donnée ontologique. Elle se joue en nous dans la manière de nous projeter vers les choses. De sorte que lorsque Kant ramène les grandes questions de la philosophie : que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m'est-il permis d'espérer ? à la question : qu'est-ce que l'homme ? il a lui aussi le mérite de revenir au centre c'est-à-dire à l'être par lequel la question de l'être peut être posée.

 

 
  Car il n'y a pour nous de réel que de réel représenté. Ce n'est pas un hasard si le même mot  « représentation » désigne aussi bien la représentation mentale que la représentation théâtrale ou cinématographique. Nous sommes au monde comme au spectacle mais d'ordinaire nous l'ignorons.
 
 Le génie de Platon est d'inventer le cinéma vingt quatre siècles avant son apparition mais ce cinéma, ce n'est pas celui auquel nous nous rendons de temps en temps pour nous distraire, c'est celui qui définit notre condition. Car la salle de projection avec sa lumière artificielle, les images projetées sur l'écran, les montreurs de marionnettes aux commandes dans les coulisses, le spectateur jouet des manipulations qu'il méconnaît, c'est très exactement le rapport immédiat de l'homme au réel.
 
  L'allégorie de la caverne vend la mèche. Elle nous affranchit de notre naïveté en permettant au spectateur inconscient que chacun commence à être de se donner, une bonne fois pour toutes, le spectacle de sa condition de  spectateur et du réel comme objet de spectacle. Sauf que la notion de spectacle n'est plus tout à fait pertinente car celui-ci n'est pas visible avec les yeux du corps. Le philosophe n'est pas un artiste encore que cela se discute. Rendre visible pour lui, ce n'est pas faire voir au moyen d'images, c'est rendre intelligible au moyen d'idées et cela n'est pas chose facile car celles-ci ne sont visibles qu'aux yeux de l'âme et nul ne sait vraiment ce qui promeut l'acuité de ces derniers. Si on le savait, on serait tous d'excellents éducateurs mais j'avoue n'être pas sortie de l'ombre sur ce point et si l'allégorie éclaire un peu les données du problème, elle ne permet pas tout à fait de comprendre pourquoi cet œil de l'âme se libère chez certains et restent décidément obscurci chez d'autres. En tout cas, Platon n'ignore pas la difficulté si bien qu'après avoir explicité les significations sous la forme austère de l'abstraction spéculative, il y revient en mobilisant les ressources du symbolisme pour les rendre accessibles.
 
 Mais une allégorie est une figure symbolique complexe et seul un travail minutieux de déchiffrement peut reconstituer les significations.
 

   La première image est donc celle d'une caverne

 
  • Métaphore de l'ignorance tant nous sommes habitués à utiliser le registre de la vision pour figurer celui de l'intellection. Une caverne est un espace obscur et dans l'obscurité on ne discerne pas clairement les choses.

PB : Mais enfin, rétorquera-t-on, cette accusation d'ignorance vaut pour un monde d'analphabètes. Ne vivons-nous pas dans un siècle éclairé et tous les enfants de France ne passent-ils pas par l'école obligatoire ? Certes... Et pourtant Platon, disait qu'il y a une manière d'aller au vrai en songe, il pensait aux mathématiques et à ce que nous appelons les sciences aujourd'hui, et même qu'il y a des opinions vraies. Qu'est-ce donc que la science et pourquoi tant qu'on n'a pas interrogé la nature des discours, leurs présupposés et leurs limites, est-on fondé à parler d'ignorance ?

   
  • La caverne est aussi un espace clos or notre première expérience de la liberté est celle de la liberté de mouvement. Elle est donc la métaphore de la servitude ou de l'aliénation. Là encore la signification étonne. Ne vivons-nous pas dans un monde ayant institué la liberté dans le rapport politique et se préoccupant de libérer les jeunes des chaînes de l'ignorance ?
 

 PB: Que veut dire Platon lorsqu'il pointe une servitude constitutive de la condition humaine dans sa spontanéité ? Il faudra comprendre ce à quoi renvoie l'image des chaînes pour s'en faire une idée précise.

   
  • Mais la caverne, c'est aussi une demeure souterraine. Dans l'imaginaire grec, le souterrain est la demeure d'Hadès, le monde des morts. Est-ce à dire que notre vie qui se croit bien vivante l'est moins qu'il n'y paraît ? C'est bien ce que figure la caverne. Métaphore d'une vie qui est une forme de non-vie en comparaison de la vraie vie ouverte par l'éveil philosophique, la signification se fait ici énigme. « Qui sait si vivre n'est pas mourir et si mourir n'est pas vivre » demande Socrate en citant les vers d'Euripide. Platon. Gorgias.492a. La révélation  philosophique semble avoir ici les accents de l'intuition poétique ("la vraie vie est absente" affirme Rimbaud) ou de l'intuition religieuse (il faut mourir au péché pour échapper à la mort  enseigne le christianisme).
 

 PB: Que peut donc bien signifier l'idée qu'il faut mourir à cette mort qu'est la vie selon la loi de la caverne pour vivre vraiment ? S'il est vrai que : « philosopher c'est apprendre à mourir », quel est le véritable sens de cette formule?

 
  La suite du Gorgias donne des indications. «  Tu sais, en réalité, nous sommes morts. Je l'ai entendu dire par des hommes qui s'y connaissent : ils soutiennent qu'à présent, nous sommes morts, que notre corps est un tombeau et qu'il existe un lieu dans l'âme, là où sont nos passions, un lieu ainsi fait qu'il se laisse influencer et ballotter d'un côté et de l'autre ».Ibid, 493a. Nouvel élément de compréhension.
 
  • La caverne est la métaphore du corps et le corps est le tombeau de l'âme. Parenté du sôma (le corps) et du séma (le tombeau). L'idée est sans doute d'origine pythagoricienne et demande un traitement prudent. Il ne faut jamais oublier qu'il s'agit de métaphores et qu'à les interpréter littéralement, on manque le sens philosophique. Là encore l'approfondissement de l'idée des chaînes doit permettre d'éviter les idées simplistes. Pas plus qu'il n'y a un monde de la caverne et un autre monde pour lequel on pourrait prendre son billet, il n'y a d'un côté l'âme et de l'autre le corps. L'homme est un mais il est vrai que ses élans ne semblent pas avoir leur source dans des instances homogènes. Il se vit comme un terrain où s'affrontent le haut et le bas, le supérieur et l'inférieur. Immanent au monde de la matière, de la terre par son corps, il se dresse vers le ciel et sent bien que les exigences de l'esprit le rattachent davantage à la transcendance. Il expérimente dans l'étonnement et le malaise son statut d'être ambigu, déchiré entre des postulations contradictoires. Amoureux de la beauté, de l'ordre et de l'harmonie, il se sent laid, chaotique et dissonant. Il est désir, tension entre la pauvreté qu'il est et la richesse qu'il aime. Il est bien atopos (Topos : lieu. A : privatif). Comme Socrate. Sans lieu. Ni tout à fait de la terre, ni tout à fait du ciel. Ni bête, ni Dieu, homme simplement, c'est-à-dire tout sauf quelque chose de simple, d'apaisé, de satisfait de soi.
 
  Grandeur et misère de celui qui refuse d'être un animal, qui est travaillé par l'idée de la perfection divine mais qui en est expulsé. La caverne c'est l'oubli de cette inquiétude dans la somnolence d'une prison où l'homme essentiel ne peut pas se sentir chez lui. 
 
   Le poète Novalis disait en ce sens que « la philosophie est proprement la nostalgie-aspiration à être partout chez soi ».  Impossible, en effet d'être chez soi dans un monde où les exigences de l'esprit sont sans cesse sacrifiées à des besoins et à des intérêts qui, pour avoir leur importance, n'épuisent pas l'horizon d'une vie proprement humaine.
 

 

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39 Réponses à “La caverne. Platon.”

  1. sean raudby dit :

    j’aurais souhaité télécharger le livre pour m’faire ma propre opinion

  2. Simone MANON dit :

    Je ne comprends pas clairement le sens de votre message.

  3. […] qui est à la manœuvre, il y a, par une mise en abyme qui n’est pas sans parenté avec la Caverne de Platon, du montreur de marionnettes – mais il (elle) ne recueillera en fin de compte que des […]

  4. Sylvain Bouda dit :

    j’aimerais vous demander si possible de m’expliquer l’éssentiel du mythe de la caverne, le message qui en découle et aussi son importance. d’avance merci!

  5. Simone MANON dit :

    D’abord c’est une allégorie et non un mythe, ensuite son explication est en ligne. Il vous suffit de faire l’effort de comprendre ce qui est expliqué.

  6. Araen dit :

    Génial. Sincèrement. Je suis toujours époustouflé (sans savoir si cela vient de vous ou de la pratique de la philosophie) par cette capacité à énoncer des vérités fascinantes auprès desquelles on aurait pu passer sans jamais les savourer. Enfin, merci.

  7. Simone MANON dit :

    Merci pour ce sympathique message

  8. Velluet dit :

    Bonjour,
    je vous remercie grandement pour ces explications elle m’ont ete grandement utiles pour comprendre tous les aspects de l’allegorie de la caverne.
    Merci encore

  9. Simone MANON dit :

    Merci pour ce message. Mais je dois préciser qu’il ne faut pas dire « tous les aspects » de l’allégorie car mon explication est loin d’être exhaustive.
    Bien à vous.

  10. Camille dit :

    Bonjour,
    Je n’arrive pas à comprendre qui sont les montreurs de marionnettes. Ils ne sont peut être pas enchaînés mais ils restent prisonnier de la caverne. Je ne trouve pas leur rôle dans notre société actuelle. Pourriez-vous m’aider s’il vous plaît ?
    Camille.

  11. Simone MANON dit :

    Il vous suffit Camille de vous donner la peine de lire les articles explicatifs de cette allégorie pour avoir la réponse à votre question. Vous avez tout ce qu’il faut sur ce blog. Encore faut-il l’exploiter.
    Bonne lecture, en particulier de l’explicitation du sens de l’image des chaînes.

  12. Bruno Alligorides dit :

    Bonjour madame,
    en relisant le livre VII de la République j’ai été frappé par un détail de la mise en scène voulue par Platon : dans l’allégorie on répète à l’envi que la situation initiale des hommes dans la caverne est misérable tant qu’ils n’ont pas pris conscience de leur aveuglement ou plus exactement tant qu’on ne les a pas forcés à convertir leur regard.
    Platon dans la troisième partie du texte précise quelque chose qu’il avait volontairement tu dans la situation initiale et il le fait sous la forme de souvenirs hypothétiques qui reviendraient à l’esprit de « l’homme libéré » quand il prend en pitié ses anciens compagnons de captivité :
    « (…) il les prendrait en pitié ?
    – certes , si.
    – Quant aux honneurs et aux louanges qu’ils pouvaient alors se donner les uns aux autres et aux récompenses accordées (…) penses-tu que notre homme en aurait envie et jalouserait ces prisonniers en possession des honneurs et de la puissance ».
    Ce passage que j’avais complètement oublié (les honneurs et la puissance) me fait supposer que la caverne est surtout une métaphore de la démocratie où l’on peut être heureux d’un sort misérable et où surtout , il est possible de prendre le pouvoir. En accordant aux prisonniers un bonheur grotesque et illusoire ( dans sa forme allégorique deviner quelle ombre va apparaître , quel son va être entendu) le démocrate administre la caverne en donnant en quelque sorte « du pain et des jeux ». L’homme démocratique émerveillé par le démagogue et par son conseiller en communication (le sophiste) n’a par conséquent aucune raison de briser ses chaînes , de surmonter son égoïsme en s’échappant de la tyrannie du corps.
    Or le philosophe libère le premier prisonnier en le violentant , il le force à regarder les Idées mais dans quel but ? Par charité en lui montrant qu’il peut penser par lui-même ? Ou est-ce pour qu’il rééduque ses compagnons et par conséquent pour qu’à son tour il les domine ? Il me semble que le philosophe-roi ne peut que les dominer et même les tyranniser puisque les prisonniers chercheront d’abord à tuer celui qui veut les aider.

  13. Simone MANON dit :

    Bonjour Bruno
    La caverne est la métaphore d’une cité dont les discours dominants, les institutions, le statut des uns et des autres sont fondés sur un rapport illusoire au réel. Il peut s’agir aussi bien de la cité démocratique que d’une autre dès lors qu’il ne s’agit pas de la cité ordonnée sur la vision de l’intelligible.
    Dans toute cité, on distribue des fonctions de pouvoir, des honneurs et Platon veut dire que le philosophe dont les yeux se sont ouverts à la vérité et au bien ne peut pas, ne veut pas être partie prenante d’un monde d’illusions qui ne l’abusent plus. Autrement dit, le prisonnier libéré voit bien que les valeurs honorées à travers tel ou tel n’en sont pas d’authentiques ou que les pouvoirs exercés par tel ou tel sont des pouvoirs illégitimes.
    Si la reconnaissance sociale, si l’exercice de n’importe quelle autorité (par exemple pédagogique, politique, morale etc.) ne sont pas fondés en raison, ils ne peuvent pas intéresser le philosophe. Celui-ci préfère un statut d’homme obscur à une gloire dont le prix est exorbitant pour lui puisque ce n’est rien moins que la compromission de l’esprit. D’où la référence à Homère qui, dans le chant XI, 489-491 de l’Odyssée, fait parler Achille de la triste condition des morts. Vous savez que la caverne est aussi une métaphore de l’Hadès: « J’aimerais mieux être sur terre domestique d’un paysan, fût-il sans patrimoine et presque sans ressources, que de régner ici parmi ces ombres consumées… » A quoi bon être glorieux parmi les morts…parmi les ombres (ceux qui ne se connaissent pas davantage qu’ils ne connaissent ce qui les entoure). Jeu de dupes dérisoire pour celui qui prétend en voir les ficelles…
    Y a-t-il une possibilité de remettre le monde à l’endroit et d’instituer la cité sur des fondements spirituels et moraux? Platon l’a envisagée avec l’hypothèse du philosophe-roi.
    Je pointe l’aporie d’une telle solution dans l’article : Qu’est-ce que l’autorité? https://www.philolog.fr/quest-ce-que-lautorite/#more-3328
    Bien à vous.

  14. Bruno Alligorides dit :

    Un grand merci pour cette réponse je me souviens très bien du discours d’Achille dans ce passage de l’Odyssée mais je n’avais pas vraiment fait le lien entre la caverne et l’Hadès malgré la référence explicite de Platon. Vous avez raison , mon soupçon envers le philosophe est excessif , merci pour le lien sur l’autorité. (PS : vos références sur l’ethnopsychiatrie données avant Noël ont été une découverte fructueuse)

  15. Mahamadou dit :

    je suis un jeune prof de philo au niveau secondaire à Bamako(Mali) qui a été séduit par vos travaux. Je n’arrive pas à télécharger pour exploiter ça à la maison. N’ayant pas de connexion à domicile.

  16. Simone MANON dit :

    Bonjour.
    Vous avez la possibilité d’imprimer les cours qui vous intéressent et si l’encre est trop onéreuse, ce que je comprends aisément, la prise de notes est bien facile. C’est ainsi que nous avons fait nos études, à l’époque où les facilités de l’internet n’existaient pas et c’était finalement bien plus fécond.
    NB: On n’est pas dispensé d’une formule de politesse dans un message.
    Bien à vous.

  17. Robert Dupras dit :

    Bonjour madame,

    J’essayais, je ne sais si c’est davantage par paresse que de l’empressement, de trouver sur internet un texte de la caverne de Platon qui soit résumé. L’histoire complète faisant référence à la foi ou principe de contemplations divines, pouvant établir des blocages inutiles pour les élèves. ùle but de cette occlusion étant de « forcer » vers cette libération dont justement nous entretient Platon.

    La motivation de mon message est de vous communiqué d’une part que votre texte ici, est de très loin le plus sobre, directe que j’ai pu lire. Pour cause simple, pour comprendre ce texte il s’être soi-même libéré.

    Ma grammaire est faible et mon texte vous paraitra peut-être présomptueux, mais je désirais vous partager que j’ai eut la chance d’expérimenter des méthodes systématique pour éduquer les « yeux ». Mieux dit, retirer les abats jours qui cache à notre vu notre propre lumière.

    Ce soir, j’ai été réconforté par la lecture complète du dialogue de Platon. Réconfort de cette violence que l’on reçoit souvent à revenir partager. Je comprenais aussi en vous lisant ainsi que les répondants, combien il est difficile de comprendre la motivation profonde de ce mouvement de retour dans l’obscur, par pur compassion ou Amour véritable. Mise à part par le média du livre, grâce à ce voyage dans le temps, je n’ai jamais rencontré de chair un être pouvant le comprendre, le croire ou même le concevoir.

    Bref, vous me réconfortez aussi, de par votre humilité et votre sens pointu de la vérité. Vous savez bien reconnaitre les torsions de réalité que Pantanjali nommait lui « dilution ».

    L’acuité des yeux de l’âme est toujours parfaite seule l’agitation du mental vient en brouiller la vision. Lorsque la surface de l’eau est agité, ni le fond, ni le reflet du ciel ne peut-être fidèlement perçu. Bien sûr vous aurez compris que la méditation est un outil « qui est dit » efficace pour ce travail d’apaisement. Mais encore là, la même allégorie s’applique, la plupart s’adonnant à cette exercice d’une façon tout aussi obscur qu’obscurcissante. Sans la connaissance pour orienté les pas, sans une pratique dans le corps la méditation demeure aussi un outil inefficace. Voilà, je m’éloigne, désolé…

    Pour vous dire qu’avec votre discernement juste, j’ignore pourquoi vous ne faites pas référence, même sans l’écrire, au chemin des quelques maitres qui ont su éveiller de façon systématique les élèves choisis. Peut-être d’autre part soulevez-vous simplement cette difficulté relative à éveiller les autres même après avoir soi même été dans cet état d’éveil, en plein soleil, dormi et vécu sous les étoiles?

    En cette question vous m’avez éclairé je crois, de par votre questionnement sur cette qualité d’acuité que je met en lien « examiner si, venant de la lumière, c’est par manque d’accoutumance qu’il semble dans le noir, ou si, montant vers la lumière, il est frappé d’éblouissement. ». L’imaginaire et l’allégorie contient ici un autre niveau selon moi, c’est à dire que Platon laisse sous-entendre que l’aveuglement vers le bas, « ne ferait-il pas rire? » n’est pas vraiment un aveuglement de la personne éveillé, mais bien la difficulté inhérente à faire voir l’autre sans risqué d’être attaqué très violemment. Alors vaut mieux faire rire, jouer « low profile » comme on dit ici. Donc, ici Platon partage autant aux futur élèves qu’à l’enseignant… Du moins c’est que j’en suis persuadé de part la clarté de son allégorie, je n’ai nul doute sur son état d’éveil, une seule réalité, un seul niveau d’éveil existant, il m’amène à valider son message.

    Vous avez posez lumière par votre franchise, votre vérité, sincèrement merci! J’espère que si en cette heure tardive ici, je suis en train de divaguer, vous pourrez me rectifier.

    P.S. Travaillant fort, peut-être auto trop pour justifier, empressement ou paresse actuelle ou passé, mais nullement manque de respect, veuillez excuser ma grammaire défectueuse.

    R Dupras

  18. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Je dois vous avouer que votre propos est bien obscur pour moi.
    Il me semble que votre compréhension de l’allégorie platonicienne implique de nombreux malentendus.
    D’abord, il est erroné de prétendre que le discours platonicien met en jeu la foi. On entend d’ordinaire par là, l’adhésion à une parole révélée ou du moins la reconnaissance d’une autorité supérieure à celle de l’esprit humain. Or on ne trouve rien de tel dans le platonisme. Le recours au mythe, à une prêtresse (Diotime) vise davantage à pointer les limites de l’entendement humain qu’à faire obédience à un article de foi.
    Ensuite, ce qui motive la quête philosophique c’est l’amour de la vérité, le désir de savoir, non ce que vous définissez comme « compassion » ou « amour véritable ».
    Enfin, il me semble que vous confondez l’enseignement platonicien avec l’enseignement de certaines sagesses orientales. C’est votre usage de la notion d’éveil qui m’invite à le soupçonner.
    Bref avec la philosophie, on n’est pas dans l’univers fort obscur de ce que vous appelez « méditation » mais dans l’austère travail de la réflexion et des exigences de la dialectique.
    Platon souligne qu’il y a deux moments délicats pour le penseur, celui où il commence à sortir de la fausse clarté des opinions (il est ébloui par la lumière des Idées qu’il commence à entrevoir), et celui où familiarisé avec la clarté de l’intelligible (clarté jamais parfaite: Platon ne cesse de souligner l’échec existentiel de la quête philosphique), il doit de nouveau se repérer dans le monde obscur des opinions.
    En espérant avoir un peu clarifié les choses.
    Bien à vous.

  19. […] Algorithme caverne, Il ne va pas de soi de faire entendre ce que Platon signifie par la célèbre image de la caverne et dès qu'il s'agit de prendre au sérieux la signification, les résistances se font jour. […]

  20. Hir dit :

    Bonjour,

    Je n’ai pas compris ce que signifiait cette partie de votre argumentation (qui a l’air d’être assez important étant donnée qu’elle est en caractère gras)et que j’aimerai bien que vous m’explicitiez si cela ne vous dérange pas :  » La distinction de l’ombre et de la clarté, de l’apparence et de l’essence ne se joue pas hors de nous, dans ce qui s’imposerait comme une donnée ontologique. Elle se joue en nous dans la manière de nous projeter vers les choses.  »
    Merci beaucoup !

    Maroua

  21. Hir dit :

    Désolé, Je n’ai pas compris notamment la phrase suivante à cause de fautes de frappe (si je ne me trompe pas) : « Elle nous affranchit de notre naïveté en permettant au spectateur inconscient que chacun commence à être de se donner, une bonne fois pour toutes, le spectacle du spectacle lui-même. »
    Qu’est-ce que cette phrase présuppose ?
    Merci !
    Bien à vous.

  22. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Pour votre première question: Il ne faut pas croire qu’il y a deux mondes de telle sorte qu’on pourrait sortir de l’un pour entrer dans l’autre. Ontologiquement il n’y a qu’un seul réel, la distinction du réel sensible et du réel intelligible n’ayant vraiment de sens qu’épistémologiquement parlant. Pour Platon la seule réalité est celle de l’intelligible, le donné sensible n’est qu’une apparence corrélative de l’approche sensible.
    Pour votre deuxième question: Il n’y a pas de faute de frappe mais je vous concède que l’expression n’est pas immédiatement compréhensible. L’allégorie donne à voir,= nous donne le spectacle de notre condition de spectateur et du réel comme objet de spectacle (le spectacle lui-même). Pour que la signification soit plus claire, j’ai donc modifié la formulation.
    Bien à vous.

  23. Hir dit :

    Bonjour,
    Merci beaucoup pour votre réponse !
    Ainsi l’allégorie nous permettrait de voir le rapport, le lien que nous avons avec le réel (rapport direct ou un rapport contourné par les apparences, le sensible) ? Et, ainsi de nous catégoriser (= de nous classer) dans la communauté ignorante ou bien dans la commauté « savante » (celle des philosophes) ?!
    Merci à vous.

  24. Loic dit :

    Bonjour Madame,

    Permettez-moi non pas de vous solliciter a propos de la caverne mais de rebondir a propos de « vision » et « intellection » :
    – puis-je vous demander si vous avez une piste concernant une critique qui a ete faite — je l’ai lue mais ne me souviens plus ou ! — quant a la trop grande importance que le monde occidental aurait donne a la vision (comme moyen d’alimenter la pensee, grosso modo) ?

    – qu’en pensez-vous, vous-meme ? a-t-on d’autre de choix, pour apprehender efficacement le reel, que la vue (pour peu que l’on ne soit pas handicape a ce niveau) ?

    Je vous remercie,

    L.

  25. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Voyez bien (=comprenez) qu’utiliser le registre de la vision pour figurer celui de l’intellection ne revient pas à faire de la vision le fondement de la pensée. Les yeux de l’âme, enseigne Platon, ne sont clairvoyants qu’autant qu’ils ne sont pas obscurcis par les yeux du corps. Ce ne sont là que des métaphores mais elles attestent fermement le refus de l’option empiriste.
    D’où les critiques d’un empiriste résolu tel que Hume, accusant la métaphysique occidentale de mettre en œuvre des procédés de pensée l’éloignant radicalement d’une science et la condamnant à délirer.
    Dans la grande tradition rationaliste, la vue sensible est même si peu « le moyen d’alimenter la pensée », pour employer votre formule, que Pessoa a pu dire: « Le monde n’est pas fait pour que nous pensions à lui (penser c’est être malade des yeux) mais pour que nous le regardions et soyons d’accord ».https://www.philolog.fr/eloge-de-la-philosophie/
    Le grand poète (Homère), les devins (Tirésias) dans le monde antique sont des aveugles, comme si la cécité était le sésame de la voyance.
    Même le « réel scientifique » est plus construit que donné. L’impression sensible visuelle ou autre est un objet de méfiance.
    Je ne vois donc pas ce qui autorise certains à penser que l’intellection, dans la pensée occidentale, est, par principe, dérivée de la vision.
    Bien à vous.

  26. Loic dit :

    Merci pour votre prompte reponse.

    Je viens de passer plus d’une heure pour repondre a votre message..

    Mais il etait decidement trop copieux dans son appel (plaisir de voir sur le meme plan que le plaisir de comprendre, convocation de la poesie, du rationnel, du constructivisme…)

    J’abandonne.

    Un lien, a mon tour : https://questionsdecommunication.revues.org/225

    Encore merci,

  27. j aimerai beaucoup comprendre la problematique sur ce que c est que le mythe de de la caverne

  28. Simone MANON dit :

    Bonjour
    D’abord quand on sollicite un service , on ne se dispense pas de quelques règles élémentaires de politesse, du genre « S’il vous plaît », « merci d’avance ».
    Ensuite, il ne s’agit pas d’un mythe mais d’une allégorie.
    Enfin, il vous suffit d’ouvrir les articles où j’explique le sens de cette allégorie pour comprendre.
    Bon travail.

  29. Jérôme Arlandon dit :

    Bonsoir,

    J’ai du mal à saisir le sens du mot ontolgie.
    Serait il possible de me l’expliquer ?

    Merci

  30. Simone MANON dit :

    Bonjour
    L’ontologie est le discours (logos) s’efforçant de répondre à la question suivante: Qu’en est-il de l’être (ontos) de quelque chose?
    On la définit comme l’étude de l’être en tant qu’être.
    Par exemple: Qu’est-ce que le désir dans son être ou son essence? Il ne s’agit pas de prendre en considération les déterminations particulières des désirs mais ce qui fait que dans tous les cas on a affaire à quelque chose qu’on peut identifier et unifier comme désir.
    Bien à vous.

  31. Jérôme Arlandon dit :

    Bonjour,

    Merci pour votre réponse.
    Si j’ai bien compris votre explication, la distinction de l’ombre et de la clarté, de l’apparence et de l’essence, ne peut être une donnée ontologique puisque nous nous prenons en considération pour la déterminer ? Car cette distinction se joue en nous.

  32. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Vous posez une vraie question si celle-ci consiste à soupçonner que le processus d’intelligibilité du réel met en jeu des conditions de possibilité subjectives, celles de la structure de notre esprit, (même si cette subjectivité est universelle). Kant est passé par là. Nous n’avons pas accès au réel tel qu’il est en soi, sauf à considérer, sur le modèle de la métaphysique platonicienne ou cartésienne, que le réel est organisé selon les mêmes principes que ceux de notre esprit.
    Cela dit, dès que vous vous efforcez de rendre intelligible quoi que ce soit, vous êtes conduit à distinguer ce qui apparaît de la chose à notre subjectivité empirique (apparences mouvantes, variables selon les individus, etc., ce que Platon appelle des ombres ou des apparences), et ce qui apparaît de la chose à la subjectivité transcendantale, caractérisée par son universalité (ce que Platon appelle l’être ou l’essence)
    Bien que cette distinction ne nous fasse pas sortir, en termes kantiens, du monde phénoménal, elle demeure, sur le plan théorique, opératoire.
    Bien à vous.

  33. Jérôme Arlandon dit :

    Bonsoir,
    Vos commentaires suscitent en moi plein de questions et un vif intérêt à lire les penseurs que vous citez.
    Je me demande maintenant si nous sommes capables de connaître l’essence des choses ou s’il y a mise en abîme de l’allégorie de la caverne.

  34. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Y a-t-il pour l’esprit humain une voie d’accès à l’essence des choses? Cette question ne cesse de travailler la pensée. Par exemple, Platon montre le chemin (la dialectique), mais ne prétend jamais que la quête philosophique puisse s’achever dans la contemplation de l’UN-BIEN. L’incarnation est un obstacle permettant seulement de nourrir une espérance à l’endroit de la mort.
    https://www.philolog.fr/en-quel-sens-peut-on-dire-que-le-corps-est-le-tombeau-de-lame-platon/
    https://www.philolog.fr/la-guerre-des-dieux-ou-lunite-et-la-paix-par-le-logos-max-weber-et-benoit-xvi/
    Plus près de nous, Bergson avait dit en parlant de Kant: « Tout mais pas ça » et il faisait de l’intuition ou « sympathie par laquelle on se transporte au cœur d’un objet pour coïncider avec ce qu’il a d’unique et d’inexprimable » la voie royale d’accès à l’Etre. https://www.philolog.fr/les-operations-de-la-raison/
    Avec l’épistémologie contemporaine, la position réaliste en matière de connaissance est de plus en plus insoutenable.
    https://www.philolog.fr/en-quoi-consiste-lobjectivite-scientifique/
    Bien à vous.

  35. Matteo Sars dit :

    Bonsoir Madame
    Dans un manuel de méthodologie, je lis que pour réussir une copie il faut « ne pas passer outre l’indispensable élaboration des catégories et des médiations ». Je ne suis pas trop mauvais en philo, mais je ne comprends pas ces termes savants, catégorie et médiation. Pourriez-vous m’expliquer ce qu’ils signifient s’il vous plaît?
    Merci beaucoup !

  36. Simone MANON dit :

    Bonjour
    On peut dire les choses beaucoup plus simplement en effet.
    D’abord il faudrait savoir s’il est question de la méthodologie de l’explication de texte ou de la dissertation.
    Quoi qu’il en soit il convient toujours d’avoir une maîtrise des concepts et des problématiques. Ce que suggère peut-être l’idée de médiation. Les grands commentateurs des textes d’auteurs sont très utiles pour éviter les contresens. Pour la dissertation, l’élaboration de la problématique suggérée par l’énoncé implique de ne pas être naïf, autrement dit d’avoir une connaissance de la manière dont les philosophes célèbres ont affronté la question.
    Grâce aux apprentissages on est initié à certaines distinctions conceptuelles, ce à quoi renvoie peut-être l’idée de catégorie sous la plume de l’auteur de cette méthodologie. Par exemple les distinctions du sensible et de l’intelligible, de l’apparence et de l’essence, de l’être et du phénomène, de l’accidentel et de l’essentiel, de l’essence et de l’existence, pour ne citer que celles-ci sont très opératoires dans le traitement de nombreuses questions.
    Comprenez bien qu’on ne peut pas expliquer correctement une formule isolée de son contexte.
    Bien à vous.

  37. Matteo Sars dit :

    Merci beaucoup madame
    et bon dimanche !

  38. marius dit :

    Bonjour,

    Merci pour vos cours !

    Avez-vous lu les travaux d’Alice Miller ?
    Je pense que son travail avec l’enfance comme élément central pousse à la réflexion quant à notre conscience vigilante soucieuse des exigences de notre ordre intérieur sur une dimension difficile car possiblement très douloureuse de notre existence, faut-il déjà avoir développé une telle conscience.
    Je pense que son travail est important dans notre société où les individus portent des fardeaux qui les forcent à se bercer d’illusions où ils se sentent « vivre » mais avec un sentiment de mal-être, de peu qu’ils trouvent le temps pour une introspection.

    Après s’être plonger dans sa vision du fonctionnement de l’homme l’allégorie de la caverne que je découvre m’a semblé faire sens très intuitivement entre le monde sombre de la caverne et le monde de lumière mais, à la différence de votre cours je n’avais pas les mêmes interprétations de certaines images que contient le texte peut-être à cause de mon approche plus psychologique que philosophique étant donné mes lectures.
    Selon moi, l’homme qui a atteint le monde lumière serait celui qui s’est engagé dans un travail de découverte de soi dont la récompense – le monde de la lumière – serait l’ordre intérieur qui permettrait de vivre pleinement le réel. La caverne serait comme vous le dites la métaphore de l’ignorance. L’idée des chaînes qui obstruent les mouvements et la vision serait pour moi les protections que l’individu s’est créé par peur d’une souffrance vécu dans son histoire. Alice Miller a écrit dans un de ses livres : »Le mépris est l’arme des faibles et la protection contre des sentiments évoquant sa propre histoire », le mépris serait alors un des maillons de ces chaînes, mépris qui nuit à un bon raisonnement et enferme l’individu dans sa cécité, dans son illusion.

    C’est un plaisir d’avoir tant de choses à penser sur votre site !

  39. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Non, je n’ai pas lu les travaux d’Alice Miller.
    Je peux simplement dire qu’une lecture purement psychologique de l’analyse platonicienne est une réduction, voire une trahison de la pensée de ce grand philosophe.
    Bien à vous.

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