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Platon. la caverne. www.vetopsy.fr/comp/men/ms/php
 
  

 

 Avertissement: Ne pas confondre allégorie et mythe. 

 Structure du texte.    Elle a pour fonction de figurer par le moyen d'images, par la description de situations, de mouvements s'opérant entre des espaces une certaine idée de la philosophie. Cette idée est l'idée platonicienne de philosophie.  

  L'allégorie se divise en trois parties.       

  

                        1) Description d'une existence étrangère au questionnement philosophique. 

  

    Cf: Déchiffrement de l'image de la caverne et des chaînes. 

Platon met en scène la condition immédiate de tous les hommes, la nôtre comme celle de nos plus lointains ancêtres tant que celle-ci n'est pas profondément transformée par la vigilance philosophique. Cette condition est métaphoriquement celle d'un prisonnier d'une caverne. Platon veut signifier par là que notre rapport au réel est un rapport imaginaire, médiatisé à notre insu par une langue, un milieu culturel, des habitudes, des maîtres de la parole, une corporéité et une affectivité etc. Nous n'avons pas spontanément conscience que nos représentations, nos jugements, nos valeurs sont fabriqués, convenus. Nous les revendiquons comme des pensées personnelles témoignant par là de notre méconnaissance de ce que penser veut dire. Notre rapport à nous-même est tout aussi imaginaire que notre rapport au réel.       

  La caverne symbolise cette aliénation de l'esprit qui lui fait prendre pour un véritable savoir ce qui n'est que de la croyance ou de l'opinion.  

  Platon appelle doxa le type de discours qui règne dans la caverne. Il lui oppose le principe d'une autre forme de connaissance : la connaissance intelligible par rapport à la connaissance sensible, la science par rapport à l'opinion. Mais pour s'affranchir du pouvoir des opinions une transformation radicale de notre rapport au monde est nécessaire. C'est ce que figure le deuxième tableau.       

  

                           2) Le chemin de la connaissance. 

  

  Le texte souligne ses difficultés, ses hésitations, ses étapes, sa visée et ses conséquences. Platon s'emploie surtout à figurer les opérations de l'esprit en jeu dans cette aventure. Il s'agit de déjouer les aveuglements originaires ; ce qui implique à la fois un retour de l'esprit sur lui-même et une ascèse.       

  Faire retour sur lui-même c'est pour l'esprit proprement réfléchir. La réflexivité est le moment où l'esprit cesse d'affirmer quoi que ce soit et se demande si ce qui lui tient lieu de pensée première est vrai ou faux ; fondé en raison ou non.       

Encore faut-il pour que l'esprit puisse correctement examiner les énoncés d'opinion ou les énoncés savants qu'il ne soit pas sous l'empire des passions et qu'il ait été formé aux exigences de la rigueur rationnelle. C'est ce qu'indique l'idée d'ascèse. Le terme connote l'idée de purification, de catharsis, de libération des puissances d'aveuglement ; celles qui sont les ressorts du prestige des opinions dans la caverne.       

Platon confère cette fonction cathartique aux mathématiques. « Nul n'entre ici s'il n'est géomètre » avait-il fait inscrire au fronton de l'Académie. De fait les mathématiques développent le sens de la logique, de la nécessité rationnelle, elles habituent l'esprit à raisonner sur de purs intelligibles et donc à s'affranchir dans la conduite de la pensée des impressions sensibles.       

  La première étape du chemin de la connaissance c'est donc la formation mathématique et ce que nous appelons aujourd'hui les sciences. La deuxième est ce que nous appelons spécifiquement aujourd'hui philosophie c'est-à-dire la mise en œuvre d'une démarche dialectique où il s'agit pour la pensée de soumettre tous les énoncés à l'examen afin, en droit, de remonter à des propositions capables de fonder en raison nos discours.       

  La dialectique ou art de procéder comme dans un dialogue, par questions et réponses, est en ce sens une démarche régressive dont le terme serait ce qui est symbolisé par le soleil. Avec ce symbole Platon pointe L'IDÉE première qui permettrait à notre connaissance d'être absolue, de ne plus comporter d'ombre. Autant dire qu'il nomme un idéal, ce qui inlassablement tente le penseur mais se refuse toujours.       

 NB: Le caractère aporétique de la dialectique platonicienne ne doit pas être sous-estimé. Cf. Cours. 

  PB : Avec la contemplation du soleil ou de la vérité ultime la philosophie aurait-elle épuisé son sens ? A l'évidence non puisque Platon fait redescendre le philosophe dans la caverne.       

 

 3) La vocation pratique de la philosophie. 

  

  La philosophie implique bien une dimension théorique mais ne s'y réduit pas. Philosophie signifie étymologiquement « amour de la sagesse » et par sagesse nous n'entendons pas seulement une manière droite de penser mais aussi de se conduire.       

  La sagesse est un art de penser et d'agir conforme aux exigences de la raison.       

Socrate incarne pour nous cette figure du sage qui fut à la fois un éveilleur des esprits, une conscience vigilante soucieuse d'honorer dans la vie publique et dans la vie privée les exigences spirituelles et morales.       

  Dans cette partie Platon montre que la philosophie a une vocation pédagogique, éthique et politique. Ce qui n'est pas sans danger. En 399 av JC.  Socrate est condamné à boire la ciguë.        

   Faut-il comprendre que rien n'est plus insupportable aux hommes que le rappel de leur vocation spirituelle et morale ?       

  

Idées importantes :  

  

  L'allégorie de la caverne donne à penser une idée de la philosophie que chaque philosophie historique actualise d'une manière plus ou moins réussie mais qu'aucune ne saurait épuiser car la philosophie se révèle d'emblée chez ses pères fondateurs comme une tâche infinie. Par essence, elle est le pressentiment d'un pôle théorique et d'un pôle pratique, d'une science universelle et absolue qui transcende la clôture des enracinements empiriques.       

  Ce pôle infini, éternel, universel, défini pour la première fois par les Grecs, est réactualisé au 20° siècle par Husserl (1859-1938), comme le sens spirituel de l'Europe et avec elle de l'humanité entière dans la mesure où « il y a dans l'Europe quelque chose d'insigne à quoi tous les autres groupes de l'humanité eux-mêmes sont sensibles, quelque chose qui, abstraction faite de toute utilité, les pousse à s'européaniser plus ou moins, alors que nous, si nous nous comprenons bien, nous ne nous indianiserons par exemple jamais ». La crise de la conscience européenne et la philosophie. 1935.       

  L'Europe, au sens husserlien, naît en effet en Grèce, avec cette nouvelle manière d'être au monde que Pythagore a appelée Philosophie. « C'est seulement chez les Grecs que s'accomplit en l'homme fini, l'attitude complètement transformée à l'égard du monde environnant, que nous caractérisons comme un intérêt pur pour la connaissance et, par avance, comme un intérêt déjà purement théorique. Il ne s'agit pas d'une simple curiosité qui, distraite du sérieux des soucis et des peines de la vie devient de manière accidentelle un pur intérêt porté à l'être et au mode d'être simples des données environnantes, ou même un pur intérêt pris à tout le monde environnant de la vie. Bien au contraire, il s'agit d'un intérêt analogue aux intérêts professionnels et aux attitudes qui leur correspondent. A l'encontre de tous les autres intérêts, celui-ci revêt le caractère particulier d'être un intérêt qui embrasse le monde et qui est entièrement non pratique... Ainsi l'homme est pris d'une aspiration passionnée à la connaissance qui se hausse au-dessus de toute pratique naturelle de la vie avec ses peines, ses soucis quotidiens et qui fait du philosophe un spectateur désintéressé supervisant le monde ».(Husserl)       

  

  De fait, la philosophie émerge d'un double mouvement fondateur :       

  •  Le premier correspond au VI° siècle avant Jésus-Christ, à sa rupture avec la pensée mythique. 

  La mythologie et la philosophie procèdent d'un souci de rendre intelligible le réel mais l'une et l'autre divergent radicalement dans leur démarche. «  Les contemporains d'Hésiode et tous les théologues, remarque Aristote, se sont en vérité soucié uniquement de ce qui pouvait entraîner leur conviction mais ils ont négligé de penser à nous ». Aristote veut dire que la vérité mythique ne cherche pas à se fonder en se soumettant à l'épreuve de la communication universelle. Elle n'est pas discutée, questionnée, elle ne s'expose pas dans le langage de la raison, elle ne vaut que pour ceux qui y croient et demeure en tant que telle étrangère à la législation de la raison universelle.       

  De fait la mythologie est la culture des peuples de tradition orale. Les mythes traduisent la fascination des hommes devant un monde vécu comme sacré ou surnaturel. Ils racontent comment, grâce aux actions des dieux, des héros ou des ancêtres, une réalité est venue à l'existence. Ils sont toujours le récit d'une origine, d'exploits qui se sont déroulés dans le temps d'avant le temps, temps des commencements, temps fondateur des choses telles qu'elles sont dans le temps des hommes. Les mythes ne sont pas vécus comme des créations humaines. Ils sont des récits immémoriaux, transmis aux hommes par ceux qui dans la cité font autorité. Et ceux-ci font autorité parce qu'ils apparaissent comme les gardiens d'une révélation primordiale, d'une tradition sacrée (Ex : les castes sacerdotales, les Anciens). C'est dire que la vérité qu'ils portent ne peut être interrogée. Il y aurait là, un sacrilège sanctionné sévèrement par le corps social cohéré par la vérité mythique       

  L'émergence de la philosophie suppose donc une mutation culturelle profonde. Car les Milésiens ne racontent plus une histoire sacrée, destinée à éclairer l'origine des choses. Ils cherchent à rendre raison des phénomènes en découvrant, par les seules ressources de leur raison et les données de l'expérience le principe qui les explique. Leur discours n'est plus le privilège d'initiés, il doit pouvoir être discuté, débattu en public. Au fond, il en est désormais de la vérité ce qu'il en est de la loi. Celle-ci n'est plus reçue d'en haut, elle est instituée par les hommes eux-mêmes. Ils ne sont plus soumis à une autorité transcendante, ils sont les instituteurs de leur monde. Et cela, c'est la règle du jeu politique de la démocratie. Les Grecs ont inventé la philosophie parce qu'ils ont inventé la démocratie. Vernant disait que : « la philosophie est fille de la cité ».       

  Questionner c'est donc sortir du mythe et corrélativement faire de la démonstration ou du moins de l'argumentation le principe d'une démarche rationnelle       

  Qui dit démonstration, ou plus modestement argumentation, dit que l'esprit met en œuvre les principes de la raison, principes qui se prouvent en s'éprouvant dans la pratique de la communication interhumaine c'est-à-dire dans le dialogue. Voilà pourquoi le même mot, logos, désigne chez les Grecs parole et raison. Dès qu'on élève sa parole à la dimension de la raison, on rend possible la communication universelle. On arrache le rapport humain à la violence du fanatisme et en général d'une parole dévoyée par les passions. On inaugure un autre rapport à la vérité et conséquemment un autre rapport avec l'autre homme.       

  « A côté de la révélation religieuse qui dans la forme du mystère reste l'apanage d'un cercle restreint d'initiés ; à côté aussi de la foule des croyances communes que tout le monde partage sans que personne ne s'interroge à leur sujet, une notion nouvelle de la vérité prend corps et s'affirme : vérité ouverte, accessible à tous et qui fonde sur sa propre force démonstrative ses critères de validité » J.P. Vernant.       

  •  Le deuxième correspond au V° siècle avant Jésus-Christ, à la rupture de la philosophie avec la pensée sophistique. 

    L'une et l'autre ouvrent un espace de délibération publique mais alors que la rhétorique des sophistes a un enjeu stratégique puisqu'il s'agit de faire de la parole une technique de pouvoir, la philosophie subordonne le discours à l'exigence transcendante et universelle de la vérité et de la valeur. Le souci spéculatif n'est pas disjoint du souci éthico politique. Les deux engagements pour la vérité et pour le bien sont corrélatifs. Cela apparaît clairement dans l'allégorie où le principe d'intelligibilité suprême symbolisé par le soleil est aussi appelé l'Idée du bien.       

  

 Conclusion : L'émergence d'une pratique philosophique des significations et des valeurs est un événement historique d'une grande portée. Platon le met en scène dans cette allégorie où il oppose :       

  -Sur le plan de l'Etre (on dit plan ontologique) : le monde sensible et le monde intelligible.       

  -Sur le plan de la connaissance : la connaissance sensible ou doxique et la connaissance intelligible.       

  Le dualisme du sensible et de l'intelligible renvoie chez Platon au dualisme de l'âme et du corps.       

  Ces distinctions surtout pédagogiques, ont pour vocation de montrer que la vérité et la valeur ne sont pas notre horizon immédiat, qu'une rupture s'impose avec l'immédiateté pour y accéder. La philosophie est donc inséparable de la réflexivité.

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158 Réponses à “Explication de l’allégorie de la caverne”

  1. loic youan dit :

    svp puis-je avoir un exposer sur le livre de la république 7 de platon qui a pour thème le mythe de la caverne

  2. Simone MANON dit :

    Et quoi encore?
    Votre indécence qui exhibe sans vergogne votre paresse devrait vous faire honte.
    Mais êtes-vous capable d’en prendre conscience?

  3. géraldine lebeaupin dit :

    Excellente présentation ! Merci pour votre représentation si claire de l’ allégorie de la caverne .

  4. Blanche dit :

    Bonjour Madame,
    Je lis dans un cours : … philosopher exige de substituer à la généralité de pensées reçues par l’Histoire, l’Universalité de notions comprises d’après des Principes.
    Ces principes, quels sont–ils, svp ? Dois je les découvrir ou sont-ils donnés ?
    Merci beaucoup pour votre blog

  5. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Le moins que l’on puisse dire, en effet, est que le propos n’est guère explicite.
    Philosopher consiste à interroger la valeur des vérité des opinions ou des savoirs en s’en remettant aux seules ressources de la raison. On appelle cette faculté « la faculté des principes ».
    Voyez ces cours pour éclairer votre lanterne.
    https://www.philolog.fr/presentation-du-chapitre-la-raison/
    https://www.philolog.fr/pourquoi-philosopher/
    Bien à vous.

  6. Jeanne dit :

    Bonjour Madame
    Quand vous étiez professeur, preniez vous le temps d’expliciter l’allégorie dans le détail, ligne à ligne ou en proposiez vous une présentation générale, comme ici ? Je débute et j’hésite à
    consacrer trop de temps au texte lui même… Merci beaucoup

  7. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Je passais beaucoup de temps sur cette explication. Les liens vers allégorie, mythe, caverne, chaînes, opinion, parole, erreur, illusion, raison, sophistique, etc. peuvent vous en donner une idée.
    C’est un texte parfait pour faire comprendre clairement des idées essentielles mais difficiles.
    Bien à vous.

  8. Jeanne dit :

    Merci Madame
    Je ne voulais pas dire « trop » mais « beaucoup », simple erreur.
    Vos précisions me sont toujours précieuses.

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