Introduction détaillée :
Dans l'allégorie de la caverne Platon introduit le mouvement de libération du prisonnier par une formule étonnante : « Qu'on détache un de ces prisonniers, qu'on le force à se dresser... » Et Rousseau justifie dans Du contrat social l'usage de la force publique pour obtenir l'obéissance du citoyen à la loi républicaine par cette célèbre affirmation : « ce qui ne signifie autre chose sinon qu'on le forcera d'être libre » (Livre 1 ch.7)
Il y a là un paradoxe, car il nous semble que les deux expressions s'excluent. Soit on est libre et l'on n'est pas forcé à quoi que ce soit, soit on est forcé à faire quelque chose et l'on n'est pas libre. D'où la question soumise à notre réflexion. Est-il possible de soutenir le paradoxe ? Tel est le premier enjeu de la question. Le "peut-on" nous demande d' interroger la possibilité logique, le problème se formulant dans les termes suivants : N'est-il pas contradictoire, absurde de prétendre une chose pareille ? Ne faut-il pas en toute rigueur pointer l'antinomie entre les notions de forcer et celle de liberté ?
(Ces questions annoncent la thèse : forcer à être libre est une contradiction dans les termes. Le développement de la thèse conduit nécessairement à définir la liberté négativement comme absence de contraintes et positivement comme libre arbitre (Descartes) libre nécessité (Spinoza) autonomie (Rousseau et Kant).
Pour autant qu'il soit absurde de contraindre quelqu'un à être libre ne signifie pas qu'il soit impossible de concilier l'idée de liberté et celle de contrainte. Le pédagogue renonçant, dans certains cas, à faire usage de la contrainte abandonne l'enfant à ses démons et compromet ses possibilités de conquérir l'autonomie rationnelle. De même un pouvoir politique refusant de mobiliser la force pour garantir le respect de la loi protégeant la liberté du citoyen accepte que cette liberté soit piétinée. N'est-ce pas l'aveu que la question est plus complexe qu'il n'y paraît et que le souci de faire advenir la liberté fait obligation à ceux à qui est confiée cette mission (le pédagogue ou le législateur) de recourir aux contraintes lorsque cela s'impose ? Au fond, de ce que la liberté et la contrainte sont antinomiques, il ne s'ensuit pas que la liberté soit donnée et que sa conquête puisse faire l'économie du recours à la contrainte. D'où le second enjeu de notre question. Le "peut-on" invite à interroger la possibilité morale, le problème se formulant ainsi : Le législateur et le pédagogue n'ont-ils pas le droit de faire usage de la force pour donner ses chances à la liberté ? Ne faut-il pas admettre la légitimité de ce pouvoir?
(Ces questions annoncent l'antithèse et il va de soi que pour concilier le principe de la liberté et celui de la contrainte il convient de déplacer la perspective. Il faut introduire l'idée que la liberté n'est pas une donnée, c'est une conquête. Elle prend sens essentiellement comme processus de libération à partir d'une condition première marquée par la servitude. Or la servitude a ceci de redoutable qu'on perd en elle jusqu'au désir d'en sortir. Dostoïevski remarquait qu' « il n'y a qu'une chose que les hommes préfèrent à la liberté, c'est l'esclavage ». Dès lors si la liberté implique la négation de ce qui la nie, la responsabilité des autorités en charge de l'idéal de liberté n'est-elle pas, pour le pédagogue d'aider l'enfant à surmonter ce qui l'aliène en exerçant une contrainte sur son penchant à la paresse et à la sauvagerie ; et pour le législateur de contraindre la liberté sauvage pour instituer la liberté civile ? Un sujet contraint obéit sans doute mais l'obéissance pas davantage que l'hétéronomie n'est par principe esclavage. L'expérience montre au contraire qu'on ne conquiert la maîtrise que par la médiation d'un maître, qu'on n'accède à l'autonomie que par voie d'hétéronomie. Il n'y a pas plus de liberté politique sans lois qu'il n'y a de liberté intellectuelle et morale sans de solides apprentissages. Mais il y a toujours des récalcitrants rendant nécessaires la contrainte pédagogique et la contrainte juridique. D'où la possibilité de fonder un droit de faire usage de la contrainte au service d'une liberté à faire éclore.
Le traitement de la question peut être élargi à d'autres contraintes que celles qui mettent en jeu le rapport des volontés. Il y a aussi les contraintes du réel et il est important de comprendre que s'il n'y a d'obstacles que par le projet d'une liberté, il n'y a de liberté effective que par la capacité humaine de jouer avec les contraintes, de les déjouer et d'en triompher. Ce n'est pas seulement par la force des hommes que l'on est mis en situation de se libérer, c'est aussi par la force des choses. Néanmoins si l'on envisage la question sous cet angle, il est nécessaire de réinterpréter le "peut-on". Le problème n'est plus : est-il légitime de forcer les hommes à être libres mais : n'est-ce pas parce que les hommes sont soumis à de multiples contraintes que la liberté s'impose à eux comme processus de libération?)
Reste que tant qu'on a à mobiliser la force pour faire triompher la liberté il n'y a guère de sens à dire que celui sur lequel s'exerce cette force est libre. C'est parce qu'il n'est pas encore parvenu à l'autonomie rationnelle qu'un homme a besoin d'un éducateur ou d'une police. La nécessité du recours aux contraintes signale la servitude présente de celui qui les rend nécessaires. D'où l'aporie qui est sans doute celle de la pédagogie et de la politique. L'une et l'autre peuvent avoir comme enjeu la liberté. Et parce que la liberté s'accomplit essentiellement comme processus de libération, il faut contraindre ce qui dans l'humanité maintient celle-ci dans la servitude. Mais tant que le pédagogue et le politique sont obligés (attention : obligation n'est pas synonyme de contrainte. Etre obligé signifie avoir le devoir de...) de mobiliser la force pour obtenir les conduites correspondant à une exigence de liberté, ils ne sont pas en présence de sujets libres. Voilà pourquoi, ce n'est jamais sans tristesse que l'autorité gardienne d'une promesse de liberté se résigne à utiliser la contrainte. Il y a là comme le témoignage de sa propre impuissance à triompher de la servitude. Et s'il est vrai qu'elle n'a pas le droit de renoncer à s'efforcer d'incarner l'idéal de la liberté dans les faits, il est non moins vrai qu'il est impossible, pour une raison conséquente, de comprendre comment on peut sauver une fin en mobilisant des moyens qui lui sont contraires. Il y a là une aporie c'est-à-dire une impasse pour la pensée.
Kant a formulé cette redoutable aporie dans les termes suivants : « Comment unir la soumission sous une contrainte légale avec la faculté de se servir de sa liberté ? Car la contrainte est nécessaire ! Comment puis-je cultiver la liberté sous la contrainte ? Je dois habituer mon élève à tolérer une contrainte pesant sur sa liberté, et en même temps je dois le conduire lui-même à faire un bon usage de sa liberté. » Réflexions sur l'éducation.
Qui ne voit qu'il y a là une difficulté théoriquement insurmontable ?
NB : La réussite éducative supprime le problème, en établissant par la pratique, la possibilité de dépasser la contradiction et de concilier la contrainte et la liberté, mais un problème supprimé en pratique n'est pas un problème résolu en théorie.
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Bonjour Mme Manon,
Je vous écris car j’aimerais comprendre le sens exact de la question posée dans cette article. En faite je me demande si il ne faudrait pas plutôt la formuler en ces termes: « Peut-on obliger quelqu’un à être libre? » car il me semble qu’on ne pas prétendre forcer physiquement quelqu’un à devenir libre et que c’est plus une affaire de devoir moral. (Je vous pris de bien vouloir m’excuser d’avance si la réponse à la question que je vous pose est déjà comprise dans votre explication).
Si l’énoncé comportait le mot « obliger » plutôt que « forcer » il n’y aurait pas de problème car il va de soi qu’il est sensé et légitime de faire de la liberté une obligation. En revanche il est absurde de prétendre contraindre quelqu’un à être libre et il semble illégitime de s’y efforcer. Or que fait le pédagogue? ou le législateur? Ils recourent à la contrainte lorsque cela est nécessaire pour donner ses chances à la liberté.
Il n’y a pas de problème à penser le rapport de la liberté et de l’obligation. En revanche il ne va pas du tout de soi qu’il soit possible de concilier la liberté et la contrainte. C’est ce qui est à penser dans ce devoir.
Mais je ne vois pas la différence entre obligation et contrainte. Un pédagogue ou un législateur ne nous « forcent » pas à nous soumettre à leurs contraintes mais nous y « obligent » non? Il me semble que c’est comme quand on dit être « obliger » de composter son ticket dans le bus, parce que c’est la loi, mais on n’y est pas « forcer »:personne ne vient nous prendre le bras et utilise la force pour nous contraindre à composter son ticket.
Veuillez oubliez la première phrase de mon dernier commentaire s’il vous plait, ce n’est pas ce que je voulais dire, au contraire je pense bien voir la différence, c’est pour ça que je ne comprends pas pourquoi il est dit qu’un pédagogue ou un législateur « forcent » autrui à être libre et non pas « obligent ».
Vous ne semblez pas comprendre que ni le législateur, ni le pédagogue responsable ne s’en remettent à la bonne volonté des hommes, à leur capacité de se sentir obligés par la loi pour obtenir l’obéissance à celle-ci. L’usager d’un bus qui ne paye pas aura affaire aux rigueurs de la loi s’il se fait prendre. Il devra payer une amende et s’il commet des fautes plus graves il ira en prison. Idem pour l’enfant ou l’élève. Avant d’être un sujet moral capable d’honorer des obligations, l’homme est un sujet sensible déterminé par ses inclinations naturelles.
Il y a donc bien une contrainte pédagogique et le droit est un « ordre extérieur de contrainte ». Evidemment l’enjeu d’une pédagogie libérale et du droit républicain est de promouvoir la liberté des hommes c’est-à-dire de développer en eux la conscience de leurs obligations mais étant donné la faiblesse morale de ceux-ci, il est impossible de faire l’économie de la contrainte. C’est là l’aveu que l’homme a besoin d’un maître tant qu’il est incapable d’être son propre maître.
Je suppose que si vous ne faîtes pas votre travail scolaire vous serez sanctionnée. Le feriez-vous toujours s’il n’y avait pas la menace de la sanction? Or qu’est-ce qui joue dans le sens de votre liberté? La démission des autorités pédagogiques qui vous abandonnent à votre penchant à la paresse et vous condamnent à demeurer ignorante et incompétente ou l’exercice ferme de leur autorité?
Pour la différence obligation-contrainte voyez le cours sur l’obligation dans ce blog. Répertoire.
merci! Vous aviez raison; c’est le fait que le pédagogue ou le législateur doivent employer la force, quand cela est nécessaire, que je n’arrivais pas à concevoir. A essayer d’atteindre le haut monde des Idées, on en oublierait presque la réalité de ce bas monde…
Bonjour, j’aimerais savoir, lorsqu’il y a mention de «on le forcera à être libre», de quelle liberté parle-t’on?
On parle de la seule liberté qui puisse avoir un sens c’est-à-dire de la capacité pour un sujet de poursuivre son utile propre (Spinoza), de se rendre indépendant des inclinations sensibles qui peuvent l’aliéner pour se rendre autonome (Kant), de s’affranchir des contraintes intérieures et extérieures, de s’affirmer dans la singularité de son être (Bergson). Tout cela se conquiert contre une servitude première. Voilà pourquoi le pédagogue et le législateur ne peuvent pas faire l’économie des contraintes.
bonjour j’aurais voulu savoir s’il la différence entre « faut-il forcer » et « peut-on forcer ».je suis en terminale L et nous abordons la liberté notre sujet est »faut-il forcer l’homme a être libre » quelle différence fait-on entre l’obligation et la possibilité.Navrée si cette question parait un peu idiote mais j’avoue être dans le flou.
Peut-on signifie dans cet énoncé d’une part est-il sensé? d’autre part en a-t-on le droit?
Faut-il signifie d’une part est-ce indispensable? d’autre part en a-t-on le devoir?
La problématique est donc différente.
( Instituteur d’une classe de cp, j’ai le privilège de partager ma passion pour la lecture,source de plaisir mais surtout de liberté.)
Certes,l’homme doit conquérir sa liberté.
Et comme il appartient aussi au monde des sens,il a tendance à céder à ses penchants au lieu de suivre sa raison.
Mais doté d’un esprit, l’enfant construit la loi morale qui lui permettra en tant qu’adulte de discerner ce qui est juste et ce qui est injuste. Et c’est là que « l’exercice ferme de l’autorité »me gène un peu, car l’enfant qui possède les germes de cette faculté à raisonner ne pourra pas la développer et l’exercer et validera comme énoncé vrai tout ce qui viendra de l’autorité. On voit les dérives que cela pourrait entrainer.
« Il faut donner à ses leçons , une forme qui ne sente pas la contrainte. Parce que l’homme libre ne doit rien apprendre en esclave, les leçons qu’ont fait entrer de force dans l’ame n’y restent pas. » Platon
Il y a des présupposés discutables dans votre propos.
D’abord l’idée qu’un enfant pourrait développer ses potentialités spirituelles et morales en l’absence de toute autorité parentale ou pédagogique.
Ensuite la confusion entre l’autorité et le pouvoir brut. Une autorité obtient l’obéissance par autre chose que des moyens coercitifs, par son rayonnement spirituel et moral. Mais cela ne signifie pas qu’elle n’ait pas à contraindre le penchant à la paresse, à la médiocrité.
L’autorité est incompatible :
-d’une part avec l’usage de moyens extérieurs de coercition
-d’autre part avec l’ordre égalitaire de la persuasion et de l’argumentation. Il y a autorité là où il y a une hiérarchie implicite entre les personnes, les unes s’imposant aux autres par une supériorité spirituelle et morale.
Ce qui devrait être le cas de la relation pédagogique. On éviterait ainsi certains désastres qu’on observe aujourdhui: des individus confondant autonomie personnelle et liberté anomique. Des êtres sans repère, incultes, prisonniers de leurs affects et de leurs passions. Ce que Aristote appelle « des brandons de discorde » c’est-à-dire des graines de violence.
L’école est un lieu d’apprentissage dans lequel l’élève se construit en tant que sujet cognitif et sujet sociomoral dans le but suprême de liberté.
Pour cela, l’élève bénéficie de droits mais il doit aussi respecter des devoirs qui rendent possibles cette éducation. C’est pourquoi, chaque début d’année, la classe ( élèves et maître ) élabore un réglement ouvert à toutes propositions débattues et validées ou non comme disposition nécessaire à travailler dans le respect de soi-même, des autres élèves et du maître ).
On peut aussi appliquer » l’exercice ferme de l’autorité » qui je trouve est un apprentissage de la soumission qui est loin d’initier le futur adulte à accepter les instances impersonnelles par entendement mais à s’y contraindre de manière inconditionnelle.
Tout comme l’erreur qui participe à l’évolution intellectuelle du sujet cognitif, la transgression, dans et sous certaines conditions, participe à la construction d’un sujet sociomoral.
Le mal est peut être moins la transgression en elle-même que l’ignorance de la transgression.
La société, est-elle une garantie de la justice de ce qui est exigé de nous ?
Autorité vient du latin augere (augmenter, faire croître) qui donne aussi auctor (l’auteur: celui qui augmente le patrimoine spirituel et moral de l’humanité).
Votre propos implique une méconnaissance de l’idée même d’autorité et sans doute faudrait-il commencer par l’approfondissement de cette notion pour comprendre que sans autorité pédagogique, c’est non seulement, l’éclosion de l’enfant comme personne morale mais aussi la République, en tant que son assise est l’école qui sont menacées.
Un mot sur vos illustrations bien choisies et pour me faire pardonner une faute de frappe : rappellent et non rappelent
J’aimerais savoir ce que veut dire exactement le texte de spinoza sur la liberté et l’état
Il y a beaucoup de textes de Spinoza sur ce thème et c’est à vous de faire l’effort d’en comprendre la problématique.
J’aimerais simplement faire quelques remarques, d’une part sur votre introduction du sujet, d’autre part sur votre échange intéressant avec Christophe.
Dans l’introduction, je vois en effet une réelle différence entre la citation de Platon et celle de Rousseau, et au-delà du paradoxe entre « force » et « libre » que vous développez, il est intéressant de noter un réel antagonisme de leurs points de vue. En effet Platon dit « qu’on détache un de ces prisonniers, qu’on le force à se dresser », et cela révèle une motivation compassionnelle envers un et un seul, la volonté d’aider comme si le prisonnier était dénué de force, finalement un accompagnement. Rousseau, lui en disant « ce qui ne signifie autre chose sinon qu’on le forcera d’être libre », se place selon moi dans la confrontation. Affirmation comme vous le précisez, que je perçois comme péremptoire, s’adressant à tous, formulée comme une menace. Opposition entre un esprit fondateur et un esprit colonisateur.
Concernant votre échange avec Christophe, je vois là une différence entre deux types de pédagogies que j’ai toujours ressenti en tant qu’élève. La première joue sur l’exemplarité, la connivence et fait place à une autorité rayonnante. L’autre sur l’assimilation et la distanciation laissant apparaître une autorité disons écrasante, massue pour rester dans le champ lexical énergétique. Bon élève j’ai appris de ces deux approches, mais il me semble que la première donne plus goût aux cancres, et grave de meilleurs souvenirs. Personnellement j’ai toujours bien estimés leurs représentants, de l’une ou de l’autre école, et ai au contraire détesté les « faux » pédagogues, ceux dont le manque d’autorité est flagrant.
Je vous laisse le soin de faire le rapprochement entre mes deux commentaires, et espère vous avoir intéressé dans mon élan impressionniste. De plus je tiens à vous féliciter pour le choix de ce type de rédaction de commentaire, imposant une projection du discours, qui est un exercice ma fois fort dégourdissant. Réalisé sans brouillon !
Dans l’excitation de la découverte de votre site par cet article, posté par un ami tunisien sur les réseaux sociaux voulant apporter un éclairage sur les mouvements actuels dans le monde arabe, j’ai omis de vous féliciter pour votre publication et votre implication. Je prendrai il en est sûr un vrai plaisir à redécouvrir les joies de la philosophie, et à élargir mon savoir.
Merci pour vos suggestions et pour votre bienveillance à l’égard de mon site.
Platon et Rousseau pointent l’usage nécessaire de la contrainte dans l’institution pédagogique et politique. L’un et l’autre sont sensibles à l’aporie que je formule avec Kant. Comment faire usage de la contrainte nécessaire à la domestication de la sauvagerie et de la paresse sans sacrifier la liberté? Comment donner ses chances à la liberté alors qu’elle commence par être niée par le déterminisme naturel et social? L’autorité se reconnaît à sa capacité de dépasser de manière ferme et souriante l’aporie. C’est patent, à mes yeux, en pédagogie puisque celle-ci met en jeu une relation inter-personnelle. Ce ne peut être le cas de la loi juridique. Il faut être bien raisonnable pour comprendre la légitimité de la loi républicaine. Son autorité n’est pas incarnée par une personne lui donnant une chair glorieuse. Son impersonnalité, l’inaptitude de beaucoup à saisir son lien avec une autorité instituante lui confèrent souvent la dimension d’un pouvoir brut.
C’est peut-être ce qui fonde la différence entre le propos de Platon et celui de Rousseau.
Je ne peux donc vous suivre dans l’idée que vous formulez d’une autorité écrasante. Il me semble qu’il y a antinomie entre l’idée d’ autorité et celle d’écrasement.
Qu’il le veuille ou non, un adulte par rapport à un enfant, une personne investie d’un pouvoir pédagogique par rapport à un élève a une supériorité. Autant l’assumer dans la sincérité et l’intérêt de l’enfant que lui reconnaître des pouvoirs qu’il n’a pas et qui seront ceux qu’insidieusement il imitera, par le fait même du mimétisme.
Mais la crise de l’autorité est consubstantielle à la modernité comme l’analyse Hannah Arendt. D’où la crise de la gouvernance dans tous les domaines de la société.
Cordialement
Bonjour,
Je parcours votre blog depuis peu et je tiens à vous remercier de mettre à disposition toutes ces précieuses connaissances à des non-initiés, comme moi.
Je n’ai jamais eu la chance de suivre des cours de l’art de la Pensée et je le regrette aujourd’hui. Et je suis convaincue que la société aurait tout à gagner si elle proposait des leçons de philosophie dès le collège. Si seulement j’avais compris, plus tôt, qu’il ne peut avoir de liberté sans contraintes, j’aurais très certainement eu la joie d’assister à des cours de philosophie.
Force est de constater que cette matière est quand même très difficile à appréhender et je me surprends à buter sur des expressions qui me paraissaient très simple jusqu’à lors.
Philosopher toute seule n’est pas chose aisée.
Souhaitez-moi bonne chance dans ma quête…
:-))
Bravo pour votre curiosité et votre désir de réflexion. Il est vrai que l’exercice philosophique est difficile sans initiation mais vous pouvez trouver de l’aide sur ce blog et sur bien d’autres sites.
Dîtes-vous bien que lorsqu’on a un vrai désir de conquérir une compétence, on a déjà fait la moitié du chemin.
Tous mes voeux d’épanouissement pour ce que vous entreprenez.
Bien à vous.
slt, je me nomme Doua et je suis un élève de la terminale. je suis un amateur de la philosophie c’est-à-dire de la quète du savoir. mais je n’arrive toujours pas a aborder mes sujets comme il le faut.
Il faut pour cela consulter les cours de méthode sur ce blog, en assimiler les règles et vous entraîner à les appliquer en utilisant les exemples que vous trouverez dans la rubrique dissertation et explication de texte. C’est en s’exerçant qu’on acquiert de l’aisance.
Bon courage.
Bonjour Mme MANON,
Je suis actuellement en Terminale Scientifique et découvre enfin le plaisir de la philosophie. J’ai en sujet de dissertation exactement le même que vous avez traité ci-dessus. Même si je le traite totalement différemment, j’aimerai vous poser une question quant à une de mes réflexions. J’aimerai m’assurer de la véracité de mes dires.
Je me suis dit que le sujet « Peut-on forcer quelqu’un à être libre? » posait aussi un problème moral. Chaque individu est différent, ainsi comment pouvons-nous oser prétendre savoir que l’individu sera plus libre après que nous l’ayons contraint à ce que nous pensions être une meilleure liberté ? Comment pouvons-nous connaître irrémédiablement les conséquences de nos actes ? Nul n’est tenu à connaître la Vérité sinon sa vérité, autant que chacun n’est tenu qu’à vivre sa liberté. Il n’y a pas une liberté universellement obtenue, chacun la trouve par un chemin différent et personnel. Ainsi pouvons-nous prendre le cas d’un drogué. Cette personne est vue par les personnes extérieures comme une personne dépendante de la drogue. Qui dit dépendance à la drogue dit « être sous l’autorité » de la drogue. Ainsi les personnes extérieures vont vouloir contraindre la personne à arrêter de se droguer, par sevrage, et ainsi la libérer de son emprise. Or cette personne, qui ne voulait certainement pas arrêter puisqu’elle y a été contrainte, voyait peut-être en la drogue une libération ; peut-être, comme à l’Etat, cédait-elle une partie de sa liberté, précisément celle d’être indépendante, pour une plus grande. Tel a été le cas pour Rimbaud ou Hemingway. De même pouvons-nous citer l’autisme, qui, à la différence de la drogue, n’est pas un enfermement « choisi ». Les personnes extérieures veulent les faire sortir de leur « monde » en leur imposant des traitements pour les libérer. Or, que connaissons-nous de leur « monde » ? Nous prétendons les libérer, mais peut-être faisons-nous le contraire en les enfermant dans le notre.
Pourriez-vous m’indiquer si mon raisonnement tient la route ou si je suis totalement à côté je vous pris?
Bien à vous.
Bonjour Fitz
Il me semble que que vous éviteriez les sophismes dans lesquels vous vous enfermez si vous commenciez par une analyse rigoureuse de l’idée de liberté. Il n’y a pas de mauvaise ou de « meilleure » liberté, selon votre propos. Il y a la liberté ou l’absence de liberté. Ainsi ce n’est pas parce que chaque personne est singulière et doit être respectée dans sa singularité qu’il n’y a pas antinomie entre la servitude et la liberté.
Y a-t-il sens à dire qu’un toxicomane, un autiste sont libres? Peut-on jamais « choisir » un enfermement? Avec ce genre de sophismes, on peut dire n’importe quoi.
Vous avez donc compris que si je devais noter une dissertation fondée sur un tel manque de rigueur conceptuelle, vous le seriez sévèrement.
Bien à vous.
Je me suis dit que par un même traitement, des personnes pouvaient se sentir plus ou moins libres. Pour illustrer cela j’ai cru bon de citer le problème lié à la burqa en France. Une grande partie du peuple français est totalement contre le port de la burqa car il pense que ce dernier est une atteinte à la liberté des femmes et à leur dignité. Cependant nous nous rendons compte que certaines femmes veulent absolument la porter et ce, non pas par obligation, mais par plaisir, habitude ou tradition. Et il en va de leur liberté qu’elles puissent le faire. A partir de là j’ai pensé que dans un cadre où les personnes ne pouvaient pas vraiment s’exprimer parce qu’elles n’avaient peut-être pas conscience de leur(s) problème(s), le fait de les forcer n’était peut-être pas moralement juste. Ainsi ai-je cité le cas des autistes, tout simplement parce que nous ne connaissons quasiment rien du « monde » dans lequel ils s’enferment, et nous jugeons que le fait de les en faire sortir les rendrait libre. Alors que nous n’en savons rien.
Merci à vous et à votre intérêt pour la philosophie, à votre envie d’éclairer les gens dont les jeunes de Terminale comme moi qui ont à peine le temps de découvrir la philosophie pour en voir la fin…
Bien à vous.
Un extrait de l’essai « Qu’est-ce que les Lumières » de Kant illustre selon moi remarquablement la longue parenthèse où vous citez Dostoïevski. Il s’agit du texte portant sur la minorité intellectuelle, maintenue dans cet état par la paresse et la lâcheté. On y comprend bien que la liberté est à la fois innée et à acquérir !
Pour ce qui est de la question de savoir « comment sauver une fin en employant des moyens qui lui sont contraires » il me semble que c’est toute la question que pose Camus dans son « cycle de la révolte » – notamment dans la pièce Les Justes et l’essai L’homme Révolté.
Encore une fois je me permets de vous demander si ces références vous semblent à vous aussi pertinentes dans le cadre de ce sujet !
Je ferai la même remarque que dans ma réponse précédente. Une référence est bien venue lorsqu’elle est maitrisée et exploitée avec pertinence.
Souvenez-vous que disserter ou penser ne consiste jamais à énumérer des thèses d’auteurs mais à affronter avec rigueur et souci de l’approfondissement un problème.
PS: Il ne faut pas dire que la liberté est innée. Cela n’a pas de sens. Vous voulez dire qu’elle est une possibilité de l’humaine nature qui requiert des conditions pour être actualisée.
Bien à vous.
Bonjour,étudiant en terminale je suis ravi de pouvoir lire cette dissertation aussi je vous remercie de publier en ligne vos travaux . je voulais savoir comment aborder une troisième partie: est ce que le fait d’expliquer l’aporie qui est une impasse, pour être servir de dépassement?
Bonjour
Cet article est une introduction détaillée.
Il me semble qu’elle est explicite sur la partie intitulée dépassement.
Bien à vous.
Moi je suis en Tle D, Descartes nous dit «notr volonté est libre et cette liberté de notre volonté se connait sans preuve par la seule expérience que nous en avons». Il rencherit sa conception de la liberté en ces termes »au reste, il est si evident que nous avons une volonté libre qui peut qui peut donner son consentiment ou ne pas le donner, qu’en bon lui semble ». Et donc si nous avons une volonté libre, cela suppose que la force ne peut conduire en aucun cas à la liberté. André GIDE dans les Caves du Vatican nous dit qu’être libre c’est la faculté de se determiner à agir sans que rien ne ns y contraigne. C’est egalement le pouvoir de décider à partir de rien. Cela dit, le législateur et le politique, par leur action entravent l’idée de liberté. Si l’homme a une volonté libre, alors l’action du législateur ou du politique serait sans effet sur la manifestation de la liberté.
Bonjour
Votre propos est de part en part irréfléchi.
D’abord parce que vous affirmez inconsidérément que l’obéissance à la loi est, par principe, synonyme de servitude.https://www.philolog.fr/lobeissance-est-elle-necessairement-exclusive-de-la-liberte/
Ensuite parce que vous supposez qu’avoir le pouvoir d’être libre (disposer d’une volonté), c’est nécessairement l’exercer. Descartes n’a pas cette inconséquence. Voyez sa distinction entre les actions de l’âme et les passions de l’âme. https://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/
https://www.philolog.fr/la-vertu-de-generosite/
Bon travail.
Bonjour
Tout est bien expliqué et détaillé. J’ai apprécié lire cet article.
Madame
A la fin du texte ci-dessus, vous écrivez : « mais un problème supprimé en pratique n’est pas un problème résolu en théorie. » C’est la première fois que je rencontre une telle affirmation et j’avoue que je ne la comprends pas. Si un problème d’ordre pratique (contrainte et liberté vécues et difficulté à les concilier) trouve sa résolution, son dépassement au plan pratique. Pourquoi ne peut-on pas considérer que sa résolution est acquise? Quelle valeur peut bien avoir son versant abstrait dans ce contexte?
Merci
Bonjour
La troisième partie (à partir de « reste que ») énonce clairement la nature du problème théorique. Il faut pour le comprendre avoir une claire conscience de l’aporie.
Il y a une contradiction entre l’idée de contrainte et celle de liberté aussi est-il proprement mystérieux d’obtenir l’une en mobilisant l’autre. Que cette contrainte, dans la législation ou la pédagogie, s’exerce sur la servitude, que le processus de libération soit un processus évolutif, ne supprime pas l’antinomie entre le moyen et la fin.
Bien à vous.
Bonjour,
Tout d’abord, merci pour cet article. Votre site m’est d’une grande aide.
Simplement, je constate qu’extraire la citation de Rousseau de son contexte d’origine la circonscrit un peu, ou, au contraire, l’élargit beaucoup.
Dans son Contrat social, Rousseau aborde cette question par le prisme de la liberté politique avant tout, me semble-t-il. Il explique (si je résume grossièrement), que la liberté serait finalement d’obéir aux règles qui incombent à toute la société. Car ces règles émanent aussi, de fait, de l’Homme qui y obéit étant donné qu’il fait partie intégrante de la société qui en est à l’initiative.
Comment retranscrire votre analyse – très intéressante au demeurant – à ce champ précis ?
D’avance merci, belle journée à vous.
Bonjour
L’homme qui ne vit pas selon la conduite de la raison, comme dirait Spinoza, a besoin de la loi pour suivre ce qui lui est utile, lorsque cette loi sert l’intérêt commun, (https://www.philolog.fr/lobeissance-est-elle-necessairement-exclusive-de-la-liberte/) mais obéir à la loi ne sera jamais vécu par lui comme synonyme de liberté. Les apories pointées dans ce modeste article sont pertinentes aussi bien dans une perspective politique que dans une autre.
Bien à vous.