Déduire c'est tirer d'une ou de plusieurs propositions appelées prémisses une conclusion qui en découle logiquement et nécessairement.
Ex : Le syllogisme. Tous les hommes sont mortels
Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel.
Ex : La démonstration mathématique. Elle est une opération intellectuelle ayant pour fin d'établir la vérité d'une proposition en la déduisant de prémisses admises ou démontrées. Le raisonnement déductif fait circuler la vérité d'un point de départ admis à une proposition dont on veut établir la vérité.
A la différence du syllogisme dont la conclusion n'apprend rien de plus que ce qui est déjà contenu dans les prémisses (raison pour laquelle Descartes dénonce sa stérilité) la démonstration mathématique unit la rigueur à la fécondité.
Rigueur car, comme dans le syllogisme, elle déploie ce qui est contenu dans les prémisses.
Fécondité car elle invente des règles, telles que le passage d'une proposition à une autre n'est pas une pure tautologie, il apprend quelque chose.
Ex : Connaissant la valeur de la somme des angles du triangle, on peut démontrer par un processus de généralisation, quelle est la valeur de la somme des angles d'un polygone quelconque. Celle-ci est égale à autant de fois deux droits qu'il a de côtés, moins deux.
Ex : Il est possible de démontrer à partir du rapport A /B =C/D que AD=BC c'est-à-dire que le produit des extrêmes est égal au produit des moyens. La règle opératoire consiste à réduire les deux fractions au même dénominateur. Sachant qu'une fraction ne change pas de valeur quand on multiplie ses deux termes par la même quantité, il suffit de multiplier le numérateur et le dénominateur de A / B par D et le numérateur et le dénominateur de C / D par B. On obtient alors AD/BD=BC/BD d'où il découle que AD=BC.
Etymologiquement la démonstration est un discours qui montre.
Mais que montre-t-il ? Il ne montre pas un fait, un évènement c'est-à-dire quelque chose de perceptible par les sens. La démonstration ne fait pas appel à la sensation. Elle n'emprunte rien à l'expérience.
« Même s'il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration » écrit Aristote pour qui une science est démonstrative ou n'est pas une science. « Ce que nous appelons savoir c'est connaître par le moyen de la démonstration ».
Les Grecs sont les inventeurs de la démonstration et ils méritent à ce titre un hommage éternel. Pourquoi ?
Parce que la démonstration cherche à établir la vérité par les seules forces de la raison. Elle est un raisonnement qui se suffit à lui-même puisque c'est « un discours tel que, certaines choses étant posées, quelque chose d'autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données » (Aristote)
Celui qui suit la démonstration ne peut pas ne pas consentir aux conclusions. La démonstration entraîne l'adhésion rationnelle de façon nécessaire. Elle fait autorité par elle-même, cette autorité étant celle de la raison en chacun de nous.
Il s'ensuit que :
-La démonstration se distingue de l'interprétation qui a un caractère incertain et conjectural. Alors que le conflit des interprétations est consubstantiel à la nature de l'interprétation, la démonstration est un raisonnement contraignant. Se rendre à une démonstration revient à faire de la raison le seul arbitre en matière de vérité.
-La démonstration étant la raison en acte, l'investissement personnel de la raison de chacun est engagé dans la procédure démonstrative. Toute démonstration est en ce sens invitation à penser par soi-même c'est-à-dire à s'assurer par son propre effort de la validité d'une conclusion. On découvre par là qu'il y a une nécessité de l'ordre du discours, que la liberté de l'esprit n'est pas synonyme d'arbitraire personnel ou de pure fantaisie. Penser est autre chose qu'opiner.
-Les arguments d'autorité sont ruinés par l'autorité de la démonstration. On appelle argument d'autorité un argument tirant sa vérité du prestige de celui qui l'énonce. Ex : C'est vrai puisque tel savant l'a dit. C'est vrai puisque c'est une vérité révèlée. C'est vrai puisqu'on l'a toujours dit. (Prestige de la tradition).
« Il n'est qu'une façon de s'imposer par une autorité qui n'emprunte rien au dehors, il n'est qu'un mode d'affirmation inconditionnel, la démonstration. » Jean Cavaillès. Sur la logique et la théorie de la science, Vrin, 1997, p. 39.
PB: Suffit-il qu'une démonstration soit rigoureuse pour qu'elle soit vraie ?
Non car la rigueur et la nécessité logique des enchaînements de propositions, conditions nécessaires de la validité d'un discours, ne sont pas une condition suffisante pour garantir la vérité d'une conclusion. Encore faut-il qu'ils s'effectuent à partir de prémisses ayant une vérité.
On peut en effet déduire avec rigueur, c'est-à-dire sans aucune incohérence, des conclusions de prémisses fausses. C'est le propre de ce qu'Aristote appelle le syllogisme rhétorique ou sophistique. On peut aussi déduire une conclusion de prémisses simplement probables ; ce qu'Aristote appelle le syllogisme dialectique.
(Voir le cours du début de l'année opposant Platon, pour qui la dialectique est la méthode de la science, et Aristote pour qui la dialectique ne saurait être une science car là où il y a débat il n'y a pas science. Une science est démonstrative ou elle n'est pas science comme il a été dit plus haut)
En toute rigueur la conclusion d'une démonstration serait absolument certaine si les prémisses à partir desquelles elle est établie étaient elles-mêmes démontrées. Mais pour les démontrer il faut remonter à des propositions elles-mêmes démontrées et ainsi à l'infini. Dans cette régression vers les principes la raison rencontre ses limites. Elle découvre qu'elle remonte à des propositions premières qui lui servent à démontrer toutes les autres mais qu'elle ne peut pas démontrer. Ces propositions constituent les points de départ de la démonstration c'est-à-dire les conditions de possibilité de cette dernière.
PB : Qu'en est-il de ces principes ? Sont-ils des vérités ?
S'ils sont vrais sans être démontrés cela signifie que la raison a d'autres voies d'accès au vrai que la démonstration.
PB : Quelle est l'opération intellectuelle qui pose les premiers principes ?
(Ou les premières notions car il en est pour celles-ci ce qu'il en est pour les propositions. Pour définir une notion on utilise d'autres notions et en dernière analyse la définition suppose des notions servant à définir les autres mais n'étant pas elles-mêmes définies)
La réponse classique consiste à dire que les premiers principes et les premières notions sont objets d'intuition car ce sont des évidences.
L'évidence est l'idée dont la vérité ou la notion dont la signification saute aux yeux.
« La géométrie ne définit aucune de ces choses : espace, temps, mouvement, nombre, égalité ni les semblables qui sont en grand nombre, parce que ces termes là désignent si naturellement les choses qu'ils signifient à ceux qui entendent la langue que l'éclaircissement qu'on en voudrait faire apporterait plus d'obscurité que d'instruction » Pascal. De l'esprit de géométrie 1657
D'où la définition qu'on donnait traditionnellement de l'axiome : proposition indémontrée et indémontrable qui s'impose à l'esprit par son évidence. Ex : Deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles.
Au 17e siècle le débat porte sur la nature de la faculté permettant la connaissance intuitive de l'évidence.
Pour Descartes l'intuition est un mode de connaissance rationnel grâce auquel l'esprit atteint directement son objet. « C'est la représentation qui est le fait de l'intelligence pure et attentive qui naît de la seule lumière de la raison, et qui, parce qu'elle est plus simple est encore plus certaine que la déduction [...]Ainsi chacun peut voir par intuition qu'il existe, qu'il pense, que le triangle est délimité par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface et autres choses semblables, qui sont bien plus nombreuses que ne le remarquent la plupart des gens, parce qu'ils dédaignent de tourner leur esprit vers des choses si faciles » Règles pour la direction de l'esprit. III.
Pour le chrétien Pascal, au contraire, l'impossibilité pour la raison de démontrer tous ses énoncés est le signe de l'impuissance de la raison humaine à construire une science selon un ordre accompli. Il y a là matière à humilier la raison, à pointer une fois de plus la misère de la condition humaine sans une aide en quelque sorte surnaturelle. La raison a besoin du secours d'une autre faculté pour rendre possible son exercice et lui permettre un accès à la vérité qui, à défaut, lui serait refusée. Cette faculté est le cœur.
« Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur : c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement qui n'y a point part, essaye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous sommes de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. (Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un est double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies). Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre pour vouloir les recevoir.
Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison qui voudrait juger de tout, mais non à combattre notre certitude, comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire » Pensées B 282
PB: L'évidence est-elle un critère infaillible de la vérité ?
Y a-t-il des idées si claires et si distinctes qu'il soit impossible d'en douter ?
L'évidence est-elle la propriété intrinsèque de certaines idées ou bien les idées qu'on trouve évidentes sont-elles simplement celles qui suscitent en nous un sentiment d'évidence ? Et quelles sont ces idées sinon celles qui vont dans le sens de nos désirs, de nos intérêts, de nos passions ou de nos conditionnements culturels ?
Lagneau disait que « les prisonniers de la caverne sont les prisonniers de l'évidence » et Bachelard qu' « il n'y a pas d'évidences premières, il n'y a que des erreurs premières »
Sans doute l'évidence rationnelle ne doit-elle pas être confondue avec les évidences sensibles de la connaissance vulgaire, reste que Descartes reconnaissait lui-même : « Il y a quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement ». Discours de la méthode. Quatrième partie.
D'où la boutade de Leibniz « Descartes a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence mais il a oublié de nous en donner l'adresse ».
Les sciences, mathématiques comprises, ont aujourd'hui renoncé à définir l'axiome par la notion d'évidence. Elles considèrent les premiers principes comme des hypothèses (ce qui est posé sous la thèse) qu'elles demandent d'admettre (sens traditionnel de la notion de postulat) parce qu'elles sont la condition du discours. Il s'ensuit que la forme de tout discours est nécessairement hypothético-déductive.
PB : Comment les hypothèses à partir desquelles peut s'effectuer la démonstration sont-elles posées ?
La pratique des savants permet d'apporter deux réponses à cette question.
L'hypothèse peut être l'objet d'une intuition ou d'une induction.
-Einstein, par exemple, sans nier que de nombreux principes théoriques sont les résultats d'un raisonnement inductif affirme qu'à un certain niveau de formalisation, les principes fondamentaux de la théorie sont saisis intuitivement. « Une compréhension intuitive de ce qui est essentiel dans un ensemble complexe de faits amène le chercheur à poser une ou plusieurs lois fondamentales à titre d'hypothèses. De cette loi fondamentale il tire ensuite les conséquences par une démarche logico-déductive et de façon aussi complète que possible » Induction et Déduction en Physique. Albert Einstein
Cette constatation le conduit à souligner qu'il n'y a pas de méthode pour inventer une hypothèse. Cette « compréhension intuitive » est peut-être le nom qu'il faut donner au génie créateur qui en sciences comme en art est moins de l'ordre des apprentissages que le propre d'esprits supérieurs. (Par le talent et la puissance de travail).
-Ou alors l'hypothèse est formulée par induction.
L'induction est le raisonnement consistant à passer de la constatation d'un certain nombre de faits particuliers semblables à l'énoncé d'une loi générale. (Au sens d'universelle)
Ex : Observant qu'un corbeau puis un autre ; puis un autre est noir j'induis que tous les corbeaux sont noirs.
Ex : Sadi Carnot (1796.1832) constate que les machines à feu qu'il observe ont un même caractère essentiel : la production du travail s'y trouve toujours accompagnée « par le passage de calories d'un corps où la température est plus élevée à un autre où elle est plus basse » Il érige alors cette corrélation en loi : il n'est pas possible de transformer la chaleur en travail sans disposer de deux sources de chaleur ayant des températures différentes.
Clausius en 1850 généralise le théorème de Carnot et énonce le second principe de la thermodynamique (dit d'entropie) Dans une enceinte énergétiquement isolée, toutes les différences tendent à s'annuler spontanément.
La théorie peut donc reposer sur des principes obtenus par induction, principes permettant de démontrer telles ou telles lois dérivées.
On voit le problème que pose ce genre de raisonnement. Qu'est-ce qui garantit la vérité des hypothèses fondant la démonstration ? Des observations réitérées certes, mais en droit, il est impossible d'affirmer qu'il n'existe pas un fait susceptible de falsifier le caractère universel des énoncés. Ce fait, Bachelard l'appelle « fait polémique » et il va de soi que l'observation d'un tel fait entraîne nécessairement le remaniement des énoncés théoriques. Qu'en est-il alors de la valeur des propositions qu'on avait démontrées avec les hypothèses précédentes ?
Conclusion
Quelle que soit la nature des prémisses à partir desquelles on déploie la procédure démonstrative, aucune n'a le caractère infaillible d'une vérité absolue. Il s'ensuit que les conclusions ne sont pas plus infaillibles que les points de départ. La démonstration qui fait la force de l'esprit est aussi ce qui en révèle la faiblesse.
Les esprits faibles et paresseux en tireront argument pour se justifier dans leur faiblesse et leur paresse.
Les esprits forts et courageux ne trouveront pas dans cette imperfection un alibi pour renoncer à contribuer à l'effort théorique qui fait l'honneur de l'homme. Au contraire, le savant ou le sage y verront le signe que l'homme n'est pas un dieu, qu'il est un homme seulement et que dans les sciences comme ailleurs sa grandeur procède de la conscience de sa finitude. Ils poursuivront donc avec courage l'effort séculaire de l'humanité, les limites de nos constructions intellectuelles les plus majestueuses les incitant seulement à se garder de tout dogmatisme.
NB : Idée-force : Il y a des limites de la démonstration.
Les premières propositions nécessaires à toute démonstration ne peuvent pas, en dernière analyse, être démontrées. Aristote admet que si on devait toujours produire de nouvelles prémisses pour démontrer celles qu'on utilise pour démontrer, la démonstration serait impossible. « Il est absolument impossible de tout démontrer : on irait à l'infini, de telle sorte qu'il n'y aurait pas encore de démonstration »Métaphysique Livre IV §4. Il faut donc admettre des propositions soit intuitivement, soit conventionnellement.
La systématisation définitive des systèmes hypothético-déductifs ne peut pas, selon le théorème de Gödel (1931), être achevée. Gödel a, en effet, démontré 1°) qu'une arithmétique non contradictoire ne peut constituer un système complet et comporte nécessairement des énoncés indécidables. Il se peut qu'en certains cas, il soit possible de démontrer une chose et son contraire. (inconsistance) ; 2°) qu'il existe des vérités mathématiques impossibles à démontrer à l'intérieur d'un système (Théorème d'incomplétude).
Le raisonnement démonstratif repose sur le principe de non contradiction. Or dans le Livre IV de la Métaphysique, Aristote établit que ce principe (deux propositions contradictoires, à savoir deux propositions dont l'une affirme ce que l'autre nie, ne peuvent être vraies en même temps) ne peut pas être démontré, d'une part parce qu'il faudrait une régression à l'infini pour pouvoir tout démontrer, d'autre part parce que l'on ne peut démontrer le principe dont toute démonstration a besoin sans commettre une « pétition de principe ».
Il s'ensuit que l'impossibilité de tout démontrer n'est pas seulement une impossibilité de fait, tenant aux limites de nos capacités. Plus fondamentalement c'est une impossibilité de droit, liée à la condition par principe indémontrable, de toute démonstration.
Ce qui n'empêche pas Aristote, d'une part de souligner que « c'est de l'ignorance [...] que de ne pas distinguer ce qui a besoin de démonstration et ce qui n'en a pas besoin » Ibid. ; d'autre part de tenter une « démonstration par réfutation » du principe de non contradiction.
Il précise bien qu'il ne s'agit pas d'une démonstration au sens propre mais d'un exercice dialectique consistant à établir l'évidence du principe de non contradiction en faisant apparaître le caractère insoutenable de sa négation. En effet lorsqu'on parle, on admet implicitement que son propos a du sens pour soi-même et pour autrui, ce qu'on récuserait si on refusait le principe de non contradiction. Aristote reconduit ici la méthode par laquelle Platon dénonce le relativisme de Protagoras. Si, comme l'affirme Protagoras, la vérité est relative et se confond avec l'opinion, on ne peut éviter de reconnaître la vérité de celui qui soutient qu'elle en est distincte. Cette dernière proposition : « la vérité est distincte de l'opinion » est impossible à réfuter puisqu'elle est la vérité commune aux deux points de vue.
Ainsi en est-il du principe de non contradiction. Il est commun à celui qui l'affirme et à celui qui le nie, car si ce n'était pas le cas, ce dernier se condamnerait au silence. Ce qui est impossible à réfuter peut donc être reconnu comme principe universel.
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Bonjour 🙂
J’avoue n’avoir fait que lire les premières lignes de cette article, mais elles me marquent déjà :
L’exemple du syllogisme me semble douteux, non ? Enfin, je sais bien que c’est l’exemple qu’on donne toujours du syllogisme, mais, en tout cas par rapport à la logique aristotélicienne, il est juste faux, il me semble.
Les termes d’un syllogisme ne devraient-ils pas être tous des concepts universels ? Or Platon est pour le moins particulier. ^^ Ce serait en fait plus un enthymème, toujours me semble-t-il, parce que ça me rassure drôlement de m’assurer un filet de secours ^^
Je m’appuie sur le fantastique Raisonner En Vérité de Bruno Couillaud, formidable travail sur la logique aristotélicienne.
Bien à vous 🙂
N’ayant pas lu le livre de Bruno Couillaud, je ne peux pas répondre de manière éclairée à votre remarque. Je vous prie de m’en excuser.
Salut à tous,
Au sujet de l’évidence, je pense tout simplement qu’elle est anti-scientifique. Le 5ième axiome d’Euclide, l’axiome des parallèles, était évident aux yeux des mathématiciens, cela pendant plus de 2 000 ans. Il a fallu bravé cette évidence millénaire pour que GAUSS, LOBATCHEVSKY et RIEMANN, propose des alternatives à l’axiome des parallèles et découvrent les géométries non-euclidiennes.
Il vaut mieux de méfier des évidences afin de garder l’esprit ouvert pour rechercher la vérité.
Ce n’est qu’un avis, chers amis.
Cordialement
Pour votre premier jugement, on peut être d’accord. En revanche j’attire votre attention sur le fait que personne n’a jamais prétendu que le postulat des parallèles est un axiome c’est-à-dire une proposition évidente. Voyez le cours sur les critères de l’idée vraie dans ce blog.
Bien à vous.
Je signale une erreur de référence dans la conclusion. C’est dans le livre IV, §4 de la Métaphysique et non dans le livre I §4 qu’Aristote établit l’impossibilité de démontrer le principe de non-contradiction.
Cordialement
Merci beaucoup de cette rectification. Je me suis empressée d’aller dans ma bibliothèque pour vérifier. Effectivement c’est bien le Livre IV dans le tome 1 (Livres A-Z) chez Vrin.
La précision étant une vertu que je demande aux élèves, merci d’épingler mon imprécision.
Bonjour,
Une question : dans le 2ème § qui suit le « NB : Idée force … », et concernant le théorème de Gödel, je me demande si la phrase qui commence par « Autrement dit … » est tout à fait juste ; Le théorème de Gödel établit l’incomplétude de certains systèmes formels mais pas nécessairement leur inconsistance, or la précision qui est apportée ici semble pourtant le laisser entendre ( ?).
Autre chose, mais c’est du pinaillage, juste avant cette phrase, n’aurait-il pas été mieux de parler « d’énoncés indécidables » plutôt que de « données indécidables » ?
Même si c’est du « pinaillage » comme vous le dîtes, je prends acte de vos précisions.
Cordialement.
à titre d’information,
Notre prof de philosophie étant absente depuis un certain nombre de temps… nous avons eu la « chance » d’avoir une vacataire mais le souci c’est que cette personne nous imprime des cours tirés d’internet: les vôtres ! et elle a relativement du mal à les expliquer…
cordialement,
un élève (qui risque de ne plus aller en philo puisqu’il dispose déjà de tout les cours…)
Merci pour l’information qui me révèle, une fois de plus, les effets pervers de mon initiative. J’espère que votre « professeur » précise qui est l’auteur du cours qu’elle distribue car il est protégé par droits d’auteur, et seul celui qui m’en fait le demande peut être autorisé à le diffuser. Je compte sur vous pour rappeler à la personne concernée cette règle élémentaire.
Quant à vous, souvenez-vous que vous avez l’obligation d’aller en cours.
Bien, je lui rappellerais. Vos élèves ont bien de la chance d’avoir un professeur aussi impliqué que vous en avez l’air à travers votre blog.
Merci beaucoup, pour commencer, pour ces cours en tout point remarquables (je suis moi-même philosophe de formation et j’ai renoué avec mes anciennes amours en animant depuis plus de dix ans un café philo).
-vous montrez que la démonstration n’a pas un rapport simple avec la vérité, même si elle peut prétendre légitimement « établir » des vérités. Il semble que la démarcation entre les sciences et les autres approches passent par cette méthode démonstrative. Comment situez-vous la philosophie dans cette perspective ? peut-on considérer que l’établissment des vérités n’est pas son domaine ?
Je pense qu’il faut avoir bien présent à l’esprit que le champ de la philosophie est le problématique. Sa méthode est la dialectique. Or Aristote me semble avoir raison contre Platon. La méthode de la science est la démonstration et là où il y a débat, discussion, il n’y a pas science. Ce qui ne doit pas inviter à une disqualification de la philosophie. Au contraire, dans son échec même, il y a la réussite d’une raison consciente de ses limites, ouverte par son propre rapport critique à elle-même à l’aventure féconde de la construction des savoirs.
Il y a un effet pervers à opposer science et philosophie chez Aristote, lorsque la philosophie est dite episteme theoretike, parmi les mathématiques et la physique, et que la physique elle même est philosophie seconde, par rapport à la philosophie premiere, science de l’etre en tant qu’etre. Bref, à y regarder de près ce que nous distinguons (science / philosophie) ne se distingue pas elon les memes criteres chez Aristote. On pourrait d’ailleurs rappeler le fameux fronton de l’académie de platon « Que nul n’entre ici s’il n’est pas géomètre ».
La démonstration est donc de rigueur en philosophie, sa différence d’avec les sciences relevant plutot de son mode d’appréhension des objets: il ne s’agit pas d’étudier les etres dans une region spécifique, les etres en tant que materiels, ou vivants… mais les etres en tant qu’etres, c’est-à-dire en tant qu’ils sont de l’etre et non du rien. La philosophie n’a pas a etre disqualifiée, mais remise à sa place, en tant qu’activité de reflexion sur ce que c’est qu’etre pour les choses (metaphysique), pour nous (ethique), et pour les choses vis à vis de nous (gnoséologie). Reconnaitre un echec de la philosophie, c’est en attendre une reussite, un achevement, ce qui suppose une idée de la vérité comme pouvant etre determinée une fois pour toute, sur le prétendu modèle scientifique (2+2=4), ce qui releve de la plus dangereuse des illusions.
Il y a longtemps que la philosophie ne peut plus se prétendre science de l’être. L’âge de la métaphysique au sens aristotélicien est derrière nous. Ce qui ne signifie en aucun cas que la philosophie soit disqualifiée. Mais qu’elle soit devenue plus modeste, cela ne fait pas de doute.
la science de l’être, entendue strictement comme onto-logie, n’a pas à rougir, ni à se vouloir plus modeste. Qu’il n’y ait de science de l’être possible que dans et par le logos est un requisit inhérent de la philosophie. Rejeter la « métaphysique » aristotélicienne comme étant derriere nous me semble illégitime, au regard d’une histoire de la philosophie tournée vers le passé, et de la philosophie qui n’existe pas en dehors de son passé. Pour rien au monde je ne reconnaitrait une modestie de la philosophie, qui a bien une tache reflexive, non determinante, et cela depuis son commencement, essentielle, contrairement à des prétendues vérités scientifiques qui auraient quant à elles besoin d’etre, dans les images communes que nous nous en faisons, remises à leur rang propre
Il ne s’agit pas de « rejeter » la métaphysique aristotélicienne. Il s’agit simplement de prendre acte que le travail de la pensée s’effectue au présent et que nous ne sommes plus à l’âge des grands systèmes métaphysiques pour des tas de raisons qui ne peuvent s’énoncer en deux lignes.
L’âge des grands systèmes métaphysiques n’est pas celui d’Aristote, pour qui le terme n’existe même pas, et dont l’oeuvre « métaphysique » est inexistante. Il n’y a chez lui que la recherche de la possibilité d’une science de l’être en tant qu’être, non pas la réponse systématisée de cette possibilité. Grands systèmes métaphysique, cela me parait anti philosophique, et quelqu’en soit l’époque, hier comme aujourd’hui. Les commentateurs d’Aristote ont figé une pensée qui questionnait, ils se sont trompés ou du moins, ont simplifié la tâche de la pensée.
Je pense que le pragmatisme est un aussi grand système métaphysique que le thomisme, parce qu’il est toujours un discours sur l’être prétendant le déterminer, dans sa négation, certes, mais sa négation n’en constitue pas moins une détermination. et ceci ne constitue pas une volonté de réhabiliter le thomisme! La fin de la métaphysique me parait être une idée totalement illusoire
Bonjour Simone,
J’espère que tu vas bien et je te félicite pour ton site qui est vraiment très bien fait. ça doit
te demander un travail très important. En jetant un oeil sur ce cours sur la démonstration, j’ai
vu cette belle citation de Cavaillès que je n’ai pas lu depuis un petit moment. Aurais-tu la gentillesse de me dire dans quel texte elle se situe?
Amicalement.
Fatma
Tu trouveras cette citation dans « Sur la logique et la théorie de la science ».
Bien à toi.
Bonjour,
Dans le seul but de me donner l’impression de contribuer, je serais tenté de tempérer l’opposition entre le syllogisme « stérile » et les mathématiques « fécondes ». Dans la mesure où les deux procèdent par déduction, le « reproche » de tautologie s’applique également aux deux, et tout théorème n’a rien dans sa conclusion qui ne soit « contenu » logiquement dans ses hypothèses. Inversement, le syllogisme traditionnel est un vrai raisonnement, si simple soit-il, et un étudiant qui ignorerait encore l’épisode de la ciguë en déduirait réellement par là la mortalité de Socrate. Il n’y a donc là qu’une différence de degré, entre la déduction qui « saute aux yeux » et le théorème dont la vérité n’apparaît qu’après un plus ou moins long détour démonstratif.
Bonjour
Merci pour cette précision pertinente. Reste qu’une conclusion synthétiquement comprise (pour reprendre la célèbre analyse kantienne du jugement synthétique a priori et de la distinction entre jugement analytique et jugement synthétique) dans des prémisses implique plus de fécondité qu’une conclusion qui ne l’est qu’analytiquement.
Bien à vous.
Bonjour,
Mais — maintenant que vous reveillez cet autre souvenir de mon jeune temps — ne pourrait-on dire, a l’heure de l’axiomatisation, que tout ce que les mathematiques (en y incluant les volets theoriques des autres disciplines scientifiques) comportent de « synthetique » reside dans le « fiat » des axiomes, definitions et autre metalangage, de sorte qu’un theoreme est en lui-meme toujours analytique? Il n’en demeure pas moins qu’il y a bien des differences de fecondite selon la richesse des objets que l’on introduit dans tel ou tel espace theorique. En vous souhaitant une bonne annee 2013,
Emmanuel
Bonjour
Certes, à un second niveau d’abstraction, on peut dire qu’un théorème est en lui-même toujours analytique mais il a bien fallu commencer par le construire.
Tous mes voeux de bonheur pour la nouvelle année.
Descartes dont je relis le discours de la méthode m’amène sur cette page, mes connaissances sont limitées et je me trompe probablement mais j’ai du mal avec cette notion que tout devrait être démontré, indiscutable … en sciences.
les sciences sont pour moi exactement le contraire, une construction progressive permettant la compréhension de l’univers dont la validité ne se prouve que par ses applications pratiques (Descartes parle d’expérimentation à deux propos : expérimentation par l’observation du « livre de la vie » et expérimentation secondaire cherchant à prouver la véracité d’une théorie ou d’une intuition (cf Einstein) . une vérité n’est que temporaire mais n’en est pas moins vraie tant qu’on ne prouve pas le contraire et tant qu’elle permet d’avancer. Certes Aristote a raison de dire que la science procède par démonstration mais Platon aussi a raison, car elle avance par le débat et la contradiction, l’incertitude est source de vie. Voir les discussions sur le théorème de Gödel qui n’en finissent pas. Descartes aurait sans doute placé Gödel dans les « savoirs spéculatifs » dont il se moquait.
D’où vient cette recherche d’un savoir absolu, définitif, et immuable ? est elle liée a la difficulté pour l’esprit à concevoir un infini ? cette démarche n’est en rien scientifique, heureusement tout est toujours a découvrir, et tout peut être remis en cause, ce qui est bien plus intéressant et plus fécond à mon sens.
Bravo pour votre site qui me rappelle mes études.
Bonjour
Vous avez raison de penser que la science est aujourd’hui, dans sa démarche, un scepticisme organisé qu’aurait certainement cautionné, dans l’état actuel des sciences, un esprit aussi puissant que Descartes. Mais il faut avoir bien conscience qu’il est le fondateur d’une science moderne qui, à son époque, en est à ses débuts. Or il la fonde sur des présupposés métaphysiques (l’immutabilité, la véracité, divines) avec lesquels le rationalisme a rompu. Descartes ne pense pas les idées claires et distinctes à partir desquelles il développe une physique à la manière d’une géométrie comme susceptibles d’être remises en cause par la dialectique de la théorie et de l’expérience. Son rationalisme reste dogmatique. L’expérience n’a pas chez lui le rôle central qu’elle a dans les développements ultérieurs de la science et il prononce ce jugement qui a fait couler beaucoup d’encre: « Et les démonstrations de tout ceci sont si certaines, qu’encore que l’expérience nous semblerait faire voir le contraire, nous serions néanmoins obligés d’ajouter plus de foi à notre raison qu’à nos sens » Principes de la philosophie, II, 52.
L’aspiration au savoir absolu est aussi naturelle à l’esprit que la capacité d’en saisir le caractère aporétique. Voyez l’allégorie de la caverne. https://www.philolog.fr/explication-de-lallegorie-de-la-caverne/
Sans cette exigence l’homme ne serait pas un chercheur inlassable, ni un juge lucide des limites de son savoir.
Bien à vous.
Bonjour,
Merci beaucoup pour toutes ces explications. Un point me reste quelque peu obscur : Y a t-il chez Pascal l’idée qu’on puisse fonder définitivement la vérité et donc la science non pas selon la raison mais selon les principes donnés par le coeur ? Ou s’oppose t-il radicalement au fait de fonder définitivement la science ?
Merci d’avance !
Bonjour
Pascal est un savant qui sait bien que la science moderne se construit par un dialogue de la raison et de l’expérience. Dans ces conditions, il est difficile de parler d’un « fondement définitif des sciences ».
Voyez la préface au traité du vide et ses mises au point concernant la querelle des Anciens et des Modernes.
« C’est ainsi que la géométrie, l’arithmétique, la musique, la physique, la médecine, l’architecture, et toutes les sciences qui sont soumises à l’expérience et au raisonnement, doivent être augmentées pour devenir parfaites. Les anciens les ont trouvées seulement ébauchées par ceux qui les ont précédés ; et nous les laisserons à ceux qui viendront après nous en un état plus accompli que nous ne les avons reçues ».
Bien à vous.
Bonjour,
Merci beaucoup pour les connaissances que vous diffusez et la rigueur de vos argumentations. Je me pose une question à laquelle je ne trouve pas de réponses claires, peut-être saurez-vous m’éclairer : toutes les démonstrations procèdent-elles par déduction ou peuvent-elles procéder par induction ? (Je crois avoir lu dans l’un de vos articles que la science expérimentale par exemple procède par induction)
Merci par avance,
Et merci encore une fois pour la qualité de vos analyses !
Bonne continuation,
Adeline
Bonjour
Votre question témoigne que vous n’avez pas compris ce que signifie démontrer. Car seule la déduction permet d’établir la vérité de certaines propositions en montrant qu’elles découlent logiquement et nécessairement d’autres propositions appelées prémisses.
Il n’y a pas de sens à dire que la conclusion d’un raisonnement inductif est démontrée car rien logiquement n’autorise à prétendre qu’il n’y a pas dans le réel un fait invalidant le caractère général de l’énoncé induit à partir de l’observation d’un certain nombre de cas particuliers.
La méthode expérimentale est effectivement une méthode inductive. Celle-ci implique des procédures déductives dans le raisonnement expérimental. Voyez ce cours: https://www.philolog.fr/les-operations-de-la-raison/
Voyez ce cours https://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/ pour comprendre la distinction entre une idée vérifiée et une idée démontrée.
Relisez aussi dans le cours sur la démonstration le passage où je pose la question: quelle est l’opération permettant d’établir les prémisses de la démonstration?
Bien à vous.
Merci beaucoup pour la clarté et la distinction de votre propos. J’ai bien pris note (sur papier !) des différences à établir entre raisonnement démonstratif et induction.
Votre site est remarquable !
Bien cordialement,
Adeline
Bonjour, après avoir lu tout votre article sur la démonstration, je suis confuse. Est ce que la verité existe-t’elle, de quelles facons peut-on la démontrer ? Cordialement
Bonjour
Y a-t-il sens à parler de la vérité comme s’il s’agissait d’un être?
Tout le chapitre XVI est consacré à la question de la vérité. Je vous conseille d’ouvrir les articles afin de comprendre que le vrai et le faux qualifient des propositions et qu’aucun critère de la vérité n’est absolument satisfaisant.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Au sujet des deux théorèmes d incomplétude de Gödel auxquels vous faites référence, le premier dit ceci:
Pour une théorie donnée ayant des caractéristiques et propriétés bien particulières (comme par exemple le fait qu’elle doit contenir une certaine arithmétique), il y aura toujours des énoncés relatifs à la théorie, indémontrables à partir des axiomes qui définissent cette théorie. On dit aussi que de tels énoncés sont indécidables. Pour démontrer son théorème, Gödel a d’ailleurs « simplement » fabriqué de tels énoncés.
Le deuxième théorème d’incomplétude de Gödel est encore plus dérangeant, puisqu’il dit ceci:
Pour une théorie donnée ayant des caractéristiques bien particulières (comme par exemple le fait qu’elle doit contenir une certaine arithmétique), la cohérence de la théorie exprimée dans son propre langage n’est pas une conséquence de ses propres axiomes.
Ces théorèmes sont donc limités à l’arithmétique et les théories qui s’y rapportent.
Bien à vous.