Pour les logiciens le seul raisonnement qui soit absolument rigoureux est la déduction.
Déduire c'est tirer d'une ou de plusieurs propositions appelées prémisses une conclusion qui en découle logiquement et nécessairement.
Ex : Le syllogisme. Tous les hommes sont mortel.
Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel.
Ex : La démonstration mathématique. Elle est une opération intellectuelle ayant pour fin d'établir la vérité d'une proposition en la déduisant de prémisses admises ou démontrées. Le raisonnement déductif fait circuler la vérité d'un point de départ admis à une proposition dont on veut établir la vérité.
A la différence du syllogisme dont la conclusion n'apprend rien de plus que ce qui est déjà contenu dans les prémisses (raison pour laquelle Descartes dénonce sa stérilité) la démonstration mathématique unit la rigueur à la fécondité.
Rigueur car, comme dans le syllogisme, elle déploie ce qui est contenu dans les prémisses.
Fécondité car elle invente des règles, telles que le passage d'une proposition à une autre n'est pas une pure tautologie, il apprend quelque chose.
Ex : Connaissant la valeur de la somme des angles du triangle, on peut démontrer par un processus de généralisation, quelle est la valeur de la somme des angles d'un polygone quelconque. Celle-ci est égale à autant de fois deux droits qu'il a de côtés, moins deux.
Ex : Il est possible de démontrer à partir du rapport A /B =C/D que AD=BC c'est-à-dire que le produit des extrêmes est égal au produit des moyens. La règle opératoire consiste à réduire les deux fractions au même dénominateur. Sachant qu'une fraction ne change pas de valeur quand on multiplie ses deux termes par la même quantité, il suffit de multiplier le numérateur et le dénominateur de A / B par D et le numérateur et le dénominateur de C / D par B. On obtient alors AD/BD=BC/BD d'où il découle que AD=BC.
Etymologiquement la démonstration est un discours qui montre.
Mais que montre-t-il ? Il ne montre pas un fait, un évènement c'est-à-dire quelque chose de perceptible par les sens. La démonstration ne fait pas appel à la sensation. Elle n'emprunte rien à l'expérience.
« Même s'il était possible de percevoir que le triangle a ses angles égaux à deux droits, nous en chercherions encore une démonstration » écrit Aristote pour qui une science est démonstrative ou n'est pas une science. « Ce que nous appelons savoir c'est connaître par le moyen de la démonstration ».
Les Grecs sont les inventeurs de la démonstration et ils méritent à ce titre un hommage éternel. Pourquoi ?
Parce que la démonstration cherche à établir la vérité par les seules forces de la raison. Elle est un raisonnement qui se suffit à lui-même puisque c'est « un discours tel que, certaines choses étant posées, quelque chose d'autre que ces données en résulte nécessairement par le seul fait de ces données » (Aristote)
Celui qui suit la démonstration ne peut pas ne pas consentir aux conclusions. La démonstration entraîne l'adhésion rationnelle de façon nécessaire. Elle fait autorité par elle-même, cette autorité étant celle de la raison en chacun de nous.
Il s'ensuit que :
-La démonstration se distingue de l'interprétation qui a un caractère incertain et conjectural. Alors que le conflit des interprétations est consubstantiel à la nature de l'interprétation, la démonstration est un raisonnement contraignant. Se rendre à une démonstration revient à faire de la raison le seul arbitre en matière de vérité.
-La démonstration étant la raison en acte, l'investissement personnel de la raison de chacun est engagé dans la procédure démonstrative. Toute démonstration est en ce sens invitation à penser par soi-même c'est-à-dire à s'assurer par son propre effort de la validité d'une conclusion. On découvre par là qu'il y a une nécessité de l'ordre du discours, que la liberté de l'esprit n'est pas synonyme d'arbitraire personnel ou de pure fantaisie. Penser est autre chose qu'opiner.
-Les arguments d'autorité sont ruinés par l'autorité de la démonstration. On appelle argument d'autorité un argument tirant sa vérité du prestige de celui qui l'énonce. Ex : C'est vrai puisque tel savant l'a dit. C'est vrai puisque c'est une vérité révèlée. C'est vrai puisqu'on l'a toujours dit. (Prestige de la tradition).
« Il n'est qu'une façon de s'imposer par une autorité qui n'emprunte rien au dehors, il n'est qu'un mode d'affirmation inconditionnel, la démonstration. » Jean Cavaillès. Sur la logique et la théorie de la science, Vrin, 1997, p. 39.
PB: Suffit-il qu'une démonstration soit rigoureuse pour qu'elle soit vraie ?
Non car la rigueur et la nécessité logique des enchaînements de propositions, conditions nécessaires de la validité d'un discours, ne sont pas une condition suffisante pour garantir la vérité d'une conclusion. Encore faut-il qu'ils s'effectuent à partir de prémisses ayant une vérité.
On peut en effet déduire avec rigueur, c'est-à-dire sans aucune incohérence, des conclusions de prémisses fausses. C'est le propre de ce qu'Aristote appelle le syllogisme rhétorique ou sophistique. On peut aussi déduire une conclusion de prémisses simplement probables ; ce qu'Aristote appelle le syllogisme dialectique.
(Voir le cours du début de l'année opposant Platon, pour qui la dialectique est la méthode de la science, et Aristote pour qui la dialectique ne saurait être une science car là où il y a débat il n'y a pas science. Une science est démonstrative ou elle n'est pas science comme il a été dit plus haut)
En toute rigueur la conclusion d'une démonstration serait absolument certaine si les prémisses à partir desquelles elle est établie étaient elles-mêmes démontrées. Mais pour les démontrer il faut remonter à des propositions elles-mêmes démontrées et ainsi à l'infini. Dans cette régression vers les principes la raison rencontre ses limites. Elle découvre qu'elle remonte à des propositions premières qui lui servent à démontrer toutes les autres mais qu'elle ne peut pas démontrer. Ces propositions constituent les points de départ de la démonstration c'est-à-dire les conditions de possibilité de cette dernière.
PB : Qu'en est-il de ces principes ? Sont-ils des vérités ?
S'ils sont vrais sans être démontrés cela signifie que la raison a d'autres voies d'accès au vrai que la démonstration.
PB : Quelle est l'opération intellectuelle qui pose les premiers principes ?
(Ou les premières notions car il en est pour celles-ci ce qu'il en est pour les propositions. Pour définir une notion on utilise d'autres notions et en dernière analyse la définition suppose des notions servant à définir les autres mais n'étant pas elles-mêmes définies)
La réponse classique consiste à dire que les premiers principes et les premières notions sont objets d'intuition car ce sont des évidences.
L'évidence est l'idée dont la vérité ou la notion dont la signification saute aux yeux.
« La géométrie ne définit aucune de ces choses : espace, temps, mouvement, nombre, égalité ni les semblables qui sont en grand nombre, parce que ces termes là désignent si naturellement les choses qu'ils signifient à ceux qui entendent la langue que l'éclaircissement qu'on en voudrait faire apporterait plus d'obscurité que d'instruction » Pascal. De l'esprit de géométrie 1657
D'où la définition qu'on donnait traditionnellement de l'axiome : proposition indémontrée et indémontrable qui s'impose à l'esprit par son évidence. Ex : Deux quantités égales à une même troisième sont égales entre elles.
Au 17e siècle le débat porte sur la nature de la faculté permettant la connaissance intuitive de l'évidence.
Pour Descartes l'intuition est un mode de connaissance rationnel grâce auquel l'esprit atteint directement son objet. « C'est la représentation qui est le fait de l'intelligence pure et attentive qui naît de la seule lumière de la raison, et qui, parce qu'elle est plus simple est encore plus certaine que la déduction [...]Ainsi chacun peut voir par intuition qu'il existe, qu'il pense, que le triangle est délimité par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface et autres choses semblables, qui sont bien plus nombreuses que ne le remarquent la plupart des gens, parce qu'ils dédaignent de tourner leur esprit vers des choses si faciles » Règles pour la direction de l'esprit. III.
Pour le chrétien Pascal, au contraire, l'impossibilité pour la raison de démontrer tous ses énoncés est le signe de l'impuissance de la raison humaine à construire une science selon un ordre accompli. Il y a là matière à humilier la raison, à pointer une fois de plus la misère de la condition humaine sans une aide en quelque sorte surnaturelle. La raison a besoin du secours d'une autre faculté pour rendre possible son exercice et lui permettre un accès à la vérité qui, à défaut, lui serait refusée. Cette faculté est le cœur.
« Nous connaissons la vérité, non seulement par la raison, mais encore par le cœur : c'est de cette dernière sorte que nous connaissons les premiers principes, et c'est en vain que le raisonnement qui n'y a point part, essaye de les combattre. Les pyrrhoniens, qui n'ont que cela pour objet, y travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rêvons point ; quelque impuissance où nous sommes de le prouver par raison, cette impuissance ne conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le prétendent. Car la connaissance des premiers principes, comme qu'il y a espace, temps, mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du cœur et de l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son discours. (Le cœur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace et que les nombres sont infinis ; et la raison démontre ensuite qu'il n'y a point deux nombres carrés dont l'un est double de l'autre. Les principes se sentent, les propositions se concluent ; et le tout avec certitude, quoique par différentes voies). Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœur des preuves de ses premiers principes, pour vouloir consentir, qu'il serait ridicule que le cœur demandât à la raison un sentiment de toutes les propositions qu'elle démontre pour vouloir les recevoir.
Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison qui voudrait juger de tout, mais non à combattre notre certitude, comme s'il n'y avait que la raison capable de nous instruire » Pensées B 282
PB: L'évidence est-elle un critère infaillible de la vérité ?
Y a-t-il des idées si claires et si distinctes qu'il soit impossible d'en douter ?
L'évidence est-elle la propriété intrinsèque de certaines idées ou bien les idées qu'on trouve évidentes sont-elles simplement celles qui suscitent en nous un sentiment d'évidence ? Et quelles sont ces idées sinon celles qui vont dans le sens de nos désirs, de nos intérêts, de nos passions ou de nos conditionnements culturels ?
Lagneau disait que « les prisonniers de la caverne sont les prisonniers de l'évidence » et Bachelard qu' « il n'y a pas d'évidences premières, il n'y a que des erreurs premières »
Sans doute l'évidence rationnelle ne doit-elle pas être confondue avec les évidences sensibles de la connaissance vulgaire, reste que Descartes reconnaissait lui-même : « Il y a quelque difficulté à bien remarquer quelles sont celles que nous concevons distinctement ». Discours de la méthode. Quatrième partie.
D'où la boutade de Leibniz « Descartes a logé la vérité à l'hostellerie de l'évidence mais il a oublié de nous en donner l'adresse ».
Les sciences, mathématiques comprises, ont aujourd'hui renoncé à définir l'axiome par la notion d'évidence. Elles considèrent les premiers principes comme des hypothèses (ce qui est posé sous la thèse) qu'elles demandent d'admettre (sens traditionnel de la notion de postulat) parce qu'elles sont la condition du discours. Il s'ensuit que la forme de tout discours est nécessairement hypothético-déductive.
PB : Comment les hypothèses à partir desquelles peut s'effectuer la démonstration sont-elles posées ?
La pratique des savants permet d'apporter deux réponses à cette question.
L'hypothèse peut être l'objet d'une intuition ou d'une induction.
-Einstein, par exemple, sans nier que de nombreux principes théoriques sont les résultats d'un raisonnement inductif affirme qu'à un certain niveau de formalisation, les principes fondamentaux de la théorie sont saisis intuitivement. « Une compréhension intuitive de ce qui est essentiel dans un ensemble complexe de faits amène le chercheur à poser une ou plusieurs lois fondamentales à titre d'hypothèses. De cette loi fondamentale il tire ensuite les conséquences par une démarche logico-déductive et de façon aussi complète que possible » Induction et Déduction en Physique. Albert Einstein
Cette constatation le conduit à souligner qu'il n'y a pas de méthode pour inventer une hypothèse. Cette « compréhension intuitive » est peut-être le nom qu'il faut donner au génie créateur qui en sciences comme en art est moins de l'ordre des apprentissages que le propre d'esprits supérieurs. (Par le talent et la puissance de travail).
-Ou alors l'hypothèse est formulée par induction.
L'induction est le raisonnement consistant à passer de la constatation d'un certain nombre de faits particuliers semblables à l'énoncé d'une loi générale. (Au sens d'universelle)
Ex : Observant qu'un corbeau puis un autre ; puis un autre est noir j'induis que tous les corbeaux sont noirs.
Ex : Sadi Carnot (1796.1832) constate que les machines à feu qu'il observe ont un même caractère essentiel : la production du travail s'y trouve toujours accompagnée « par le passage de calories d'un corps où la température est plus élevée à un autre où elle est plus basse » Il érige alors cette corrélation en loi : il n'est pas possible de transformer la chaleur en travail sans disposer de deux sources de chaleur ayant des températures différentes.
Clausius en 1850 généralise le théorème de Carnot et énonce le second principe de la thermodynamique (dit d'entropie) Dans une enceinte énergétiquement isolée, toutes les différences tendent à s'annuler spontanément.
La théorie peut donc reposer sur des principes obtenus par induction, principes permettant de démontrer telles ou telles lois dérivées.
On voit le problème que pose ce genre de raisonnement. Qu'est-ce qui garantit la vérité des hypothèses fondant la démonstration ? Des observations réitérées certes, mais en droit, il est impossible d'affirmer qu'il n'existe pas un fait susceptible de falsifier le caractère universel des énoncés. Ce fait, Bachelard l'appelle « fait polémique » et il va de soi que l'observation d'un tel fait entraîne nécessairement le remaniement des énoncés théoriques. Qu'en est-il alors de la valeur des propositions qu'on avait démontrées avec les hypothèses précédentes ?
Conclusion
Quelle que soit la nature des prémisses à partir desquelles on déploie la procédure démonstrative, aucune n'a le caractère infaillible d'une vérité absolue. Il s'ensuit que les conclusions ne sont pas plus infaillibles que les points de départ. La démonstration qui fait la force de l'esprit est aussi ce qui en révèle la faiblesse.
Les esprits faibles et paresseux en tireront argument pour se justifier dans leur faiblesse et leur paresse.
Les esprits forts et courageux ne trouveront pas dans cette imperfection un alibi pour renoncer à contribuer à l'effort théorique qui fait l'honneur de l'homme. Au contraire, le savant ou le sage y verront le signe que l'homme n'est pas un dieu, qu'il est un homme seulement et que dans les sciences comme ailleurs sa grandeur procède de la conscience de sa finitude. Ils poursuivront donc avec courage l'effort séculaire de l'humanité, les limites de nos constructions intellectuelles les plus majestueuses les incitant seulement à se garder de tout dogmatisme.
NB : Idée-force : Il y a des limites de la démonstration.
Les premières propositions nécessaires à toute démonstration ne peuvent pas, en dernière analyse, être démontrées. Aristote admet que si on devait toujours produire de nouvelles prémisses pour démontrer celles qu'on utilise pour démontrer, la démonstration serait impossible. « Il est absolument impossible de tout démontrer : on irait à l'infini, de telle sorte qu'il n'y aurait pas encore de démonstration »Métaphysique Livre IV §4. Il faut donc admettre des propositions soit intuitivement, soit conventionnellement.
La systématisation définitive des systèmes hypothético-déductifs ne peut pas, selon le théorème de Gödel (1931), être achevée. Gödel a, en effet, démontré 1°) qu'une arithmétique non contradictoire ne peut constituer un système complet et comporte nécessairement des énoncés indécidables. Il se peut qu'en certains cas, il soit possible de démontrer une chose et son contraire. (inconsistance) ; 2°) qu'il existe des vérités mathématiques impossibles à démontrer à l'intérieur d'un système (Théorème d'incomplétude).
Le raisonnement démonstratif repose sur le principe de non contradiction. Or dans le Livre IV de la Métaphysique, Aristote établit que ce principe (deux propositions contradictoires, à savoir deux propositions dont l'une affirme ce que l'autre nie, ne peuvent être vraies en même temps) ne peut pas être démontré, d'une part parce qu'il faudrait une régression à l'infini pour pouvoir tout démontrer, d'autre part parce que l'on ne peut démontrer le principe dont toute démonstration a besoin sans commettre une « pétition de principe ».
Il s'ensuit que l'impossibilité de tout démontrer n'est pas seulement une impossibilité de fait, tenant aux limites de nos capacités. Plus fondamentalement c'est une impossibilité de droit, liée à la condition par principe indémontrable, de toute démonstration.
Ce qui n'empêche pas Aristote, d'une part de souligner que « c'est de l'ignorance [...] que de ne pas distinguer ce qui a besoin de démonstration et ce qui n'en a pas besoin » Ibid. ; d'autre part de tenter une « démonstration par réfutation » du principe de non contradiction.
Il précise bien qu'il ne s'agit pas d'une démonstration au sens propre mais d'un exercice dialectique consistant à établir l'évidence du principe de non contradiction en faisant apparaître le caractère insoutenable de sa négation. En effet lorsqu'on parle, on admet implicitement que son propos a du sens pour soi-même et pour autrui, ce qu'on récuserait si on refusait le principe de non contradiction. Aristote reconduit ici la méthode par laquelle Platon dénonce le relativisme de Protagoras. Si, comme l'affirme Protagoras, la vérité est relative et se confond avec l'opinion, on ne peut éviter de reconnaître la vérité de celui qui soutient qu'elle en est distincte. Cette dernière proposition : « la vérité est distincte de l'opinion » est impossible à réfuter puisqu'elle est la vérité commune aux deux points de vue.
Ainsi en est-il du principe de non contradiction. Il est commun à celui qui l'affirme et à celui qui le nie, car si ce n'était pas le cas, ce dernier se condamnerait au silence. Ce qui est impossible à réfuter peut donc être reconnu comme principe universel.
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Madame Manon,
Je suis étudiant et je dois trouver un petit texte (actualité ou autre…livre) quelques paragraphe et démontrer le raisonnement de type inductif. Malheureusement, j’ai beaucoup de difficulté à faire le lien, on dit uque le raisonnement inductif passe du particulier au général. Seriez-vous assez aimable pour me présenter un texte quelconque avec cette sorte de raisonnement…Merci!…
C’est à vous de trouver dans n’importe quel journal, par exemple le Monde où de nombreux experts militaires proposent ce genre de raisonnement à propos des conditions d’une réussite militaire, un exemple de raisonnement inductif. (Ils prennent acte de plusieurs faits: l’intervention de l’Otan contre Milosévic, celle des Etats-Unis en Irak, ce qui se passe aujourd’hui en Libye et ils en induisent un principe. Lequel? Peut-on considérer que leur conclusion est rigoureuse? Pourquoi ne le peut-on pas?)
A défaut de pouvoir répondre à ces questions, vous témoignez que vous ne comprenez pas ce qu’il faut entendre par induction. Et c’est par cette compréhension qu’il faut commencer. Voyez sur ce blog: « les opérations de la raison » et « comment s’élabore le savoir scientifique? » pour vous approprier la nature de ce raisonnement.
PS: L’usage que vous faîtes de la notion de démonstration n’a pas de pertinence. On vous demande de montrer que dans un texte l’auteur met en oeuvre un raisonnement inductif. L’expérience montre, vérifie, illustre, elle ne démontre rien.
Bon courage.
Bonjour madame,
Je cherche à comprendre le mot « nombres » dans le texte de Pascal, Pensées n°282.
J’ai du mal à comprendre cette expression : « …les premiers principes, comme qu’il y a espace, temps,mouvements, nombres… »
Je comprends qu’il s’agit des principes fondamentaux qu’on ne peut pas démontrer par la raison, mais que l’on perçoit immédiatement, par le coeur, mais je ne saisis pas de quoi il s’agit vraiment, surtout en ce qui concerne le « nombre ».
Avant de faire appel à vous j’ai essayé de chercher dans des livres, mais je n’ai pas trouvé. Merci d’avance pour votre aide.
IL vous suffisait Ethel d’ouvrir le dictionnaire ou de faire preuve de bon sens car vous avez fait de l’arithmétique.
Le nombre est le concept de base des mathématiques, une des notions fondamentales de l’entendement sans laquelle il ne pourrait y avoir de mathématiques. Il permet de définir d’autres notions, mais on ne peut pas le définir.
En espérant avoir résolu votre problème.
Bien à vous.
Merci beaucoup
Bonsoir Madame,
En écrivant » L’esprit géométrique » Pascal n’a-t-il pas voulu se battre contre les sceptiques, en montrant qu’en suivant l’ordre géométrique, l’homme peut aboutir à la vérité ?
J’essaie tant bien que mal, de trouver contre quelle grand courant philosophiques ou contre quels philosophes Pascal se battait en écrivant son oeuvre. Il m’apparaît cependant qu’il voulait prouver que l’homme ne peut pas tout démontrer.
Bien cordialement.
Charlotte
Pascal bataillait contre les rationalistes qui veulent que la raison puisse par ses seules forces parvenir à la vérité et contre les sceptiques qui veulent qu’il n’y ait pas pour l’homme de voie d’accès à la vérité. Pour Pascal, il y a une impuissance de la raison mais l’homme n’est pas condamné à ignorer la vérité. Dieu l’éclaire par le moyen du coeur.
Voyez sur ce blog le commentaire de l’Entretien avec Mr de Saci.
Bonne lecture.
Bonjour madame Manon
On dit de Descartes qu’il est rationaliste, qu’il croit en la puissance de la raison pour trouver la vérité. Mais je m’interroge à propos du « cogito » ; cette découverte provient-elle d’un raisonnement, ne relève-t-elle pas plutôt d’une intuition, d’un sentiment d’exister ? Et si c’était le cas, cela permettrait-il d’après vous de rapprocher Descartes de pascal, dans le sens où Pascal affirme que nous pouvons connaître les premiers principes par le coeur.
Merci de bien vouloir m’éclairer.
Bonjour Ethel
Vous avez raison de penser que la certitude du cogito n’est pas la conclusion d’un raisonnement. Au moment où Descartes sort du doute, en découvrant qu’il peut douter de tout sauf du fait qu’il est une conscience qui doute, les certitudes rationnelles sont suspendues. Elles n’ont pas plus résisté au doute que les certitudes sensibles. Le raisonnement est mis hors jeu. La certitude de son existence est donc l’objet d’une intuition non d’une déduction. Pour ne pas trahir sa pensée, il faut dire: « je pense, je suis, j’existe », non « je pense donc je suis ».
https://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/
Mais cette intuition est une opération de la raison pour Descartes car il ne disjoint pas dans cette faculté humaine la dimension discursive et la dimension intuitive à la manière de Pascal. Pour Descartes, c’est la raison qui intuite les premiers principes car c’est effectivement un rationaliste qui, conformément à la grande tradition rationaliste ne réduit pas la raison à sa seule fonction instrumentale.
Chez Pascal, cette disjonction n’est pas innocente. Elle a vocation à humilier la raison, à souligner la misère de l’homme sans le secours divin et donc à servir son projet apologétique.
Bien à vous.
Bonjour mme manon,
Pascal n’est pas rationaliste, mais quels sont alors ses liens avec l’empirisme ?
Il me semble qu’il ne peut pas être empiriste s’ il lutte contre le scepticisme, et pour autant il ne fait pas une totale confiance en la raison qu’il trouve trop limitée et d’un autre ordre que le coeur. Mais qu’en est-il vis à vis des sens ?
Merci pour vos réponses toujours éclairantes, qui me permettent de dépasser mes « blocages », mes incompréhensions.
Ethel
Bonjour
Ce n’est pas parce qu’on n’est pas un rationaliste au sens cartésien qu’on est un empiriste.
« Nous avons une impuissance de prouver invincible à toute le dogmatisme » écrit Pascal pour pointer les limites de la raison, mais il ajoute aussitôt: « nous avons une idée de la vérité invincible à tout le pyrrhonisme » Bref il n’y a pas que la raison pour nous instruire. L’intuition des premiers principes est l’affaire du coeur, sorte d’instinct suppléant la raison aux défauts du discours.
Pascal reconnaît les droits de l’expérience en matière scientifique. C’est le recours à l’observation des faits qui seul permet de vérifier les hypothèses élaborées par la raison avec le secours de la capacité intuitive.
En ce sens il est d’une grande modernité puisque la méthode scientifique implique un dialogue de la raison et de l’expérience. Néanmoins, quel que soit son rôle dans la démarche, l’expérience ne fonde pas pour Pascal la connaissance.
Bien à vous.
merci
ethel
Bonsoir, encore une question sur ce texte de Pascal, pensée 282, que je ne cesse de découvrir chaque fois que je le lis. Il suscite en moi des interrogations, et j’avoue que je manque d’interlocuteur pour échanger.
Pour Descartes, Dieu qui est une réalité métaphysique, est accessible à sa raison, il peut démontrer son existence. Chez Pascal, Dieu n’est pas accessible la raison, mais au coeur.
Peut-on tout de même considérer que Dieu est une réalité métaphysique pour Pascal ou bien que Dieu ne relève pas d’une idée, mais d’une expérience existentielle, en quelque sorte.
Et dans le même sens, les premiers principes sont-ils des idées métaphysiques, des concepts ? Comment les qualifier ?
Ethel
Bonjour
Mais par nature, Dieu n’est pas un être physique. Il n’y a donc aucun sens à faire une différence entre les auteurs sur ce point. Dieu est un être transcendant, infini, bienveillant, tout-puissant pour Pascal aussi bien que pour Descartes mais le Dieu de Descartes est accusé par Pascal d’être le Dieu des philosophes et des savant non, le Dieu personnel d’Abraham, d’Isaac et de Jacob.
Dieu a mis en nous son idée et c’est pourquoi Descartes prétend démontrer l’existence de Dieu en déduisant cette existence de son essence. Pour Pascal, c’est là un orgueil déplacé car les vérités théologiques dépassent les possibilités de la raison. Voyez l’article:https://www.philolog.fr/la-science-est-elle-incompatible-avec-la-religion/
Les premiers principes sont toutes les propositions qui, dans nos discours, savants ou non, servent à établir les vérités d’autres propositions mais qui ne sont pas elle-mêmes démontrées.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Merci tout d’abord,
Il y a quelque chose que je ne comprend pas, je relis votre conclusion sur la démonstration et je vois qu’Aristote montre que le principe de non contradiction est évident. Dans ce cas, n’est pas réfutable un énoncé qui ne se contredit pas, alors pourquoi Popper fait de la « réfutabilité » (je ne sais pas si cela se dit) le critère pour reconnaitre une science ? Réfuter n’est pas la même chose que montrer que cela se contredit ou que contredire ? J’imagine que c’est parce qu’il est différent de dire que dans le dialogue on sait qui a raison et qui a tort, quand l’un se contredit, tandis qu’en sciences on progresse en se contredisant mais je ne vois pas d’autres éclairages à mon problème.
pardon si c’est idiot.
Bonjour
Vous voyez confusément mais vous voyez qu’il faut distinguer deux critères de la vérité.
L’un est un critère purement formel. Il est suffisant dans les sciences formelles (mathématiques et logique). Il définit l’accord logique de la pensée avec elle-même autrement dit la nécessité pour un discours de ne pas se contredire.
Mais pour tous les discours portant sur un objet extérieur à la pensée, la cohérence (ou la non contradiction) est nécessaire mais ne suffit pas. Il faut encore s’assurer de l’accord de la pensée avec son objet. C’est le cas dans les sciences empirico-formelles.
Popper fait de la falsifiabilité le propre de l’énoncé scientifique. Alors que l’énoncé idéologique ne cesse de se confirmer, l’énoncé scientifique a ceci de supérieur qu’il s’expose aux conditions destinées à le réfuter et est admis par la communauté scientifique aussi longtemps qu’il résiste aux tests cherchant à le réfuter.
Bien à vous.
[…] » Qu’est-ce que la démonstration? Pour les logiciens le seul raisonnement qui soit absolument rigoureux est la déduction. […]
Bonjour, votre page m’a été d’une grande aide. Mais je me demandais: quelle place occupe la déduction par rapport à la démonstration? La déduction me semble être l’instrument de la démonstration, mais peut-on se passer de déduction pour démontrer ?
Bonjour
La question que vous posez prouve à l’évidence que vous n’avez pas vraiment compris. Il vous faut donc clarifier votre pensée en travaillant à nouveau le cours.
Voyez la définition stricte de la notion de démonstration au début de l’article et vous saisirez que le raisonnement mis en jeu dans cette opération est une déduction. Vous avez donc raison de dire que la déduction est l’instrument de la démonstration. Il s’ensuit (= déduction ou implication logique) qu’on ne peut pas se passer de la déduction pour démontrer. Mais cela ne signifie pas qu’on puisse faire l’économie d’autres types de procédures intellectuelles pour établir les propositions à partir desquelles on en démontre d’autres.
Bien à vous.
Bonjour, auriez vous une bibliographie à proposer sur ce thème. J’ai souvent des difficultés à le traiter avec les élèves. Je pense notamment à des ouvrages sur le thème de la démonstration et non pas uniquement les textes philosophiques (Les 2d analytiques d’Artistote, etc.) même si je serai intéressé aussi par ceux là. Merci
Je me permets de m’auto répondre. J’ai trouvé ceci: http://www.philopsis.fr/IMG/pdf_demonstration_biblio_vidal.pdf
et cela :
http://www.philopsis.fr/IMG/pdf_demonstration_biblio.pdf
Bonjour
Les analyses de Pascal dans L’esprit de géométrie sont très éclairantes pour les élèves.
Les ouvrages de Cavaillès sont très précieux pour le professeur.
La bibliographie que vous indiquez étant très fournie, je ne vois rien à ajouter.
Bien à vous.
Bonjour,
je ne suis pas philosophe, juste un curieux.
Je viens de lire quelques-unes de vos réponses et je m’interrogeais sur une de vos notions où vous dites que » Popper fait de la falsifiabilité le propre de l’énoncé scientifique. Alors que l’énoncé idéologique ne cesse de se confirmer, l’énoncé scientifique a ceci de supérieur qu’il s’expose aux conditions destinées à le réfuter et est admis par la communauté scientifique aussi longtemps qu’il résiste aux tests cherchant à le réfuter. » Cela signifie donc que contrairement à un énoncé idéologique qui tend à s’imposer par principe, l’énoncé scientifique s’impose parce qu’il est indémontré jusqu’au moment où il l’est (démontré) et devient donc caduque ?
Ce qui m’amène à me demander : toute personne pouvant énoncer quelque chose qui dure dans le temps de façon indémontrée peut faire de ce dernier (son énoncé) une vérité scientifique ?
Merci de m’avoir lu.
Netzach.
Bonjour
Vous ne comprenez pas correctement.
Il n’y a pas en science de vérités définitives pour de nombreuses raisons. Voilà pourquoi un savant dit toujours: « Dans l’état actuel de nos connaissances, nous pensons que… »
La science a mis au point une méthode très rigoureuse pour établir la scientificité de ses énoncés et l’idée de falsifiabilité indique que l’esprit scientifique est à l’opposé de l’esprit dogmatique. Elle signifie que le doute est consubstantiel à la recherche de la vérité.
Veillez à ne pas confondre idée démontrée et idée vérifiée.
Ce n’est pas parce que la science ne peut pas établir des vérités absolues que ses résultats ne sont pas infiniment supérieurs, sur le plan théorique, aux énoncés produits sans aucune rigueur rationnelle et garanties méthodiques.
https://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/
https://www.philolog.fr/a-quoi-reconnait-on-quune-theorie-est-scientifique/
https://www.philolog.fr/comment-selabore-le-savoir-scientifique/
Bien à vous.
Bonjour Madame et merci pour cet article,
Je vois bien que ce n’est pas du tout le centre de l’article,
mais je ne comprends pas bien votre exemple supposé montrer la différence entre démonstration mathématique et syllogisme.
En effet, on peut refaire votre démonstration de la façon suivante :
Premier syllogisme :
Majeure : pour toute quantité non nulle x et toute fraction A/B, Ax / Bx = A/B
Mineure : D est une quantité non nulle
Conclusion : Pour toute fraction A/B, AD/BD = AD/BD.
Second syllogisme (idem) : Pour toute fraction C/D, CB/DB = C/D
Troisième syllogisme :
Pour toutes quantités x,y,z,t, si x = y, et y = z, et z = t alors x = t
AD/BD, A/B, C/D, CB/DB sont des quantités telles que (AD/BD = A/B ) et ( A/B = C/D) et (C/D = CD / DB ).
AD/BD = CB / DB.
Dernier syllogisme :
Tous les numérateurs de fractions égales entre elles et réduites au même dénominateur sont égaux.
AD et CB sont des numérateurs de fractions égales entre elles et réduites au même dénominateur.
AD = CB.
Ce que je veux dire par là, c’est que j’ai l’impression qu’un raisonnement mathématique n’est qu’une succession de syllogisme bien choisis. Si le syllogisme est stérile, comment la démonstration mathématique pourrait-elle être féconde ?
Par ailleurs, je me pose une autre question, qui me semble proche, mais plus profonde :
la démonstration nous apprend-elle réellement quelque chose sur le monde ou ne fait-elle que tracer les limites de nos facultés intellectuelles ? Ainsi, je ne peux pas du tout concevoir un triangle avec trois angles droits dans un plan (c’est possible si l’on trace un triangle sur une sphère) mais dans la mesure où un plan parfait, un triangle et des angles, n’existent pas du tout dans le monde, qu’est-ce que cela pourrait m’apprendre ?
En vous remerciant d’avoir pris le temps de me lire.
Bonjour
Pour votre première question, voyez cette analyse, montrant que la démonstration mathématique est plus féconde que le simple syllogisme. http://www.persee.fr/doc/psy_0003-5033_1907_num_14_1_3744,
Les mathématiques sont un jeu de la raison avec elle-même. En elles-mêmes, elles ne nous apprennent rien sur le réel mais il se trouve qu’elles sont un puissant outil dans la recherche de la vérité scientifique et sont « la chair et le sang » des théories scientifiques.
Ce qui est une source d’étonnement infini.
« Comment est-il possible que la mathématique, qui est un produit de la pensée humaine et est indépendante de toute expérience, puisse s’adapter d’une si admirable manière aux objets de la réalité ? La raison humaine serait-elle capable, sans avoir recours à l’expérience, de découvrir par la pensée seule les propriétés des objets réels » se demandait Einstein. http://www.math.univ-montp2.fr/~hausberg/ens/sv1/2003-04/confKlein.pdf
Bien à vous.
Merci beaucoup pour cette réponse remarquable.