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 Henri Poincaré

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   Reconnaître c'est identifier, savoir distinguer une chose de ce qui n'est pas elle. La discrimination est la tâche la plus difficile de l'esprit, car l'expérience première est marquée par l'obscurité et la confusion. Par exemple, il existe une grande quantité de productions théoriques. On entend par là une vision de l'esprit, une construction intellectuelle, un système spéculatif. Les hommes ne sont pas avares de telles productions. L'astrologie, l'alchimie, la numérologie, la graphologie en proposent et pourtant il  s'agit de fausses sciences. Le marxisme, le freudisme aussi, or si l'on en croit Popper, ces discours sont des idéologies, ce ne sont pas des sciences. Alors comment se prémunir contre ce genre de confusion? Y a-t-il des critères solides permettant de faire le partage entre ce qui appartient au champ des sciences et ce qui lui est étranger ?

   Qu'est-ce  qu'une théorie scientifique ? A quoi reconnaît-on sa scientificité?

   Le développement doit énumérer un certain nombre de critères. Le caractère dialectique de la réflexion ne peut procéder que de la découverte du caractère nécessaire mais non suffisant de chacun.

 

  1) Définition d'une théorie : « C'est un système de propositions mathématiques, déduites d'un petit nombre de principes, qui ont pour but de représenter aussi simplement, aussi complètement que possible un ensemble de lois expérimentales » Pierre Duhem.

 

  2) Premier critère : La cohérence interne. Une théorie doit être consistante c'est-à-dire exempte de contradiction interne. Un discours non valide formellement n'a aucun titre à la scientificité. Ce critère est nécessaire et suffisant pour les sciences formelles où l'on n'a pas à se préoccuper de la conformité de la théorie à l'objet sur lequel elle porte puisque celui-ci est construit par l'esprit. En revanche si la cohérence est absolument nécessaire, elle n'est pas suffisante pour tous les autres discours.

 

  3) Deuxième critère : Il doit y avoir correspondance entre les propositions théoriques et les faits et les lois expérimentales. La science a pour vocation de rendre compte du réel tel qu'il est donné dans l'expérience humaine. Sans doute faut-il rompre avec l'expérience sensible pour élaborer la science mais c'est la capacité des formalisations théoriques à rendre compte des phénomènes observables qui fait la scientificité d'une théorie.

 

  PB: Des formalisations mathématiques différentes peuvent être élaborées d'un ensemble de phénomènes donnés. Cf. «  C'est en réalité tout notre système de conjectures qui doit être prouvé ou réfuté par l'expérience. Aucune de ces suppositions ne peut être isolée pour être examinée séparément. Dans le cas des planètes qui se meuvent autour du soleil, on trouve que le système de la mécanique est remarquablement opérant. Nous pouvons néanmoins imaginer un autre système, basé sur des suppositions différentes, qui soit opérant au même degré ». Einstein et Infeld. L'évolution des idées en physique.1938

  Ce critère est donc lui aussi nécessaire mais il n'est pas suffisant.

 

  4) Troisième critère : Elle doit fournir un bon système de prédictions. Une théorie ne doit pas seulement avoir un rôle rétrospectif de coordination et de synthèse des lois et des faits expérimentaux connus. Elle doit fournir aux chercheurs un instrument de travail leur permettant de trouver des réponses aux questions qu'ils se posent. La scientificité d'une théorie se mesure à sa fertilité c'est-à-dire non seulement à sa puissance explicative mais aussi à sa capacité à fonder de nouvelles hypothèses de travail permettant de découvrir des faits nouveaux. (Rôle prospectif). Ce pouvoir heuristique de la théorie scientifique en est une dimension fondamentale. « La théorie a rendu à l'expérience ses bons offices en lui proposant des lois nouvelles à vérifier, soit déduites de la simple combinaison mathématique des lois existantes, soit parfois, cas plus frappant encore, postulées comme vraies parce qu'elles étaient capables, par le processus de généralisation ou d'accouplement avec d'autres lois connues déjà décrit, de donner comme conséquences un grand nombre de celles-ci et de réduire ainsi le nombre total des équations indépendantes. Ces relations postulées sont les hypothèses. Ex : L'hypothèse du courant de déplacement faite par Maxwell pour synthétiser les différentes lois connues de l'électricité et du magnétisme était vérifiée après vingt ans par les expériences de Hertz, qui révélaient la propagation du champ électromagnétique, grâce à un instrument nouveau, l'oscillateur de Hertz, capable de déceler des effets plus fins que précédemment. Un cas plus remarquable encore est fourni par l'hypothèse ondulatoire de l'électron, de Louis de Broglie, créée pour entraîner comme conséquences les relations spectroscopiques des atomes et donnant lieu à la vérification directe, deux ans après, par l'expérience de Davisson et Germer (1926) » Jean Ullmo. La Pensée scientifique moderne.1969.

 

  PB : Quelle que soit sa fertilité une théorie doit encore satisfaire à un autre critère pour prétendre à la scientificité car une théorie fertile doit souvent être complexifiée pour intégrer de nouvelles données et sauver son caractère explicatif et prédictif.

 

  5) Quatrième critère : Or il y a une limite à la complexification car la théorie doit aussi obéir à l'exigence de simplicité ; ce que les mathématiciens appellent son élégance. D'où la nécessité de remaniements théoriques souvent fondamentaux. Mais ceux-ci doivent moins être pensés comme un abandon de la théorie précédente que comme un élargissement. « Il ne faut pas comparer la marche de la science aux transformations d'une ville, où des édifices vieillis sont impitoyablement jetés à bas pour faire place aux constructions nouvelles mais à l'évolution continue de types zoologiques qui se développent et finissent par devenir méconnaissables aux regards vulgaires, mais où un œil exercé retrouve toujours les traces du travail antérieur des siècles passés. Il ne faut donc pas croire que les théories démodées ont été stériles et vaines » Poincaré. La valeur de la science.1905.

 

  6) Cinquième critère : En dernière analyse, il n'y a qu'une seule manière de s'assurer de la validité scientifique d'une théorie, c'est de chercher l'expérience qui pourrait en révéler la fausseté. La théorie scientifique a le souci de sa falsification. On sait que Popper fait de la falsifiabilité, le critère de démarcation du métaphysique et du scientifique, de l'idéologique et du scientifique. (A développer en approfondissant la distinction : vérification, falsification ; idéologie, science avec l'exemple du freudisme ou du marxisme).

   Dans cette partie il faut pointer la supériorité de la science qui tient à son caractère non dogmatique. Comme le disait Claude Bernard, le savant ne doute pas de la science mais il ne cesse de douter des réponses qu'il apporte à ses questions. Il s'interdit donc de construire des systèmes théoriques, brillants peut-être, mais inaptes à envisager des prédictions vérifiables.

  Une théorie est donc scientifique en ce qu'elle se préoccupe d'avoir des conséquences observables suffisamment nombreuses pour pouvoir être testée.  

  Par ce caractère on peut dire que la science, en tant qu'institution, est un scepticisme organisé.

 

  Conclusion : Une théorie doit satisfaire à de multiples critères pour prétendre à la scientificité. Elle révèle que la vérité en science ne se pense pas comme une vérité absolue, mais comme une vérité approchée, approximative. La science est devenue puissante lorsqu'elle est devenue modeste. Elle a codifié dans sa règle du jeu l'éventualité de l'erreur, se donnant ainsi les moyens de la surmonter progressivement.

 

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37 Réponses à “A quoi reconnaît-on qu'une théorie est scientifique?”

  1. Joanna dit :

    Bonjour.
    Je voudrais savoir si les 2 derniers textes publiés ( celui ci et « Comment s’élabore le savoir scientifique ») font partie du corpus des textes sur la raison à connaître pour mardi.
    Merci
    Joanna

  2. Simone MANON dit :

    Non.
    Bonne fin de vacances.

  3. Claudia dit :

    Peut on proposer une theorie scentifique, correspondant a la definition requise, si on n-est pas un scientifique ?

  4. Simone MANON dit :

    La réponse ne va-t-elle pas de soi?

  5. Philippe Dardel dit :

    La réponse ne vient pas « que » d’elle-même…
    Le problème est de savoir à qui et où présenter une nouvelle théorie qui serait scientifique selon les critères reconnus…

  6. Simone MANON dit :

    Si, la réponse va de soi dès lors qu’on a compris ce qui caractérise la connaissance scientifique (= dès lors qu’on a compris le cours précédent). Connaissance élaborée selon une méthode draconienne par l’ensemble de ceux que Bachelard appelait « les travailleurs de la preuve ». Pour qu’une théorie ait une valeur scientifique, il faut donc qu’elle soit recevable par les membres de la cité scientifique (ce qui revient à dire qu’elle doit répondre aux critères définis précédemment et que nul arbitraire subjectif ne peut en décider).

  7. Très bon article d’information et j’en profiterai pour ajouter votre blog dans ma prochaine lettre mensuelle. Merci encore.

  8. DM dit :

    Question quelque peu polémique : que penser de la scientificité de la théorie des cordes ? (Notamment en ce qui concerne l’élégance et la prédictibilité…)

  9. Simone MANON dit :

    Je n’ai pas la compétence mathématique pour vous répondre de manière autorisée. Peut-être pourriez-vous nous éclairer, en ayant bien présent à l’esprit qu’il s’agit de se faire comprendre par des élèves de terminale.

  10. DM dit :

    Mes compétences en physique sont bien trop limitées pour avoir une opinion très fixée. Je ne connais cette controverse que via des revues scientifiques (du type Pour la science, La Recherche, Scientific American…) ou des collègues.

    Il est possible que ce résumé soit correct:
    http://en.wikipedia.org/wiki/String_theory#Problems_and_controversy

    Je vais tenter de présenter le sujet, sachant, encore une fois, que je ne suis pas physicien.

    À la fin du 19e siècle, les physiciens étaient assez satisfaits des théories qu’ils avaient élaborées pour décrire des phénomènes comme le mouvement des objets (mécanique classique), l’électricité (électromagnétisme). J’entends par théorie une description mathématisée assez succincte des phénomènes observés, permettant de prédire fiablement de nouveaux phénomènes.
    Il restait cependant des sujets d’interrogation, des phénomènes qui étaient mal décrits par les théories de l’époque. Par exemple, on pensait que la lumière se déplaçait à une certaine vitesse dans un milieu appelé éther (aucun rapport avec la substance connue sous ce nom en pharmacie) ; or, on n’arrivait pas à mettre en évidence le mouvement de la terre dans l’éther, et . On ne savait pas non plus bien expliquer l’effet photoélectrique, ou encore le rayonnement du corps noir (grossièrement parlant, le fait qu’un corps chaud, par exemple du fer chauffé au rouge, émet de la lumière avec une certaine intensité et une certaine couleur qui dépend de la température).
    Les physiciens de la fin du 19e et de la première moitié du 20e siècle ont donc travaillé pour produire des théories qui rendaient correctement compte de ces phénomènes, et de divers autres phénomènes récemment découverts, comme la radioactivité. Parmi ces théories, on trouve la théorie de la relativité restreinte ; celle-ci décrit notamment le comportement des corps lancés à grande vitesse (proche de la vitesse de la lumière) plus précisément que la mécanique classique. L’autre grande théorie est la mécanique quantique, qui décrit le comportement des particules de la matière à très petite échelle.
    La théorie de la relativité a ensuite été généralisée pour rendre compte des phénomènes gravitationnels (le fait que la matière attire la matière, qui assure notamment que la Terre est attirée par le Soleil, que nous tombons vers le sol, etc.). Bien sûr, on avait depuis Newton une très bonne description de la gravité en mécanique classique ! Il s’agissait donc, là encore, d’une sorte de raffinement.
    À l’échelle des phénomènes terrestres, les différences entre les prédictions de la relativité (restreinte ou générale) et de la mécanique classique sont faibles. Les mathématiques de la relativité, surtout générale, sont bien plus compliquées que celles de la mécanique classique. Aussi, la quasi totalité des calculs de physique ou d’ingénierie sont menés dans le cadre de la mécanique classique, car de toute façon la différence avec ce que l’on obtiendrait dans un cadre relativiste sont négligeables.
    Il y a toutefois des phénomènes observables qui « collent » bien plus avec la mécanique relativiste qu’avec la mécanique classique. Ainsi, dans la conception des satellites GPS, on doit tenir compte des phénomènes relativistes : le système GPS fonctionne à l’aide d’horloges ultra-précises, et d’infimes différence de prise en compte du temps peuvent produire des résultats incorrects. De même, certains phénomènes astronomique cadrent avec la relativité générale bien mieux qu’avec la mécanique classique.
    Autrement dit, la mécanique classique est une excellente approximation de la mécanique relativiste aux échelles humaines de gravité et de vitesses, mais on peut tout de même distinguer les deux théories par des expériences.
    Il y a un problème : la relativité générale et la mécanique quantique sont incompatibles. Aussi, les physiciens théoriciens espèrent trouver une théorie unique dont ces deux théories seraient des approximations. La théorie des cordes (avec ses variantes) est un candidat.
    Cependant, certains critiquent cette théorie parce que les prédictions qu’elle pourrait faire et qui permettraient de la distinguer des théories déjà connues se rapportent à des échelles d’énergie hors de portée pour les humains ; autrement dit, on ne pourrait pas faire d’expérience montrant que cette théorie décrit mieux la nature que les théories précédentes.
    Certains de mes collègues sont plus ironiques : pour eux, la théorie des cordes est une étude intellectuelle déconnectée de toute réalité, un peu comme les proverbiales controverses théologiques sur le nombre d’anges qui peuvent tenir sur une tête d’épingle. Bref, pour eux, ce n’est plus de la science.

  11. Simone MANON dit :

    Merci pour cette contribution.

  12. flo dit :

    bonjour, merci pour votre aide sur le cercle de vienne mais j’ai encore besoin de votre aide: la dernière sous-partie de notre IIIème partie s’intitule théorie et loi scientifique avez-vous quelquechose à ce sujet?
    merci d’avance

  13. Simone MANON dit :

    La démarche du savant obéit à une méthode rigoureuse. Il lui faut d’abord établir les faits, le fait scientifique n’étant pas le fait brut. Il ne s’offre pas, comme on le croit naïvement à une observation passive et ignorante.
    Il lui faut ensuite rendre intelligibles les faits et dans un premier temps cela consiste à énoncer les lois qui les régissent. Une loi est un rapport constant et nécessaire entre des phénomènes de telle sorte que les uns étant donnés, on peut prévoir avec certitude les autres.
    Ex : F= MM’/D2 La force d’attraction mutuelle des corps est proportionnelle au produit des masses sur la distance au carré.
    e=1/2 gt2. Loi de la chute des corps.
    Max Planck écrit : « une loi physique est une proposition qui établit un lien permanent entre des grandeurs physiques mesurables de telle sorte qu’on peut calculer une de ces grandeurs quand on a mesuré les autres ».
    A un second niveau d’abstraction le savant élabore la théorie. « La théorie scientifique se propose de donner de la nature toute entière ou provisoirement des portions les plus étendues possibles de celle-ci une représentation adéquate en établissant une correspondance exacte entre l’ensemble des phénomènes étudiés et un système cohérent de lois mathématiques » Jean Ullmo.
    Ce qui caractérise une théorie, c’est l’idée de système c’est-à-dire d’interdépendance des éléments qui la constituent. Elle est un système mathématique visant à unifier et à coordonner les lois expérimentales qui pourront ainsi être déduites de la théorie.
    Par exemple de la théorie de la gravitation universelle de Newton, on peut déduire la loi de la chute des corps, du mouvement des marées, du mouvement des planètes etc.
    De même qu’elle répond à l’exigence de système, la théorie répond à un souci d’économie. On cherche à hiérarchiser les lois et les concepts scientifiques. On cherche aussi à représenter de la façon aussi simple et élégante que possible un grand nombre de faits et de lois.
    A côté de ce rôle rétrospectif de coordination des données expérimentales, la théorie a aussi un rôle prospectif. Elle doit être un instrument de recherche et de découvertes. (Fonction heuristique)

  14. flo dit :

    merci d’avoir répondu aussi vite j’ai néanmoins encore besoin de votre aide : en quoi consiste le conventionalisme stricte, en quoi peut on dire que la science est conventionnelle et en quoi cela nous permet de nous rapprocher de la notion de Vérité?
    ps: encore juste une chose: de quelles oeuvres proviennent les citations que vous me donnez dans votre précédent message?

  15. Simone MANON dit :

    Je suis désolée, ce blog n’est pas destiné à donner des cours particuliers. Il me faudrait construire un cours pour répondre de manière rigoureuse à votre question. Vous avez des tas de sites sur internet qui peuvent vous éclairer.
    Les citations sont extraites de l’ouvrage de Jean Ullmo: la pensée scientifique moderne (1966).

  16. Abdelaziz ABID dit :

    Bonsoir , Madame
    Je tiens d’abord à saluer vos valeureux et fructueux efforts .
    Qu’est ce qu’une théorie scientifique ?
    Le sujet est d’abord matiére à controverse
    Qu’y a-t-il finalement de commun entre Popper ,Lakatos ,Kuhn et …autres
    Je sais que le site est d’abord destiné à des éléves – ce qui nécéssite une certaine simplification
    Mais il est aussi destiné à ceux qui s’intérêssent à la philosophie (comme moi avec un intérêt d’amateur pour la philosophie des sciences )et qui sont au courant des vastes controverse sur le sujet – un auteur bancable comme Feyerabend affirme qu’il n’y a aucun critére de scientificité _ à part celui de l’utilité
    L’exercice a une difficulté millénaire : comment simplifier sans altérer ?
    Il a un nom par exemple en physique – l’effete macroscopîque . La quantité d’information s’éléve quand la distance au systéme diminue .
    La Terre vue de la Lune est bien plus belle que nous la voyons
    Quelle image est la plus vraie ? Les 2 -selon la distance
    Mais s’il est possible d’avoir une métrique des points matériels , il n’est pas possible d’en avoir au niveau des idées
    Merci pour vos développements stimulants

  17. Simone MANON dit :

    Vous avez raison en ce qui concerne les risques de la simplification. Mais vous avez remarqué qu’il ne s’agit même pas d’une dissertation entièrement construite, seulement d’un plan.
    Tout développement de votre part sera bienvenu, à condition qu’il ait la clarté pédagogique nécessaire au public auquel s’adresse ce site.
    Merci d’avance.

  18. Abdelaziz ABID dit :

    Je vous remercie pour votre réponse
    Je vais m’ateler à préparer un essai d’inventaire des idées en la matiére avec mon point de vue ce qui me prendra -je le regrette -un peu de temps
    A bientôt
    Cordialement

  19. Bonjour
    Je vous propose le développement ci-dessous en espérant qu’il remplit les conditions requises
    Cordialement
    Les critères de validité des théories scientifiques sont étudiés par l’épistémologie qui est cette branche de la philosophie qui a pour objet justement – entre autres questions – la valeur de la science
    Il existe de nombreux courants épistémologiques mais la littérature spécialisée se concentre généralement sur 5 courant suivants :
    – l’inductivisme
    – le falsifactionnisme
    – la méthodologie des programmes scientifiques
    – les révolutions scientifiques
    – l’anarchisme scientifique
    Il serait difficile d’identifier les causes qui ont fait que ces courants occupent le devant ni celles qui –d’une manière équivalente- ont fait reculer de manière inexpliquée d’éminents épistémologues – à temps plein ou partiel – au second plan (citons sans prétendre à l’exhaustivité Poincaré, Duhem, Russel, le cercle de Vienne, Bachelard, Piaget …etc.)
    Tout au plus il y a lieu de constater que les 5 courants ont fortement communiqué. Disons d’une manière plus simple que l’épistémologie moderne est issue de l’œuvre de K Popper et du débat de ses disciples autour de ses idées

    1) L’inductivsme
    Ce courant considère que les lois scientifiques sont tirées des faits grâce à l’observation et à l’induction. Aujourd’hui plus aucun spécialiste ne considère que l’homme de science se présente comme une boite vide. Par ailleurs, on démontre que l’induction n’est pas concluante logiquement. Mais on constate que si l’inductivisme a pratiquement disparu de la communauté scientifique, il continue d’être le modèle scientifique chez le profane. Cela exprime peut être le retard de la vulgarisation de la culture épistémologique

    2) Le falsifactionnisme
    Ce courant dû à K. Popper est né en réaction contre le précédent et surtout contre la sacralisation de l’induction par les empiristes. Une autre particularité de ce courant est que les fondateurs des 3 autres courants ont été à un moment ou à un autre parmi ses adeptes
    K. Popper a montré à partir des caractéristiques logiques de l’induction qu’on pourrait établir la fausseté d’une théorie et non sa vérité. C’est pourquoi le mérite d’une théorie scientifique est d’être décidable ou falsifiable. Or grâce notamment à P.Duhem on a pu comprendre que même une théorie infirmée par l’expérience pourrait survivre car l’expérience cruciale n’existe pas. On ne pourrait donc prévoir l’impact de la réalité sur la théorie ni dans le cas de la confirmation (non validité de l’induction sur le plan logique comme cela a été découvert par K.Popper )) ni dans le cas de l’infirmation (le phénomène de la survie des théories fausses est avéré comme l’a montré P.Duhem)

    3) La méthodologie des programmes scientifiques :
    Si donc la réalité n’affecte pas sûrement la validité de la théorie scientifique, à quoi sert-elle ? Lakatos, en attirant l’attention sur le fait qu’une théorie scientifique n’est pas seulement un énoncé explicite mais aussi un ensemble de prémisses implicites plus ou moins résistantes, permet de répondre à la question. Quand une théorie est invalidée par les faits ses partisans peuvent aussi bien la rejeter que l’amender en s’attaquant par exemple à la validité de l’expérience ou en déployant des artifices (l’ingéniosité ou le sophisme). Si donc le courant lakatosien nous permet de dénombrer les effets sur les théories, il ne nous permet pas de savoir quand disparaîtra la théorie.

    4) Les révolutions scientifiques
    Le courant lakatosien donne l’impression qu’une théorie pourrait être immortelle or cela est contraire à l’histoire des sciences. D’après Kuhn, l’activité scientifique est cyclique (prescience – science normale – crise). Le passage de la conception géocentrique à la conception héliocentrique illustre cet état des choses. Pendant longtemps la première a résisté théoriquement notamment grâce à des procédés ingénieux (les épicycles, par exemple, ont permis de rapprocher les prévisions des observations). A un certain moment le modèle héliocentriste est devenu tellement supérieur dans sa simplicité et dans son efficacité que le modèle géocentrique a cédé malgré son fort contenu idéologique (notamment religieux).

    5) L’anarchisme scientifique
    Le « tout est bon » de P.Feyarabend exprime 2 choses distinctes :
    -aucune méthode ne peut avoir la primauté dans la science, ce qu’il démontre principalement par le recours à l’histoire des sciences.
    -aucune branche da la culture ne peut avoir la primauté –et cela est valable aussi pour la science car il affirme que le vaudou, la magie ou l’astrologie peuvent être plus productives que la science dans certaines circonstances.
    Généralement, on assimile l’apport de P. Feyerabend à la première idée vu notamment le titre de son œuvre maîtresse « contre la méthode ». Mais cet ouvrage contient lui-même une réhabilitation des composantes non scientifiques de la culture humaine (magie, astrologie.etc)
    En bonne part, les idées de P. Feyerabend semblent justes. Ainsi, il n’existe pas une consigne méthodologique qui n’ait été violée à un moment ou un autre de l’histoire de la science. Par ailleurs, l’exemple des civilisations primitives animistes offre un modèle de supériorité de croyances non scientifiques –l’animisme – sur une discipline scientifique – l’écologie en matière de protection de la nature qui n’arrive pas à préserver la nature.
    Mais les conclusions semblent aussi disproportionnées car les échecs passés de l’épistémologie ne signifient pas un échec définitif.

    Peut être que ce panorama des courants épistémologiques semble donner l’idée d’un domaine très controversé, mais il y a lieu de nuancer cette conclusion.
    Effectivement, il existe certaines controverses dues notamment à des différences de points de vue sur les fondements de l’épistémologie. Par exemple, le choix entre l’optique normative et une optique descriptive ou entre l’heuristique et la logique. Pour une bonne part les controverses sont des effets de perspective. Ce qui pousse à l’idée de leur utilisation pour enrichir plutôt que pour amputer. Dans cette perspective aucune méthode n’est à rejeter même pas l’inductivisme qui pourrait être approprié à une classe de problèmes scientifiques à contenu théorique pauvre
    En outre, il semble que la controverse soit plus théorique que réelle : le falsifactionnisme de Popper et le courant lakatosien occupent le devant de la scène
    Mais peut être que l’œuvre d’unification viendra des sciences cognitives dont l’impact tarde à se faire ressentir sur l’épistémologie

    Bibliographie
    Alan F. CHALMERS – qu’est ce que la science ? – la découverte
    Paul feyarabend – contre la méthode – éditions du seuil
    Mark blaug – la méthodologie économique – economica
    Thomas J.Hickey – history of the twentieth –century philosophy of science (http://www.philsci.com/index.html)

  20. Simone MANON dit :

    Merci pour votre contribution.
    Bien à vous.

  21. Emmanuel dit :

    Au sujet du critère de falsifiabilité, je commenterais que s’il semble particulièrement adapté aux sciences expérimentales (physique, biologie…) — ne serait-ce que parce que rien ne garantit la validité d’une induction pour une expérience future, dans des conditions peut-être différentes –, il est moins évident pour d’autres sciences, par exemple formelles ou historiques : par exemple, la validité d’un théorème ne se juge en général qu’en vérifiant si la démonstration du mathématicien qui l’a proposé est exempte d’erreur plutôt qu’en cherchant à le tester sur une conséquence externe (hors cas de conjecture où justement la démonstration manque — mais reste le but à atteindre). Aussi, si un astronome a observé un phénomène lumineux transitoire dans une galaxie lointaine et n’a conservé de celui-ci qu’une courbe de lumière (en fonction du temps), il pourra inférer qu’il s’agissait de tel type de supernova (par exemple), mais ni lui ni ses pairs n’auront de moyen de tester plus avant cette conclusion (même si on pourrait imaginer que dans un avenir très lointain, une sonde puisse être envoyée vers la source du phénomène (à le supposer suffisamment localisable!)). C’est-à-dire qu’il y a des cas où la vérification ne peut être qu' »interne » (au cheminement suivi par l’auteur de l’énoncé scientifique). Dès lors, on peut se demander si l’exigence de falsifiabilité, plutôt qu’être un absolu objectif pour toutes sciences, n’est pas un dérivatif d’exigences plus « qualitatives », « morales » que sont le non-dogmatisme et la fécondité (car une théorie falsifiable appelle les expériences qui peuvent justement la falsifier, et donc potentiellement des développements nouveaux) — cette dernière semblant moins un critère de scientificité qu’une mesure de l’intérêt relatif de la théorie pour la communauté scientifique — que vous avez également mentionnés. Ce n’est pas à dire qu’il ne faille marquer la limite avec les spéculations « métaphysiques » (comme qu’y avait-il avant le mur de Planck? Le Big Bang est-il une éruption perdue dans un vaste plurivers? etc.) : mais il s’agira moins peut-être de falsifiabilité que de l’unicité de la théorie qui peut rendre compte des faits disponibles à un niveau d’élégance égal (si sur la base des observations, je peux aussi bien (i.e. aussi compatiblement avec les faits et élégamment) imaginer le Big Bang, notre univers, comme une petite bulle qui fait éruption dans un vaste plurivers que comme un épisode dans une évolution cyclique (Big Bang/Big Crunch), c’est que mes deux spéculations ne sont pas vraiment scientifiques). Mais là il ne s’agira d’une question de degré. La théorie unique d’aujourd’hui peut voir naître une concurrence demain qui en minera l’apparence de nécessité objective ; inversement, des innovations techniques peuvent permettre de trancher entre plusieurs théories primitivement également plausibles et alors d’apparence très spéculative (e.g. atomisme vs. Plein). Difficile (et pourtant si important) de distribuer le label de scientificité (bien que la chose soit sans doute moins problématique à l’échelle d’une discipline dans son ensemble plutôt que de telle ou telle théorie)!

  22. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Merci pour ces précisions qui posent moins les questions qu’elles n’en suggèrent les réponses.
    Il va de soi que les critères de scientificité varient selon la nature des discours et des objets sur lesquels ils portent mais il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur ce point.
    Bien à vous.

  23. Arzounian dit :

    Un simple remerciement de la part d’un élève en licence qui trouve dans vos cours énormément de choses intéressantes. Un véritable modèle de clarté, de concision.
    Merci beaucoup,
    Gabriel.

  24. Simone MANON dit :

    Merci pour ce sympathique message.
    Joyeuses fêtes de Noël.

  25. youness lam dit :

    bonsoir madame ,
    je vous remercie d’abord pour ce site magnifique et pour les efforts que vous faites pour répondre aux questions des participants .
    je viens de commencer ma carrière comme professeur de philo au Maroc , et vu qu’on partage presque les mêmes cours ‘ autrui + état + désir….’ votre site m’aide beaucoup à mieux comprendre les notions abordées.
    merci infiniment
    joyeuses fêtes de Noel 🙂

  26. Simone MANON dit :

    Merci pour ce sympathique message.
    Tous mes vœux d’accomplissement dans le métier que vous avez choisi.
    Joyeuses fêtes de fin d’année.

  27. […] et la confusion. Par exemple, il existe une grande quantité de productions théoriques. » A quoi reconnaît-on qu'une théorie est scientifique? ‎etiennepinat.free.fr/complementveritedemonstration.pdf. […]

  28. stéphanie dit :

    Bonjour Madame,

    Le terme de « théorie » est-il adéquat pour parler des pensées philosophiques en tant qu’elles n’ont pas seulement une vocation « scientifique » et pourtant elles forment des systèmes visant à rendre intelligible le réel ? Quelle différence existe-t-il entre la théorie et le système ?
    Par ailleurs, s’il n’y a pas de critère infaillible du vrai concernant la pensée, comment pouvons juger de la grandeur d’une pensée philosophique ? Est-ce sa « pertinence », autrement dit son extension, son ampleur de sorte qu’elle ouvre à des schémas de pensée inédits ?

    Je vous remercie,
    Stéphanie

  29. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Une théorie, étymologiquement, se définit comme une vision de l’esprit. Elle peut être de différente nature, voilà pourquoi il y a une définition spécifique de la théorie dite scientifique. Ses caractères propres sont énoncés dans cet article.
    Une théorie peut être philosophique. Elle aussi a vocation à rendre intelligible le réel mais dans la mesure où elle engage la question du sens et de la valeur, ne s’énonce pas en langage mathématique, ne s’expose pas à des tests de falsification par ex, elle reste extérieure au champ scientifique.
    Qu’elle soit scientifique ou philosophique, une théorie, par définition, systématise un certain nombre d’éléments. Mais les relations établies entre les faits et les lois, dans la théorie scientifique, doivent elles-mêmes être falsifiables. Cette exigence rend la théorie scientifique plus précise et plus modeste que les grandes systématisations philosophiques à prétention totalisante. C’est en ce sens que la notion de système peut revêtir un sens péjoratif comme on le voit dans ce propos de Claude Bernard: « « La médecine expérimentale ne sera ni vitaliste, ni animiste, ni organiciste, ni solidiste, ni humorale… Elle n’a que faire de s’embarrasser de systèmes, qui, ni les uns ni les autres, ne sauraient jamais exprimer la vérité (…) Le temps des doctrines et des systèmes personnels est passé, et peu à peu ils sont remplacés par des théories représentant l’état actuel de la science, et donnant à ce point de vue le résultat des efforts de tous (1865).
    Votre dernière question appellerait des développements substantiels. Une pensée philosophique peut tirer sa force du refus de la systématisation. Ce qui est en général le propre des philosophies du jugement par rapport aux philosophies du concept. Schématiquement, il me semble que la force d’une pensée philosophique se mesure à sa cohérence intrinsèque, à sa capacité de refuser les simplifications, autrement dit à son intelligence de la complexité et des ambiguïtés, et plus fondamentalement à mes yeux, à la présence vivante en elle d’une pensée en débat avec son propre mystère et ses exigences propres.
    Bien à vous.

  30. PAULO DE CARVALHO dit :

    Bonjour, Madame,
    D’abord, mes compliments pour votre blog. Admirable!
    Je suis moi-même linguiste, et comme vous savez, cette « science » (si elle mérite vraiment ce nom), en tout cas cette discipline ne cesse de se poser la question de sa propre légitimité scientifique.
    Je me souviens d’avoir lu, quelque part, que « la valeur d’une théorie se mesure moins au nombre des questions qu’elle résout qu’au nombre des questions nouvelles qu’elle permet de poser ».
    Vous connaissez, je n’en doute pas, l’auteur de cette affirmation. Ce n’est pas mon cas hélas.
    Pouvez-vous m’aider, sans que cela vous coûte trop de recherches coûteuse en temps?
    D’avance merci,
    bien cordialement vôtre,

    Paulo de Carvalho

  31. Simone MANON dit :

    Bonjour
    J’ai enseigné pendant des années qu’on pouvait élargir à la science ce que Jaspers dit de la philosophie. « Faire de la philosophie, c’est être en route. En philosophie les questions sont plus importantes que les réponses et chaque réponse devient une nouvelle question »
    En ce qui concerne la formule que vous indiquez, je ne sais pas si on peut l’imputer à un épistémologue précis tant cette signification me paraît présente dans la plupart des discours portant sur la science.
    Bien à vous.

  32. Bonjour Madame,

    Votre site est hautement instructif. Merci de vous disposer à rendre le savoir disponible.

    Je suis étudiant en interculturalités au Cameroun. J’ai une préoccupation.

    Pouvez m’éclairer sur le sens de l’expression « intérêt scientifique » ? Quand on dit, par exemple, qu’une discipline, un livre, un article ou une théorie présente un intérêt scientifique, de quoi s’agit-il exactement ?

    Merci de m’édifier sur la question.

    Dieu vous bénisse.

  33. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Présente un intérêt scientifique, un article ou un livre dont on salue les qualités de rigueur, de précision, de souci de l’objectivité qui sont, par principe, les vertus de l’esprit scientifique.
    Il s’agit donc d’une analyse sérieuse proposant une description honnête d’un certain ordre de faits ainsi que des concepts opératoires pour les rendre intelligibles.
    L’expression est laudative. Elle invite à tracer la frontière entre un travail théorique, honnête intellectuellement, fécond, instructif et une production idéologique, une thèse fantaisiste nous en apprenant plus sur les fantasmes et les aveuglements passionnels de son auteur que sur la réalité dont il parle.
    Bien à vous.

  34. Amadou dit :

    Bonjour Mme
    Merci pour votre générosité!
    En fait j’ai une petite question qui concerne la science:
    Que faut-il pour qu’il y ait science?
    Voilà les éléments de réponses en ma possession: il faut un objet, un ensemble de connaissances à propos de cet objet, l’universalité de ces connaissances et la méthode.
    Cette réponse est elle valide?
    Merci d’avance!
    Amadou

  35. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Oui, vous soulignez des points essentiels. N’oubliez pas non plus:
    -les conditions matérielles: des financements considérables et une formation exigeante des esprits afin de faire éclore des savants, donc richesse collective et écoles et universités de haut niveau.
    -les conditions morales ou les vertus de l’esprit scientifique qui sont les mêmes que celles de l’esprit philosophique. Car quelle que soit la puissance des règles méthodologiques protégeant la cité scientifique des égarements idéologiques, les vertus personnelles ne sont jamais de trop. La force de la science est de ne pas parier sur elles, reste que l’ascèse des passions, l’amour désintéressé de la vérité, le sens du doute sont à cultiver pour faire grandir nos savoirs.
    https://www.philolog.fr/science-et-philosophie/
    Bien à vous.

  36. […] Entendons-nous bien : la route de la vérité scientifique est pavée d’erreurs, d’errements, de corrections, d’hypothèses rejetées. Mais une chose est sure : le protocole scientifique a pour objectif d’éliminer les hypothèses insatisfaisantes jusqu’à stabiliser la théorie sous forme d’un modèle qui servira, éventuellement d’appui pour la théorie d’ordre supérieur. Tout élève de Terminale générale l’apprend en philosophie. […]

  37. Emmanuel JEAN dit :

    Cet article est d’une importance prépondérante, il traite d’une question fondamentale et assez intéressante, j’en profite pour saluer et féliciter l’auteur, chapeau! je vous encourage a aller de l’avant…

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