Flux pour
Articles
Commentaires

Foi et savoir.

<!--Imprimer--> 

St Anselme de Canterbury. 1033.1109. 

 
 
 

« Si on soumet tout à la raison, notre religion n'aura rien de mystérieux et de surnaturel. Si on choque les principes de la raison, notre religion sera absurde et ridicule » Pascal. Pensée B.273

  Pascal formule bien ici la tension qui est celle de la foi et du savoir. Si la foi ne peut pas du tout se justifier par des raisons, elle s'avoue pure superstition et s'expose au risque du fanatisme ; si elle cherche à se fonder sur la seule raison, elle se vide de ce qui fait sa substance. Il y a donc un paradoxe de la foi qui ne peut, sans doute, pas être supprimé mais qui a toujours cherché à s'expliciter par la réflexion.

  Ainsi s'est-on efforcé, dans le passé, d'éclairer la foi par les lumières de l'intelligence. La conciliation des vérités de la foi avec l'exercice de la raison a été tentée par la théologie rationnelle dont la prétention n'était rien moins que de démontrer l'existence de Dieu.

   Il ne faut pas voir dans cette tentative, une subordination de la foi au savoir mais le souci de mobiliser les ressources de la raison au service de la foi. St Anselme le précise au début de son Proslogion. Ce qui initie l'effort rationnel est la certitude de la foi. « Tu as crée en moi cette image de tout pour que, me souvenant de toi, je pense à toi et je t'aime » écrit St Anselme en s'adressant à Dieu. Et il continue : « Ce n'est pas pour croire que je cherche à comprendre : c'est pour comprendre que je crois. Car je crois également ceci : que je ne comprendrais pas si je n'avais pas cru ».

  Si la foi est en quête d'intelligence, ce n'est pas pour se fortifier, c'est  pour s'éclairer.

   La théologie rationnelle a élaboré trois grandes preuves de l'existence de Dieu : la preuve ontologique ; la preuve cosmologique et la preuve téléologique.

 

 1°) La preuve ontologique.

 

  Cet argument a été proposé au 11° siècle par St Anselme de Canterbury.

  Il consiste à démontrer l'existence de Dieu à partir du concept de Dieu.

  Notre idée de Dieu est celle d'un être tel que « rien de plus grand ne peut être conçu, et cela tant dans l'intellect que dans la réalité ». « Si Dieu n'existait que dans la pensée, si c'était une abstraction pure, alors on pourrait concevoir quelque chose d'encore plus grand, le même Dieu existant aussi concrètement, ce qui est contradictoire avec l'hypothèse initiale. Donc Dieu existe aussi concrètement en tant qu'être plus grand que tout ce qu'on peut voir et concevoir ».

  Descartes décline à sa manière cet argument dans sa Cinquième Méditation.

    St Thomas d'Aquin au 13° siècle et Kant au 18° siècle pointent la faute logique de ce raisonnement en montrant qu'on ne peut conclure d'une essence à une existence. Il n'y a pas de passage possible de la logique à l'ontologie car l'existence n'est pas une propriété comme une autre, elle s'ajoute de l'extérieur au concept, elle s'y ajoute synthétiquement, elle ne s'en tire pas analytiquement. Du point de vue du concept ou de l'essence, il n'y a pas de différence entre cent mille euros dans ma tête ou dans ma poche, mais du point de vue de l'existence les cent mille euros dans ma poche font que je suis riche, alors que les cent mille euros dans ma tête me laissent démuni. Une existence se constate, s'observe, s'éprouve, elle ne se prouve ni ne se déduit.

 

 2°) La preuve cosmologique.

 

  Cet argument se présente sous deux formes.

  Il conclut de la contingence de l'univers c'est-à-dire de l'idée que celui-ci n'a pas en lui-même sa raison d'être à Dieu comme  l'être nécessaire dans lequel le monde trouve sa justification ou le principe de son existence.

  Ou bien partant de l'idée que tout phénomène a une cause, il remonte la série des causes jusqu'à l'idée d'une cause première des phénomènes. Cette cause est Dieu ou dans le langage de St Thomas, Dieu est « le premier moteur de l'univers » celui par lequel l'univers peut être et se mouvoir.

   Kant a disqualifié la preuve par la causalité en montrant qu'elle implique un usage illégitime de la catégorie de causalité.

  Celle-ci ne s'applique rigoureusement qu'aux seules données de l'expérience qu'elle permet de relier selon des lois. Mais lorsque la raison lie le monde et Dieu dans un rapport de causalité, seul un terme de la relation : le monde est une donnée de l'expérience. Dieu n'est pas saisi dans l'intuition sensible, il est une idée de la raison.

  La raison a ici le tort de pendre un principe subjectif : la causalité pour une réalité objective. Ainsi pense-t-elle   Dieu comme une cause première. Ce faisant elle est victime de ce que Kant appelle une illusion transcendantale.

 

 3°) La preuve téléologique.

 

  Elle conclut de l'observation d'un ordre cosmique à la nécessité d'une cause de cet ordre. Celui-ci ne peut pas être l'effet d'une causalité aveugle, du hasard. Cet ordre est bien trop intelligent et beau pour ne pas avoir à son principe une cause intelligente et bienveillante.

  On sait que la science moderne a relégué au musée des illusions anthropomorphiques l'explication téléologique. Cet argument est donc scientifiquement invalidé mais plus fondamentalement, il se heurte au scandale du mal. Si le monde est finalisé, s'il est l'œuvre d'un Dieu intelligent et bienveillant, comment comprendre l'existence des maladies, des monstruosités, comment comprendre que Job, le pieux, le vertueux ait à souffrir tous les maux de la terre ? Le problème du mal est la pierre d'achoppement de la théodicée (partie de la métaphysique réfléchissant sur Dieu. Synonyme : théologie rationnelle).

  Généralement il est posé sous forme de dilemme : Ou bien Dieu est tout puissant, auquel cas il aurait pu, s'il l'avait voulu, éliminer le mal. Il ne l'a pas voulu, c'est donc qu'il n'est pas toute bonté. Ou bien Dieu, dans sa bonté aurait voulu éliminer le mal mais puisque le mal existe il ne l'a pas pu. Il nous faut donc conclure soit que Dieu n'est pas bienveillant, soit qu'il n'est pas tout puissant.

  On comprend que les théologiens aient rivalisé d'imagination pour exonérer Dieu de la responsabilité du mal. Il y a là, en effet, l'objection la plus vigoureuse contre la foi en Dieu et l'on sait que de nombreux croyants ont perdu la foi dans l'expérience de la radicalité du mal. Schopenhauer disait : « Si Dieu a crée le monde, je ne voudrais pas être ce Dieu là car la misère du monde me déchirerait le cœur ».

 

 Conclusion : Aucune preuve de l'existence de Dieu ne résiste à un examen rationnel si celui-ci n'est pas instrumentalisé par une foi préalable. Dès lors que la raison (ou la philosophie) cesse d'être la servante de la théologie comme elle le fut dans la scolastique, les domaines de la foi et du savoir se séparent irréductiblement. La question de Dieu cesse d'être de l'ordre du savoir rationnel pour relever de l'ordre de la croyance. L'essor de la science moderne en témoigne éloquemment. Ne reconnaissant pas d'autre fondement pour s'élaborer que l'expérience (l'observation des faits) et la raison (le raisonnement), autrement dit disqualifiant la Révélation comme source de vérité, la science moderne a désenchanté le monde Cf. Max Weber.

 

  Une religion déduite des seules lumières de la raison comme on a essayé de la penser avec l'idée d'une religion naturelle est une voie sans issue. De même le souci scolastique d'éclairer la foi par les lumières de la raison. Il s'ensuit qu'il faut avec Pascal distinguer rigoureusement l'ordre de la foi et celui de la raison, même si on refuse de le suivre dans son projet apologétique.

 

  La  raison n'a pas accès par ses seules forces à la vérité religieuse. Il y faut un saut, une révélation que Pascal nous demande de penser comme  un effet de la grâce.

 

   « La foi est différente de la preuve : l'une est humaine, l'autre est un don de Dieu » Pensées. B.248.

  « C'est le cœur qui sent Dieu et non la raison. Voilà ce que c'est que la foi : Dieu sensible au cœur non à la raison ». B. 278.

  Les vérités théologiques sont inaccessibles à l'homme, sans le secours de Dieu qui, par la Révélation et par l'Incarnation du Christ éclaire le cœur de l'homme. Le cœur comme simple faculté naturelle ne peut saisir Dieu mais Dieu peut se rendre sensible au cœur. Voilà pourquoi, seuls les Ecritures et le Christ peuvent faire autorité en matière religieuse. Vouloir soumettre la Parole biblique, Parole sacrée, ou la personne du Christ à l'examen de la raison est une perversion, une superbe diabolique. Il n'appartient pas à la raison et à la créature marquée par la finitude et le péché originel de comprendre ce qui la dépasse infiniment.

   Vient un moment où la raison doit se soumettre.

   Kierkegaard, par exemple, définit la foi comme paradoxe. Le chevalier de la foi, dont l'emblème est Abraham, le père aimant capable de sacrifier son fils par amour de Dieu, est un individu singulier en rapport immédiat avec l'Absolu, le Tout-Autre. Il est dans une relation authentique à ce qui ne peut se comprendre, il a choisi dans le risque, le désespoir et la solitude un amour qui peut « donner à son amour envers le prochain l'expression contraire de ce qui, au point de vue moral est le devoir » Crainte et Tremblement. La foi est le désespoir de la raison. Elle est une passion et « Il ne faut pas penser du mal du paradoxe ; car le paradoxe est la passion de la pensée et le penseur qui est sans paradoxe est comme l'amant qui est sans passion : un médiocre type. Mais la plus haute puissance de toute passion est toujours de vouloir sa propre ruine, et de même c'est aussi la plus haute passion de l'intellect de vouloir le choc, bien que ce choc, d'une manière ou d'une autre doive être sa ruine. C'est alors le plus haut paradoxe de la pensée que de vouloir découvrir quelque chose qu'elle ne peut pas penser » Miettes philosophiques.

 

    Paradoxe, contradiction, incompréhensible, face à face avec le Tout-Autre, décidément la foi est bien le désespoir de la raison ou du moins sa mise en échec.

    Alors faut-il dire, comme Pascal nous invite à le faire, qu' « il n'y a rien de si conforme à la raison que le désaveu de la raison dans les choses qui sont de foi » ? Pensée B. 272.

   La question est délicate. S'il s'agit de reconnaître que les vérités de la foi ne sont pas établies rationnellement, on est tous d'accord.

  S'il s'agit en revanche d'affirmer qu'il y a un principe d'autorité supérieur à la raison, en matière de vérité, c'est une autre histoire. Sur ce point la science, la philosophie et la religion mettent en jeu des partis pris proprement incompatibles.

 

     Il s'ensuit qu'avoir foi n'est pas consentir rationnellement, c'est se fier à, avoir confiance en, c'est adhérer sans preuve, pour d'autres raisons que des raisons.

(Les mots : foi, fidélité, croire, dérivent de la même racine hébraïque).

Partager :

Pin It! Share on LinkedIn

30 Réponses à “Foi et savoir.”

  1. Pieters Elsa dit :

    Bonjour Madame,
    La classe et moi n’avons pas eu la chance de vous souhaiter de bonnes vacances donc je profite d’un passage sur votre blog ( et oui il faut bien réviser le bac approche!!)pour le faire. En espérant vous revoir à la rentrée, profitez des rayons de soleil qui apparaissent peu à peu.
    A bientôt. Elsa PIETERS

  2. Simone MANON dit :

    Merci de ce petit signe Elsa. Que vos vacances vous réjouissent et que l’étude soit aussi un moment de plaisir. A bientôt.

  3. bocciarelli dit :

    Excellent article;c’est vrai que chaque jour des évènement inexplicables peuvent se produire: accidents; etc dont on peine à trouver la cause car cela arrive très soudainement. La religion vient alors à la rescousse, pour apporter une explication.

  4. bittich dit :

    vous parler uniquement de votre religion comme le seul exemple et la voie a suivre j’ai vécu des expériences religieuse forte dans une autre religion pourquoi le particularisme?outre vos travail est remarquable

  5. Simone MANON dit :

    Il se trouve que le débat, ici théorisé, l’a été par les grands penseurs mobilisés. Il y a, dans l’islam par exemple, de grands théologiens aussi. Mais il faut maîtriser leur langue et le Livre auquel il se réfère. A défaut de ces prérequis, il vaut mieux éviter d’en parler.
    Quant à vos expressions: « votre religion » et « le seul exemple à suivre », elles sont totalement déplacées dans la mesure où ce cours n’a aucune vocation apologétique. Il se contente d’énoncer et d’approfondir les termes d’un débat ayant une dimension universalisable.
    PS: Je me permets d’attirer votre attention sur la nécessité de maîtriser la correction de l’expression.
    Bien à vous.

  6. Diop dit :

    Bonsoir
    Merci pour ce blog et la qualité des analyses
    Les « preuves » ontologiques, cosmologiques et téléologiques de l’existence de Dieu sont, de mon point de vue, limitées par le fait qu’elles font appel à la raison pour démontrer ce qui dépasse le cadre purement rationnel: Dieu. C’est aux frontières de la raison que la foi commence. Elle transcende la raison, qui est toutefois un pré requis pour une foi véritable. La foi devient ainsi une raison sans fin. Dans l’approche islamique, foi et raison ne s’opposent pas, mais se complètent….la foi devenant l’aboutissement de la raison
    Bien à vous

  7. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Je ne vois pas comment on peut, sans contradiction, affirmer que les vérités de la foi « dépassent le cadre purement rationnel » et que « la foi devient l’aboutissement de la raison ».
    A moins de supposer une « raison islamique » différente de la raison universelle, la tension entre la raison et la foi est aussi irréductible dans l’Islam que dans les autres religions.
    Par ailleurs, comme M. Arkoun l’a établi, il y a longtemps que le foi médiévale en quête d’intelligence a cessé d’être vivante dans le fait religieux tel qu’il s’observe dans notre actualité.
    Bien à vous.

  8. Valentin dit :

    Bonsoir, je n’ai pas trouvé de moyen pour vous envoyer un message alors je vous l’écris ici bien que ça n’ait pas de rapport avec ce cours..

    Je souhaitais simplement vous remercier pour votre travail et le partage, je suis tombé sur votre site par hasard en cherchant une méthodologie de commentaire (je suis en terminale L), et j’ai réellement été surpris par la richesse des informations.

    Vos cours sont très fournis et c’est un plaisir de pouvoir y accéder librement, à l’heure ou le savoir devient un véritable commerce ..

    Je vous souhaite une bonne continuation et un bon courage avec vos élèves!

    – Valentin

  9. Simone MANON dit :

    Merci, Valentin, pour ce sympathique message.
    Tous mes voeux de réussite dans votre formation philosophique.
    Bien à vous.

  10. Théo Parfin dit :

    Bonjour,

    Merci beaucoup pour cette présentation. Ma question porte sur Pascal. Si je comprends bien la citation en ouverture, Pascal nous dit qu’il faut, d’une manière ou d’une autre, accorder la foi et la raison, puisqu’une religion qui choque les principes de la raison sera « absurde et ridicule ». Pourtant, Pascal ajoute ensuite qu’en fin de compte, la foi et la raison sont 2 ordres séparés et, si là aussi je comprends bien, incommensurables. Dans ces conditions, comment l’accord exigé peut-il se produire? Ou bien, doit-on penser que Dieu réalise cet accord, mais que nous sommes, de notre côté, incapables de comprendre comment celui-ci se fait?

  11. Simone MANON dit :

    Bonjour Théo
    Dire que la foi ne doit pas « choquer » les principes de la raison ne revient pas à dire qu’elles doivent s’accorder. La foi a une part de « mystère et de surnaturel » irréductibles aux principes de la raison. On doit donc se soucier d’éviter l’absurdité manifeste dans l’interprétation des textes sacrés mais le souci du « raisonnable » n’est pas identique à celui du « rationnel ». Les énoncés de la foi cherchant à s’expliciter sans « choquer » les principes de la raison, ne se renoncent pas en tant qu’ils reposent sur la confiance en une Parole transcendant les limites de la rationalité pure. Dieu est caché. Il ne se donne qu’à ceux qui le cherchent mais à travers un langage chiffré. Déchiffrer l’écriture implique un postulat de cohérence. Les figures à travers lesquelles le Dieu caché se révèle recèlent un sens spirituel à comprendre et ce sens ne doit pas être déraisonnable même si l’on ne peut le fonder rationnellement. « Les prophéties, les miracles et les preuves de notre religion ne sont pas de telle nature qu’on puisse dire qu’ils sont absolument convaincants »
    Bien à vous.

  12. elgringos777 dit :

    Bonjour,

    est-il possible de prouver la non-existence de Dieu de manière raisonnable?

    Merci

  13. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Non, il n’est pas plus possible de prouver la non existence de Dieu qu’il n’est possible de prouver son existence pour toutes les raisons qui ont été indiquées dans divers cours.
    Bien à vous.

  14. michel dit :

    Bonjour madame , par politesse et par admiration de votre travail il m’y est impossible de ne pas vous saluer et remercier . Merci infiniment .
    Je me suis un peu documenté sur ce sujet en lisant quelques livres et articles , je penses a Anges et démons de Dan Brown , deuxième chapitre du Traité de métaphysique de Voltaire , Essence du christianisme de Ludwig Feuerbach et plus intéressent encore Cet univers n’a pas besoin d’architecte de Stephen Hawking …ect
    On trouve dans la plupart de ces livres la même procédure d’analyse : la thèse ou ils exposent les arguments en faveur de l’existence de dieu ensuite l’anti-thèse qui est réservée aux arguments de l’inexistence de dieu et enfin la synthèse , la on remarque une manifestation de l’auteur c’est a dire , c’est la ou l’écrivain nous livre son penchant . En bref, a mon avis, rien de nouveau .
    Mais un jour je suis tombé sur article internet qui s’intitule Paradoxes de l’Omnipotence . La question traitée étant de savoir si un être tout-puissant peut agir de façon à réduire sa propre capacité à accomplir n’importe quelle action. Si cet être peut agir de la sorte, il ne peut donc plus accomplir n’importe quelle action. Le paradoxe le plus connu et qui n’a , malheureusement, pas été abordé par Thomas d’Aquin est le paradoxe de la pierre qui s’explique : dieu étant défini comme une entité métaphysique qui possède les capacités de tout faire, dans ce cas peut-il créer une pierre qu’il ne pourrait pas soulever?
    A votre avis ces paradoxes constituent-ils des preuves convaincants ? En d’autre termes, peuvent-ils faire pencher la balance en faveur de l’inexistence de dieu?
    Dans le cas ou vous ne désirez pas me répondre , donnez moi quelques références qui pourraient etre utiles .
    Tous mes remerciements .

  15. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Sur cette question, je pense que les clarifications kantiennes sont définitives.
    Vous pouvez tirer toutes les conclusions possibles des prémisses de vos raisonnements, vous pouvez multiplier les paradoxes, jamais vos ratiocinations ne vous permettront d’établir l’existence ou l’inexistence de Dieu. Car une existence ou une inexistence n’est pas une conséquence logique, c’est un fait ne pouvant que se constater.
    Le savant le sait bien, aussi ne s’en tient-il jamais au raisonnement expérimental pour fonder une vérité scientifique. Il doit encore procéder à la vérification expérimentale pour faire apparaître le fait dont il suppose l’existence par son raisonnement.
    Il n’y a donc jamais de preuves convaincantes dans le domaine de la foi, quelle que soit la virtuosité des démonstrations.
    Bien à vous.

  16. David dit :

    Bonjour,

    Merci pour votre blog que je prends plaisir à lire.
    Je n’arrive pas à comprendre la pertinence de la réfutation kantienne concernant « La preuve cosmologique ». N’est-ce pas rationnelle de dire que tout effet (ou tout commencement) à une cause ? N’est-ce pas irrationnelle de concevoir une régression à l’infini ?
    Si oui, ne sommes-nous pas contraint rationnellement d’admettre l’existence d’une cause ayant sa raison d’être en elle-même ?

  17. Simone MANON dit :

    Bonjour
    la compréhension de la réfutation kantienne suppose la connaissance des clarifications qui sont les siennes en matière de théorie de la connaissance. Cf. https://www.philolog.fr/lexperience-est-elle-le-fondement-de-la-connaissance-le-criticisme-kantien/
    Spontanément nous prenons les principes subjectifs de la connaissance (par exemple le principe de causalité) pour une donnée objective. Ainsi parlons-nous de la cause comme si elle avait une réalité empirique alors qu’elle n’est qu’une catégorie de l’esprit à travers laquelle nous mettons en ordre les données sensibles. Nous sommes ainsi victimes de ce que Kant appelle des illusions transcendantales.
    Bien à vous.

  18. Morgane dit :

    Etant professeure stagiaire cette année, je tenais à vous remercier pour votre blog et la clarté de vos propos qui m’ont souvent aidés dans la construction de mes cours. Je sais à quel point cela demande du temps de mettre une pensée en forme et de parvenir à la partager avec simplicité. Vos élèves ont bien de la chance! Et vos lecteurs aussi.
    Merci encore.
    Morgane

  19. Simone MANON dit :

    Merci pour ce sympathique message et tous mes vœux d’épanouissement dans le métier que vous avez choisi.
    Bien à vous.

  20. Emmanuel dit :

    Bonjour madame,
    J’ai une question un peu marginalement dans le sujet sur l’aspect historique de l’important de la foi. Dans sa fameuse « History of Western Philosophy », Bertrand Russell mentionne, au début de son premier chapitre sur le christianisme, qu’un de ses éléments est la doctrine que « la croyance correcte est au moins aussi importante que l’action vertueuse » (« correct belief is at least as important as virtuous action »), qu’il déclare d’origine « essentiellement hellénique ». Auriez-vous (par hasard) une idée de ce qui pourrait fonder cette dernière attribution à l’hellénisme? Je ne vois pas bien ce qu’il entendait par là…
    Cordialement,

    Emmanuel

  21. Simone MANON dit :

    Bonjour Emmanuel
    Même si un Aristote distingue les vertus intellectuelles et les vertus morales, même si comme les stoïciens il souligne que la morale est affaire de pratique, non de théorie, tous les grands penseurs grecs insistent sur le lien de la sagesse pratique et de la rectitude de l’exercice de la pensée. La vertu est toujours solidaire d’une pensée droite.
    « La vertu est science, la méchanceté ignorance » pour un Socrate, la prudence aristotélicienne (vertu intellectuelle) est la capacité d’identifier avec vérité ce que le désir poursuit avec droiture, et le bon usage des représentations est déterminant dans le stoïcisme ou l’épicurisme.
    https://www.philolog.fr/aristote-le-bonheur-est-une-activite-de-lame-selon-la-vertu-dans-une-vie-achevee/
    https://www.philolog.fr/pensee-et-nihilisme-hannah-arendt/#more-3163
    Je ne sais pas si c’est le sens de l’allusion de Russell mais il est clair que pour la philosophie grecque, l’homme étant un animal doué de raison, l’accomplissement de la nature humaine dans son excellence (= vertu), implique rectitude de la pensée au moins autant que rectitude du désir, l’une et l’autre étant dialectiquement liées.
    Bien à vous.

  22. Thomas dit :

    Bonjour,

    Dans la citation : » la foi est différente de la preuve, l’une est humaine, l’autre est un don de dieu »
    laquelle est humaine : est-ce la foi ou la preuve? Je ne comprends pas cette citation.
    Merci de votre aide.
    Très cordialement.

  23. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Comme l’affirme Pascal, il faut l’aide de Dieu pour avoir la foi (Cf. effet de la grâce) alors que la raison humaine suffit pour étayer des preuves. Il s’ensuit, selon notre auteur, que la foi est un don de Dieu.
    Bien à vous.

  24. josepha dit :

    Bonsoir Madame
    Je me permets une question à brûle-pourpoint, avant d’avoir cherché ou vérifié moi-même. Je me demande : au fond, qu’est-ce que ce coeur qui comprend Dieu mieux que ne peut le faire la raison? n’est-ce pas une certaine dimension de l’esprit, son affectivité et donc encore l’intelligence? Et s’il s’agit toujours d’intelligence, parler du coeur, du sentiment, n’est-ce pas risquer un malentendu du type : croire en Dieu ne demande aucune espèce d’intelligence, mais plutôt une grande naïveté.
    Je vous remercie

  25. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Votre question exige de vous interroger sur la nature de la raison.
    On peut la définir comme la faculté permettant d’articuler des propositions avec rigueur dans le respect des règles logiques. En ce sens la raison est la raison instrumentale. Envisagée comme telle, la raison ne saurait se suffire à elle-même car tout raisonnement, aussi correct formellement soit-il, requiert des propositions de départ (les prémisses du raisonnement) qui, en dernière analyse, ne sont pas la conclusion d’un raisonnement mais sont données par une opération intellectuelle appelée intuition. La discursivité implique l’intuitivité (connaissance immédiate) des principes à partir desquels elle se déploie.
    La question est de savoir à quelle faculté attribuer la capacité intuitive.
    Pour le rationalisme cartésien l’intuition des premiers principes est une possibilité de la raison.
    Mais Pascal, par souci apologétique, s’emploie à pointer les limites de la raison, son impuissance à tout démontrer et par conséquent la nécessité où elle se trouve de recevoir une aide d’une autre faculté qu’il appelle le cœur.
    Cette distinction prend toute sa pertinence dans les domaines moraux, politiques, religieux. L’observation des faits montre que les hommes se réclament dans ces sphères de principes différents, la raison instrumentale étant incapable de réaliser des accords communs. Notre époque exhibe dans tous ces domaines une sorte « d’anarchie rationaliste », chacun utilisant le raisonnement pour étayer ses propres positions sans qu’il soit possible de s’entendre collectivement et universellement. https://www.philolog.fr/socrate-ou-lexperience-philosophique-patocka/
    La question reste donc ouverte. Quelle est la faculté permettant de saisir intuitivement les principes moraux, politiques, les vérités religieuses dont chacun se réclame à un moment ou à un autre d’une discussion?
    Pour Rousseau par exemple « les actes de la conscience ne sont pas des jugements mais des sentiments »
    « Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience. […] Mon dessein n’est pas d’entrer ici dans des discussions métaphysiques qui passent ma portée et la vôtre, et qui, dans le fond, ne mènent à rien. Je vous ai déjà dit que je ne voulais pas philosopher avec vous, mais vous aider à consulter votre cœur. Quand tous les philosophes du monde prouveraient que j’ai tort, si vous sentez que j’ai raison, je n’en veux pas davantage. Il ne faut pour cela que vous faire distinguer nos idées acquises de nos sentiments naturels : car nous sentons avant de connaître ; et comme nous n’apprenons point à vouloir notre bien et à fuir notre mal, mais que nous tenons cette volonté de la nature, de même l’amour du bon et la haine du mauvais nous sont aussi naturels que l’amour de nous-même. Les actes de la conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments. Quoique toutes nos idées nous viennent du dehors, les sentiments qui les apprécient sont au-dedans de nous, et c’est par eux seuls que nous connaissons la convenance ou disconvenance qui existe entre nous et les choses que nous devons respecter ou fuir. […] Conscience ! Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide d’un entendement sans règle et d’une raison sans principe. Emile, Livre IV

    https://www.philolog.fr/les-operations-de-la-raison/
    https://www.philolog.fr/la-demonstration-2/
    https://www.philolog.fr/esprit-de-geometrie-esprit-de-finesse-pascal/

    Bien à vous.

  26. josepha dit :

    Madame, merci mille fois, c’est formidable le temps que vous nous consacrez!

  27. Ddu dit :

    Bonjour Madame,
    Merci pour votre analyse sur un sujet aussi vaste qu’intéressant qu’est celui des religions. Il y a un point que je trouve dommageable dans la plupart des religions: la difficulté voire l’impossibilité de se remettre en question bien qu’il faille reconnaître une certaine évolution. Pourquoi était-ce si difficile d’admettre que l’on s’est trompé? Sciences et philosophie le font pratiquement tous les jours. Auraient-elles peur de perdre du terrain face aux théories scientifiques et philosophiques? Si l’on continue de croire aux miracles de Lourdes, ne devrait-on pas mettre sur le même pied d’égalité les guérisons inexpliquées survenues dans les hôpitaux bien loin des lieux sacrés de Lourdes? Il est clair que ces dernières font moins sensation que les premiers. Le miracle d’aujourd’hui ne devrait-il pas être interprété simplement comme le fait de notre ignorance du moment?
    Bien à vous

    David D.

  28. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Pour quelques cas où l’on peut dire que la foi est le doute surmonté, le propre de la foi (Cf. La foi du charbonnier ou le fameux « je crois parce que c’est absurde » ) est d’être une adhésion massive, indistinctement affective et intellectuelle à un contenu de pensée. D’où la difficulté, voire l’impossibilité du doute, surtout si l’on introduit la dimension du sacré. Ce qui est vécu comme une révélation de Dieu ne se discute pas sans le sentiment du sacrilège.
    Voilà pourquoi il est contre productif et imprudent d’attaquer la foi de front. Ce qui ne doit pas être entendu comme une invitation à limiter la liberté d’expression mais comme une exhortation au sens de la responsabilité.
    Seule une formation des esprits de qualité peut la sauver du danger potentiel majeur qu’elle recèle, à savoir le fanatisme.
    https://www.philolog.fr/quest-ce-que-la-laicite/
    https://www.philolog.fr/laicite-une-institution-desenchantee/
    Bien à vous.

  29. Bonnecarrère dit :

    Bonjour Mme Manon,
    Ma question n’a pas directement de rapport avec cet article-ci mais je suis à la recherche d’explication sur le rapport entre la morale et la religion chez Kant. Je comprends de mes lectures (« La religion dans les limites de la simple raison ») que la morale ne découle pas de la religion et que les devoirs moraux ne sont pas des devoirs envers Dieu, mais qu’en même temps elles ne sont pas indépendantes car la religion découle de la morale et qu’il faut postuler l’Idée de Dieu et d’éternité de l’âme pour permettre de penser le Souverain Bien (la réunion du devoir et du bonheur). Mais je ne comprends pas bien ces subtilités ni pourquoi après tout faudrait-il penser la possibilité du Souverain Bien si ce n’est simplement pour ne pas désespérer dans l’absurde. Je ne comprends pas bien en quoi ces Idées sont des postulats NECESSAIRES de la raison pratique.
    Je vous remercie d’avance pour votre aide et vous félicite pour la qualité de votre travail que vous partagez si généreusement.
    Bien à vous,
    Marie

  30. Simone MANON dit :

    Bonjour
    La question de la religion chez Kant n’est pas une question théorique, la critique de la raison pure ayant montré qu’il n’y a pas de savoir possible de ce qui excède les limites de l’expérience. Mais la philosophie n’est pas épuisée par la question « que puis-je savoir? ». Elle implique aussi la question « que dois-je faire? » qui elle-même se prolonge en « que m’est-il permis d’espérer? »
    Pourquoi? Parce que l’expérience morale a besoin de se comprendre elle-même. Comment comprendre qu’en tant qu’être moral je ne sois pas soumis au déterminisme naturel comme tous les êtres de la nature mais sois capable de m’autodéterminer par une loi s’imposant à moi comme un impératif catégorique? Autrement dit comment me rendre intelligible comme RAISON donnant ses commandements à l’action (raison pratique) ou comme LIBERTE capable de mettre en échec la loi du désir ou de l’intérêt (pathologique en termes kantiens)? Comment comprendre qu’alors que comme tous les êtres naturels j’aspire au bonheur (comme ma finalité sensible),la voix d’airain du devoir m’assigne une autre finalité (suprasensible) à savoir celle de faire mon devoir même si celui-ci implique le sacrifice de mon bonheur? Pour ma conscience morale c’est même la vertu qui devrait me rendre digne d’être heureux, or il s’en faut de beaucoup que dans le réel le bonheur soit la récompense de la moralité.
    Voilà pourquoi la religion chez Kant est la doctrine des postulats de la raison pratique: la liberté – l’immortalité de l’âme – Dieu.
    Un postulat est une proposition indémontrée et indémontrable qu’on nous demande d’admettre, ici pour que l’expérience morale ait un sens.
    Cette foi de la raison correspond à l’espérance légitime de l’homme moral.
    https://www.philolog.fr/la-morale-kantienne-rigorisme-et-formalisme/
    Bien à vous.

Laisser un commentaire