« La distance infinie des corps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des esprits à la charité car elle est surnaturelle.
Tout l'éclat des grandeurs n'a point de lustre pour les gens qui sont dans les recherches de l'esprit.
La grandeur des gens d'esprit est invisible aux rois, aux riches, aux capitaines, à tous ces grands de chair.
La grandeur de la sagesse, qui n'est nulle sinon de Dieu, est invisible aux charnels et aux gens d'esprit. Ce sont trois ordres différents, de genre.
Les grands génies ont leur empire, leur éclat, leur victoire et leur lustre, et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles où elles n'ont pas de rapport. Ils sont vus, non des yeux mais des esprits. C'est assez.
Les saints ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre et n'ont nul besoin des grandeurs charnelles ou spirituelles, où elles n'ont nul rapport car elles n'y ajoutent ni ôtent. Ils sont vus de Dieu et des anges et non des corps et des esprits curieux. Dieu leur suffit.
Archimède sans éclat serait en même vénération. Il n'a pas donné des batailles pour les yeux, mais il a fourni à tous les esprits ses inventions. O qu'il a éclaté aux esprits.
J-C, sans biens, et sans aucune production au dehors de science, est dans son ordre de sainteté. Il n'a point donné d'inventions. Il n'a point régné, mais il a été humble, patient, saint, saint, saint à Dieu, terrible aux démons, sans aucun péché. O qu'il est venu en grande pompe et en une prodigieuse magnificence aux yeux du cœur et qui voyent la sagesse.
Il eût été inutile à Archimède de faire le prince dans ses livres de géométrie, quoiqu'il le fût.
Il eût été inutile à N-S.J-C. pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi, mais il y est bien venu dans l'éclat de son ordre.
Il est bien ridicule de se scandaliser de la bassesse de J-C., comme si cette bassesse était du même ordre duquel est la grandeur qu'il venait faire paraître.
Qu'on considère cette grandeur-là dans sa vie, dans sa passion, dans son obscurité, dans sa mort, dans l'élection des siens, dans leur abandonnement, dans sa secrète résurrection et dans le reste. On la verra si grande qu'on n'aura pas sujet de se scandaliser d'une bassesse qui n'y est pas.
Mais il y en a qui ne peuvent admirer que les grandeurs charnelles comme s'il n'y en avait pas de spirituelles. Et d'autres qui n'admirent que les spirituelles comme s'il n'y en avait pas d'infiniment plus hautes dans la sagesse.
Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre et ses royaumes, ne valent pas le moindre des esprits. Car il connaît tout cela, et soi, et les corps rien.
Tous les corps ensemble et tous les esprits ensemble et toutes leurs productions ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé.
De tous les corps ensemble on ne saurait faire réussir une petite pensée. Cela est impossible et d'un autre ordre. De tous les corps et les esprits on n'en saurait tirer un mouvement de vraie charité, cela est impossible et d'un autre ordre surnaturel ».
Pascal. Pensées. L.308. B. 793.
Introduction :
Cette pensée a pour enjeu de distinguer des ordres (thème). Il y a trois ordres dit Pascal : L'ordre des corps ou ordre de l'extériorité, l'ordre des esprits ou ordre de l'intériorité, l'ordre de la charité ou ordre de la supériorité (thèse). La question est de savoir à quoi renvoient ces distinctions. Que faut-il entendre par ordre ? Quelles sont les déterminations pascaliennes de ces ordres ?
I) La notion d'ordre.
Mettre en ordre, ordonner consiste à identifier, distinguer, classer, hiérarchiser. Il y a là des opérations fondamentales de l'intelligence ou de la raison dans la mesure où l'esprit n'est pas chez lui dans l'indifférenciation, le chaos, la confusion. On prête à Anaxagore (500.428av.J.-C) cette formule : « D'abord était le chaos, puis vint la raison qui mit tout en ordre ».
Dans ce texte, Pascal distribue les choses, selon un principe d'ordonnancement lui permettant de distinguer des genres. Genres de vie, genres d'intérêts et de valeurs, genres de facultés, fondamentalement différents selon qu'on a affaire à l'ordre de la chair, de l'esprit ou du cœur.
« Ce sont trois ordres différents de genre » lit-on.
Le philosophe mobilise ici la notion d'ordre dans une double acception :
- L'acception mathématique. Le mathématicien distingue des ordres de grandeur. « Les grandeurs sont dites du même genre lorsque l'une étant multipliée plusieurs fois peut arriver à surpasser l'autre » écrit Pascal dans De l'esprit géométrique en citant Euclide. Ce n'est pas le cas du point à la ligne, de la ligne au plan, du plan au solide. Il en est de même si ce qui est pris en considération relève des corps, de l'esprit, ou du cœur.
- L'acception politique. Dans la société d'Ancien Régime on distingue trois ordres : la noblesse, le clergé et le tiers-état. Ordre signifie rang à l'intérieur d'une hiérarchie. La métaphore politique est d'ailleurs omniprésente puisqu'il est question de rois, de règne, d'empire, de victoire, de lustre.
II) Les déterminations pascaliennes des ordres.
I°) L'incommensurabilité.
Il n'y a pas de commune mesure entre les ordres. Les normes, les valeurs, les principes présidant au règne des corps sont d'une autre nature que ceux régissant l'ordre de l'esprit, lesquels sont étrangers à l'ordre de la charité. L'hétérogénéité est radicale. Chacun incarne par rapport à l'autre une altérité radicale. Ainsi le pouvoir des rois, la propriété des riches et la force des capitaines qui sont des biens pour les gens de chair, sont sans grandeur pour ceux qui vénèrent les biens de l'esprit. Ceux-ci honorent le savoir, la puissance intellectuelle et morale qui sont sans prestige pour les amoureux de la richesse et du pouvoir. De même la sagesse dont la Christ a donné la mesure est invisible aux philosophes et aux gens de chair.
Chaque ordre est un empire avec sa logique interne. La force en impose dans l'ordre de la chair mais elle n'a aucun prestige dans l'ordre de l'esprit.
Réciproquement la grandeur d'âme suscite le respect dans l'ordre de l'esprit mais n'est même pas entrevue par les gens de chair.
De même la vertu philosophique n'est guère vertueuse pour celui dont la sagesse vient de Dieu et cette sagesse là paraît folie aux yeux du monde de l'esprit comme à celui de la chair.
L'erreur consiste toujours à croire qu'on peut brouiller les ordres et vouloir faire reconnaître dans un ordre, des valeurs ne pouvant l'être que dans un autre. Pascal épingle cette tendance en la qualifiant de tyrannie ou d'injustice. Ces concepts sont ici à comprendre dans un sens métapolitique :
« La tyrannie consiste au désir de domination, universel et hors de son ordre.
Diverses chambres, de forts, de beaux, de bons esprits, de pieux, dont chacun règne chez soi et non ailleurs ; et quelquefois ils se rencontrent, et le fort et le beau se battent, sottement, à qui sera le maître l'un de l'autre ; car leur maîtrise est de divers genres. Ils ne s'entendent pas, et leur faute est de vouloir régner partout. Rien ne le peut, pas même la force ; elle ne fait rien au royaume des savants, elle n'est maîtresse que des actions extérieures....Ainsi ces discours sont faux et tyranniques : « Je suis beau, donc on doit me craindre. Je suis fort donc on doit m'aimer ».
La tyrannie est de vouloir avoir par une voie ce qu'on ne peut avoir que par une autre. On rend différents devoirs aux différents mérites : devoir d'amour à l'agrément ; devoir de crainte à la force ; devoir de créance à la science.
On doit rendre ces devoirs là, on est injuste de les refuser, et injuste d'en demander d'autres. Et c'est de même être faux et tyrannique de dire : « Il n'est pas fort, donc je ne l'estimerai pas ; il n'est pas habile, donc je ne le craindrai pas ». Pensée. B 332.
Pascal établit avec rigueur l'autonomie de chaque ordre et leur altérité réciproque dans la première partie de son texte. (> « aux yeux du cœur et qui voient la sagesse »). Chacun se suffit à lui-même. En témoignent les expressions : « c'est assez », « Dieu leur suffit ».
On découvre que les deux premiers ordres sont structurés par des concupiscences spécifiques : l'amour du pouvoir et des richesses pour le premier ; la curiosité et l'orgueil pour le second. Le troisième ne relève pas de la concupiscence c'est-à-dire de la nature. Il procède de la grâce. Aux yeux de cette sagesse divine, la sagesse des philosophes est nulle. En disant « La grandeur de la sagesse qui n'est nulle sinon de Dieu » Pascal se souvient de St Paul dans la Première Epître aux Corinthiens. « Le langage que parle la croix est une folie pour ceux qui vont à leur perte, tandis que pour ceux qui sont sauvés, pour nous c'est une puissance de Dieu. Il est écrit : « Je détruirai la sagesse des sages et j'anéantirai l'intelligence des intelligents » (Is. 29,14). Où est le sage ? Où est l'érudit ? Où est le chercheur des réalités de ce monde ? Dieu n'a-t-il pas convaincu de folie la sagesse du monde ? ...C'est bien d'une sagesse que nous parlons...mais non d'une sagesse du monde...Ce dont nous parlons, c'est d'une sagesse qui vient de Dieu, mystérieuse, demeurée cachée, celle que dès avant les siècles, Dieu a prédestinée pour notre gloire, celle qu'aucun des princes de ce monde n'a connue. S'ils l'avaient connu en effet, ils n'auraient pas crucifié le Seigneur de gloire ».
La sagesse évangélique est comme la foi, inaccessible à la raison humaine. Elle est un don de Dieu et procède du cœur. La tyrannie consistera dans ce domaine à demander à la foi de se justifier par des preuves ou à la raison de renoncer à chercher des preuves. C'est tyrannique et ridicule car « Le cœur a son ordre, l'esprit le sien, qui est par principe et démonstration, le cœur en a un autre. On ne prouve pas qu'on doit être aimé en exposant l'ordre des causes de l'amour : cela serait ridicule. Jésus-Christ, St Paul ont l'ordre de la charité, non de l'esprit ; car ils voulaient échauffer, non instruire, St Augustin de même » Pensées. B 283.
Dans la deuxième partie (Archimède...plus hautes dans la sagesse) cette incommensurabilité des ordres est illustrée.
Archimède était un prince dans l'ordre de l'extériorité mais cette dignité était bien inutile dans l'ordre de l'intériorité où il a excellé. Il a brillé en géométrie et en physique par ses seules vertus intellectuelles. Archimède esclave n'aurait pas cessé d'être Archimède pour les mathématiciens et il n'avait pas besoin d'être mathématicien pour être prince dans sa condition sociale et politique.
De même, l'obscurité de la condition du Christ, méprisable aux gens de chair (il naît dans une étable, il est pauvre et sans pouvoir temporel) n'ôte rien à ce qui fait sa supériorité dans son ordre. Prince en charité, sa royauté est tissée d'une autre fibre que celle qui fait les rois, les riches ou les capitaines.
D'un ordre à l'autre la distance est infinie et on apprend que la distance infinie séparant les corps des esprits peut « figurer » « la distance infiniment plus infinie » des esprits à la charité. Figurer c'est donner une représentation sensible de ce qui est étranger au sensible et même ici hors de portée de l'humaine intellection. C'est dire que Pascal introduit entre les ordres une disproportion hyperbolique.
Du deuxième au troisième l'écart est abyssal car si les corps et les esprits appartiennent à l'ordre de la nature, le troisième relève de la surnature. Jésus-christ dans son ordre de sainteté ne dépend pas d'un principe humain.
Cf. L'Evangile de St Jean : « En vérité, en vérité je vous le dis, personne ne peut entrer dans le royaume de Dieu s'il ne renaît pas de l'eau et de l'Esprit saint.
Ce qui est né de la chair, est chair ; et ce qui est né de l'Esprit est esprit.
Ne vous étonnez pas de ce que je vous ai dit, qu'il faut que vous naissiez encore une fois » Jean 3.
2) La hiérarchie des valeurs.
Si la métaphore mathématique établit l'incommensurabilité des ordres, la métaphore politique a pour vocation de pointer la hiérarchie des rangs. Il va de soi qu'il y a un ordre des ordres, explicitement affirmé dans la manière dont Pascal stigmatise l'impuissance des ordres inférieurs à en concevoir de supérieurs. C'est dire qu'il faut occuper le sommet de la hiérarchie pour assigner à chaque ordre la place qui lui revient de droit. Pascal va donc s'efforcer à la fin du texte de fonder cette hiérarchie.
La supériorité des esprits sur les corps est attestée par le fait que les corps sont mais ne le savent pas. Ils sont inaptes à s'élever à la connaissance d'eux-mêmes, tandis que le propre de l'esprit est d'avoir la conscience de lui-même et de l'univers auquel il appartient. Le principe de sa dignité réside dans ce mystérieux pouvoir dont est privée la matière.
Le deuxième argument pascalien déduit la disproportion des grandeurs de la disproportion entre une cause et un effet donnés. Des grandeurs sont hétérogènes lorsque l'effet, si petit soit-il, dont l'une a la puissance ne saurait être produit par la puissance de l'autre, si grande fût-elle. Ainsi tous les corps réunis ne sauraient produire la moindre pensée. Comme tous les corps et les esprits réunis ne sauraient produire un mouvement de charité.
Dans les deux cas l'impossibilité est radicale. Il faut un esprit pour donner une pensée, il faut une nature rénovée par la grâce pour produire l'agapè, l'amour de bienveillance à l'endroit de ses ennemis aussi bien que des ses amis.
Il y a une impuissance de l'inférieur à se dépasser vers le supérieur. Ce qui est déjà vrai des corps aux esprits, l'est encore plus des esprits à la charité. Car cet ordre là, incarne une supériorité proprement surnaturelle.
On peut imaginer une conversion de l'ordre de l'extériorité à celui de l'intériorité par la seule loi naturelle car les corps et les esprits sont des réalités naturelles. En revanche la conversion de l'intériorité à la supériorité ne relève pas d'une dynamique de l'être, elle relève d'une économie de la grâce. La sagesse évangélique vient d'en haut. Elle est un don de Dieu, non une conquête humaine.
Par ce discours, Pascal humilie la raison humaine, il la récuse dans sa prétention à promouvoir par ses seules forces, l'accomplissement spirituel de l'homme. Illusoire et surtout diabolique est pour Pascal l'idée d'une gradualité d'une démarche permettant à l'homme de réaliser par lui-même son salut.
(Cf. jugement sur la sagesse stoïcienne. « Superbe diabolique » dit-il à propos d'Epictète. Superbe, c'est-à-dire orgueil, manque d'humilité. Diabolique, c'est-à-dire cet orgueil est en nous la part du diable).
Au nom de la supériorité de la foi, effet de la grâce, Pascal condamne donc sans appel la philosophie. « Nous n'estimons pas que toute la philosophie vaille une heure de peine » lit-on dans la pensée B.79.
NB : Dans son livre le Capitalisme est-il moral ? André Comte-Sponville fait une application intéressante de la thématique pascalienne des ordres.
Il propose de distinguer quatre ordres au sein desquels se déploie notre existence :
- L'ordre économico-techno-scientifique. Cet ordre est structuré intérieurement par l'opposition du possible et de l'impossible. Techniquement il y a ce qu'on a les moyens de faire et ce qui, dans l'état actuel de nos techniques est impossible. Economiquement, il y a ce qui produit de la richesse au moindre coût social, politique et écologique et ce qui n'en produit pas ou moins. De ce point de vue, remarque Comte-Sponville, le système capitaliste a fait ses preuves : il est efficace économiquement. Scientifiquement il y a ce qu'on peut penser (le possiblement vrai) et ce qu'on ne peut pas penser (le certainement faux). Il va de soi que si cet ordre a sa logique interne, il ne saurait imposer sa seule loi à l'existence humaine. Car tout ce qui est possible n'est pas socialement ou moralement souhaitable. On sait que ce qui effraie aujourd'hui, dans le développement techno-économico-scientifique est l'impression d'être soumis à l'ordre des moyens au point d'avoir perdu la maîtrise des fins au service desquelles, ils devraient être mobilisés. Une loi du développement de cet ordre instrumental, disent les pessimistes est : tout ce qui est possible sera fait. On appelle cette loi, la loi de Gabor. (Cf. Cours sur la technique). Il s'ensuit qu'il convient de fixer les limites de cet ordre et cela ne peut se faire que de l'extérieur.
- L'ordre juridico-politique. Cet ordre est structuré par l'opposition du légal et de l'illégal. Juridiquement il y a ce que la loi autorise et ce qu'elle interdit. Politiquement il y a ceux qui sont en état de faire la loi parce qu'ils ont conquis le pouvoir d'état et ceux qui ne le peuvent pas parce qu'ils sont minoritaires. Certes on peut imaginer que rien ne vienne limiter cet ordre là. En démocratie le peuple est souverain, il pourrait donc se donner les lois qui lui plaisent. L'histoire montre que lorsque la souveraineté politique n'a pas de limite, le pire est au rendez-vous. D'une part, parce que refusant d'accepter les lois du premier ordre, certaines décisions politiques conduisent les peuples à la catastrophe. Refuser d'admettre qu'il y a de l'économiquement ou du techniquement impossible est un des visages de la déraison humaine puisque c'est une manière de refuser les contraintes du réel. Mais l'ordre juridico-politique n'est pas limité seulement par le bas. Il doit aussi être limité par le haut car il ne suffit pas qu'une loi soit légale pour être légitime. Le légitime est ce qui est conforme aux exigences intérieures de la raison ou de la conscience. On appelle ces exigences des exigences morales.
- L'ordre moral. Il est structuré par l'opposition du bien et du mal, du devoir et de l'interdit. La morale est l'ensemble des devoirs qui s'imposent à nous inconditionnellement. Cet ordre a moins besoin d'être « limité » que d'être « complété ». En effet, on ne voit pas remarque Comte-Sponville, ce que serait « un salaud moral » alors qu'on voit très bien ce que serait « un salaud compétent ou performant » dans le premier ordre ou un « salaud légaliste » dans le second. En revanche celui qui se contenterait de faire son devoir nous semblerait manquer à une autre exigence que le philosophe appelle, dans la grande tradition chrétienne l'amour.
- L'ordre de l'amour. Ce quatrième ordre est structuré par l'opposition de la joie et de la tristesse. L'amour irrigue les autres ordres car sans amour de la vérité pas de science, sans amour de la liberté pas de droit et sans amour de l'humanité pas de morale. Et certes si l'amour du prochain était la chose du monde la mieux partagée il n'y aurait pas besoin de morale. (Cf. St Augustin « Aime et fais ce que tu voudras »)
Tout l'intérêt du texte de Comte-Sponville est de dénoncer le ridicule et la tyrannie (conformément aux concepts pascaliens) qui nous menacent dès lors que nous brouillons les ordres et prétendons obtenir de l'un ce qui n'a de sens que dans un autre.
Il décrit donc deux formes de ridicule et de tyrannie. Ce qu'il appelle la barbarie consistant à vouloir soumettre la primauté des ordres supérieurs au primat des ordres inférieurs et le vice symétrique, l'angélisme, consistant à nier le primat des ordres inférieurs au nom de la primauté du supérieur.
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quel texte doit on expliquer pour lundi (demain) ?
Je crois rêver Pamela! Vous avez à expliquer le texte de Freud qui vous a été distribué, il y a trois semaines. Pensez-vous qu’il soit possible de rendre un devoir sérieux en s’y prenant à la dernière minute?
Je m’y prends toujours à la derniere minute… je sais pourtant que ce n’est pas la meilleur façon de procéder. ce texte n’est donc pas sur ce blog?
Non, vous avez le choix entre deux sujets: une dissertation et une explication. Je vous ai fourni les énoncés sur une feuille qui comportait aussi des références et des textes utiles pour traiter les sujets.
je pense que les ordres de Pascal, au lieu d’être totalement bouleversés par un ComteSponville, mériteraient d’être simplement enrichis par les apports nombreux, parmi lesquels je note particulièrement ceux de Bergson et de Jankélévitch. Je m’y efforce humblement, parce que cette lecture en profondeur éclaire tous nos rapports humains, au monde, aux autres, à nous-mêmes, et, pourquoi pas, à dieu
j’ajouterais que la séparation des ordres est tout à fait illusoire comme l’indique à l’évidence la phrase suivante: « Archimède esclave n’aurait pas cessé d’être Archimède pour les mathématiciens… »!!! Comment peut-on écrire pareille ineptie???!!! Quant à St Paul, c’est encore plus patent: la religion qu’il a construite en pervertissant totalement le message de Jésus est une simple conséquence de son parcours de juif fanatique et de citoyen romain! Pascal lui-même n’aurait pas été Pascal s’il n’avait pas été de condition aisée pour le moins, et s’il avait été de constitution robuste!
Je suis désolée, votre propos m’est pour l’essentiel inintelligible et me semble de surcroît impliquer une incompréhension radicale de la thématique pascalienne des ordres lorsque vous écrivez que « la séparation des ordres est tout à fait illusoire ». C’est faire peu de cas de leur incommensurabilité, de la distance infinie séparant les deux premiers du troisième, idée-force de Pascal.
Par ailleurs Comte Sponville ne bouleverse rien du tout, il se contente de faire une application intéressante de l’analyse pascalienne comme je le précise clairement.
Bonjour, et voici ma question:
pourquoi Blaise Pascal sépare-t il les 3 ordres par un infini, puis un infini d’infini ? Il doit y avoir une explication…meilleure que de dire ( par exemple) que c’est pour frapper lesprit du lecteur?
Merci d’avance
Parce que les deux premiers ordres sont des ordres naturels. Il y a une distance infinie entre l’ordre de l’intériorité et celui de l’extériorité mais entre ces deux ordres et le troisième, la distance est infiniment infinie car l’ordre de la supériorité est surnaturel.
Je suis entrain de réfléchir sur la théorie des trois ordres et leur implication socio-politique. J’aimerai pouvoir m’entretenir avec vous sur le sujet. Je suis en master deux en philosophie au Sénégal. Je voudrai communiquer par mail s’il vous plait. Merci de me répondre.
Désolée, Pascaline, je ne communique que par la médiation de mon blog. Un échange philosophique est toujours instructif pour les élèves et les autres.
Bien à vous.
Bonjour,
Je suppose, peut être à tort, que les références aux fragments des Pensées précédées d’un L ou d’un B renvoient aux éditions de Lafuma et de Brunschvicg.
Pourquoi utilisez vous ces éditions qui, pour moi, de part leur dispositions des matières, ne sont pas neutres vis à vis du contenu de l’oeuvre, chose qui m’a été confirmée lors de mes études universitaires à Aix-en-Provence. L’édition Sellier n’est-elle pas plus appropriée ?
Merci
Bonjour
Je pratique toutes les éditions et ce n’est pas ce qui me paraît essentiel pour expliciter le sens d’une pensée de Pascal. Ce qui l’est, c’est plutôt la grande familiarité avec son oeuvre.Si je donne les références Lafuma et Brunschvicg, cela tient au fait que ce sont des références classiques.
Bien à vous.
C’est toujours un plaisir de tomber sur un blog où on parle de Pascal ! Je prépare un mémoire sur la conception pascalienne de la justice dans les Pensées et je dois dire que ce billet me conforte et me rassure quant à ma compréhension de la doctrine des trois ordres. C’est d’autant plus décisif pour moi dans la mesure où la doctrine des trois ordres a, chez Pascal, des implications sur le plan politique… J’ajoute ce blog à mes marque-pages de suite.
Bonne continuation.
Merci pour ce sympathique message.
Il ya de nombreux articles sur Pascal sur mon blog. Avec l’index vous pouvez les retrouver facilement.
L’explication que j’ai faite des trois discours sur la condition des grands est particulièrement centrée sur votre sujet.
Joyeuses Pâques.
Bonjour,
Tout d’abord merci beaucoup pour ce blog. Je tente de me faire une culture philosophique parallèlement à mes études et vos articles me sont très utiles en soutien de mes lectures.
Comment expliquez-vous que Pascal, qui insiste pourtant très fortement sur la distinction entre le coeur et la raison qui incarne chacun un ordre de connaissance différent, décide de procéder à la démonstration rationnelle de l’existence de Dieu dans l’épisode du pari ? Lui-même le dit : « Dieu est sensible au coeur » et non pas à la raison. Certes, la raison vient en appui du coeur sur lequel elle s’appuie elle-même pour découvrir « les premiers principes » et la raison est bien supposée préparer le coeur à recevoir la foi. Néanmoins, cette complémentarité de la raison et du coeur ne se transforme-t-elle pas en domination voire en menace de la raison sur le coeur lors de l’épisode du pari ? La lecture des Provinciales m’incite à voir dans ce passage des Pensées une dimension ironique ; il s’agirait pour Pascal d’utiliser les armes de ces ennemis – ici les rationalistes – afin de montrer le ridicule et la petitesse d’une telle analyse : croire en Dieu car il y a plus à y gagner, n’est-ce pas ridicule ? Car Pascal montre par ailleurs qu’il est impossible de croire en Dieu simplement par devoir, qu’on ne peut recevoir la foi si l’on n’aime pas celui qui peut seul nous la donner.
Bien à vous,
Bosco
Bonjour
Vos propos témoignent d’une bonne intelligence de la pensée pascalienne.
Pour ce qui est du pari, l’interprétation ne va pas de soi et je vous conseille le remarquable commentaire de Henri Gouhier, Blaise Pascal, commentaires, Vrin, p.245 à 306.
Le pari n’a pas vocation à démontrer l’existence de Dieu, pour toutes les raisons que vous relevez avec justesse. Ce n’est pas une démonstration avec une conclusion contraignante, c’est une argumentation dont la fonction est d’éclairer un choix de vie. Exister avec Dieu ou sans Dieu, voilà l’enjeu existentiel. Ce n’est pas de la vérité qu’il s’agit, c’est du salut de notre existence en situation d’incertitude, étant donné que ce qui nous tient éloigné de Dieu, c’est moins l’impuissance de la raison humaine à accéder par ses seules forces à la vérité que la puissance de nos passions, nous faisant placer notre bien là où il n’est pas.
Voyez cet article où vous trouverez des éléments d’analyse : https://www.philolog.fr/la-foi-peut-elle-se-passer-dun-rituel-pascal-et-isaac-bashevis-singer/
Cf. Ces remarques de Francis Kaplan. Les Pensées de Pascal, Ellipses, p.26 à 28.
« On a reproché à cet argument d’impliquer une conception cyniquement intéressée de la religion puisqu’il est fondé uniquement sur la recherche du bonheur. Mais, d’abord, c’est une attitude religieuse assez générale, encore qu’elle ne soit pas toujours partagée par tous: Joinville raconte qu’un frère prêcheur vit un jour à Damas une vieille femme avec une écuelle de feu et un récipient plein d’eau; il lui demanda ce qu’elle voulait faire de l’un et de l’autre et elle répondit qu’avec le feu elle voulait brûler le Paradis et avec l’eau éteindre l’Enfer pour que nul ne fasse jamais le bien pour avoir le Paradis ni par peur de l’Enfer, mais par seul amour de Dieu. Mais si Pascal se fonde sur l’existence du Paradis et de l’Enfer, donc sur la recherche du bonheur, le bonheur, pour lui, est quelque chose d’ambigu: le bonheur est, par principe, égoïste; mais il pense en même temps que le bonheur consiste à aimer Dieu et à se haïr soi-même – comme nous le verrons plus loin; c’est donc, d’une certaine manière, un bonheur sans égoïsme.
On a aussi reproché à l’argument du pari de fonder la vérité sur l’intérêt : Je devrais penser que Dieu existe parce qu’il est de mon intérêt de le penser. En réalité, la position de Pascal est plus subtile. Il commence par établir que l’existence de Dieu est aussi probable que son inexistence, sinon je devrais choisir le plus probable – même s’il arrive à Pascal de dire seulement qu’« il y a ici […] un hasard de gain contre un nombre infini de hasards de perte », donc que l’existence de Dieu est moins probable que son inexistence – puisqu’il conclut finalement que « le gain infini est aussi prêt à arriver que la perte ». Il faut, de plus, être obligé de choisir. Pourquoi, en effet, ne puis-je pas me contenter de penser que je ne sais pas si Dieu existe ou n’existe pas? C’est parce que Pascal se place, en fait au niveau pratique; il ne s’agit pas simplement de penser que Dieu existe ou qu’il n’existe pas, mais d’agir conformément à ce que Dieu me demande ou d’agir en fonction de mes plaisirs, en tous cas sans tenir compte de Dieu; et, face à ce dilemme, je ne peux effectivement m’abstenir, je suis embarqué. Ce qui serait alors en cause, ce ne serait pas la vérité, mais l’action: « Apprenez de ceux qui […] parient maintenant tout leur bien […]. Suivez la manière par où ils ont commencé : c’est en faisant comme s’ils croyaient. » (Ibid.) De fait, Pascal distingue expressément au début de l’argument du pari d’une part, le vrai, la raison, la connaissance, et de l’autre, le bien, la volonté, la béatitude; et il ajoute que le pari ne concerne que la béatitude – donc aussi le bien et la volonté – et non pas la raison, donc non plus le vrai et la connaissance : « Vous avez deux choses à perdre: le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir: l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, puisqu’il faut nécessairement choisir, en choisissant l’un que l’autre. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas: si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »
Dira-t-on que cette distinction entre la vérité et l’action n’est pas tenable à moins d’agir sans souci de vérité, et, par conséquent, d’une manière purement mécanique, sans aucune intériorité, et de recevoir, par exemple, « des sacrements qui opèrent tout sans nous» (525/607/287) – ce qu’évidemment condamne Pascal ?
En réalité, le pari pour Pascal n’a pas pour but de dire ce qu’il faut penser, ni ce qu’il faut faire, mais seulement de montrer que la religion n’est pas contraire à la raison. Et il n’est pas une solution définitive au problème posé par la nécessité de choisir ; il ne constitue qu’une étape provisoire à laquelle doit succéder une argumentation ayant pour but de rechercher la vérité et ne faisant pas appel à l’intérêt. De fait, ce n’est, dans la même pensée, que dans ce qui suit l’argument du pari que la démonstration de la vérité est abordée, en réponse à la question de l’interlocuteur portant précisément sur la vérité : « N’y a-t-il point moyen de voir le dessous des cartes ? – Oui, l’Ecriture » Et, ici, il ne s’agit plus de pari »
Bien à vous.
Je vous remercie pour votre réponse que j’ai relue à de nombreuses reprises ces derniers temps. Je comprends en effet maintenant l’épisode du pari comme une tentative faite par Pascal pour montrer que la religion n’est pas déraisonnable, même du point de vue de la logique de l’intérêt qui constitue une dimension évidente de la raison.
Je crois que Pascal, lors cet épisode, parie de son côté sur la possibilité que son pari soit le point de départ, chez le libertin, d’une volonté de croire découlant d’un désir d’obtenir le bonheur. Dans ce cas, Pascal espère que le désir, au départ intéressé, devienne, au fur et à mesure, sincère en rencontrant la grâce de la Vérité. Cela est peut-être lié à la pensée de Pascal selon laquelle une part de feinte se loge presque toujours à l’origine de la recherche de la foi chez celui qui n’a pas la chance de croire de façon immédiate, par « le cœur » ou par « l’instinct ». Cette espèce de feinte, par exemple, est visible dans l’invitation formulée par Pascal à faire « comme si » Dieu existait afin de le rendre présent et désirable à nos cœurs.
Sur un tout autre sujet :
J’aimerais beaucoup approfondir ma connaissance très lacunaire de la philosophie grecque, particulièrement d’Aristote et de Platon (et particulièrement de leur pensée politique). Mais je travaille parallèlement et manque donc de temps pour tout lire. Un conseil concernant l’ordre d’importance et l’ordre dans lequel lire les ouvrages les plus importants me serait donc très utile. D’autre part, auriez-vous un ouvrage « d’accompagnement » à me conseiller, ouvrage que je pourrais lire parallèlement et qui pourrait m’éclairer les thèmes à l’œuvre chez les deux auteurs de la meilleure façon possible ? Enfin, je pense que des ouvrages portant sur le vocabulaire d’Aristote et de Platon me seraient aussi utiles.
Bien à vous et merci pour votre travail au service de nos désirs d’interroger et de comprendre.
Bosco
Bonjour
Voyez les deux études en lien au bas de l’article: la foi peut-elle se passer d’un rituel et le commentaire de l’entretien avec M. de Saci pour approfondir la pensée pascalienne.
Pour ce qui est de la philosophie politique de Platon et d’Aristote.
Pour le premier, l’ordre souhaitable de lecture me paraît être: La République, le Politique, les Lois. J’aime bien le séminaire de Castoriadis sur le politique de Platon. Voyez ici pour un commentaire intéressant: http://www.amazon.fr/Etudes-sur-R%C3%A9publique-Platon-psychologie/dp/2711618153.
Pour Aristote: La Politique, l’Ethique à Nicomaque, Constitution d’Athènes. Introduction de Pierre Pellegrin des Politiques, (Flammarion, GF, 1990), Richard Bodéüs: Le philosophe et la cité, Pierre Aubenque: la prudence chez Aristote, Francis Wolff: Aristote et la politique.
Bonnes lectures.
Bien à vous.
[…] le rationalisme qui est une dérive réductrice de la faculté de raison (les trois ordres de Pascal ou de […]
Le quatrième ordre est celui de l’amour, à mon niveau il n’est pas encore facile de me familiariser avec cette vicion de Pascal mais je me demandais si celà avait un rapport avec l’amour dit « intellectuelle » de Dieu ; ce concepte non moins facile est surtout abordé pas Spinoza il me semble et j’ai du mal à le saisir. Pouriez vous s’il vous plait m’éclairer à ce sujet ?
Merci d’anvance.
Bonjour
D’abord permettez-moi d’attirer votre attention sur la nécessité de corriger votre expression: vision, concept, amour intellectuel, pourriez-vous.
Pour répondre à votre question, il vous faut comprendre que l’amour dont parle Pascal est l’amour chrétien autrement dit l’agapè que nous traduisons par charité.
https://www.philolog.fr/variations-sur-le-theme-aime-ton-prochain-comme-toi-meme/
Voyez la troisième partie de ce cours pour maîtriser cette signification.
https://www.philolog.fr/quest-ce-que-je-sous-entends-lorsque-je-parle-dautrui-comme-de-mon-semblable/
L’amour intellectuel de Dieu chez Spinoza est tout autre chose.
Bien à vous.
Effectivement je n’avais pas compris cela de l’amour dont Pascal fait référence ici. Merci pour l’explication mais pourriez vous par la même occasion m’expliquer l’idée que Spinoza entend par amour intellectuelle de Dieu s’il vous plaît ?
Bien à vous et merci de consacrer un peut de votre temps à m’éclaircir les idées.
Bonjour
Ce thème de l’amour intellectuel de Dieu que Spinoza développe dans la cinquième partie de l’Ethique ne peut que demeurer inintelligible et inexpérimentable pour celui qui est étranger à la philosophie et donc à la pratique spinoziste.
Dieu, chez cet auteur, est synonyme de la nature ou de la substance (ce qui est) dans la puissance infinie de son expression. https://www.philolog.fr/ni-rire-ni-pleurer-mais-comprendre-spinoza/
En tant qu’il déploie la puissance de sa raison ou de son pouvoir de comprendre, l’homme peut avoir une connaissance intuitive de la Nature et de sa place en elle. Ainsi peut-il promouvoir son salut, c’est-à-dire s’affranchir des passions tristes pour éprouver la joie qui naît de la connaissance du troisième genre ou connaissance de l’unité de la Nature ou de Dieu.
L’amour intellectuel de Dieu est donc l’accomplissement de la sagesse philosophique, sagesse sans mysticisme et sans religion naissant de la connaissance rationnelle. Elle est Joie (l’amour n’est rien d’autre, dit Spinoza, que la joie accompagnée de l’idée de sa cause), Liberté, vertu d’une relation réflexive au tout de l’Etre.
Bien à vous.
Bonjours
Qu’est-ce que le troisième genre de connaissance évoqué ici ?
Donc finalement tout le monde a accès à cet amour intellectuelle de Dieu puisqu’il s’agit d’être initié à la sagesse philosophique. Et cet amour ne peut être qu’intellectuel car Dieu ne se manifeste pas aux hommes directement il me semble. Finalement si on ne considère pas les divers « révélations » exceptionnelles, peut on dire qu’on ne peut aimer Dieu qu’intellectuellement ?
Bien à vous.
Bonjour
Vos propos témoignent d’une méconnaissance totale de la pensée spinoziste.
Je ne peux que vous conseiller d’étudier l’œuvre, en particulier l’Ethique, car c’est toujours une imposture de vouloir parler de quelque chose qu’on ignore, ici d’un auteur qu’on ne s’est pas donné la peine de lire.
Bon travail.
Bonjour Madame,
Je pense, comme vous, qu’André Comte-Sponville fait une application intéressante du thème des ordres de Pascal. En même temps, il me semble le malmener un peu. Il est trop flatteur pour la politique, à mon avis, d’être classée en deuxième niveau et, à l’inverse, trop désobligeant pour la science de se retrouver au niveau inférieur. Fondée sur les rapports de force, la politique a naturellement sa place dans l’ordre des corps et la science, où brille l’intelligence, serait évidemment mieux classée dans l’ordre des esprits. Je ne vois pas en outre la nécessité de dissocier l’ordre supérieur. Même si l’on peut admettre de chasser Dieu pour le remplacer par un équivalent mieux en phase avec nos sociétés laïcisées, pourquoi ne pas ranger ensemble morale et agapè ? L’une et l’autre, à mon avis, relèvent d’une même démarche intuitive, celle de l’ordre du cœur, au-delà de la raison. Cela dit, il est assez piquant de constater que notre auteur, qui se réclame d’un athéisme militant, place au sommet de la hiérarchie une valeur qui ressemble étrangement à l’amour d’essence divine et rejoigne ainsi d’une certaine manière le croyant Pascal !
PS. Me référant à ce que vous avez répondu à « Noé » le 10-4-2014, je plaide coupable : je n’ai pas lu l’ouvrage d’André Comte-Sponville. Mais j’ai sans doute droit à des circonstances atténuantes, car j’avais lu en son temps, et il m’avait beaucoup intéresssé, un copieux article du même auteur publié dans les années 1990 dans le magazine L’Expansion, sous le même titre je crois, de sorte que j’ai cru pouvoir me dispenser de la lecture du livre!
Bonjour Monsieur
Vos remarques sont tout à fait pertinentes pour ce qui concerne les statuts de la politique et de la science. Mais il est clair que dans cette hiérarchie, la science est conçue comme technoscience et la politique rédimée dans sa dimension de rapports de force par la dimension juridique.
Je ne peux pas vous suivre dans le fondement que vous assignez à la morale. En cela je suis résolument kantienne. La loi morale est un fait de la raison dit Kant.
En revanche l’agapè relève bien à mes yeux de l’ordre de la grâce ou bien de cette sagesse spinoziste si difficile qu’elle ne peut avoir un rôle régulateur pour nos institutions.
Quoi qu’il en soit, il faut convenir que l’éducation chrétienne de Comte-Sponville a laissé des traces….
Bien à vous.
Bonsoir,
Je dois faire une explication de texte sur cette pensée de Pascal, et les 2 parties que vous proposez me paraissent très pertinentes.
Cependant mon professeur voit 3 parties possibles, pouvez-vous me dire lesquelles verriez-vous possibles ?
Cordialement,
Alice Delacroix.
Bonjour
Désolée, ce site n’est pas un site d’aide aux devoirs. Il me semble que la proposition de votre professeur n’est pas difficile à comprendre.
Bon travail.
[…] constats posés, la réflexion sur la moralité du capitalisme requiert de distinguer à la manière de Pascal différents ordres de la réalité qui se limitent les uns les autres. Comte-Sponville en expose […]
Avant tout merci pour ce site très riche, très clair dans lequel il est facile de se repérer.
Je suis toujours étonné par le fait que des personnes comme vous ou comme le brillant Jacques Darriulat mettent généreusement, gratuitement, à disposition de tout le monde le fruit de leur travail et de leur intelligence.
Ma question, mon observation ne portent pas sur votre très éclairant commentaire de Pascal, mais sur le rapprochement entre Pascal et Comte-Sponville (lui-même fait référence à Pascal dans son livre) qui ne parait pas toujours bien fondé.
Dans votre commentaire vous soulignez que « Pascal établit avec rigueur l’autonomie de chaque ordre et leur altérité réciproque ». Non seulement les ordres pour Pascal sont hétérogènes, mais ils semblent aussi hermétiques entre eux. Le moindre empiètement d’un sur l’autre crée les conditions de l’apparition de la tyrannie.
Dans l’exposé d’A Comte Sponville, au contraire, les ordres en quelque sorte s’emboitent. Le premier doit idéalement voir ses limites établies par le second, le second par le troisième et le troisième par le quatrième.
Autre différence: ACS applique ses considérations tantôt à la société dans son ensemble, pour les deux premiers ordres, tantôt à l’individu pour les deux ordres supérieurs (morale et amour).
Pascal parait s’addresser à l’individu dans tous les cas.
Le rapprochement entre Pascal et ACS est intéressant en ce qu’il nous invite à considérer le texte de Pascal dans le contexte de la société d’aujourd’hui. De façon plus prosaïque qu’A. Comte-Sponville, on peut observer que lorsque les media donnent une voix retentissante aux « célébrités » du monde du spectacle, lorsque les « mutins et les matons de Panurge » selon l’ expression de PH. Muray dispensent leurs discours moralisateurs, alors la confusion des ordres de Pascal est à son comble.
Si la tyrannie de la dérision et du sentiment de culpabilité de bon ton est plus supportable que celle des prisons, ses effets sur le long terme n’en demeurent pas moins dévastateurs.
Pascal reste d’actualité.
Bonjour
Je vous suis totalement dans vos jugements. Une culture est en danger dès lors qu’on en gauchit les significations. Je me souviens d’un inspecteur de philosophie en appelant à l’immense responsabilité du professeur de philosophie car prévenait-il: il se trouvera toujours un élève en classe de mathématiques pour relever l’erreur du professeur alors qu’il ne s’en trouvera jamais en classe de philosophie pour épingler un contresens sur un texte de Platon.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Le pari pascalien énonce une sorte de « meilleur » choix, il s’agit de croire puisqu’on gagne beaucoup plus potentiellement qu’en ne croyant pas. Autrement dit il faut faire un choix raisonnable. Mais la raison et la croyance, appartiennent à deux ordres distincts, l’esprit et la charité. Il ne suffit pas de décider de croire pour y parvenir puisque cela dépend de la grâce. Même en soumettant « la machine », le corps, à s’accoutumer aux signes de la croyance, génuflexion etc., il est difficile de comprendre cette exception à l’autonomie de chaque ordre, qu’en pensez vous ?
Cordialement
M.Segy
Bonjour
L’autonomie des ordres n’est pas radicale, si l’on prend acte que la religion n’est pas contraire à la raison. Mais à aucun moment, Pascal ne prétend nier leur hétérogénéité. Dans la lettre qui marque l’utilité des preuves, par la machine, Pascal écrit: « La foi est différente de la preuve. L’une est humaine, l’autre est un don de Dieu. Justus ex fide vivit. C’est de cette foi que Dieu lui‑même met dans le cœur dont la preuve est souvent l’instrument. Fides ex auditu. Mais cette foi est dans le cœur et fait dire non Scio mais Credo. »
Il faut bien voir que le pari n’est pas une exigence de la raison, il est une exigence de l’existence. La raison est aussi impuissante à établir l’existence de Dieu que son inexistence, mais non n’avons pas le choix entre choisir ou ne pas choisir, nous sommes embarqués.
« Oui, mais il faut parier. Cela n’est pas volontaire. Vous êtes embarqués. Lequel prendrez-vous donc? ».
Or, la conscience de l’infini d’un bien incertain relativise la certitude de biens finis pour ceux que les passions n’enchaînent pas à leurs prestiges au point de les rendre sourds au caractère raisonnable (# rationnel) du choix de l’existence avec Dieu.
C’est dire que l’enjeu du pari n’est pas de fonder la foi dans la raison mais de montrer que ce qui fait obstacle à la foi, ce sont les passions: l’orgueil, l’amour de soi en lieu et place de l’amour de Dieu. D’où la nécessité d’ôter les obstacles qui est le discours de la machine, afin de la préparer au choix raisonnable.
Le vrai enjeu du pari est l’ascèse des passions, la découverte expérimentée de l’inanité des biens qui nous barrent la route du vrai bien, conditions de la porosité du cœur à l’action de la grâce divine.
« Vous ne pouvez pas croire. Il est vrai mais apprenez au moins que votre impuissance à croire vient de vos passions. Puisque la raison vous y porte et que néanmoins, vous ne le pouvez, travaillez donc non pas à vous convaincre par l’augmentation des preuves de Dieu mais par la diminution de vos passions »
PS: Voyez ma réponse à Bosco du 13 mai 2013 plus haut.
Bien à vous.
Mais « diminuer les passions », ôter les obstacles à la foi, ne peut amener à croire selon la conception de la grâce qu’ont les Jansénistes. Selon cette définition l’homme, après la chute, ne peut acquérir la grâce par lui-même, or Pascal est Janséniste … Comment concilier la position du pari et celle de la grâce vue par les Jansénistes ?
Cordialement
M.Segy
PS: joyeux noêl !
Bonjour
Mon message précédent fait allusion à la porosité du cœur à l’action de la grâce, porosité qui est hypothéquée par la puissance des passions. Diminuez vos passions et vous rendrez votre cœur disponible à l’action de la grâce.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Ce que je veux dire c’est que selon la croyance en la prédestination, seuls ceux que Dieu choisit bénéficieront de la grâce. C’est la position des Jansénistes et de Pascal. Dans ce cas peu importe de se rendre disponible si vous n’êtes pas choisi.
Cordialement
M.Segy
Bonjour
Bien sûr que Dieu est maître de donner ou non sa grâce. Mais il dépend de l’homme de ne pas se rendre imperméable à ce don par la force de ses passions. Pascal ne demande à celui auquel il s’adresse que ce qui dépend de lui.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Vous évoquez l’idée Pascalienne du « caractère raisonnable(#rationnel) du choix de l’existence avec dieu ».
Si je résume l’argumentation de Pascal dans l’argument du pari:
– ne pas parier revient à parier que dieu n’existe pas
– en pariant le non croyant n’a rien à perdre ou tout à gagner si dieu existe, mais rien à gagner ou tout à perdre s’il n’existe pas
– son intérêt se résume donc à parier que dieu existe.
Mais pour évaluer l’intérêt du « tout à gagner » et « tout à perdre » il faut déjà croire et se trouver dans l’espace de signification du croyant. Dire à un incroyant qu’il va gagner ce qu’il considère comme une illusion ne l’intéressera pas. L’argument « rationnel » de Pascal ne peut donc persuader que ceux qui le sont déjà et qui accordent une valeur positive au paradis et une valeur négative à l’enfer. Pascal fait valoir une logique de proposition, dont le domaine d’interprétation de chaque proposition n’est pas partagée. N’est pas ce pas un obstacle à la rationalité ?
Cordialement
M.Segy
Bonjour
L’ordre de la foi et celui de la raison sont distingués par Pascal.
Avec le pari, on a affaire à un choix existentiel, ce champ étant hors de la rationalité pure.
La seule limite consiste à ne pas tomber dans l’absurdité. Voilà pourquoi il est question de choix raisonnable et non point rationnel car du point de vue de la stricte rationalité ni l’existence de Dieu, ni son inexistence, ni la nature du gain, ni celle de la perte ne peuvent être établies.
Bien à vous
Bonjour Madame,
Mais comment pourrait-il être raisonnable, de bon sens ou non absurde, pour un athée de parier que le paradis et la vie éternelle existent , ce qu’il considère comme une invention, une illusion?
Imaginons Pascal qui expose le pari à Épicure( qui n’était pas athée…) ou à Marx, son argumentation n’apparaîtrait-elle pas pour ces derniers irraisonnable ?
Mes salutations
M.Segy
Bonjour
Une position peut s’étayer sur des arguments capables d’être compris par tout esprit(elle n’est pas absurde) sans que tous soient disposer à la parier (à la choisir).
C’est clair avec le polythéisme des valeurs sur le plan politique. On peut préférer l’égalité à la liberté (le désordre à l’injustice, la dignité de l’homme à son irresponsabilité) et avancer les raisons de son choix, ce que comprendra très bien celui qui préfère la liberté à l’égalité en avançant des raisons que peut comprendre le premier.
L’impuissance à croire chez Pascal ne vient pas de l’impuissance de la raison, elle vient de la puissance des passions nous attachant à des biens qui ne comblent pourtant pas.
L’enjeu du pari n’est pas la vérité, c’est la béatitude. « Vous avez deux choses à perdre: le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir: l’erreur et la misère. Votre raison n’est pas plus blessée, puisqu’il faut nécessairement choisir, en choisissant l’un que l’autre. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas: si vous gagnez, vous gagnez tout; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu’il est, sans hésiter. »
Pour ce qui est du pari, l’interprétation ne va pas de soi et je vous conseille le remarquable commentaire de Henri Gouhier, Blaise Pascal, commentaires, Vrin, p.245 à 306.
Bien à vous.
Bonjour,
Que pensez-vous de l’usage qu’a fait Mickael Walzer de la notion d’ordre dans « les sphères de la justice » ?
merci pour ce site riche et accessible même pour des non philosophes.
Bonjour
Il y a très longtemps que j’ai lu ce livre. Pour vous répondre il me faudrait relire le chapitre concerné par votre question mais je n’ai pas l’ouvrage dans ma bibliothèque.
Avec toutes mes excuses.
Bien à vous.
Chère Madame,
Un immense merci pour la qualité et les apports gracieux de votre blog.
Avec mes bien respectueux messages
PGl.
Bonsoir Madame
Et tout d’abord, excellentes fêtes de fin d’année et encore bravo. La persévérance et la patience dont vous faites preuve depuis l’ouverture de ce site méritent notre admiration.
Je trouve cette leçon particulièrement excitante. La partie consacrée Pascal m’évoque le cinéma de Tarkovski. Cet immense cinéaste, impossible à comprendre sans les saintes Ecritures, a renouvelé ma foi chrétienne.
Merci à vous
PS : Diriez-vous que le Désir va de la concupiscence à l’amour? Et qu’il est donc présent dans tous les ordres ? Merci
Bonjour
A mon tour de vous souhaiter de bonnes fêtes de fin d’année et tous mes vœux de bonheur pour la nouvelle.
Oui, tous les ordres sont irrigués par du désir mais on peut dire que si le désir des richesses et de la gloire sont des désirs naturels, (des concupiscences), l’amour évangélique est une subversion du désir, (une sublimation en termes laïcs de type freudien) ou un désir rénové par la grâce. Il y a donc en lui quelque chose de surnaturel.
Bien à vous.
Madame
Pardon, mais l’emploi des initiales pour désigner Jésus Christ me paraît vraiment gênant.
A l’heure où tous les Jean-Christophe sont surnommés JC, où sont médiatisés les JFK, les PPDA et, encore mieux, les DSK, ne pourrait-on pas prendre le temps (si court) d’écrire le nom d’un Saint en entier ?
Je vous remercie