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 Spinoza

 

 Contrairement à Platon qui fait du désir le résultat d'une mutilation de notre essence, Spinoza affirme que «  Le désir est l'essence de l'homme ». Le désir est l'humanité même. L'homme est par nature une puissance d'exister, un mouvement pour persévérer dans l'être c'est-à-dire pour exister encore et toujours plus. Tout existant est un conatus, c'est-à-dire un effort pour persévérer dans l'être, un conatus d'auto affirmation. Le conatus au sens spinoziste est  une force qui s'affirme et poursuit son propre accroissement parce que celui-ci est vécu comme Joie.

 

   Commentant Spinoza, Deleuze écrit : « Le conatus ne doit pas être interprété comme tendance à passer à l'existence ...mais comme tendance à persévérer dans l'existence »

  Il s'ensuit qu'il n'y a rien hors du désir dont il manquerait. En réalité c'est lui qui produit ce manque parce qu'en constituant tel objet comme désirable, il déploie la puissance d'exister. Il n'y a pas de désirable en soi. C'est le désir qui est la source de la désidérabilité des objets, c'est lui qui est à la source des évaluations. Nous ne désirons pas une chose parce que nous jugeons qu'elle est bonne, nous jugeons qu'elle est bonne parce que nous la désirons.

Spinoza récuse par cette analyse l'indépendance de la faculté de juger (l'entendement) par rapport au désir et la liberté de la volonté. L'homme est désir, conatus, effort pour déployer son existence. Son essence est de désirer c'est-à-dire de vouloir et de juger bon ce qu'il désire.

Chaque essence ou nature est singulière. Il n'y a pas de désirable en soi, il n'y a que du désirable pour chacun de nous. L'éthique spinoziste disqualifie les notions absolues et universelles de bien et de mal au profit de celles de bon et de mauvais, d'utile et de nuisible. « La musique est bonne pour le mélancolique, mauvaise pour qui éprouve de la peine, mais pour le sourd elle n'est ni bonne ni mauvaise » Ethique IV. Préface.

  Le spinozisme est donc une philosophie de l'immanence. Le seul être qui soit, est le réel. Il n'y a pas de transcendance dont nous serions la nostalgie. Il n'y a que de l'être, et le propre de cet élément de l'être que je suis est d'affirmer son existence. Les affects exprimant l'affirmation de son être et son accroissement sont du ressort de la joie. (Ainsi de l'amour, de l'amitié, de l'admiration, de l'estime de soi et d'autrui, du plaisir, de la jouissance etc.). Ceux qui expriment une diminution de la puissance d'exister sont du ressort de la tristesse. (Ainsi de la souffrance, de la haine, de la jalousie, de la crainte, de l'angoisse, du remords, de l'humilité etc.).

  Le problème pour Spinoza est de comprendre pourquoi, plutôt que d'affirmer l'existence sur le mode de la joie c'est-à-dire de l'affirmation et de l'augmentation, le désir puisse l'exprimer sous la forme de la tristesse c'est-à-dire de la négation et de la diminution de la puissance d'exister. Pour rendre intelligible ce fait Spinoza propose de distinguer le désir actif et le désir passif.

  Je suis passif lorsque mon affirmation ne procède pas de la nécessité de ma nature, mais de la nécessité d'une nature extérieure à moi et qui agit sur moi. Je suis donc enclin, sous l'effet de cette passion à me projeter vers des fins ou des objets qui peuvent m'attrister au lieu de me réjouir.

  Le désir est actif lorsqu'il exprime la nécessité de ma nature.

  Ex : Sous l'influence de mes parents, je peux désirer faire des études longues alors que l'étude m'ennuie profondément. Soumis à la séduction de telle personne je peux m'attacher à elle alors qu'elle me rend profondément malheureux.

  Le drame dans ces cas de figure, c'est que j'imagine que certains objets sont bons pour moi, alors qu'ils sont mauvais. Je n'ai pas une idée adéquate de mon désir et je me fourvoie dans des expressions aliénées de ma puissance d'exister. La solution est de s'efforcer d'avoir une idée adéquate de son propre désir, ce qui est possible grâce à la raison car elle est une faculté de comprendre.  Ainsi «  Chacun a le pouvoir de se comprendre lui-même et de comprendre ses affects d'une façon claire et distincte sinon totalement, du moins en partie, et il a par conséquent le pouvoir de faire en sorte qu'il ait moins à les subir » Ethique V Prop.4, scolie.

  Seule un critique rationnelle de l'imagination permet donc au désir d'avoir une idée adéquate de lui-même, d'être actif c'est-à-dire d'accomplir la puissance d'exister sous la forme de la joie.

  Le spinozisme est une philosophie de la joie et... de la liberté. Etrange affirmation si on ne conçoit la liberté que comme libre arbitre. Car le libre arbitre est, pour Spinoza, une illusion et il ne s'agit pas d'y revenir. Mais « Je dis qu'une chose est libre qui existe et agit par la seule nécessité de sa nature ; et contrainte une chose qui est déterminée par une autre à exister et à agir ». Lettre à G.H. Schuller

Spinoza donne donc une définition paradoxale de la liberté. La liberté ne s'oppose pas à la nécessité car elle est la nécessité comprise et agie (en connaissance de cause). Le contraire de la liberté n'est pas la nécessité c'est la contrainte. Libre, l'être agissant selon la nécessité de sa nature, contraint celui qui est déterminé à agir par une cause extérieure. Or tel est le cas de la nécessité passionnelle. Agir sous l'empire des affects, c'est subir, c'est agir selon une nécessité extérieure à ma nécessité propre. Seul celui qui vit sous le commandement de la raison, qui comprend la nécessité des choses et la sienne propre peut être libre et heureux. C'est le propre d'une vie réfléchie qui jouit d'elle-même et de tous les biens qui sont à sa portée. Car vivre et se réjouir, voilà l'authentique vertu. L'homme réfléchi s'efforce d'affirmer la nécessité de sa nature et de l'accorder à celle des autres car rien n'est plus réjouissant que de vivre dans l'adéquation à soi et dans l'adéquation aux autres.

  NB : Cette idée que la liberté consiste à se libérer par la connaissance de ce qui nous aliène pour agir selon sa nécessité propre est aussi l'analyse de Freud. Cf. Cours

Cf. https://www.philolog.fr/eloge-du-plaisir-spinoza/#more-3534

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119 Réponses à “Le désir comme puissance d’être. Spinoza.”

  1. Bruno G dit :

    Bonjour,
    Merci pour ce commentaire très clair et le lien avec Freud. Je trouve fascinante la modernité de certains auteurs, ou en tout cas, le lien intemporel des hommes par les idées.

    A bientôt,

  2. Simone MANON dit :

    Totalement en accord avec vous. Cette fascination pour les vérités universelles et éternelles est une dimension fondamentale de la philosophie. Par où elle a à voir avec quelque chose qui n’est pas forcément réjouissant s’il est vrai que le refus intellectuel du temps est un des visages du refus de l’existence dont l’étoffe est la temporalité.

  3. Camille dit :

    Je souhaitais vous remercier pour avoir créer ce site.
    Je l’utilise beaucoup pour la rédaction de mes dissertations ou explications de texte .
    Tout est bien rangé , bien classé ce qui est trés appréciable !
    Cela m’a motivée pour m’interesser et m’investir plus en Philo et ainsi obtenir d’excellentes notes !
    Même en avoir de devoirs à rendre il m’arrive de venir simplement lire vos commentaires ou vos cours qui sont vraiment trés intéressants et bien fait !

    A bientot

  4. Florian dit :

    « Je n’ai pas une idée adéquate de mes désirs ». Comment faire alors pour pouvoir se représenter pleinement nos désirs ?
    N’est-ce pas un peu difficile dans notre société de faire ce que l’on désire ?

    Et que penser lorsque on effectue un « calcul des plaisirs » d’aprés Epicure ? On peut désirer quelque chose, mais qui n’est pas forcément bon pour nous au départ.

  5. Simone MANON dit :

    Il me semble que les réponses à vos questions sont explicites dans les cours. A vous de les assimiler de manière plus réfléchie.

  6. Florian dit :

    Euh… D’accord, bein, je vais relire ça alors !

  7. Chadenet dit :

    exister encore et toujours plus, est-ce prendre conscience progressivement des causes qui nous déterminent et passer de la connaissance du premier genre à celle du troisième genre où la raison nous indique notre nécessité?
    bravo pour votre site qui est admirablement clair et qui épargne à quelques jours du bac des lectures trop longues.

  8. Simone MANON dit :

    Exister encore et toujours plus consiste à avoir conscience de son utile propre afin d’affirmer son existence plutôt que la nier. Cela passe par la connaissance de la nécessité de sa nature. Saisie intuitive de notre essence singulière et non pas seulement connaissance des causes qui nous déterminent.
    Bon courage pour le bac.

  9. Rodolphe dit :

    Pour vivre bien,faut-il se libérer de nos désirs?que dirait spinoza?s’il vous plait merci

  10. Simone MANON dit :

    Il y a suffisamment de cours concernant cette question sur ce blog pour la traiter avec pertinence. Encore faut-il vous donner la peine de les lire.

  11. Rodolphe dit :

    ce que assurément j’ai déja fait plusieurs fois!j’aurais juste souhaité avoir la possibilité d’avoir
    une réponse assez courte et précise afin d’en dégager le plus de choses possibles pour ne pas faire d’erreur de comprehension et de pour pouvoir bien dévellopper mon sujet.Mais merci de vous donnez la peine de répondre.

  12. Simone MANON dit :

    Désolée. Ce blog n’a pas été ouvert pour dispenser les élèves de penser par eux-mêmes.

  13. Emmanuel Villegrand dit :

    Très intéressant, peut on alors faire une équivalence entre avoir la capacité de réaliser tous ses désirs et être libre? Et entre avoir le droit de réaliser tous ses désirs et être libre?
    Les désirs font la liberté, mais ils lui nuisent aussi, pas un peu paradoxal tout ceci?

  14. Simone MANON dit :

    Non, on ne peut pas établir cette équivalence car la plus grande partie de nos désirs sont des désirs passifs concourant beaucoup plus à la diminution de notre existence qu’à son augmentation. Tant qu’un homme vit sous l’empire des passions, il est peu enclin à poursuivre son utile propre.

  15. Emmanuel Villegrand dit :

    Je ne comprends pas très bien comment est ce que vous caractérisez pouvoir réaliser tous ses désirs et être libre? Je ne vois pas de contre exemple où un individu a le pouvoir de réaliser tous ses désirs et pourtant il n’est pas libre. Je ne comprends pas pourquoi cette équivalence n’a pas lieu d’être.
    Coordialement E V

  16. Simone MANON dit :

    Pour comprendre un auteur il faut être attentif aux définitions. Qu’est-ce qu’être libre? C’est agir selon la nécessité de sa nature et non sous l’effet d’une nécessité extérieure à la sienne répond Spinoza. Par exemple le désir est souvent mimétique. Je désire quelque chose (par exemple exercer tel métier, conquérir tel genre de femme, faire tel sport) parce que j’imite, inconscient de cette détermination, le désir de l’autre. Et l’expérience me permet de découvrir que ce métier ne m’épanouit pas, que cette femme me rend malheureux ou que ce sport m’ennuie. Dans ces conditions est-il sensé de considérer que ma liberté coïncide avec la réalisation de mes désirs?

  17. Emmanuel Villegrand dit :

    tout est plus clair maintenant, merci, j’aime votre écriture.
    Cependant existe il certains cas, ou l’on peut affirmer cette équivalence au dela de Spinoza?

  18. Simone MANON dit :

    Non, satisfaire tous ses désirs est la formule de la servitude non celle de la liberté.
    Voyez le cours sur la sagesse socratique. Tous les grands maîtres disent la même chose avec des concepts différents.

  19. Emmanuel Villegrand dit :

    Vraiment, j’aime vos articles, très pertinent la sagesse socratique. Et si vous deviez répondre à la problématique : Pouvoir réaliser tous ses désirs est-ce être libre? Comment est ce que vous construirez votre réflexion? merci.
    EV

  20. Simone MANON dit :

    Je n’ai pas pour principe de dispenser les élèves de penser par eux-mêmes. Vous avez tout ce qu’il faut sur ce blog pour affronter cette question de manière éclairée.
    NB: Ne confondez pas question et problématique.
    Un énoncé de dissertation est une question. Une question appelle une réponse.
    L’élève doit parvenir à formuler les données des problèmes impliqués dans la question. On apporte une solution à un problème.
    Une problématique est un ensemble de problèmes articulés avec cohérence. On élucide une problématique.
    Pour les questions de méthode voyez la méthode de le dissertation.

  21. Emmanuel Villegrand dit :

    Eleve? Pas vraiment, je suis tombé sur ce blog par hasard, ma curiosité ma amené à cet article, cela me rappelait mes anciens cours de philo. Désolé je ne savais pas que c’était un site pour éleves, je comprends, je n’avais pas vu que vous étiez prof. Quel ouvrage me conseillez vous?

  22. Simone MANON dit :

    Veuillez accepter mes excuses. La question que vous posez est une question académique et de nombreux élèves croient pouvoir se dispenser de faire l’effort de penser en prenant les professeurs pour des larbins ou des épiciers. J’ai même fermé mon blog au moment du bac pour ne pas faire le jeu de la fraude. Voyez l’article: grandeur et misère d’internet dans récréation.
    Il y a beaucoup de cours sur le désir sur ce blog qui peuvent alimenter votre réflexion. Epicure, Epictète, Platon, Rousseau et bien d’autres sont incontournables. La semaine prochaine je mets en ligne un texte de Rousseau sur la question que vous vous posez.

  23. Emmanuel Villegrand dit :

    Je ne voyais pas les choses comme ceci, mais je comprends maintenant. Cependant je ne comprends pas très bien pourquoi vous avez fermé votre site au moment du bac, ce site est très bien fait, en terminale j’aurai rêvé d’un outil pareil. De toute façon au final, chacun est d’égal à égal devant sa copie, on ne peut pas à proprement parler de fraude…

  24. Emmanuel Villegrand dit :

    Et merci, je vais immédiatement lire ce que vous me conseillez.

  25. Simone MANON dit :

    Votre naïveté n’a d’égale que la mienne. Certains élèves savent faire un usage très efficace de leurs téléphones portables. Ceux-ci permettent de rentrer sur les sites discrètement….et de suppléer leur indigence intellectuelle.

  26. Emmanuel Villegrand dit :

    je suis choqué, je ne savais pas qu’il était possible d’aller sur internet avec son téléphone, c’est honteux comme ces élèves transforment la magie d’internet en une vulgarisation de la pensée. Je comprends totalement votre cause à présent. C’est de la folie que cela soit possible d’être aussi irresponsable!!!

  27. Simone MANON dit :

    Votre indignation me montre que vous avez dû quitter l’école depuis longtemps!
    Le copier-coller est un sport international aussi bien à l’université qu’au lycée.

  28. Emmanuel Villegrand dit :

    Je découvre…
    13 ans vous trouvez ça si long? Et au fait de quel texte de rousseau s’agit-il s’il vous plait?

  29. Simone MANON dit :

    Il n’est pas encore en ligne. Mes élèves vont plancher la semaine prochaine dessus.
    Vous en avez un dans le chapitre sur le désir. Je l’ai intitulé: « Malheur à qui n’a plus rien à désirer ». Il montre que le bonheur conçu comme satisfaction du désir est ennuyeux. Le bonheur est paradoxalement dans le fait même de désirer, si bien que votre formule »réaliser tous ses désirs » n’est ni la formule de la liberté ni celle du bonheur, c’est celle de l’ennui et du dégoût du bien-être comme l’écrit la Julie du roman rousseauiste à son ancien amant.

  30. Franchement un article
    1. Claire
    2. Intéressant
    3. Bien écrit
    4. Résume parfaitement le sujet
    J’y ai puisé pour écrire un article sur Spinoza dans mon site http://lespenseursjuifs.blogspot.com/ je suis dans l’obligation de lui souligner.

  31. Bajot reynald dit :

    j’ai besoin d’aide concernant une diserte que j’ai a faire. Le sujet est suis-je esclave de mes désir, ,cependant j’ai beaucoup de difficulté a trouvé une problématique et un plan pour ma diserte, je souhaiterait avoir un peu d’aide. Sa serai possible???

  32. Simone MANON dit :

    Non, je n’ai pas pour principe de dispenser les élèves de réfléchir par eux-mêmes.
    Un petit conseil néanmoins: il serait souhaitable que vous appreniez à écrire correctement.
    Bon courage.

  33. Emmanuel Werthenschlag dit :

    J’aime beaucoup votre réaction Madame, vous avez raison 🙂

  34. marjolaine dit :

    Je trouve votre article très intéressant, je suis en élève de prépa HEC et vos articles me permettent une meilleure compréhension de certains sujets étudiés auparavant.
    Je suis heureuse d’avoir enfin trouvé un site intéressant, censé, clair.
    Je viendrai vous lire plus souvent afin d’enrichir ma culture personnelle.
    Agréablement surprise de ce que l’on peut trouver sur internet, je croyais que les sites comme le vôtre avaient disparu pour laisser place aux sites sans intérêts et sans fondements.
    Je suis sûre que vos élèves doivent vous aprécier.

  35. Simone MANON dit :

    Merci pour ce sympathique message. Bonne poursuite d’études.

  36. constantin dit :

    Peut-on dire, ici, que la passivité du désir découle de la croyance en la liberté de la volonté? Peut-on dire que c’est parce que je crois qu’il y a du désirable en soi, que j’ai tendance à devenir passif, c’est-à-dire à désirer ce que l’autre désir? La prise de conscience du désir comme source de la désirabilité des objets est-elle déjà une libération?
    Cordialement.

  37. Simone MANON dit :

    On peut toujours faire dialoguer des interprétations métaphysiques mais il n’y a pas de nécessité dans les rapports que vous établissez.
    Il suffit pour cela d’observer que le désir d’un philosophe de la liberté comme Descartes n’est pas moins actif que celui d’un philosophe de la négation du libre arbitre (Spinoza).
    L’affirmation d’un désirable en soi n’est pas nécessairement synonyme de désir mimétique.
    Enfin le désirable en soi défini par Platon n’est pas différent de ce que l’homme vivant selon la nécessité de sa nature, c’est-à-dire sous la conduite de sa raison constitue comme désirable.
    La vérité, le bon, la vertu etc. sont définis comme les objets du désir dans les deux cas. Seules les interprétations métaphysiques de la nature du désir diffèrent.
    Cf. https://www.philolog.fr/que-peut-nous-apporter-une-reflexion-sur-nos-desirs/
    Bien à vous.

  38. […] possible et peut, par ailleurs se trouver sans difficulté en ligne (par exemple à l’adresse : https://www.philolog.fr/le-desir-comme-puissance-detre-spinoza/), n’est pas apte à rendre la pensée en question opérationnelle. On ne peut pas appliquer le […]

  39. Guillaume Tallec dit :

    Bonjour,

    J’aurais juste une simple question à vous poser.

    Sur la dissertation que je dois faire « Accomplir tous ses désirs, est-ce une règle de bonne conduite ? », j’ai l’impression de répondre de manière beaucoup plus sociologique que philosophique. Je n’arrive pas vraiment à saisir le problème philosophique de l’intitulé (surtout à définir « règle de bonne conduite »). Le sens de règle de bonne conduite m’amène sur la notion de morale (individuelle et collective) mais je n’arrive pas à l’expliquer et à le démontrer à votre façon. Soit, est-ce une erreur d’y répondre (à certains passages bien sûr) par une étude sociologique ?

    Merci d’avance.

  40. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Votre sujet est un sujet académique. Vous avez sur ce blog quantité d’articles vous permettant d’éclairer votre lanterne.
    Ayez la curiosité de les assimiler.
    Je n’interviens pas dans le travail des élèves mais j’attire votre attention sur le fait qu’une perspective sociologique n’a, pour une telle question, aucune pertinence.
    Bien à vous.

  41. Guillaume Tallec dit :

    D’accord, merci bien pour votre réponse.

  42. Coline dit :

    Bonjour,
    Tout d’abord merci pour ce site, qui m’aide beaucoup pour compléter mes cours. Peut-on dire que pour lui la liberté est en fait l’indépendance ? Il me semble me souvenir que la liberté passe pas la conquête des puissances, qui une fois acquises nous permet d’agir sur l’environnement et non au hasard, puisqu’on ne dépend pas de causes extérieures. Est-ce que ce serait correct ?
    Et pourrait-on relier Spinoza avec les stoïques, puisqu’il évoque le fait qu’il fautcomprendre la nature des choses pour dépasser les contraintes extérieures ?
    Merci,

  43. Simone MANON dit :

    Bonjour Coline
    Je ne suis pas sûre que vous compreniez bien l’idée de liberté chez Spinoza. Par exemple on ne peut pas « dépasser » les contraintes extérieures, on peut en connaître la nécessité et se libérer de ce qui, en nous, nous expose à en subir passivement la loi.
    Le spinozisme est comme le stoïcisme une philosophie de la nécessité. Si liberté il peut y avoir pour l’homme ce n’est pas celle que nous concevons avec l’idée du libre-arbitre, c’est une libération par la connaissance de cette nécessité. Agir selon la nécessité de ma nature et non sous l’effet de causes extérieures à elle, voilà le salut pour Spinoza. Connaître ses passions (les effets en nous de ce qui agit sur nous et auxquels nous ne pouvons échapper car nous ne sommes pas « un empire dans un empire » mais un élément d’une totalité dont nous ne sommes pas indépendants) afin de moins les subir.
    Il faudrait donc préciser ce que vous entendez par « conquête des puissances ». S’il s’agit de la puissance de la raison par laquelle on peut comprendre la nécessité des choses et agir en conséquence, alors c’est recevable.
    Voyez l’article: https://www.philolog.fr/liberte-et-necessite-spinoza/ et dans les commentaires l’échange avec Mathieu.
    Tous mes voeux de réussite à l’examen.

  44. Coline dit :

    Merci, je crois que je commence à comprendre… Selon Spinoza, il faudrait comprendre les causes de nos passions, qui sont pour nous des contraintes, et ainsi se libérer de nos servitudes ? Mais comment pouvons-nous être certains de comprendre les causes de nos désirs ? Je crois avoir noté quelque part que pour Spinoza, nous devons persévérer dans notre être, découvrir ses désirs et ainsi les « exploiter » (j’imagine que ce n’est pas le bon mot), les sélectionner pour augmenter notre puissance d’exister. Mais je crois qu’il y a une incohérence, parce qu’il me semble avoir lu quelque part que pour lui, il n’y aurait pas de « bons » et de « mauvais » désirs… Ah, maintenant je suis perdue ^^.

  45. Guillaume dit :

    Bonjour Madame,
    Je rebondis sur votre commentaire pour vous poser une question à propos d’une de mes grandes incompréhensions chez Spinoza.
    Si je comprends bien, la liberté est pour lui l’intelligibilité (ou l’intelligence) de la nécessité. Soit. Mais si tout est nécessaire, s’il n’y a pas de libre-arbitre, quel est le sens des mots « passivement » ou « subir » que vous utilisez dans votre réponse ? Si tout est nécessairement, il me semble alors que l’homme n’est ni « actif », ni « passif ». Il est, tout simplement.
    Je m’explique : si nous sommes entièrement déterminés dans nos actes par un faisceau de causes (qu’elles soient extérieures ou internes) alors, en quoi nous appartient-il d’adopter une attitude « active », ou au contraire « passive » par rapport à ces causes ?
    En d’autres termes, il m’apparaît que celui qui utilise des mots comme « actif », « passif », « subir »,… se place automatiquement dans un univers où le libre-arbitre existe. Seul l’homme qui a le choix, peut décider de subir, ou au contraire, d’agir.
    Voilà pourquoi je n’ai jamais compris la différence (morale et non logique) entre connaissance du premier type et du troisième type. Quelle peut-être la différence éthique, c’est à dire dans sa façon d’agir, entre l’homme qui ignore et l’homme qui connaît les causes qui le déterminent ?
    « Connaître ses passions afin de moins les subir » : voilà une phrase que je n’ai jamais compris chez Spinoza. Il me semble qu’on les subit exactement et nécessairement de la même façon (i.e. étant donné un nombre d’affects donné, l’homme est déterminé à agir d’une seule façon); la seule différence réside alors dans la connaissance, et non dans l’action.
    En vous remerciant par avance du temps que vous aurez pris à me lire,

  46. Simone MANON dit :

    Bonjour Coline
    Ce n’est pas à la veille du bac que l’on peut s’approprier la pensée d’un philosophe. Manifestement vous n’avez pas une connaissance précise du spinozisme. Comme il est trop tard pour lire l’auteur et clarifier votre pensée à son sujet, laissez tomber.
    Je vous conseille au bac de n’exploiter que les philosophes dont vous avez la maîtrise. Pour les autres évitez car vous ne feriez qu’afficher votre confusion.
    Bien à vous.

  47. Simone MANON dit :

    Bonjour Guillaume
    On a l’impression que vous n’avez aucune expérience de la maîtrise que confère la connaissance rationnelle. Dans la connaissance rationnelle on s’auto-affecte de joie et on peut être un acteur de ce dont l’ignorant n’est que le jouet.
    D’abord, vivre sous le commandement de la raison implique d’agir car la connaissance requiert la mise en oeuvre d’une faculté qui n’opère pas en nous passivement.
    Cet effort est difficile. C’est le premier point.
    Ensuite la compréhension d’un déterminisme nous affranchit par la seule efficace d’une véritable compréhension de son empire. C’est le deuxième point.
    Ex: Si vous comprenez que votre décision de faire des études longues alors que vous n’avez aucune disposition pour cela a pour cause un mimétisme ou l’influence de vos parents, vous n’êtes plus déterminé à subir l’ennui qui est le vôtre dans cette voie. Cette compréhension ouvre le chemin à une intelligence de ce qui, à l’inverse, augmenterait votre vie. Vous êtes disponible pour mieux vous comprendre vous-même afin d’agir selon la nécessité de votre nature plutôt que de subir l’action de causes extérieures à vous.
    Fuir ce qui nous diminue, rechercher ce qui nous augmente implique la connaissance de la nécessité, nécessité passionnelle dans un cas, nécessité rationnelle dans l’autre.
    La mise en oeuvre de cette dernière est de part en part action.
    L’article que j’indiquais à Coline ainsi que l’échange avec Mathieu vous aideraient peut-être à mieux comprendre. Voyez aussi: ni rire, ni pleurer mais comprendre. https://www.philolog.fr/ni-rire-ni-pleurer-mais-comprendre-spinoza/
    Bien à vous.

  48. FRANCOIS dit :

    Madame, je suis un lecteur assidu de votre blog et je vous remercie d’y mettre autant de savoirs et de raisonnements . C’ est toujours un plaisir et un grand moment de vie intérieure de voir se dérouler une pensée en acte , un » dialogue de l ‘âme avec elle -même ». Je me permets de vous solliciter au sujet d’ une réflexion concernant la liberté qui me laisse dans une impasse . Étant biologiste de formation, je suis aussi un évolutionniste et l’ approche matérialiste de la vie humaine me séduit . D’ un point de vue philosophique , j’admets le primat de la matière et que tout matérialisme est aussi un réductionnisme. .
    Cependant si la pensée ne peut surgir sans la présence d’atomes qui la conditionne, je concède volontiers qu’ à partir d’ un certain niveau de complexité , la matière s’éloigne d’ un déterminisme strict- ou chaque effet est le résultat d’ une ou multiples causes qui si ce n ‘est en fait sont susceptibles d’être connues en droit – on entre dans un monde probabiliste ou chaque événement n’est pas nécessaire mais seulement contingent. C’ est ce qui a fait dire à Jacques Monod, hasard et nécessité. Nécessité dans certaines lois universelles, mais aussi hasard dans l ‘ infini interaction des éléments entre eux. Pour Spinoza il y a une nécessité à l ‘ oeuvre en chacun de nous , pas de place au hasard. La liberté spinoziste est plutôt envisagée comme une libération , c’ est á dire la compréhension des facteurs qui nous déterminent peut à force d’ être reconnus et analysés s’ avérer moins pesants dans le choix de nos actes . C ‘ est une position très séduisante mais qui part du postulat qu ‘ on peut ne pas suivre qui est que l’homme possède une nature et que sa nature c ‘est de se déployer. A l’ opposé Sartre nous invite à penser l’homme sous le primat de l’existence au lieu de son essence. La liberté est donc un acte libre, inconditionné. Je pense comme Spinoza , l ‘homme n’est pas un « empire dans un empire  » et qu’ il est déterminé de part en part , quitte à avoir une quantité infinie de causes . Mais si l’on se place du côté de Dieu ( j appelle Dieu ici , un être omniscient- peu importe qu il existe ou pas) on peut imaginer cette nécessité . Mais dans ces conditions j’ abandonne la liberté au sens du libre arbitre Cependant, je fais aussi l’ expérience régulière du sentiment de l ‘ acte libre, du sentiment que mes choix sont bien ceux que je prends . Je pense que tout un chacun – sauf pathologies- a la notion du Bien et du Mal .Comment pourrait t on admettre sinon la possibilité d’une morale si ce n’ est par la pirouette kantienne qui pose le postulat de la liberté? .J’ avoue que ces deux philosophies me convainquent et pourtant elles sont antinomiques! Ou se trouve l’ erreur dans mon raisonnement? Comment puis -je être à la fois sartrien et spinoziste ? Est -ce si incompatible ?

  49. Simone MANON dit :

    Bonjour François
    Il n’y a pas d’erreur dans votre raisonnement. Avec Sartre, on a affaire à un cartésien, à un philosophe de la liberté définie comme libre-arbitre. Avec Spinoza, on a affaire à une philosophie de la nécessité et donc si liberté il peut y avoir, c’est sous la forme paradoxale d’une nécessité comprise et agie.
    Que ces deux analyses soient antinomiques, n’en doutons pas.
    Et pourtant malgré leurs limites, elles ont l’une et l’autre une puissance d’intelligibilité incontournable.
    Si elles font de la résistance tout en étant problématiques, c’est que la liberté est l’objet de toutes les perplexités. Chaque façon d’éclairer la question conduit à des apories.
    Je les ai pointées dans l’article suivant: https://www.philolog.fr/libertedeterminisme-la-question-epineuse/. Je vous y renvoie donc.
    Merci pour ce message développé théoriquement et sympathique.
    Bien à vous.

  50. FRANCOIS dit :

    Merci pour votre éclairage et pour la direction vers votre article que je n’avais pas encore lu. Bien cordialement.

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