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NB : Le libellé de cette épreuve est le suivant : Expliquez ce texte.

  Une note donne la précision suivante : La connaissance de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte par la compréhension précise du texte du problème dont il est question.

 

  Il s'agit d'un exercice très formateur car il convient de se mettre à l'écoute de la pensée d'un grand maître afin de s'élever à son niveau de réflexion. S'il est vrai que l'on  ne peut pas prendre possession de son propre pouvoir de penser sans la médiation des penseurs, on comprend les vertus pédagogiques de l'explication de texte.

 

 

Les qualités requises sont les suivantes :

 

Humilité. Alors que dans la dissertation la pensée se déploie selon son propre effort réflexif, dans cet exercice elle doit être scrupuleusement fidèle au propos de l'auteur. Ce n'est pas ce que l'on pense sur le thème du texte qui importe, c'est ce que l'auteur en dit. Reste que pour comprendre sa pensée il faut faire un authentique effort de penser. A défaut, on court le risque de procéder à une lecture superficielle, inapte, par définition, à restituer la substance d'un propos philosophique.

   Une lecture approfondie ne signifie pas une lecture servile pas plus que l'humilité n'est la  dévotion. Expliquer c'est expliciter le sens des énoncés du texte mais si la thèse de l'auteur est problématique cela doit apparaître dans l'effort même de la comprendre. L'objection critique s'impose alors. L'exercice explicatif est aussi critique. Cela tient au fait que penser consiste toujours à identifier des significations précises et à examiner si elles sont justifiables en raison.

    Il va de soi que si l'on procède à la critique d'une thèse, il faut l'étayer par des analyses rigoureuses. Au début de l'année, un élève n'a pas encore, sauf exception, les connaissances nécessaires à cet exercice. A la fin de l'année c'est plus accessible. Il faut donc penser par soi-même et pointer ce qui apparaît problématique dans ce que dit l'auteur. Si on est davantage sensible à la pertinence de son propos, il convient de se contenter de l'expliquer avec profondeur. Il vaut mieux une bonne explication sans critique qu'une critique non fondée.

Rigueur. Un texte développe une thèse, celle-ci porte sur un thème à propos duquel un ou plusieurs  problèmes ont été posés, explicitement ou implicitement. La thèse de l'auteur est la manière dont il élucide le ou les problèmes. Ceux-ci sont à formuler par son propre effort. La thèse s'expose dans des concepts (il faut les repérer précisément) dans une certaine organisation de ces concepts (il faut dégager cette organisation) c'est-à-dire dans une argumentation (il faut saisir la démarche organique du texte, sa progression, son enchaînement logique, d'où l'importance de l'attention aux connecteurs logiques).

 

  On commence à comprendre un texte lorsque l'on a identifié son thème, sa thèse et la problématique qu'elle élucide. Il devient alors possible de rédiger l'introduction. Celle-ci amène le texte c'est-à-dire énonce son thème et le ou les problèmes dont il est l'objet. Elle suggère les grandes lignes de la thèse et peut déjà, si cela s'impose la problématiser.

 

 Prudence : Les grands auteurs ont souvent l'intelligence d'anticiper les objections auxquelles s'exposent leurs thèses. Ils ont pris soin de les formuler dans des termes précis, avec des nuances qui doivent attirer l'attention. Si l'on n'y est pas attentif, on se condamne à faire dire à l'auteur ce qu'il ne dit pas. Comme on en a fait un imbécile, la critique est aisée mais elle n'a aucune pertinence. L'honnêteté intellectuelle exige, au contraire,  pour qu'une objection critique soit fondée que la thèse de l'auteur soit restituée dans ce qu'elle a de plus fort ou de plus sérieux théoriquement. Hegel disait que « ce qui n'est pas justifié n'est pas encore compris ». Il faut se souvenir de cette profonde vérité.

 Le développement  du devoir suit d'ordinaire le plan de l'argumentation construite par l'auteur. Mais tous les textes ne sont pas construits selon ce schéma. L'auteur peut procéder par digression, reprise d'un même argument en différents endroits du texte. Dans ce cas l'explication linéaire est exclue. Cela conduirait à des répétitions. L'exercice est en un sens plus difficile car il convient de dégager l'ordre des arguments et les raisons de cet ordre, (en l'occurrence de ce qui peut  apparaître comme un désordre mais ce n'est là qu'une apparence. En réalité on peut avoir affaire à une réflexion qui ne comporte qu'un seul argument mais approfondi de telle sorte que l'auteur juxtapose les perspectives propres à en vérifier la pertinence).

    La plupart des textes proposés sont des textes de la première catégorie.

    La conclusion se prononce sur la nature de la solution proposée par l'auteur au problème posé dans l'introduction. Selon les textes on peut en souligner la force ou au contraire la faiblesse. Dans ce cas la partie critique a nécessairement été très importante dans le développement.

 

 

  Pièges à éviter :

 

   Détacher un fragment du texte sur lequel on focalise l'explication. On escamote ainsi le déploiement de la pensée de l'auteur. On s'expose à l'appauvrir ou à le trahir. La règle d'or s'énonce ainsi : expliquer le texte, tout le texte mais rien que le texte.

  Oublier le texte en le faisant fonctionner comme prétexte à dissertation. Défaut majeur car dans cette épreuve le texte doit être obsessionnellement présent. A la limite un lecteur qui n'aurait pas lu le texte devrait pouvoir le reconstruire au terme de la lecture de l'explication.

  Eviter absolument la paraphrase. On ne demande pas de dire autrement (nécessairement moins bien) ce que l'auteur dit. Paraphraser c'est rédiger « une phrase à coté » de celle de l'auteur. C'est absolument sans intérêt. On doit faire apparaître la substance de son propos, expliciter l'implicite. Ce n'est pas parce qu'on répète avec d'autres mots une signification que l'on s'en assure la maîtrise théorique. La paraphrase est verbeuse, confuse, passive. L'explication est active, inventive, soucieuse de restituer la richesse du sens, sa profondeur, sa pertinence. Cet effort exige l'analyse méthodique des concepts car le signifié n'existe pas hors des signifiants qui le visent. Nous pensons dans des mots. Seule l'attention scrupuleuse aux mots que l'auteur emploie peut renseigner sur sa pensée.

  L'échec d'une explication consiste à se rendre coupable de faux sens, de contre sens, de non sens. Ce piège est, sans exception, la rançon d'une absence d'attention à la littéralité du texte et d'une absence de réflexion. Il dépend donc, en grande partie, de soi de l'éviter. 

 

 

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63 Réponses à “La méthode de l’explication de texte.”

  1. Simone MANON dit :

    Bonjour
    J’attire votre attention sur le fait que ce site n’est pas un site d’aide aux devoirs.
    Vous semblez confondre problème et problématique. Une problématique est un ensemble de problèmes qui spécifient le sens d’une question. Un problème a des données qui doivent être clairement formulées (il appelle un traitement aboutissant à une conclusion) et dans une problématique il s’articule à d’autres problèmes avec cohérence.
    Je suppose que votre professeur vous a demandé d’élaborer la problématique du texte de Descartes.
    Voyez cet article pour vous aider: https://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/
    Voyez ensuite la critique du cogito. Il est bon aussi dans la présentation d’un texte de suggérer les éléments critiques. https://www.philolog.fr/la-critique-de-lanalyse-cartesienne/
    Bien à vous.

  2. Romi dit :

    Bonjour,
    Votre méthode est extrêmement bénéfique pour toute personne un tant soit peu curieuse en matière de philosophie. Il me reste tout de même une question qui n’a pas été éclaircie : lors d’une discussion d’un texte philosophique (à effectuer avec prudence comme vous le suggérez) peut-on seulement se concentrer sur un point particulier du développement de l’auteur? Dans ce cas pouvons nous intégrer cette discussion à l’intérieur même du commentaire?
    Ou bien est-il nécessaire de réserver une partie à la fin du commentaire pour discuter la thèse de l’auteur dans sa totalité?
    Merci d’avance!

  3. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il peut en effet y avoir dans un texte un point éminemment discutable.
    S’il engage un traitement approfondi, vous pouvez lui réserver une partie à la fin du commentaire, à condition de ne jamais oublier la problématique propre au texte.
    Sinon, la critique peut être intégrée au commentaire.
    Bien à vous.

  4. saiko dit :

    bonjour , ( veuillez excuser mon orthographe ) votre article ( et même aussi votre site ! ) me sont très utiles , je vous en remercie .
    Je suis actuellement en terminal L , je vais bientôt passer mon bac , et j’aimerai m’entraîner au commentaire de texte . Mais voila , fasse l’abondance de votre site (incroyable ! ) je me sens légèrement perdu . J’aimerai donc savoir si vous avez des textes à me conseiller ? , (pour mon niveau de terminal) , merci pour tout !
    Bien a vous .

  5. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il faut choisir pour vous entraîner des textes vous permettant par ailleurs de réviser les grands thèmes du programme.
    Ex: la liberté, la conscience, la morale, le bonheur, la philosophie etc.
    Quelques suggestions:
    https://www.philolog.fr/le-point-de-depart-de-la-philosophie-epictete/
    https://www.philolog.fr/la-valeur-de-la-philosophie-bertrand-russell/
    https://www.philolog.fr/nature-humaine-et-civilisation-freud/
    https://www.philolog.fr/determinisme-et-liberte-kant/
    https://www.philolog.fr/lopacite-du-sujet-moral-kant/
    https://www.philolog.fr/rousseau-desir-et-sagesse-la-route-du-bonheur/

    Tous mes vœux de réussite à l’examen.

  6. Malou dit :

    Bonjour,
    une question me trotte dans la tête: l’explication d’un texte ne demande alors aucune révision pré-requise? Puisque qu’il faut expliquer tout le texte mais RIEN que le texte?
    Ainsi, un ajout de citation ou de définitions ou d’idées vues en classe ne serait pas approprié?
    Merci de votre aide

  7. Simone MANON dit :

    Bonjour
    En théorie, l’explication d’un texte ne requiert pas autre chose que l’attention à sa lettre et le souci scrupuleux d’expliciter le sens des propositions. Il ne s’agit donc pas de projeter sur lui des significations étrangères, pour le plaisir d’étaler son savoir ou de faire des digressions.
    Mais il va de soi que sur un thème donné, on comprendra d’autant mieux la problématique d’un texte qu’un cours nous aura familiarisés avec les problèmes que ce thème pose.
    On comprendra d’autant mieux la thèse de l’auteur qu’on aura une connaissance approfondie de sa pensée.
    C’est donc un leurre de croire que l’exercice de l’explication peut être réussi par de parfaits ignorants, sauf à considérer qu’ils sont doués d’une intelligence supérieure. Il est ainsi significatif que cette épreuve choisie majoritairement au baccalauréat par les cancres ne soit pas celle qui obtient les meilleurs résultats.
    Bien à vous.

  8. Louise Martin dit :

    Bonjour,
    je viens de lire la méthodologie de l’explication de texte proposée sur ce site. Il se trouve que ma prof nous a enseigné « l’ancienne méthodologie », c’est à dire qu’après l’explication linéaire du texte, il faut critiquer le texte, le discuter dans une 2nde partie. On ferait donc une mini dissertation sur l’un des problèmes soulevés par l’auteur dans le texte et ce serait l’occasion d’appliquer nos connaissances.

    Or, je ne trouve cette méthode là dans aucun manuel, mais notre prof nous dit que cette méthodologie est encore autorisée.
    Je voudrais avoir votre avis.

    Merci d’avance.

  9. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Oui, cette méthodologie est encore acceptée et puisque vous avez été formée de cette manière, il faut l’appliquer. On n’apprend pas une autre méthode à quelques jours du bac.
    Tous mes vœux de réussite à l’examen.
    Bien à vous.

  10. Sophie Eudes dit :

    Ahaha, quel plaisir de vous retrouver !
    Mon dernier, Côme,vient d’entrer en terminale. Une amie, prof de philo à qui je racontais qu’aucun de mes enfants n’aura eu la chance de faire une rencontre lumineuse avec un prof de philo, comme j’en avais été gratifiée, me demande le nom de cet enseignant. Elle m’apprends que vous êtes un modèle pour elle et bon nombre de ces collègues et que vous avez un blog très riche. Me revoilà donc sur les bancs de « vos cours » que je partage avec grand plaisir avec Côme. Le chapitre de méthodologie n’est plus rebarbatif. Et il apprécie, à l’image que je gardais de vous la concision et clarté du propos, la touche d’humour et la tranquillité
    qui se dégage de cette entrée en matière.
    Sophie promo terminale C Vaugelas 1986

  11. Simone MANON dit :

    Bonjour Sophie
    Quel plaisir de lire votre message et quel bain de jouvence!
    Je revois la jeune mariée dans la petite église au bord de la route et j’ai peine à imaginer la maman d’enfants en âge d’entrée en terminale. Je pense aussi à Xavier et j’espère que la vie a été généreuse pour toute votre famille.
    J’ai arrêté de fournir mon blog, comme paralysée par le sentiment de vivre une période de régression civilisationnelle énorme.
    S’il peut être utile à votre fils, je m’en réjouis. Je l’ai laissé en ligne parce qu’il est très fréquenté.
    Votre message est tout bruissant de votre vitalité. Cela me fait chaud au cœur.
    Avec mon bon souvenir.

  12. Ayoub dit :

    Bonjour madame,

    J’aimerais connaître votre avis concernant l’usage de ChatGPT (ou toute autre IA) dans les devoirs de philosophie, est-ce envisageable de s’en servir comme outil pour aider les élèves ou faut-il l’interdire et pousser les élèves à réfléchir par eux-mêmes ?

    Bonne année 2024 !

  13. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il me semble que votre question contient sa réponse.
    Philosopher consiste à penser par soi-même
    Le « prêt à penser » est un piège car il entretient des illusions qui s’exhibent dès qu’on ne dispose plus du « copier coller »
    Tous mes vœux pour la nouvelle année
    Bien à vous

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