C’est pour moi une découverte tardive. Je n’en suis pas fière mais je dois avouer que je n’avais jamais lu un seul ouvrage d’Ernst Jünger. Et pourtant quel auteur ! Il a fallu le hasard d’un intérêt pour le thème de la guerre pour me conduire à lui. J’ai donc commencé par La guerre comme expérience intérieure, « ce texte fou mais nullement le texte d’un fou », (pour reprendre la formule d’André Glucksmann dans sa préface aux éditions Bourgois), et ce fut une forme de sidération. De toute urgence il me fallait aller à la rencontre de l’homme capable d’écrire un texte pareil, un texte qui résonnait si vrai, alors même qu’aucune expérience ne pouvait faire écho dans ma propre vie à ce dont il parlait. J’ai immédiatement compris qu’il était de la race de ceux qui nous révèlent une dimension de notre humanité commune. Aussi me suis-je empressée d’enrichir la mienne d’un trésor que j’avais ignoré trop longtemps.
L’œuvre est dense, diverse, aux couleurs de cet homme aux multiples faces, comme en témoigne son amie Banine. (Ernst Jünger aux faces multiples, Lausanne, l’Age d’homme, 1989). Elle s’étire sur une longue période (80 ans), chaque livre marquant une étape dans les différentes mues de cet être frappé au sceau de l’histoire. Il n’en reniera aucune et il force le respect par sa façon d’assumer tout ce qu’il a été même si l’homme de la maturité ne se reconnaitra plus tout à fait dans l’esthète des Orages d’acier ou dans le chantre des noces de l’homme et de la technique du Travailleur. Dans le petit livre qu’il consacre à Jünger, Rêveries sur un chasseur de cicindèles (Hachette 1995), Jean-Michel Palmier insiste sur cette fidélité de Jünger à lui-même. Il écrit : « Le jeune engagé qu’il fut, il le respectera toujours même s’il s’en éloignera avec tristesse comme un être qui vous fut proche et qu’on ne comprend plus. Chaque livre, remarque Jünger, est une peau de serpent que l’on abandonne derrière soi » (p. 13). L’image n’est pas innocente. La symbolique du serpent suppose l’idée de transformation et de renouvellement comme si la sagesse spirituelle dans son rayonnement solaire ne descendait pas du ciel mais se conquérait dans le creuset de la souffrance engendrée par les mouvements telluriques et les caprices du temps. Il est significatif de lire ce propos de 1937 : « Aujourd’hui, à 41 ans, j’ai l’impression d’être encore dans une situation très enfantine, la cristallisation ne s’est nullement produite. Dans mon déplacement à travers le temps, j’ai au jour le jour l’impression étrange de glisser dans le brouillard. En revanche, quand je considère dans son ensemble le chemin parcouru, il m’apparaît comme un trajet chargé de sens – presque comme si je m’orientais magnétiquement vers un point qui me reste encore invisible ». (Cité par Julien Hervier dans sa présentation du tome II de la Pléiade, XXXVII).
Homme aux faces multiples donc et ce n’est pas une simple formule rhétorique :
1°) Il y a le héros de la guerre de 1914, engagé volontaire à 19 ans, combattant en première ligne, si valeureux qu’il sera placé en 1918 à la tête d’une troupe de choc et recevra à moins de 24 ans, la Croix de guerre pour le Mérite. Cette expérience est la matière de son Journal, que son père découvre à son retour du front et décide de publier à compte d’auteur. Ce sera Orages d’acier, livre lui conférant une immédiate célébrité et révélant, au-delà du témoignage, les talents et la dimension spirituelle d’un écrivain. Dans son Journal, André Gide lui rend hommage en ces termes : « Le livre d'Ernst Jünger sur la guerre de 14, Orages d’acier, est incontestablement le plus beau livre de guerre que j'ai lu, d'une bonne foi, d'une honnêteté, d'une véracité parfaites » (La Pléiade, t.II, p. 848).
Le premier tome des Journaux de guerre aux éditions de la Pléiade est consacré à la période 1914-1918 et comprend, outre Orages d’acier (1920), Le Boqueteau 125 (chronique des combats de tranchée en 1918) (1924), Feu et sang (Bref épisode d’une grande bataille) (1925), Le combat comme expérience intérieure (1922), Sturm (1923), Feu et mouvement (1934).
Les journaux de guerre de 1939-1945 occupent le tome II des éditions de la Pléiade, dont Jardins et routes, Premier journal parisien, Notes du Caucase, Second journal parisien, Feuillets de Kirchhorst, La cabane dans la vigne, publiés en 1949 sous le titre Rayonnements. On y découvre l’homme de « l’émigration intérieure » fidèle à un de ses actes de foi : « En quelque lieu qu’il se trouve, l’homme peut se montrer bienfaisant ». Mobilisé le 30 août 1939 dans la Wehrmacht avec le grade de capitaine, il participe à la campagne de France puis, après la victoire des Allemands, Hans Spiedel lui fait intégrer l’état-major parisien. Il n’est pas facile pour cet ami de la France, pétri de sa culture et parlant parfaitement sa langue de porter l’uniforme des bourreaux. Il dit souvent sa honte lorsqu’il croise des personnes portant l’étoile jaune, sa haine d’Hitler qu’il appelle Kniebolo et de ses partisans désignés sous le nom de lémures, son découragement et le sentiment de contempler une guerre qui n’est plus la sienne : « Le soir, fête de la Saint-Sylvestre au quartier général, je constatai une fois de plus qu’une pure joie festive était impossible en cette période. Le général Müller nous fit, par exemple, le récit des monstrueux forfaits auxquels se livra le Service de Sécurité, après la prise de Kiev. On évoqua aussi, une fois de plus, les tunnels à gaz empoisonné où pénètrent des trains chargés de Juifs. Ce sont là des rumeurs, que je note en tant que telles ; mais il est sûr que se commettent des meurtres sur une grande échelle. Je songeai alors au brave potard de la rue Lapérouse et à sa femme pour laquelle il s’était tant inquiété, jadis. Quand on a connu des cas individuels et qu’on soupçonne le nombre des crimes qui s’accomplissent dans ces charniers, on découvre un tel excès de souffrance que le découragement vous saisit. Je suis alors pris de dégoût à la vue des uniformes, des épaulettes, des décorations, des armes, dont j'ai tant aimé l'éclat. La vieille chevalerie est morte. Les guerres d’aujourd’hui sont menées par des techniciens. L’homme a donc atteint ce stade que Dostoïevski décrit à travers Raskolnikov. Il considère alors ses semblables comme de la vermine » Notes du Caucase, 31 décembre 1942, La Pléiade, t. II, p. 441.
Dès 1941, il commence la rédaction de son ouvrage La Paix qui sera publié en 1945, et dont une copie du manuscrit fut remise en 1944 à Rommel en qui Jünger voyait un des seuls hommes capables de mettre fin à la guerre et de travailler à la réconciliation des Nations dans la construction européenne.
2°) Il y a le polémiste ardent des années 20, contempteur de la République de Weimar dans laquelle il ne voit que la figure de la défaite, le triomphe de l’esprit petit-bourgeois et des valeurs matérialistes. Il est, à cette époque l’idéologue de ce que l’on a appelé « la révolution conservatrice » et, à ce titre, il sera accusé d’être un précurseur du national-socialisme. Pourtant dès 1929 il affiche son désintérêt pour l’action politique dont il dénonce la légèreté : « C’est précisément cela, cette façon d’éluder les responsabilités dès qu’elles commencent à devenir sérieuses, et la médiocrité des succès qu’on peut y récolter qui m’ont fait très tôt considérer l’activité politique comme indécente. […] On ne peut aujourd’hui œuvrer en société pour le bien de l’Allemagne ; il faut le faire dans la solitude, comme un homme qui ouvre avec une machette une brèche dans la forêt vierge, soutenu par l’unique espoir que quelque part dans les fourrés d’autres travaillent à la même œuvre » Le cœur aventureux, 1929. Gallimard, p. 121. Déclaration faisant écho à une autre du même livre : « Nous avons foi dans les hommes de solitude, parce que nous brûlons de connaître une fraternité plus ineffable, un rapport spirituel plus profond que ceux que nous trouvons parmi nous » (ibid. p. 23). Il est chez lui en compagnie de Baudelaire, Rimbaud, Goethe, Nietzsche, Léon Bloy, Swedenborg, la Bible, non de Goebbels. En 1927 il refuse l’offre de devenir député national-socialiste au Reichstag en disant qu’il lui semble préférable d’écrire un seul bon vers plutôt que de représenter soixante mille crétins ; en 1933 il refuse d’entrer à l’Académie allemande de poésie présidée par Gottfried Benn. Il déclare un jour « Je dois à Hitler d’avoir compris que je n’avais pas à m’aventurer dans la politique » (rapporté par Banine).
Rien ne me paraît plus juste que ce propos de Jean-Michel Palmier : « Ce qui sauva Jünger, c’est ce mélange de solitude rêveuse et d’attachement à une éthique aristocratique, qui l’amèneront à prendre une distance croissante par rapport aux événements. Quand je l’interrogeais sur sa position face aux affrontements entre nazis et communistes, il me répondait invariablement : «Moi, j’étais grimpé sur une petite hauteur et je regardais les punaises s’entre-dévorer entre elles » (Rêveries sur un chasseur de cicindèles, Hachette, p. 77).
A cette période qu’on a pu appeler « un chaudron des sorcières » appartiennent deux ouvrages dans lesquels Jünger se fait le théoricien de l’Etat et de la technique comme force mobilisatrice : Le Travailleur publié en 1932 et La Mobilisation totale en 1934. Ce n’est pas un moindre paradoxe que d’y voir le futur créateur de la figure de l’Anarque célébrer l’Etat-Léviathan et le Travailleur comme figure rédemptrice d’un monde moribond. J’avoue ne pas parvenir tout à fait à comprendre, aussi suis-je rassurée de lire sous la plume de Jean-Michel Palmier : « Ce livre (Le Travailleur) dont la langue comme les idées sont difficiles, n’est longtemps apparu que comme un des brûlots théoriques les plus symboliques de la complexité des idéologies de l’Allemagne des années 20-30, et particulièrement de celles qui s’inscrivent dans la mouvance de la droite révolutionnaire et du national-bolchévisme. D’où cette espèce d’aura maléfique qui l’accompagne ; œuvre philosophique essentielle pour certains, Le Travailleur a été aussi considéré comme la matrice idéologique d’un bon nombre d’idées national-socialistes. Les deux points de vue semblent également discutables. Der Arbeiter n’est pas un simple ouvrage philosophique sur la technique moderne. C’est un essai politique incompréhensible hors d’un contexte historique déterminé, celui d’une époque hantée par le traumatisme de la guerre, animée par le rêve d’une « révolution conservatrice » et l’étonnement devant les réalisations, en Union soviétique, du bolchévisme. Quant à l’influence des thèses du Travailleur sur l’idéologie nazie, elle fut quasiment nulle. L’ouvrage parut bien trop tard pour y jouer un rôle quelconque. Il s’adressait à une élite intellectuelle. Les rares critiques nazis qui s’attardèrent dans ses pages n’y trouvèrent aucunement leur vision du monde et ne pouvaient que se sentir heurtés par le pathos révolutionnaire de Jünger » (Ibid. p. 31-32).
Si Le Travailleur garde pour nous un intérêt, c’est en tant que, sous ce nom, Jünger renvoie à tout autre chose que ce que le mot connote en économie ou en sociologie. Il décrit sous cette dénomination une Figure métaphysique, la Figure qui domine notre monde. Le Travailleur, c’est l’homme arraisonnant la nature et lui-même dans une volonté de puissance illimitée. Il est la vérité d’un âge des Titans, l’enfant d’un Prométhée que nous n’avons pas encore cessé d’être. En ce sens, ce texte est d’une grande clairvoyance sur le phénomène technique. Dans son évolution, Jünger cessera de croire que l’homme peut faire du titan un allié, il ouvrira une autre voie pour surmonter le nihilisme, mais convaincu que le mouvement de l’histoire est cyclique, il ne doutera pas qu’en accomplissant jusque dans le désastre la Figure du Travailleur notre époque prépare le retour des dieux.
3°) Il y a le poète visionnaire, auteur de romans utopiques parmi lesquels il faut compter son chef-d’œuvre absolu, le fameux Sur les falaises de marbre. Il publie cet ouvrage en 1939 et cela ne manque pas de panache. Car, bien que Jünger ait toujours trouvé cette interprétation réductrice, il n’est pas difficile d’y lire une allégorie de l’horreur nazie. Il s’agit d’une fable décrivant dans un temps et dans un espace imaginaire la défaite des jours heureux sous l’empire victorieux des forces nihilistes. C’est le Jünger que j’aime. L’homme qui renoue avec l’humanisme après s’être égaré dans des voies sans issues. « Une erreur ne devient une faute que si l’on persiste en elle » avoue-t-il. Et ce fut une erreur d’imaginer un salut possible dans les noces de l’homme et de la technique, dans le culte du Guerrier et de la volonté de puissance. On l’apprend du narrateur lui-même qui, à n’en pas douter, est le porte parole de Jünger, de même que Frère Othon est son frère Friedrich Georg Jünger (1898-1977) auquel il fut lié, sa vie durant, par une amitié très profonde : « Lorsque dans notre pays natal, bien loin vers le Nord, nous eûmes reposé nos armes à leur place et refermé sur elles la porte, le désir nous prit d’une vie nouvelle qui fût pure de toute violence, et nous nous souvînmes de nos études anciennes ».
Le récit commence alors que « l’embrasement général » a eu lieu mais une voix s’élève pour raconter ce qui est arrivé avec « l’intraitable mélancolie qui s’empare de nous au souvenir des temps heureux ». Tous les personnages de cette fable, tous les paysages décrits avec un grand luxe de détails ont une fonction symbolique. Ce sont des archétypes ne valant pas seulement pour déchiffrer le drame de l’époque, mais plus fondamentalement celui de l’histoire humaine dans son mouvement cyclique de chaos et de renaissance.
Au pied des falaises, au bord de la mer s’étend la Marina, zone tempérée, riche en vignobles, en prairies et en forêts, espace d’une civilisation très avancée. Elle s’ouvre à l’horizon sur les hautes cimes du pays libre d’Alta Plana. De l’autre côté des falaises, s’étend le territoire des bergers et des nomades, la Campagna, et plus loin une zone de marécage et de forêts, domaine du Grand Forestier. Les deux frères habitent un ermitage taillé dans le roc en bordure de la Marina. Cette géographie mythique, ici simplement évoquée, met en place le cadre récurrent du drame historique, celui où s’affrontent des forces inégales: celles de l’esprit, celles de la barbarie incarnées par le Grand Forestier et celles d’une civilisation minée de l’intérieur par la peur et la déchéance de la Loi dans le cœur des hommes. Les brouillards de la perte du sens du sacré, de la rupture du lien aux valeurs intemporelles en font une proie facile pour l’entreprise d’anéantissement du Grand Forestier. Et celui-ci ne va que trop bien réussir car les forces de l’esprit ne font pas le poids dans l’embrasement général. Celles-ci sont incarnées par les deux frères, dont l’existence se déploie dans une retraite studieuse consacrée à l’établissement d’un herbier destiné à illustrer la classification de Linné. La paix de la bibliothèque de l’ermitage, la situation de surplomb de ce dernier par rapport aux espaces qui s’étendent en contrebas concrétisent l’hétérogénéité des ordres sacré et profane. Comme l’image du « retour aux forêts » que Jünger exploitera dans le Traité du rebelle(1951) pour figurer le retour de l’esprit à lui-même, à l’essentiel c’est-à-dire à la mémoire de la Loi, les falaises de marbre représentent l’espace sacré, celui qu’il est impossible d’entrevoir sans une ascension qui est en réalité une ascèse. Par ces images, Jünger donne consistance à l’idée d’ « émigration intérieure », seul salut possible et promesse de renaissance dans des époques dominées par les puissances chaotiques. Le Grand Forestier est le véhicule de ces dernières dans toute leur horreur, semant partout la mort et la désolation, anéantissant toutes les strates des âges civilisationnels et condamnant à la fin les deux frères à abandonner l’ermitage en flammes.
Etonnant récit fantastique décrivant une catastrophe qui n’est pas encore accomplie et que Jünger donne à voir avec la cabane d’équarrissage de Köppels-Bleek, préfiguration des charniers nazis et des camps où « de toute éternité l’engeance réprouvée se délecte lugubrement à souiller la liberté et la dignité humaine » (Sur les Falaises de marbre. Gallimard, p 132).
Que cette sinistre engeance se soit reconnue dans le récit de Jünger, rien d’étonnant. En revanche, que son auteur n’ait pas eu à subir le destin de tout ce qui résistait à son expansion a de quoi surprendre. A deux reprises Goebbels demanda à Hitler d’éliminer ce gêneur mais s’exposa à son refus. « On ne touche pas à Jünger » aurait-il dit. On ne touche pas au héros de la guerre de 14, au chantre du guerrier offrant sa poitrine à la défense de la Patrie. La croix de l’ordre du Mérite, qu’Hindenburg hésita à lui décerner en raison de sa jeunesse, a certainement sauvé Jünger en 1939. Mais on ne peut s’empêcher de penser que cet homme, ayant toujours affronté le danger avec le courage de l’homme d’honneur et l’indifférence du rêveur familier de contrées plus terrifiantes encore, fut toujours protégé des dieux. Comment sans cela aurait-il pu survivre, en 14-18, aux orages d’acier malgré ses quatorze blessures ? Comment, sans cela, aurait-il pu traverser sans dommage la période nazie, alors qu’il reste à son poste d’Allemand soucieux de sauver l’honneur de la Patrie, subit les tracasseries de la Gestapo et publie un livre très compromettant ? Comment enfin, sans cela, aurait-il pu en 1945, alors qu’il est inquiété par les Alliés, bénéficier de la protection d’un Bertolt Brecht demandant « de laisser Jünger tranquille » ? De toute évidence cet homme était né sous une bonne étoile et celle-ci veilla sur lui, avec bienveillance, 103 ans durant.
Est-ce cette bonne étoile encore qui lui donna le don des visionnaires ? Car, visionnaire, Jünger le fut. Comme il savait voir dans le plus petit caillou la part de merveilleux qu’il recèle, il avait le génie de ce qu’il appelle la vision stéréoscopique. Il faut entendre par là, par analogie avec le stéréoscope, la capacité d’avoir le sentiment de la profondeur et du relief d’une réalité grâce à la juxtaposition de deux images saisies simultanément. Il en est ainsi pour son appréhension d'un moment historique ou de toute autre donnée sensible. Il excelle dans l'art de percevoir de manière sensible ce qui s'offre à lui sur fond de quelque chose d’autre qu’il sent aussi et qui n’a pourtant rien de sensible pour celui qui est privé de cette aptitude. Il appelle Figures et Types ces Formes qu’il discerne à même le sensible et qui lui confèrent une clairvoyance métaphysique. Il n’est pas exagéré de dire qu’il y a chez lui une tendance mystérieuse à la traversée des apparences pour en dévoiler le sens comme s'il avait un don de divination. Ainsi forge-t-il les célèbres quatre Figures du Soldat du front, du Travailleur, du Rebelle et de l’Anarque.
J’ai bien l’intention de faire lire les textes où il dessine les Types du Rebelle et de l’Anarque. Pour l’heure qu’il me suffise de dire qu’ils incarnent le destin de ceux qui ne peuvent se sentir chez eux dans les « temps de décadence où s’efface la forme en laquelle notre vie profonde doit s’accomplir » (Sur les Falaises de marbre). Comment n’en serait-il pas ainsi dans une époque où l’on a complètement perdu le sens des hiérarchies naturelles, où le rationalisme s’est coupé de ses racines mystiques, façon daïmon socratique, où l’oubli des dieux et de la Loi, le meurtre du Père livrent l’humanité à la tragédie des guerres civiles et à la prolifération des équarrisseurs ? Dans Eumeswil (1977), l’œuvre de la maturité s’inscrivant dans la veine des romans utopiques tels que Heliopolis (1947), Abeilles de verre (1957), Le Problème d’Aladin (1981.1982), il écrit : « La déchéance du Père met en danger le ciel et les grandes forêts ; quand Aphrodite s’en va, la mer devient opaque ; lorsqu’Arès ne préside plus les guerres, les équarrissoirs prolifèrent, le glaive devient couteau d’égorgeur » Eumeswil, La Table Ronde, p 87.
« La guerre civile à l’échelle planétaire a modifié les jugements de valeur. Les guerres nationales opposaient les pères l’un à l’autre, et les guerres civiles les frères. Il a toujours mieux valu tomber entre les mains du père qu’entre celles du frère ; il est plus simple d’être ennemi d’une autre nation qu’ennemi d’une autre classe. […] Quand on écrit sur ses bannières le nom de l’humanité, cela signifie qu’on exclut son adversaire, non seulement de la société, mais qu’on lui refuse tout uniment ses droits d’homme. C’est ainsi que s’explique le retour à la torture, dans de vastes domaines, les transferts de populations, la conception mercantile de l’homme, les formes officielles et criminelles des enlèvements d’otage, les canons toujours braqués. Le tout assaisonné de grands mots… » p 119.120.
Alors quand les Auschwitz ou les Katyn sont à l’ordre du jour ou, comme c’est le cas aujourd’hui, quand le nihilisme sévit, fût-ce sous des formes plus douces, impossible de ne pas se demander comment l’homme doit se comporter au milieu de la catastrophe. Comment lui résister ? Avec les Figures du Rebelle et de l’Anarque, Jünger répond à cette question et construit de véritables catégories de la philosophie politique.
4°) Il y a l’entomologiste érudit, internationalement reconnu, collectionneur et découvreur d’insectes dont les Chasses subtiles (1964 à 1967) ont bouleversé de nombreux Don Juan des richesses du réel parmi lesquels Jean-Michel Palmier. Celui-ci raconte qu’un des plus grands bonheurs de Jünger était d'offrir non pas sa photo dédicacée, mais une carte postale représentant un papillon de douze millimètres, originaire du Pakistan, le Trachydora jungeri qui porte son nom. La nomenclature entomologique étant universellement respectée depuis Linné, il y voyait le gage de sa survie, pour la postérité.
5°) Il y a enfin l’homme dont la curiosité fut la passion maîtresse de sa vie, ce qui l’a conduit à explorer le monde dans toutes ses dimensions. On a ainsi le Jünger, voyageur infatigable, auteur de nombreux récits de voyage dans ses derniers journaux (Soixante-dix s’efface, I, II, III, Gallimard, 1980.1981.1993), dans le Voyage atlantique (La Table ronde, 1952), Le Contemplateur solitaire, Grasset, 1975) etc.
Mais on a aussi le Jünger empruntant les voies royales conduisant aux régions obscures de l’âme. D’où son intérêt pour le rêve, l’ivresse, les états provoqués par les drogues. En 1970, il publie Approches, drogues et ivresse, et en 1929 déjà il écrivait dans Le cœur aventureux, « Il y a trois états qui sont la clé de toutes les expériences : l’ivresse, le sommeil et la mort. C’est pourquoi il n’a jamais manqué de féroces buveurs de la vie, d’aristocrates du rêve sereins et ténébreux, de guerriers, de lansquenets et d’aventuriers, bref, de gens auxquels tout l’univers des employeurs et des employés, des boutiquiers et de l’argent était parfaitement indifférent. Puissent-ils ne jamais se laisser égarer, ni tromper sur l’importance de leur rang, car ce sont eux dont les rêves fondent tout ordre et dont tout ordre, ensuite, tombe victime. L’ordre lui-même ne sert plus à rien à partir du moment où le grand rêve ne peut plus se réaliser en lui. » p 65.
Dans cette brève présentation, je ne rends pas compte de l’ensemble d’une œuvre foisonnante qui demanderait une fréquentation de plusieurs années pour commencer à en approcher la richesse. Je veux simplement susciter le désir de partir à la rencontre d’Ernst Jünger. Il est pour moi, à lui seul, un continent avec des régions me restant inconnues et pour certaines inaccessibles. Jünger n’est pas un homme du concept, d’où la difficulté que j’éprouve à le suivre parfois dans certains de ses développements. Il est un virtuose du maniement des images archétypales, un aventurier de la vie spirituelle, fût-ce dans ses dimensions démoniaques. Ne pas jeter un voile sur la part obscure de l’homme était pour lui une question de dignité et de responsabilité. Dans Le cœur aventureux, (1929) il écrit : « L’homme qui attribue de la valeur à ses expériences, quelles qu’elles soient, et qui, en tant que parties de lui-même, ne veut pas les abandonner au royaume de l’obscurité, élargit le cercle de sa responsabilité.
Or rétrécir ce cercle, c’est justement l’ambition de l’humanitarisme moderne. De là provient son appréciation de l’ivresse: il estime son côté narcotique, le chloroforme, il redoute son côté stimulant, par exemple le sang qui coule. C’est pourquoi également un élément narcotique reste attaché à toutes les idées dont il se sert— son socialisme, son pacifisme, sa conception de la justice, du crime, de la société en général, toutes choses qui sont impensables sans de solides œillères. C’est aussi pourquoi elles doivent profondément répugner à tous ceux qui aiment la plénitude de la vie, sa diversité et la splendeur ardente de ses ivresses — tous ceux qui ne voudraient à aucun prix renoncer à la conscience tragique et au poids de sa responsabilité, même si elle frappe à coups de massue et d’obus de gros calibre.
L’humanitarisme moderne, ce simili-soleil de l’humanité, est également distant des bons et des mauvais esprits, des hauteurs et des abîmes. Sa voie ressemble à celle d’un voyageur qu’un écran de nuages gris protège des rayons d’une lumière impitoyable et qu’une route poussiéreuse sépare des eaux souterraines. C’est un rêve, mais un rêve sans couleurs ni images, un des rêves les plus ennuyeux que l’on ait jamais inventés, un rêve tel qu’en rêve à trois heures de l’après-midi un passager du tramway. C’est, en général, une affaire pour passagers du tramway. Il est impossible d’y participer, pour peu que l’on définisse sa vie par la tension, la hiérarchie et la différence, pour peu que l’on soit guerrier, croyant ou poète, homme, femme ou enfant, pour peu que l’on ait dans le corps la demi-bouteille de champagne manquante. » p. 170.
De tels propos ne sont pas destinés à lui faire des amis et l’on sait que Jünger souffre toujours d’une réputation sulfureuse. La lecture de son Journal suffit pour sentir l’injustice qui lui est encore faite. Voilà pourquoi, j’ai eu tant de plaisir à lire sous la plume de Hannah Arendt ce propos datant de 1950 : «Le Journal de guerre d'Ernst Jünger apporte sans doute le témoignage le plus probant et le plus honnête de l'extrême difficulté que rencontre un individu pour conserver son intégrité et ses critères de vérité et de moralité dans un monde où vérité et moralité n'ont plus aucune expression visible. Malgré l'influence indéniable des écrits antérieurs de Jünger sur certains membres de l'intelligentsia nazie, lui-même fut du début jusqu'à la fin un antinazi actif et sa conduite prouve que la notion d'honneur, quelque peu désuète mais jadis familière aux officiers prussiens, suffisait amplement à la résistance individuelle.» Penser l’événement Paris, Belin 1989, p. 66.
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Vous m’avez donné l’envie de le lire. Merci beaucoup
Chapeau bas…lu et relu ces lignes précises, subtiles toujours et remarquables.
Vous avez éclairé ma soirée hier avec les nombreux extraits judicieusement choisis de l’oeuvre de Jünger, suivis de vos commentaires intelligents .
Et vous avez assurément suscité le désir d’aller au-delà. Livres déjà commandés.
Attente patiente d’une lecture jubilatoire.
Merci infiniment de savoir ainsi révéler et mettre en partage.
Votre message me réjouit.
Puissiez-vous commencer par les Falaises de marbre et ne pas être déçue.
Bonne lecture.
J’ai en effet commandé les Falaises de marbre ainsi que le Coeur aventureux..( est-ce le titre qui m’allécha, je ne sais ..les citations aussi ) et le livre que Jean-Michel Palmier lui a consacré.
Le Traité du rebelle me tente bien aussi.
Les extraits sur la figure de l’Anarque sont aussi très réjouissants et soutenants si je puis utiliser ce néologisme. Dans tous les cas, essentiel dans nos temps.
Et plaisir d’une découverte transmise.
Vous avez fait de bons choix. Pour le coeur aventureux, je le cite dans la version de 1929. Très différente de celle de 1938. Jünger a en effet toujours repris ses textes; ne vous étonnez donc pas si vous ne retrouvez pas mes citations.
Enfin, il faut absolument lire la guerre comme expérience intérieure. Si vous ne souhaitez pas acheter la pléiade, vous pouvez trouver ce petit texte chez Bourgois éditeur.
Bien à vous.
quelques remarques encore.
La version du Coeur aventureux commandée est celle de 1929. C’était bien celle proposée alors que j’ignorais qu’il y en eût une autre, remaniée par Jünger. Tant mieux.
Il est surprenant et presque amusant que vous me conseilliez aussi de lire La guerre comme expérience intérieure. c’est un peu ce dont je viens de m’extraire après des années de résistance. il est des fronts certes moins spectaculaires, banals même, dans d’autres lieux que les tranchées et les zones de combat armé.
Je lirai aussi ce livre là bien sûr.
Sur ma lancée et après avoir lu les autres commentaires et textes très passionnants sur Spinoza et le Désir….quoique cela ne soit pas le juste endroit pour émettre des remarques, si je puis me permettre .
Je pensais au célèbre et si juste conseil de Lacan, grand lecteur de Spinoza par ailleurs, de ne pas céder sur son désir, ce qui est très coûteux. je n’ai pas recherché la phrase exacte, je le ferai à l’occasion.
Autre brève remarque concernant l’humilité, passion triste selon Spinoza..;envie d’émettre un petit bémol ou de donner du grain à moudre.
L’humilité est triste certes si on l’envisage au plan de la servilité. Mais il est une autre humilité, me semble-t-il plus noble, qui replace l’homme à sa juste place au sein de la Nature et des autres êtres vivants. L’homme n’est ainsi plus dans sa posture prométhéenne et démiurgique de maître et possesseur de l’univers pour être ramené à l’humus comme tout ce qui vit sur terre et retourne à la terre. Levi-Strauss dans Anthropologie Structurale I me semble-t-il parle même de » commune humilité « .
Il ne s’agit ainsi pas de l’écologie à la petite semaine du developpement durable et du recyclage du plastique, destinés à se donner bonne conscience mais d’une véritable écologie consciente et responsable dans un rapport au monde présent dans toute l’oeuvre de Levi-Strauss.
L’humilité en ce sens est tout autre.
Bien à vous et merci de semer ainsi des graines. C’est essentiel . N’abdiquez jamais, je vous en prie.
NB : il est étrange et agaçant de ne pas pouvoir corriger ses fautes de frappe sans devoir effacer tout le texte en aval…vous excuserez donc quelques erreurs ou maladresses. Je ne peux effacer et réécrire de manière interminable.
» Abdiquer » ai-je écrit..Encore un mot de résistante.
Après dépôt des armes, j’écrirais plutôt volontiers et en conscience, ne renoncez jamais s’il vous plait à semer vos graines participant ainsi précisément à l’ émergence d’une pensée libre chez les jeunes générations et à la possibilité d’une responsabilité consubstantielle à la liberté ainsi acquise.
Choses finalement assez rares.
Merci pour vos sympathiques conseils.
Pour ce qui est de l’humilité, je voudrais préciser que le contraire de l’humilité, passion triste selon Spinoza, n’est pas l’hubris, l’orgueil ou la démesure prométhéenne. C’est l’estime de soi fondée sur la conscience de la puissance de l’entendement humain avec ses ressources en lumières et en vertus. Cette puissance implique ainsi la conscience de ses limites (nous ne sommes qu’un des modes de la substance en termes spinozistes), celle de sa place dans l’univers et des exigences qui lui sont liées. Cela n’a rien à voir avec la folie titanesque de celui qui vit sous l’empire de la passion de domination des autres ou de la nature.
Pour ce qui est du manque de souplesse technique pour se corriger, cela est dû au blocage du copier-coller (absolument nécessaire pour ne pas encourager la paresse et la malhonnêteté intellectuelle de certains élèves).
Bien à vous.
Bonjour,
Au paragr. débutant par « Que cette sinistre engeance se soit reconnue… » :
Vous écrivez : « … se soit reconnue dans le récit de Jünger, rien d’étonnant. En revanche, que son auteur n’ait pas eu à subir le destin […] l’est moins. » Ne faudrait-il pas lire : « l’est plus. » ?
De « rien d’étonnant » on passe à quelque chose de « plus étonnant ». Non ?
Je vous prie de ne pas encombrer votre site, léger et dense comme l’air, de ce signalement de coquille, lourd et bête comme le fer.
Corrigez si cela doit l’être. Mais jetez ensuite sans scrupules ces mots à la poubelle. 😉
Si c’est moi qui ai mal lu, vous pouvez toujours m’en faire rapidement part par courriel si vous ne voulez pas le faire dans le fil des commentaires. Libre à vous, évidemment.
J’espère en tout cas ne pas donner l’impression de jouer au prof de français, car vous n’en avez nul besoin ! 😉
Je me comporte simplement envers les autres comme j’aimerais qu’on se comporte vis-à-vis de moi, règle d’or faite mienne.
Bien à vous.
Bonsoir
Il ne faut pas vous excuser. Je suis très reconnaissante à l’égard de ceux qui m’aident à améliorer la qualité de ce blog. Quel que soit le nombre de mes relectures, je laisse toujours passer des fautes ou des impropriétés.
Bien à vous.
Moi qui n’utilisais que le mot « coquille », me voici riche des mots « impropriété » « malapropisme » et « solécisme » grâce à vous !
Merci !
C’est le plus souvent sans chercher qu’on trouve.
Chère Madame,
C’est toujours avec plaisir que je me plonge dans votre site : soit pour lever un doute, pour apaiser quelque inquiétude philosophique ou par pure curiosité. Ce n’est jamais sans émotion non plus, tant vos contributions évoquent pour moi ces années de terminale dans un lycée de province à l’ombre d’un massif dont, je ne sais plus quel poète, vantait « la grâce d’un pachyderme » ; sans me rappeler ces « bons maîtres » qui ont su nous accompagner dans ce passage de l’enfance à l’âge adulte : un certain prof de philo dont on moquait l’emphase du verbe lorsqu’il se risquait à intervenir lors des séances – agitées – de ciné-club, un certain prof de sciences nat aussi qui n’hésitait pas à faire le mur pour nous entraîner dans les chemins creux de garrigue afin de nous instruire sur le vif des choses de la nature.
Alors, s’il est un terrain de proximité entre nous, c’est bien un intérêt commun pour l’auteur des « Chasses subtiles », que la lecture de votre article m’a révélé. Vous avez à juste titre rapproché sa pensée de celle de Nietzsche, bien sûr, et d’Héraclite, avec qui je n’aurais pas fait le rapprochement avant de vous lire. Pour ma part je crois que ce qui m’a le plus fasciné chez Junger c’est cette faculté que j’ai toujours envié chez lui d’explorer les extrêmes et à en assumer tous les risques jusqu’au vertige – du haut de Falaises de marbre : l’aventure de la guerre extérieure comme celle du combat intérieur, mais aussi la recherche de la paix dans l’intimité du foyer, l’amour de la vie, qui ne l’empêche pas de côtoyer la mort, son attirance pour la technique qui n’a d’égal que sa familiarité avec les plantes et les insectes, son intérêt pour le microcosme terrien, qui ne fait nullement obstacle à ses envolées cosmiques (les derniers chapitre de ses « Chasses subtiles », consacrées aux coléoptères, aborde le monde des oiseaux), jusqu’à l’expérience de la drogue. Peut-être ma fascination vient-elle d’une frustration : celle de toujours se retrouver au centre, par manque d’audace, quand on est attiré par les extrêmes, les bords de l’abîme. Pourtant notre auteur nous prévient : « Nous rêvons de voyages à travers l’Univers ; l’Univers n’est-il donc pas en nous ? »
Mais les « Chasses subtiles » de Junger évoquent aussi pour moi – c’est là où je voulais en venir après un si long détour – « Tristes tropiques » de Lévi-Strauss, mêmes errances de par le monde, ponctuées de digressions philosophiques. Peu importe que les angles de vue soient différents quand il y a convergence sur l’horizon. J’en veux pour preuve ces deux citations (je condense celle de Lévi-Strauss) sur lesquelles se referment les deux ouvrages pour nous mettre face à notre commune destinée avec celle des choses et des vivants, quels qu’ils soient :
Junger : « Dans de tels jardins [il s’agit de l’Harmas d’Henri Fabre à Sérignan-du-Comtat], nous oublions presque, avec les noms, le nôtre propre. Ce sont les choses qui parlent, dans leur force innomée. Cela nous donne joie, nous offre un pressentiment de l’heure où nous abandonnerons, et les noms, et les choses mêmes. »
Lévi-Srauss : A défaut de parcourir « la voie inverse de celle de notre esclavage » représentée par « l’arc-en-ciel des cultures humaines qui nous relie à l’inaccessible […], la contemplation procure à l’homme l’unique faveur qu’il sache mériter […], chance, vitale pour la vie, de se déprendre et qui consiste […] à saisir l’essence de ce qu’elle fut et continue d’être, en-deçà de la pensée et au-delà de la société : dans la contemplation d’un minéral plus beau que toutes nos œuvres ; dans le parfum, plus savant que nos livres, respiré au creux d’un lis ; ou dans le clin d’oeuil alourdi de patience, de sérénité et de pardon réciproque, qu’une entente involontaire permet parfois d’échanger avec un chat. »
Pardonnez-moi d’avoir été si long, et avoir pris sur votre temps, beaucoup mieux consacré à provoquer chez les jeunes un certain étonnement philosophique.
Cher Monsieur
Merci pour ce commentaire émouvant me permettant de plus de découvrir votre blog. Je viens de lire avec intérêt votre article sur Nuit Debout. Nul doute que je vais suivre vos publications.
Tous mes vœux de réjouissances pour les fêtes à venir et pour la nouvelle année.
Bien à vous.
Ernst Jünger, itinéraire d’un fasciste clean : https://www.cairn.info/revue-agone-2014-2-page-123.htm