Nous venons de penser l’ambiguïté de la condition humaine. Sans doute avez-vous concrètement compris que la philosophie construit des concepts pour rendre intelligible le réel. Comme les concepts scientifiques, les concepts philosophiques sont précis, rigoureux. Ils requièrent un travail d’appropriation. On ne les maîtrise qu’à partir du moment où l’on peut en faire un usage pertinent. La question que je pose est destinée à vous familiariser avec les concepts de pour soi, de négativité, de double existence, de liberté.
Légitimer c’est justifier moralement, c’est fonder en raison. La question est ici de savoir s’il est moralement possible de justifier des pratiques fort répandues aujourd’hui, celles consistant à tatouer, scarifier la peau du corps humain, à faire des piercings ou bien à introduire à divers endroits du corps des implants variés.
PB : que peut-on justifier moralement ? Ce qui est l’expression de la liberté de l’homme, ce qui dessine son visage, ce qui lui permet de s’affirmer sous une forme positive. La question se précise donc : le marquage du corps humain est-il la manifestation de la liberté humaine ou l’aveu d’une forme d’aliénation ? Est-il l’expression de l’affirmation de l’homme ou correspond-il à une forme de négation ou de mutilation ?
1) Justification morale.
Parce qu’il est esprit, nous apprend Hegel, l’homme n’est pas au monde sur le mode de la chose. Il a le pouvoir de se mettre à distance de lui-même et de se faire exister pour soi. Or se constituer pour soi c’est, pour l’homme « être poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement » (Hegel)
Il va de soi que le corps, comme tous les éléments de la nature est une donnée immédiate. Tel qu’il sort des mains de la nature le corps est pour l’esprit une extériorité et une étrangeté. Et le propre de l’esprit est de refuser ce donné dans son extériorité, dans son étrangeté. Il est donc enclin à le transformer, à imprimer sur lui une marque dans laquelle il peut reconnaître sa propre intériorité. L’homme transforme ainsi la nature, il se transforme lui-même parce qu’en tant qu’esprit il nie ce qui commence par incarner une altérité afin de se donner le spectacle de lui-même dans ses œuvres. Le pour soi prend ainsi conscience de lui-même en se donnant une image extérieure de ce qu’il est intérieurement et s’approprie son essence. Il s’accomplit comme négativité c’est-à-dire comme liberté. « La liberté écrit Hegel, est la négation constante de tout ce qui conteste la liberté »
C’est clair si l’on observe les conduites humaines. L’homme n’est pas un être qui accepte d’être un simple être de la nature. Nos ancêtres les plus lointains pratiquent les arts du maquillage, de la parure, du tatouage, de l’appropriation du corps naturel sous les formes diverses de la circoncision, de l’excision, des scarifications, du bandage des pieds, de la transformation de certaines parties du corps avec l’exemple des femmes girafes ou des lèvres plateaux etc.
De manière générale, l’homme refuse d’être un simple animal. Il cache certaines parties de son corps, il témoigne qu’il a le sens de la pudeur. Avoir de la pudeur c’est signifier que je me distancie de ce que je suis sur le mode du donné et que je ne reconnais pas mon humanité dans l’exhibition de certaines parties de mon corps, dans certaines de ses manifestations etc. L’homme se révèle bien par là comme un être d’antinature.
En soi les pratiques de marquage du corps humain sont donc l’expression de la supériorité ontologique de l’homme. Elles attestent l’humanité de celui qui ne paraît pouvoir affirmer son essence que par la négation de son être- autre. Par là, il semble qu’elles puissent revendiquer une légitimité de principe. Pourtant, en présence de certains spectacles, il nous arrive d’avoir des doutes. Est-il possible de prétendre que toutes les marques dessinent le visage d’une intériorité spirituelle ? Sont-elles toujours l’expression d’une liberté et d’une pensée et conséquemment peut-on toujours les légitimer ?
2) Scrupules moraux : le procès des pratiques de marquage du corps humain.
- Certaines marques sont très explicitement des atteintes à la dignité humaine. Pensons au marquage du déporté dans les camps. Il est ravalé au rang du bétail. De nombreuses marques sont le signe de l'infamie. Ex: Le signe de la flétrissure.
-Lorsque les tatouages, les piercings relèvent d’une conduite privée, comme c’est le cas dans nos sociétés qui, à la différence des sociétés traditionnelles (ou sociétés holistes) ont fait émerger l’individu comme sujet de droit, le marquage est lui aussi problématique.
Il traduit, certes, la volonté d’imprimer sur son corps sa marque à soi pour se sentir exister. Il est bien le signe d’un désir de se différencier d’un groupe (par exemple de celui des parents) afin de s’agréger à un autre. Par là, les adolescents veulent matérialiser leur présence au monde, affirmer leur liberté d’expression, exhiber leur appartenance à telle « tribu » ayant ses rites d’initiation et d’intégration.
La marque rend visible apparemment une revendication de liberté, mais n’est-ce pas sous une forme aliénée et aliénante ?
-Aliénante, car aucune manifestation de la liberté ne l’accomplit pleinement, chaque moment de son accomplissement étant destiné à être dépassé par une nouvelle opération de transcendance. Or les marques sont souvent indélébiles. Elles figent le mouvement de la vie et de la pensée en rendant irréversible une transformation. Elle condamne une liberté qui s’affirme au présent à la réification dans une de ses formes passées. La marque devient alors ce qui parasite, suscite la honte, exhibe un visage dans lequel la personne ne peut plus se reconnaître et ne veut pas être reconnue. On a de nombreux témoignages de cette misère morale. Songeons à cette jeune femme, honteuse d’un tatouage pratiqué pendant l’adolescence sur le sommet de sa fesse et qui, des années après, contrôle sans cesse son attitude afin que son mari ne voit jamais cette marque vulgaire la défigurant à ses propres yeux.
-Aliénée car le marquage correspond souvent à un phénomène de mode. Or la mode est essentiellement l’expression de la pression que la société exerce sur l’individu. Tant qu’elle ne concerne que le vêtement ce n’est pas grave. On peut jeter le vêtement lorsqu’il n’est plus à la mode mais qu’en est-il de la marque lorsqu’elle a cessé d’être « branchée » ? Quand ce n’est pas la seule mode qui régit l’individu dans ce genre de pratique, c’est la pression insidieuse d’une «tribu » sur lui. On peut ainsi se demander si paradoxalement le marquage n’est pas davantage un processus de dépersonnalisation qu’un processus d’individualisation.
De nombreuses marques sont des mutilations. Prenons l’exemple de l’excision ; des pieds bandés ; de la burka ou du voile islamique. Se mutiler, entraver la liberté n’est pas l’affirmer et nul ne renonce librement à la liberté. Prétendre le contraire est le comble de l’aliénation. Ce genre de sophisme révèle surtout le poids dans une vie des superstitions (ex : le corps de la femme est impur, le clitoris est une menace pour l’enfant à naître ou pour l’organe masculin etc.). Ces superstitions sont facilement déconstruites par l’examen rationnel. Le marteau nietzschéen par exemple, a tôt fait de lire en elles le triomphe des forces réactives qui, au lieu d’affirmer la vie la nient. Un être prisonnier de superstitions n’est pas libre. Il s’ensuit qu’il est absurde de dire que l’on renonce librement à la liberté. « Dire qu’un homme se donne gratuitement (= s’aliène librement) c’est dire une chose absurde et inconcevable, un tel acte est illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait n’est pas dans son bon sens… folie ne fait pas droit » Le Contrat Social L.1 ch.4.
De nombreuses marques dessinent des formes terrifiantes, grossières, vulgaires. Est-ce bien alors le visage d’une intériorité spirituelle qui s’exhibe ? Celle-ci peut-elle sans se trahir se manifester sous les espèces de la brute ? Songeons au propos pascalien : « Je peux bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n’est que l’expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les pieds). Mais je ne puis concevoir un homme sans pensée : ce serait une pierre ou une brute » Pensée 347B.
Il est pour le moins paradoxal d’inviter l’esprit à se reconnaître dans son autre. La grossièreté, la vulgarité sont le signe que l’esprit n’a pas la pleine possession de lui-même. Comme on commence par être un gribouilleur de toile avant de devenir un Cézanne, il faut dépasser l’expression frustre, primaire pour que l’esprit puisse se sentir chez lui.
Lorsque le corps est harnaché de prothèses métalliques (ex : les skinheads) qu’est-ce que l’homme extériorise vraiment ? Une fascination sans doute pour les objets techniques et à coup sûr une dénaturation de leur sens spirituel. Car la technique est un moyen conçu par l’intelligence humaine pour s’affranchir de l’aliénation matérielle. Elle est, selon les belles formules de Bergson, ce qui doit soulever la matière, libérer la vie, la spiritualiser. A la différence de l’outil animal, annexé à son corps, l’outil humain a la disponibilité des choses. Il n’est pas un être, simplement un artefact commode. L’aliénation commence lorsque l’artefact prend la place de l’être. Le corps humain dans sa souplesse, sa chaleur, sa profondeur psychique est alors métamorphosé en objet métallique, froid, tout en surface, menaçant. La personne existant comme une fin en soi s’exhibe comme pure réalité instrumentale. Faite pour « spiritualiser la matière » la technique est alors manifestée comme ce qui « matérialise l’esprit » et l’objet technique incorporé n’est plus qu’une image de la malfaisance d’un Prométhée ayant cessé d’être éclairé par la sagesse de Zeus.
De nombreuses prothèses (seins et fesses siliconés. Implants introduits sous la peau de la verge etc.) révèlent un trait pathétique de notre époque : le dévoilement du corps humain comme matière à exploiter pour donner forme aux fantasmes les plus stériles et les plus aliénés :
- la "bombe érotique" comme excellence humaine.
- le paraître comme forme achevée de l’être.
- la jouissance frénétique comme réussite existentielle.
Mais bien sûr l’accomplissement humain ne peut jamais être au rendez-vous car le sexe déserté par la quête spirituelle ne peut plus être que mécanique ennuyeuse. Il faut donc obtenir par artefacts ce que l’on est impuissant à conquérir, par manque de richesse intérieure.
Enfin, si l’on médite l’œuvre d’une artiste comme Orlan on découvre combien la question de l’identité constitue le grand pathos de notre époque. Rien d’étonnant, puisque désormais chacun est renvoyé à lui-même pour exercer la liberté de devenir ce qu’il choisit d’être. L’horizon est, en effet, socialement et techniquement ouvert pour « être l’entrepreneur de sa propre vie » (Ehrenberg). « L’individu souverain qui ne ressemble qu’à lui-même » (Nietzsche), qui fait de lui-même son totem est une réalité sociale.
De là à croire que tout est possible, qu’il n’y a aucune limite à la souveraineté de la volonté, il n’y a qu’un pas. Un spécialiste de la transformation du corps affirme par exemple : « L’état de mon corps n’est limité que par une technologie. Je peux faire ce que je veux dépendamment des possibilités disponibles : un troisième bras ou alors l’implant d’une calculatrice dans mon cerveau ou d’une caméra derrière ma tête » Pierre Black cité dans Hebdo science et technologie n° 1221. Or si l’homme est condamné à être libre, il ne s’ensuit pas qu’il soit une liberté souveraine. Il y a des limites a priori avec lesquelles il faut compter. Sartre propose d’appeler condition humaine « l’ensemble des limites a priori qui esquissent la situation fondamentale de l’homme dans l’univers ». Bref on n’est pas un dieu. On doit certes « faire son existence mais l’on n’a pas fait son exister » soulignait Heidegger.
L’erreur d’ Orlan consiste à vouloir être à elle-même son propre créateur. L’oeuvre intitulée : « Orlan accouche d’elle-même » (image précédente) en dit long sur la prétention démiurgique de l’artiste. La chirurgie plastique doit permettre d’incarner une identité rêvée. Le corps devient donc le matériau du travail de l’artiste, ce en quoi elle exhibe le projet d’être son œuvre mais ce qu’elle donne à voir c’est seulement son ubris (ou hybris). Les Grecs appelaient ainsi la démesure humaine, la transgression dans ce qu’elle a d’irrémédiablement voué à l’échec. Parions que la physiologie d’Orlan ne supportera pas indéfiniment cette appropriation violente. Violente et vaine car le pour soi n’existe que dans l’écart de soi à soi et la personne ne surgit dans le monde que sous la modalité d’un corps dont il est sage de prendre soin.
Au terme de cette deuxième analyse on découvre l’ambiguïté d’une pratique suscitant légitimement certains scrupules à la justifier rationnellement. Pour autant ces scrupules doivent-ils se traduire en interdits juridiques ? Que la liberté se sente autorisée à critiquer ce qui la caricature est-il une invitation à exercer une police des mœurs et à « forcer les hommes à être libres » ?
3) La nécessité morale du droit de chacun à l’expression, même aliénée de sa liberté.
Il faut revendiquer un droit de l’autre à l’aliénation à la manière dont, dans le débat sur la tolérance, Pierre Bayle revendiquait un droit à l’erreur. (« Un droit de la conscience errante » disait-il). En effet la seule limite que la liberté doit reconnaître à l’affirmation de la liberté de principe des êtres humains n’est pas qu’un homme confonde la liberté et l’aliénation, c’est que l’usage qu’il fait de sa liberté porte atteinte à l’exercice de cette même liberté chez l’autre. Or, en quoi le fait qu’un homme se fasse tatouer sous les espèces de la brute ou bien qu’un sado-masochiste se fasse implanter des prothèses propres à satisfaire ses fantasmes, porte-il atteinte à la liberté des autres ? En faire apparaître dans le débat intellectuel le pathétique est une chose, remettre en cause le droit des autres à s’affirmer de telle ou telle manière en est une autre. Sans doute est-il regrettable que l’homme ne se porte pas subjectivement à la hauteur de la dignité que les institutions libérales lui ont reconnue objectivement. Mais tant qu’il ne porte pas atteinte à cette dignité chez les autres, c’est son affaire.
Il faut donc protéger les enfants de certaines pratiques de mutilation car il n’y a aucun sens à présupposer qu’un enfant fait usage de sa liberté (ex : l’excision est sévèrement punie en France). En revanche, ce présupposé est celui qui constitue l’adulte comme une personne majeure. Majeure moralement ou non, là n’est pas la question. L’adulte est majeur politiquement. Voilà pourquoi la tolérance est une obligation morale. Chacun doit se sentir tenu de respecter l’autre, non pas dans l’expression concrète de sa liberté (il n’y a rien à respecter dans une expression aliénée pas plus que dans l’erreur) mais dans le principe de son humanité ou de sa dignité. Et ce principe est, de droit, la liberté.
On voit par là combien l’expression que chacun donne à voir de sa liberté engage tous les autres. Nous sommes responsables devant l’humanité entière et il serait souhaitable de faire resplendir en toutes circonstances le visage de l’homme. Il s’ensuit qu’il faut s’interdire d’interdire, dans les limites précédemment précisées mais il faut promouvoir les conditions d’une expression glorieuse.
Le seul droit de la puissance publique, droit fondé sur un devoir, est donc d’instruire les enfants, de libéraliser leurs esprits, de les affranchir par une solide formation intellectuelle des superstitions afin qu’ils deviennent adultes, ce que les institutions libérales ont posé comme principe.
Conclusion générale :
On peut légitimer par principe l’appropriation du corps humain par l’esprit ou la liberté. Mais la liberté n’est pas immédiatement en possession d’elle-même. Voilà pourquoi elle se fourvoie dans des expressions caricaturales d’elle-même. Telle est la rançon d’une capacité qui se conquiert difficilement contre toutes les puissances d’asservissement. Il y faut du temps, les leçons de l’expérience et surtout un désir de liberté authentique supposant un pouvoir de discernement. Celui-ci est proportionnel à la capacité de penser par soi-même et de s’affranchir intérieurement de ce qui aveugle et aliène.
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Bonjour
Après lecture de votre article, je me posais une question:
Que faut-il penser des pratiques portant directement atteinte au corps, comme l’anorexie, la boulimie, ou encore plus proche du tatouage dont vous parlez tant, l’auto-mutilation (mais pas rituelle comme en Afrique)?
Bonjour
L’anorexie, la boulimie sont des comportements pathologiques. Une maladie se soigne, ce qui ne signifie pas que l’on dispose de traitement toujours efficace.
L’auto-mutilation peut relever de la pathologie mentale ou de l’effet de certaines superstitions dans les conduites humaines.
Dans le premier cas, la solution est thérapeutique, dans le deuxième, pédagogique.
Car nul être raisonnable ne peut légitimer des pratiques mutilantes. Un être sain et libre célèbre l’affirmation glorieuse du corps et de l’esprit, non la diminution de leur puissance.
Bien à vous.
Bonjour,
je suis en pleine recherche de TPE sur les tatouages.
Et il y a une question à laquelle je ne trouves pas réellement de réponse pour ma partie philosophie :
Pourquoi l’homme supprime-t-il ses tatouages ?
J’aimerais démontrer que ce n’est pas simplement parce qu’il ne l’aime plus mais que c’est plus profond que ça
merci d’avance
Bonjour
Dans la deuxième partie de cet article, vous avez une réponse essentielle à votre question. Il vous suffit de la comprendre et de la développer.
Bien à vous.
Bonjour,
Avec des amie nous faisons un TIP sur le corps. Nous nous intéressons au corps utilisé comme arme dans certains domaines. Nous nous basons sur les FEMEN mais nous n’arrivons pas à trouver un livre ou un document pour l’aspect historique. Nous avons besoin de savoir comment, dans les siècles précédents le corps était utilisé comme arme.
Auriez-vous une idée, un livre qui pourrait nous aider?
Merci d’avance
Bonjour
Je regrette, je n’ai pas de suggestion à vous faire.
En tapant sur Google les thèmes de votre recherche vous devriez trouver.
Bien à vous.
Bonjour Madame Manon,
Je voulais réagir à votre sujet sur les pratiques de marquage du corps humain. je pense qu’on peut avoir une autre approche de ces marques corporelles mais je ne sais pas comment les interpréter philosophiquement.
La maternité marque durablement le corps. J’ai eu deux césariennes qui m’ont laissé une marque, mais même sans césarienne le corps de la femme reste marqué, changé. C’est pourquoi quand j’ai adopté ma fille en Polynésie Française, où le tatouage est traditionnel, j’ai voulu qu’elle aussi imprime sa marque sur mon corps et je me suis fait tatouer. Ce tatouage raconte l’histoire de ma vie de mère. je ne le ressens pas comme une aliénation car c’est une marque indélébile comme l’est la maternité elle-même. Elle est une transformation irréversible.
Je porte également un perçing népalais dans le nez, car j’ai travaillé au Népal. De cette expérience particulièrement marquante j’ai voulu garder un souvenir indélébile, notamment pour me remémorer l’étonnement des petites filles de l’orphelinat où je travaillais, qui ne comprenaient pas pourquoi je n’avais pas de percing dans le nez : elles en portaient toutes. Ce percing symbolise pour moi la tolérance, le fait de ne pas oublier que j’aurais pu être autre, naître dans une autre culture et de ce fait, voir les choses, le monde et les autres différemment.
je vous remercie de mettre à la disposition de tous un blog si intéressant. J’y passe beaucoup de temps, avec grand plaisir.
Anne-Laure
Merci, Anne-Laure, pour votre témoignage.
Bien à vous.
Bonsoir
Diriez-vous que le voile de soeur Emmanuelle est une mutilation?
Merci à vous
Madame, merci pour tous ces cours passionnants.
Je rêve du jour où vous nous parlerez de la vulgarité de notre époque. Vulgarité de la mode, du langage, de l’attitude et dans toutes les classes sociales. C’est une blessure quotidienne et une grande souffrance dont on ne parle jamais que sous le nom d’incivilités. A mon avis, il y a mieux et plus à dire sur ce thème.
Bonnes fêtes
PS : Juridiquement, ne pourrait-on pas assimiler les tatouages vulgaires, grossiers ou laids à des tenues vestimentaires incorrectes. Après tout on ne tolère pas qu’une personne se présente sur son lieu de travail en jean déchiré ou dans un chemisier indécent, il devrait en être de même pour les tatouages sur le dos des boulangères et les bras des serveurs (brr…).
Réponse à Henri Montaudié
Bonjour
Il ne faut pas désubstantialiser le sens des mots. Une mutilation est une atteinte à l’intégrité physique ou morale d’un être. Pour ce qui est de l’intégrité physique, il va de soi qu’un vêtement qui peut se déposer ne l’altère en rien.
Pour l’intégrité morale, je ne sache pas que ce voile soit une entrave à sa liberté physique (comme peut l’être la burqa) ou à sa liberté morale (comme peut l’être aussi la contrainte ou l’offense faite à certaines femmes musulmanes de se vivre comme impures…)
Bien à vous.
Réponse à France Coralie
Vous me suggérez un intéressant thème de réflexion mais les événements depuis une bonne année m’ont découragée de continuer à croire en l’œuvre des Lumières.
La mode des tatouages m’afflige mais tant qu’ils n’enlaidissent que ceux qui librement s’en affublent, c’est leur affaire.
Il est significatif que les couturiers chics donnent des lettres de noblesse aux pantalons entravés, aux jeans troués, aux sacs guenilles, etc. Le chic du chic, n’est-ce pas, pour beaucoup, de détourner les codes de l’underground, de la marginalité, de la zone comme l’expression du luxe achevé?
Bien à vous.
Bonjour
Je m’attendais à ce que vous évoquiez le sacre des libertés individuelles, leurs limites toujours repoussées mais pas que vous feriez allusion aux Lumières et à leur inefficacité aujourd’hui, d’autant que les terroristes n’ont pas grand chose à voir avec les consommateurs aliénés auxquels on pense quand on parle tatouage, mode vestimentaire, effondrement de la langue etc.
Je pense qu’on légiférera bientôt (on y sera forcé) sur les tatouages. Peut-on travailler chez un notaire et arborer un tatouage ridicule dans le cou? A Londres peut être…
Merci
fassiez (gloups)
Bonjour Madame
Ce lien vous intéressera peut être :
http://www.famillechretienne.fr/eglise/vie-de-l-eglise/le-voile-des-religieuses-n-est-pas-le-voile-islamique
Vous verrez que l’article rejoint ce que vous écrivez plus haut et que les commentaires y répondent.
Cordialement
Réponse à Coralie
Bonjour
Vous vous trompez, me semble-t-il, sur deux points.
D’une part les infralangues, la laideur de l’expression vestimentaire ou autre sont autant le propre des délinquants que des autres.
D’autre part, cette vulgarité qui prospère partout participe aussi de l’éclipse de l’esprit des Lumières. Car promouvoir les lumières ne consiste pas seulement à libéraliser les esprits en les arrachant à l’empire des préjugés et des fantasmes.
C’est aussi cultiver le goût, développer la sensibilité pour des expressions dessinant hors de soi, sur son corps, dans l’habitat, dans le paysage, etc., le visage de l’homme.
Léo Strauss a dit cela magnifiquement: « L’éducation libérale qui consiste en un commerce permanent avec les plus grands esprits est un entraînement à la modestie la plus haute, pour ne pas dire à l’humilité. Elle est en même temps un entraînement à l’audace : elle exige de nous une rupture complète avec le bruit, la hâte, l’absence de pensée, la médiocrité de la Foire aux Vanités des intellectuels comme de leurs ennemis. Elle exige de nous l’audace impliquée dans la résolution de considérer les opinions reçues comme de simples opinions, ou encore de considérer les opinions ordinaires comme des opinions extrêmes ayant au moins autant de chances d’être fausses que les opinions les plus étranges ou les opinions les plus populaires. L’éducation libérale est libération de la vulgarité. Les Grecs avaient un mot merveilleux pour « vulgarité » ; ils la nommaient « apeirokalia » manque d’expérience des belles choses. L’éducation libérale nous donne l’expérience des belles choses ».
Bien à vous.
Bonjour
Merci beaucoup de me faire découvrir ce passage, il comptera beaucoup pour moi désormais.
En effet, je ne voyais pas le rapport entre terrorisme et vulgarité car s’il arrive que les terroristes soient des délinquants en jean et baskets, ils se présentent aussi, pour certains, dans un accoutrement anachronique pour nous et moins vulgaire que les tenues occidentales qu’ils abhorrent. Par ailleurs je ne voyais pas pourquoi cette population vulgaire dont nous parlons vous semblait être une cause condamnée à l’échec, car je suis un peu moins pessimiste que vous sur cette question.
L’état de la société m’afflige, c’est vrai mais j’ai un point de vue un peu différent du vôtre. Aujourd’hui je suis une femme au style disons classique, mais je me souviens avoir porté des jean’s teintés et déchirés absolument immondes dans un état d’esprit que les adultes ne pouvaient pas deviner. C’est dingue quand j’y pense car j’étais une jeune fille vertueuse mais je me sentais moi-même dans des vêtements anti-conformistes. Bourdieu a bien parlé de ses signes distinctifs. Pareil pour mon frère qui était un pur crétin, arrogant et provocateur. Aujourd’hui il est radicalement différent. Il enseigne l’économie, écoute du Jazz et se pâme devant « Ma vie de courgette ». Bref, parfois on se réveille tard mais on se réveille! Et parfois, ça m’est arrivé aussi, on a des professeurs de philosophie d’une vulgarité crasse. Autre mystère.
Merci
Bonjour,
Je vous suggère une lecture qui relativise grandement une prémisse majeure de votre argumentation (à propos de l’ « ethnicité »):
« Drôles d’individus
De la singularité individuelle dans le Reste-du-monde »
Directeur éditorial Emmanuel Lozerand
« L’Occident se serait irrésistiblement détaché des sociétés holistes ; seul, il aurait inventé l’Individu. Et ailleurs, là-bas, ce serait le règne du holisme et de la communauté ?
Il faut renoncer à cette robinsonnade et prêter attention aux individus du vaste monde, trop peu et trop mal considérés : ceux d’Afrique, du Proche et du Moyen-Orient, de l’Asie (dans toute sa diversité), sans oublier ces « autres Occidents » que forment le monde juif ou l’Europe de l’Est.
Les approches disciplinaires sont variées. Au détour du chemin, on découvrira par exemple les modes de subjectivation propres à la culture de soi chinoise, la pensée rabbinique de l’individu, le rôle de Lièvre le décepteur dans les contes africains, les expériences de Gandhi opposées aux théories de Louis Dumont, les recherches récentes sur l’histoire de la famille dans le monde arabo-musulman, les parcours autobiographiques d’un auteur indonésien, ou l’affirmation de soi d’une romancière iranienne.
L’ouvrage entend révoquer en doute le postulat d’un « grand partage » (Great Divide) entre l’Occident (the West) et le Reste-du-Monde (the Rest). À une époque où les discours sur l’individualisation de « nos sociétés occidentales » se multiplient, n’est-il pas temps, enfin, de « désoccidentaliser » notre vision du monde ? »
Emmanuel Lozerand, professeur de langue et littérature japonaises à l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco), a publié Les Tourments du nom (1994), Littérature et génie national (2005). Il a fondé aux éditions Les Belles Lettres la « Collection Japon », qu’il dirige aujourd’hui avec Christian Galan.
Bonjour
Merci pour cette information.
Bien à vous.