Qu’en est-il de la philanthropie du point de vue d’une éthique de la vertu, qu’il s’agisse de celle de la générosité cartésienne ou de la joie spinoziste ? Est-elle si vertueuse qu’on se plaît à le croire ? Question irrévérencieuse pour beaucoup tant elle est communément appréciée. Et il est bien vrai qu’il vaut mieux être une personne secourable aux autres qu’indifférente à leurs maux. Mais il se peut que nous surestimions la valeur de la philanthropie. C’est en tout cas le soupçon d’Henri David Thoreau et je crois que les réserves de cet esprit indépendant à l’égard de la tendance philanthropique ont un fondement autrement plus solide que le simple goût du paradoxe qu’on lui a parfois, à juste titre, reproché.
C’est pourquoi, je crois judicieux de mettre en perspective son discours avec les analyses de Descartes et de Spinoza. Les uns et les autres pointent la distance séparant l’authentique vertu de ses apparences. Car que l’excellence morale implique d’être officieux avec tout un chacun ne signifie pas que l’empressement à soulager la misère du monde procède d’une source aussi admirable.
Il y a chez ces trois auteurs un sens aigu des hiérarchies morales. Aucun ne fait injustice à la philanthropie mais nul ne méconnaît qu’elle procède rarement de la virile, aristocratique vertu, dont Thoreau souligne qu’elle est la fleur et le fruit de l’humanité, bien plus que sa tige et ses feuilles. Il signifie par là que ce qui mérite d’être célébré sans restriction, ce qui est une bénédiction pour l’humanité, c’est ce qui fait briller sa grandeur plus que ce qui se nourrit de ses faiblesses.
Or, nul besoin de surenchérir dans le cynisme ou le pessimisme pour reconnaître que la philanthropie est plus chez elle au pays de la faiblesse humaine qu’à celui de sa force. Elle n’est point débordement d’amour de la santé des âmes mais sympathie d’existences souffrantes. Voilà le grand grief. La philanthropie s’origine le plus souvent dans des affects négatifs. Elle a à voir avec la pitié et la sanctification de la Croix et cela ne peut que rebuter les chantres de la vertu humaine. Car celle-ci se conquérant toujours dans une certaine manière de se rendre supérieur à l’adversité, rien n’est plus contraire à la disposition vertueuse que la complaisance à l’endroit de ce qui rend l’homme inférieur à lui-même.
« C’est notre courage que nous devrions partager, non pas notre désespoir, c’est notre santé et notre aise, non pas notre malaise, et prendre garde à ce que celui-ci ne se répande par contagion » écrit Thoreau.
Ce propos fait écho aux paroles de Descartes ou de Spinoza. C’est la joie (Spinoza), la force d’âme (Descartes) qui doivent cimenter la communauté humaine dans l’amour, non le partage de la tristesse. Le dolorisme chrétien est disqualifié par les grandes sagesses. Ecoutons Descartes qui est pourtant chrétien : « Ceux qui se sentent fort faibles et fort sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion (la pitié) que les autres, à cause qu'ils se représentent le mal d'autrui comme leur pouvant arriver; et ainsi ils sont émus à la pitié, plutôt par l'amour qu'ils se portent à eux-mêmes, que par celle qu'ils ont pour les autres ».
Et Spinoza insiste sur la négativité de la pitié, « la pitié est une tristesse ; et donc elle est mauvaise par elle-même. Quant au bien qui en résulte, à savoir que nous nous efforçons de délivrer de son malheur l’homme dont nous avons pitié, c’est par le seul commandement de la Raison que nous désirons le faire, et ce n’est que par le seul commandement de la Raison que nous pouvons faire quelque chose que nous savons avec certitude être bon. Et par conséquent la pitié chez l’homme qui vit sous la conduite de la Raison est par elle-même mauvaise et inutile ».
La seule manière de rendre louange à Dieu et d’être utile aux hommes est de « confirmer les espérances humaines » bien davantage que de « consoler leurs craintes » (Thoreau).
Voilà pourquoi, il me semble que ni Descartes, ni Spinoza ne désavoueraient cette profession de foi de Thoreau : « Toute annonce de santé et de succès me fait du bien, aussi lointain et retiré que soit le lieu où ils se manifestent ; toute annonce de maladie et de non-réussite contribue à me rendre triste et me fait du mal, quelque sympathie qui puisse exister d’elle à moi ou de moi à elle. Si donc nous voulons en effet rétablir l’humanité suivant les moyens vraiment indiens, botaniques, magnétiques, ou naturels, commençons par être nous-mêmes aussi simples et aussi bien portants que la Nature, dissipons les nuages suspendus sur nos propres fronts, et ramassons un peu de vie dans nos pores. Ne restez pas là à remplir le rôle d’inspecteur des pauvres, mais efforcez-vous de devenir une des gloires du monde ».
Henry David Thoreau.
« La philanthropie est pour ainsi dire la seule vertu suffisamment appréciée de l’humanité. Que dis-je, on l’estime beaucoup trop haut ; et c’est notre égoïsme qui en exagère la valeur. Un homme pauvre autant que robuste, certain jour ensoleillé ici à Concord, me faisait l’éloge d’un concitoyen, parce que, selon lui, il se montrait bon pour le pauvre, voulant dire lui-même. Les bons oncles et les bonnes tantes de la race sont plus estimés que ses vrais pères et mères spirituels. Il m’est jadis arrivé d’entendre un véritable conférencier, homme de savoir et d’intelligence, qui, faisant un cours sur l’Angleterre, venait d’en énumérer les gloires scientifiques, littéraires et politiques, Shakespeare, Bacon, Cromwell, Milton, Newton, et autres, parler après cela de ses héros chrétiens, et les mettre, comme si sa profession l’exigeait de lui, bien au-dessus du reste, les donner pour les plus grands parmi les grands. C’étaient Penn, Howard et Mrs. Fry, [(Penn (William). 1644-1718; Howard (John), 1726-1790; Fry (Elisabeth), 1780-1845, philanthropes). Qui ne sentira la fausseté et l’hypocrisie de la chose ? Ce n’étaient là ni les grands hommes ni les grandes femmes d’Angleterre ; seulement, peut-être, ses grands philanthropes.
Je voudrais ne rien soustraire à la louange que requiert la philanthropie, mais simplement réclamer justice en faveur de tous ceux qui par leur vie et leurs travaux sont une bénédiction pour l’humanité. Ce que je prise le plus chez un homme, ce n’est ni la droiture ni la bienveillance, lesquelles sont, pour ainsi dire, sa tige et ses feuilles. Les plantes dont la verdure, une fois desséchée, nous sert à faire de la tisane pour les malades, ne servent qu’à un humble usage, et se voient surtout employées par les charlatans. Ce que je veux, c’est la fleur et le fruit de l’homme ; qu’un parfum passe de lui à moi, et qu’un arôme de maturité soit notre commerce. Sa bonté doit être non pas un acte partiel plus qu’éphémère, mais un constant superflu, qui ne lui coûte rien et dont il reste inconscient. Cette charité qui nous occupe couvre une multitude de péchés, (Pierre, 1ère Épître, IV, 8). Le philanthrope entoure trop souvent l’humanité du souvenir de ses chagrins de rebut comme d’une atmosphère, et appelle cela sympathie. C’est notre courage que nous devrions partager, non pas notre désespoir, c’est notre santé et notre aise, non pas notre malaise, et prendre garde à ce que celui-ci ne se répande par contagion. De quelles plaines australes se font entendre les cris lamentables ? Sous quelles latitudes résident les païens à qui nous voudrions envoyer la lumière ? Qui cet homme intempérant et brutal que nous voudrions racheter ? Quelqu’un éprouve-t-il le moindre mal l’empêchant d’accomplir ses fonctions, ne ressent-il qu’une simple douleur d’entrailles, – car c’est là le siège de la sympathie, – qu’il se met sur l’heure en devoir de réformer – le monde. En sa qualité de microcosme lui-même, il découvre – et c’est là une vraie découverte, et il est l’homme désigné pour la faire – que le monde s’est amusé à manger des pommes vertes ; à ses yeux, en fait, le globe est une grosse pomme verte, qu’il y a un affreux danger de penser que les enfants des hommes puissent grignoter avant qu’elle soit mûre ; sur quoi voilà sa philanthropie drastique en quête des Esquimaux : et des Patagons, et qui embrasse les villages populeux de l’Inde et de la Chine ; ainsi, en quelques années d’activité philanthropique, les puissances, dans l’intervalle, usant de lui en vue de leurs propres fins, pas de doute, il se guérit de sa dyspepsie, le globe acquiert un semblant de rouge sur une ou deux joues, comme s’il commençait à mûrir, et la vie perdant de sa crudité est une fois encore douce et bonne à vivre. Je n’ai jamais rêvé d’énormités plus grandes que je n’en ai commises. Je n’ai jamais connu, et ne connaîtrai jamais, d’homme pire que moi.
Je crois que ce qui assombrit à ce point le réformateur, ce n’est pas sa sympathie pour ses semblables en détresse, mais, fût-il le très saint fils de Dieu, c’est son mal personnel. Qu’il en guérisse, que le printemps vienne à lui, que le matin se lève sur sa couche, et il plantera là ses généreux compagnons sans plus de cérémonies. Mon excuse pour ne pas faire de conférence contre l’usage du tabac est … que je n’en ai jamais chiqué ; c’est une pénalité que les chiqueurs de tabac corrigés ont à subir ; quoiqu’il y ait assez de choses que j’aie chiquées et contre lesquelles je pourrais faire des conférences. Si jamais il vous arrivait de vous trouver entraîné en quelqu’une de ces philanthropies, que votre main gauche ne sache pas ce que fait votre droite, cela n’en vaut pas la peine. Sauvez qui se noie et renouez vos cordons de soulier. Prenez votre temps, et attelez-vous à quelque libre labeur.
Nos façons d’agir ont été corrompues par la communication avec les saints. Nos recueils d’hymnes résonnent d’une mélodieuse malédiction de Dieu et endurance de Lui à jamais. On dirait qu’il n’est pas jusqu’aux prophètes et rédempteurs qui n’aient consolé les craintes plutôt que confirmé les espérances de l’homme. Nulle part ne s’enregistre une simple et irrépressible satisfaction du don de la vie, la moindre louange remarquable de Dieu. Toute annonce de santé et de succès me fait du bien, aussi lointain et retiré que soit le lieu où ils se manifestent ; toute annonce de maladie et de non-réussite contribue à me rendre triste et me fait du mal, quelque sympathie qui puisse exister d’elle à moi ou de moi à elle. Si donc nous voulons en effet rétablir l’humanité suivant les moyens vraiment indiens, botaniques, magnétiques, ou naturels, commençons par être nous-mêmes aussi simples et aussi bien portants que la Nature, dissipons les nuages suspendus sur nos propres fronts, et ramassons un peu de vie dans nos pores. Ne restez pas là à remplir le rôle d’inspecteur des pauvres, mais efforcez-vous de devenir une des gloires du monde.
Je lis dans le Goulistan, ou Jardin des roses, du cheik Saadi de Chiraz, ceci : «On posa cette question à un sage, disant : Des nombreux arbres célèbres que le Dieu Très Haut a créés altiers et porteurs d’ombre, on n’en appelle aucun azad, ou libre, hormis le cyprès, qui ne porte pas de fruits ; quel mystère est ici renfermé ? Il répondit : Chacun d’eux a son juste produit, et sa saison désignée, en la durée de laquelle il est frais et fleuri, et en son absence sec et flétri ; à l’un plus que l’autre de ces états n’est le cyprès exposé, toujours florissant qu’il est ; et de cette nature sont les azads, ou indépendants en matière de religion. – Ne fixe pas ton cœur sur ce qui est transitoire ; car le Dijlah, ou Tigre, continuera de couler à travers Bagdad que la race des califes sera éteinte : si ta main est abondante, sois généreux comme le dattier ; mais si elle n’a rien à donner, soit un azad, ou homme libre, comme le cyprès. »
Henry David Thoreau. Walden ou la vie dans les bois, Gallimard, L’imaginaire, trad. L. Fabulet, p. 91 à 94.
Descartes.
« Ainsi je crois que la vraie générosité, qui fait qu’un homme s’estime au plus haut point qu’il se peut légitimement estimer, consiste seulement, partie en ce qu’il connaît qu’il n’y a rien qui véritablement lui appartienne, que cette libre disposition de ses volontés, ni pourquoi il doive être loué ou blâmé sinon pour ce qu’il en use bien ou mal ; et partie en ce qu’il sent en soi-même une ferme et constante résolution d’en bien user, c’est-à-dire de ne jamais manquer de volonté pour entreprendre et exécuter toutes les choses qu’il jugera être les meilleures. Ce qui est suivre parfaitement la vertu. »
Les passions de l’âme, Art. 153.
« Ceux qui sont généreux en cette façon, sont naturellement portés à faire de grandes choses, et toutefois à ne rien entreprendre dont ils ne se sentent capables. Et parce qu’ils n’estiment rien de plus grand que de faire du bien aux autres hommes et de mépriser son propre intérêt pour ce sujet, ils sont toujours parfaitement courtois, affables et officieux envers un chacun. Et avec cela ils sont entièrement maîtres de leurs passions ; particulièrement des désirs, de la jalousie et de l’envie, à cause qu’il n’y a aucune chose dont l’acquisition ne dépende pas d’eux qu’ils pensent valoir assez pour mériter d’être souhaitée ; et de la haine envers les hommes, à cause qu’ils les estiment tous ; et de la peur, à cause que la confiance qu’ils ont en leur vertu les assure ; et enfin de la colère, à cause que n’estimant que fort peu toutes les choses qui dépendent d’autrui, jamais ils ne donnent tant d’avantage à leurs ennemis, que de reconnaître qu’ils en sont offensés. »
Les passions de l’âme, Art. 156.
« La pitié est une espèce de tristesse mêlée d'amour ou de bonne volonté envers ceux à qui nous voyons souffrir quelque mal, duquel nous les estimons indignes. […]
Ceux qui se sentent fort faibles et fort sujets aux adversités de la fortune semblent être plus enclins à cette passion que les autres, à cause qu'ils se représentent le mal d'autrui comme leur pouvant arriver; et ainsi ils sont émus à la pitié, plutôt par l'amour qu'ils se portent à eux-mêmes, que par celle qu'ils ont pour les autres. […]
Mais néanmoins ceux qui sont les plus généreux, et qui ont l'esprit le plus fort, en sorte qu'ils ne craignent aucun mal pour eux, et se tiennent au delà du pouvoir de la fortune, ne sont pas exempts de compassion lorsqu'ils voient l'infirmité des autres hommes et qu'ils entendent leurs plaintes. Car c'est une partie de la générosité que d'avoir de la bonne volonté pour un chacun. Mais la tristesse de cette pitié n'est pas amère; et comme celle que causent les actions funestes qu'on voit représenter sur un théâtre, elle est plus dans l'extérieur et dans le sens, que dans l'intérieur de l'âme, laquelle a cependant la satisfaction de penser qu'elle fait ce qui est de son devoir, en ce qu'elle compatit avec des affligés. Et il y a en cela de la différence, qu'au lieu que le vulgaire a compassion de ceux qui se plaignent, à cause qu'il pense que les maux qu'ils souffrent sont fort fâcheux, le principal objet de la pitié des plus grands hommes, est la faiblesse de ceux qu'ils voient se plaindre, à cause qu'ils n'estiment point qu'aucun accident qui puisse arriver, soit un si grand mal, qu'est la lâcheté de ceux qui ne le peuvent souffrir avec constance. Et bien qu'ils haïssent les vices, ils ne haïssent point pour cela ceux qu'ils y voient sujets; ils ont seulement pour eux de la pitié.
Mais il n'y a que les esprits malins et envieux, qui haïssent naturellement tous les hommes, ou bien ceux qui sont si brutaux, et tellement aveuglés par la bonne fortune ou désespérés par la mauvaise qu'ils ne pensent point qu'aucun mal leur puisse plus arriver, qui soient insensibles à la pitié. »
Les passions de l’âme, Art. 185 ; 186 ; 187 ; 188.
Spinoza.
« Proposition L
La pitié chez l’homme qui vit sous la conduite de la Raison est par elle-même mauvaise et inutile.
Démonstration.
En effet, la pitié est une tristesse ; et donc elle est mauvaise par elle-même. Quant au bien qui en résulte, à savoir que nous nous efforçons de délivrer de son malheur l’homme dont nous avons pitié, c’est par le seul commandement de la Raison que nous désirons le faire, et ce n’est que par le seul commandement de la Raison que nous pouvons faire quelque chose que nous savons avec certitude être bon. Et par conséquent la pitié chez l’homme qui vit sous la conduite de la Raison est par elle-même mauvaise et inutile.
Corollaire.
De là suit que l’homme qui vit d’après le commandement de la Raison, s’efforce, autant qu’il peut, de n’être pas apitoyé.
Scolie.
Qui sait parfaitement que toutes choses suivent de la nécessité de la nature divine et arrivent selon les lois et les règles éternelles de la Nature, ne trouvera certes rien qui mérite haine, raillerie ou mépris, et qu’il n’aura non plus pitié de personne ; mais, autant que le permet l’humaine vertu, il s’efforcera de bien faire, comme on dit, et d’être dans la joie. A cela s’ajoute que celui qui est facilement apitoyé et qui est ému par le malheur ou les larmes d’autrui, fait souvent des choses dont il se repend plus tard : tant parce que nous ne faisons par sentiment rien que nous sachions avec certitude être bon, que parce que nous sommes facilement trompés par de fausses larmes. Et je parle expressément ici de l’homme qui vit sous la conduite de la Raison. Car, qui n’est poussé ni par la Raison ni par la pitié à être secourable aux autres, on l’appelle justement inhumain, car il paraît ne pas être semblable à l’homme. »
Ethique, IV, De la servitude humaine.
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Troisième grain du jour.
Quelle bonne idée d’avoir mis ces trois textes en perspective !
Pour continuer avec mon lacanisme, juste l’exemple d’une de
ses équivoques corroborant une certaine méfiance concernant
la philanthropie. Il évoque le cas d’une femme messe-haine (mécène)
qui avait proposé à Joyce de lui offrir une psychanalyse avec Jung
(Livre XXIII. Séminaire le Sinthome), soulignant ainsi comme
il le fit à de nombreuses reprises, la part de haine recélée
dans l’altruisme.
Ceci n’est toutefois pas l’apologie de l’égoïsme
et de l’individualisme. Partageons, en effet notre courage,
notre désir de persévérer dans notre être, notre santé et notre joie !
Je ne crois pas aux révolutions mais à cette diffusion-là, j’y crois profondément.
Je rajoute, décidément très bavarde aujourd’hui,
que c’est ce que je nomme incarnation.
Je n’avais pas poursuivi la conversation, suite à une de vos précédentes
et intéressantes réponses concernant la pensée désincarnée de Socrate.
Il me semble que Socrate est entendu, précisément en tant que sa pensée est incarnée.
Elle est portée par un désir, une joie, une manière d’être au monde,
jusqu’à sa mort, en parfaite cohérence avec sa pensée.
Ceci est, selon moi, incarnation d’une pensée.
Et peut-être aussi, étiez-vous écoutée et entendue
de vos élèves, précisément pour ses raisons-là.
( les enseignants sans désir ne peuvent rien transmettre..
c’est cela aussi le transfert…je reviens à nos propos,
je ne sais plus où ils sont, c’est un peu incongru
à cet endroit-là mais je suis mon fil)
Bien à vous, PH
Oui, je vous suis entièrement dans ce que vous affirmez.
Je voulais simplement dire que ce que Socrate incarne, et c’est parce qu’il l’incarne que son message a eu et continue d’avoir le rayonnement que l’on sait, c’est l’effort de libérer la pensée (l’oeil de l’âme pour parler comme Platon) de son inscription dans une prison physiologique, affective, sociale etc. En termes métaphoriques, il s’efforce de sauver la pensée des effets aliénants de l’incarnation au sens où celle-ci signifie prison du corps (image platonicienne du corps-tombeau), souveraineté du pathos, puissance des intérêts mondains etc.
L’intentionnalité philosophique implique une ascèse sans laquelle la philosophie dégénère en idéologie, en rationalisation d’un pathos, en sophistique, etc. bref en tout ce à quoi voudraient la réduire les philosophies du soupçon (Marx, Nietzsche, Freud et tous nos déconstructeurs à la mode).
PS: Pour ce qui est de cet article, mon intention était seulement de mettre en perspective les textes des trois auteurs. Ce qui n’a pas échappé à votre perspicacité car si je m’étais proposé de faire un développement sur la philanthropie, il y aurait beaucoup eu à dire!
Bien à vous.
J’aimerais rajouter une réflexion. Ce qui pousse parfois les hommes à la philanthropie, plus que la crainte, est parfois le simple et pur égoïsme. Je parle de la satisfaction personnelle qu’on retire du fait d’avoir accompli quelque chose de bien, de moral, de vertueux mais qui n’est en réalité motivé que par l’espoir de satisfaire sa conscience plus que de faire le bien…
Bonjour,
Je suis très choqué par ces textes.
J’ai un profonde admiration pour ces trois auteurs et c’est toujours un plaisir de les lire.
C’est une façon de philosopher qui mérite d’être connue, étudiée, digérée, métabolisée.
Mais elle me choque profondément…
La philosophie du moi n’est pas une éthique. Seule la présence de l’autre implique une éthique; seule l’éthique est véritablement philosophie.
Bonjour
Manifestement vous ne semblez guère comprendre la grandeur d’âme que révèlent ces textes.
Cela n’a rien à voir avec « une philosophie du moi ». L’éthique ici magnifiée par ces auteurs est aux antipodes d’une idolâtrie du moi. Elle souligne au contraire que l’homme est autre chose qu’un pauvre « moi » pétri d’affects lui permettant de se conférer à peu de prix une dignité et une bonté.
Bien à vous.
Bonjour,
merci de m’avoir répondu. Je ne doute pas de la granduer du projet soutenu par ces hommes.
Je les respecte ne fût-ce que pour le travail qu’ils ont produit, auquel ils ont consacré une grande partie de leur vie; au péril de leur vie même quand je pense à Spinoza qui a été agressé par un fanatique.
Je suis en réalité plus inquiet que choqué.
La raison est nécessaire à toute démarche sincère masi possède-t-on réellement la connaissance de tous les facteurs intervenant dans ce qu’on appelle la raison?
Quid des affects?sentiments?passions? et autre inconscients?
Comment peut-on se connaitre réellement?
Derrière le conatus est-ce qu’on ne retrouve pas la volonté de puissance?
Bien à vous
Bonjour
Permettez que je ne rebondisse pas sur votre message car je ne vois pas de rapport immédiat entre le soupçon de la fausse innocence de la raison et la problématique abordée dans cet article, à savoir: Qu’en est-il de la philanthropie envisagée du point de vue d’une éthique de la vertu?
Bien à vous.
Bonjour,
merci de m’avoir répondu.
Cordialement.