« La nature a voulu que l’homme tire entièrement de lui-même tout ce qui dépasse l’agencement mécanique de son existence animale et qu’il ne participe à aucun autre bonheur ou à aucune autre perfection que ceux qu’il s’est créés lui-même, libre de l’instinct, par sa propre raison.
La nature, en effet, ne fait rien en vain et n’est pas prodigue dans l’usage des moyens qui lui permettent de parvenir à ses fins. Donner à l’homme la raison et la liberté du vouloir qui se fonde sur cette raison, c’est déjà une indication claire de son dessein en ce qui concerne la dotation de l’homme. L’homme ne doit donc pas être dirigé par l’instinct; ce n’est pas une connaissance innée qui doit assurer son instruction, il doit bien plutôt tirer tout de lui-même. La découverte d’aliments, l’invention des moyens de se couvrir et de pourvoir à sa sécurité et à sa défense (pour cela la nature ne lui a donné ni les cornes du taureau, ni les griffes du lion, ni les crocs du chien, mais seulement les mains), tous les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable, même son intelligence et sa prudence et aussi bien la bonté de son vouloir, doivent être entièrement son œuvre. La nature semble même avoir trouvé du plaisir à être la plus économe possible, elle a mesuré la dotation animale des hommes si court et si juste pour les besoins si grands d’une existence commençante, que c’est comme si elle voulait que l’homme dût parvenir par son travail à s’élever de la plus grande rudesse d’autrefois à la plus grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de penser et par là (autant qu’il est possible sur terre) au bonheur, et qu’il dût ainsi en avoir tout seul le mérite et n’en être redevable qu’à lui-même; c’est aussi comme si elle tenait plus à ce qu’il parvînt à l’estime raisonnable de soi qu’au bien-être. Car dans le cours des affaires humaines, il y a une foule de peines qui attendent l’homme. Or il semble que la nature ne s’est pas du tout préoccupée de son bien-être mais a tenu à ce qu’il travaille assez à se former pour se rendre digne, par sa conduite, de la vie et du bien-être [...] »
Kant. Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique.1784. Troisième proposition.
Idées générales
L’homme et le monde dans lequel se déploie son existence ne sont pas des données naturelles. Ils sont œuvre humaine. Le naturel chez l’homme, c’est son organisme avec ses deux attributs spécifiques : le cerveau, organe de l’intelligence ou de la raison et la main. Or avec l’intelligence et la main, l’évolution cesse d’être ce qui aboutit à l’homme pour devenir ce qui en part. La raison et la main marquent ce moment où l’évolution se transforme en histoire.
Kant nous invite à penser ce fait. Quel est le sens de notre humaine nature ? Pourquoi avons-nous été dotés de la main et de la raison ? L’interrogation porte sur la finalité de l’être que nous sommes. Est-elle la même que celle de l’animal ? En quoi consiste cette dernière et si d’aventure celle-ci n’épuise pas le sens de l’existence humaine, quelle est la finalité propre de l’être doué d’une raison et d’une main ? Comme il s’agit d’une dotation naturelle, l’homme tirant tout de lui-même sauf sa raison et sa main, la réflexion est nécessairement conduite à prendre pour objet la nature. Que faut-il entendre par là et comment Kant l’envisage-t-il ?
I) La notion de nature : le problème posé par la finalité.
Par nature, on entend l’ensemble du règne minéral, végétal, animal considéré comme une totalité ordonnée par des lois. Le propre d’un être naturel est de posséder en lui-même son principe d’existence et d’organisation. La nature s’oppose, en ce sens, à l’art ou à la technique. « L’art est principe en autre chose, la nature dans la chose même » écrit Aristote.
Ex : La voiture est un objet technique ayant son principe de production extérieur à elle dans l’homme qui l’a conçue et fabriquée. L’arbre est un objet naturel ayant son principe de production et de croissance en lui. Celui-ci est immanent à la matière qu’il organise.
Kant envisage ici la nature comme principe de production déterminant l’émergence et le développement d’un être et il propose de le penser comme processus finalisé. Le finalisme est un système de représentation hérité des Anciens, en particulier d’Aristote. Pour ce philosophe la nature est conçue sur le modèle de l’artisan. Lorsque celui-ci produit, il forme un projet (un dessein), se représente une fin et met en œuvre les moyens propres à l’atteindre. Dans ce type d’action, c’est le conséquent qui détermine les antécédents, la fin qui détermine les moyens. La fin est dite « cause finale » des moyens dont elle est en termes mécaniques le résultat ou l’effet. L’oiseau a des ailes pour voler, l’homme a une main et une raison pour accomplir certaines fins. «Toutes les dispositions naturelles d'une créature sont destinées à se développer un jour complètement et conformément à une fin. Cela se vérifie chez tous les animaux, aussi bien par l'observation externe qu'interne ou anatomique. Un organe qui ne doit pas avoir d'usage, un agencement qui n'atteint pas sa fin, sont une contradiction dans l'étude téléologique de la nature » dit la première proposition
Le finalisme revient donc à prêter à la nature une intention. C’est bien ce que fait Kant ici en disant : « la nature a voulu », en parlant d’un « dessein de la nature » ou en se réappropriant la formule aristotélicienne : « la nature ne fait rien en vain ». Par là, Aristote signifiait que les productions naturelles ne sont pas l’effet du hasard ou d’une causalité aveugle. Elles ont une raison d’être, celle-ci étant la fin qu’elles ont vocation à réaliser.
On peut s’étonner de voir Kant recourir à l’idée « d’un dessein de la nature ». En effet dans la Critique de la raison pure, il a démontré que l’idée de dessein naturel ou d’ordre téléologique est un sophisme. On ne peut pas user de la finalité comme d’un principe constitutif d’une connaissance objective. Au contraire la science a conquis sa scientificité en renonçant à l’explication finaliste et en dénonçant en celle-ci une illusion anthropomorphique. Car la matière n’ayant pas de profondeur psychique ne peut avoir ni intention ni volonté. Tout ce qui se produit en elle est l’effet d’une causalité aveugle, les effets étant des résultats non des visées ou des fins. Ainsi, un organe peut ne pas avoir de fonction ( Ex: l'appendice), les espèces animales, espèce humaine comprise, que le processus de l'évolution fait surgir ne correspondrent à aucune intention. Elles n'ont aucune raison d'être. Ce sont des effets mécaniques engendrant eux-mêmes d’autres effets. Par présupposé méthodologique la science a substitué le modèle mécanique au modèle finaliste. Kant n’en discute pas la légitimité.
Mais dans la réflexion sur l’histoire il ne s’agit pas d’élaborer une science ou une connaissance objective. Il s’agit seulement d’interroger le sens de notre aventure en la prenant comme un tout. En termes kantiens il s’agit de PENSER non de CONNAÎTRE. Aussi si le savant doit s’interdire tout recours à la finalité, le penseur peut en faire un usage légitime à condition de l’envisager comme « un principe régulateur » n'ayant qu'une valeur heuristique et de se demander sous la réserve d’un « tout se passe comme si » s’il n’y a pas un sens caché dans le jeu mécanique des causes et des effets. (Cf. La répétition dans le texte de l'expression: c'est comme si la nature voulait, c'est comme si elle tenait).
PB : Quel dessein à l’œuvre dans la nature est-il possible de discerner lorsqu’on réfléchit sur ce que nous sommes ?
On voit par cette question que si le savant renonce à poser la question du sens (et de la valeur) le penseur se reconnaît à son souci de questionner le sens.
Quelle signification conférer au fait que l’homme est l’être doué d’une raison et d’une main ?
II) La thèse kantienne et ses justifications.
A) La thèse.
En dotant l’homme de la raison et non d’un instinct la nature a voulu non seulement qu’il invente les moyens de son existence mais aussi qu’il se donne des fins relatives à sa nature d’être libre. L’économie apparente de la dotation humaine est l’envers de son éminente dignité, une dignité qu’il paye très cher en efforts et en peines mais qui révèle sa véritable destination Sans doute a-t-il comme tous les êtres naturels une finalité naturelle (son adaptation, la satisfaction de ses besoins, en un mot le bien-être ou le bonheur) mais cette dernière n’épuise pas le sens de sa vie. En qualité d’être raisonnable l’homme a à se donner une fin spécifique à savoir une fin éthique. Sa vocation est moins d’être heureux que de se rendre digne de l’être.
B) Justifications.
1) L’opposition raison – instinct.
L’approfondissement de cette distinction constitue l’essentiel du texte. Tout ce qui caractérise l’ordre anthropologique est décrit par rapport à ce qui spécifie une existence régie par l’instinct.
- « L’homme ne doit donc pas être dirigé par l’instinct ». « Ce n’est pas une connaissance innée qui doit assurer son instruction ».
- « La nature ne lui a donné ni les cornes du taureau ni les griffes du lion ni les crocs du chien mais seulement des mains».
Le « doit » de ces formules ne dénote pas une prescription morale, il énonce ce qui découle nécessairement de l’aptitude raisonnable. Kant, en effet, ne réfléchit pas sur ce qui doit être, il analyse ce qui est. Puisque l’homme est doté de la raison, tout ce qui chez l’animal procède de l’instinct lui fait défaut. Il y a là une manière de pointer la différence de nature entre l’ordre humain et l’ordre animal. Avec l’instinct et l’intelligence, comme le théorisera Bergson, l’évolution prend deux voies radicalement différentes. La rigidité mais la réussite immédiate d’un côté, la souplesse mais les tâtonnements, les échecs, la rudesse initiale de l’autre ; l’immuabilité d’un côté, la perfectibilité de l’autre.
« La force immanente à la vie a dû hésiter entre deux modes d’activité psychique, l’un assuré du succès immédiat mais limité dans ses effets, l’autre aléatoire mais dont les conquêtes, s’il arrivait à l’indépendance, pouvaient s’étendre indéfiniment. Le plus grands succès fut d’ailleurs remporté ici encore du côté où était le plus gros risque. Instinct et intelligence représentent donc deux solutions divergentes, également élégantes, d’un seul et même problème (celui de l’adaptation) » L’évolution créatrice.
Avec Kant cette divergence est interprétée comme déterminisme d’un côté, liberté de l’autre. D’emblée la raison est liée à la liberté. « Donner à l’homme la raison et la liberté du vouloir qui se fonde sur cette raison » lit-on.
PB : qu’est-ce que la liberté et pourquoi sa condition de possibilité réside-t-elle dans la raison ? Est libre le sujet non déterminé par une causalité extérieure à sa propre volonté mais se déterminant lui-même de manière autonome. Cette aptitude suppose une capacité de choix entre divers possibles or ne peut choisir entre des possibles que l’être disposant de la faculté de se les représenter. La raison est ce pouvoir de représentation par lequel l’homme peut s’affranchir des déterminations du réel pour se projeter vers le possible, le souhaitable, l’exigible et pour fonder dans ce pouvoir le principe de sa conduite. Ainsi que l’écrit Kant : « Toute chose dans la nature agit d’après des lois. Il n’y a qu’un être raisonnable qui ait la faculté d’agir d’après la représentation de lois, c’est-à-dire d’après des principes, en d’autres termes qui ait une volonté ».
Parce qu’il est porteur d’une raison l’homme n’est pas soumis à la nécessité des lois naturelles tant dans les modalités de son action que dans ses fins. « Il est libre de l’instinct » dit l’auteur.
On peut entendre par instinct la pulsion naturelle. Celle-ci détermine intégralement le comportement animal. Ce n’est pas le cas chez l’homme. Celui-ci norme l’expression de ses pulsions parce qu’en tant que raison il se représente ce qui doit être et soumet ce qui est à cette exigence. Il n’est pas asservi à la loi naturelle, il se donne lui-même sa propre loi. Il n’agit pas par pulsion, il agit par volonté. (Cf. Les interdits alimentaires normant la pulsion alimentaire, ou les interdits sexuels comme la prohibition de l’inceste pour la pulsion sexuelle).
Mais le mot désigne surtout ici le comportement automatique et inconscient des animaux caractérisé par un ensemble d’actions déterminées, héréditaires, spécifiques, ordonnées à la conservation de l’espèce ou de l’individu. L’instinct exclut la liberté. La fin poursuivie par l’animal n’est pas choisie, les moyens propres à la réaliser sont des gestes stéréotypés que l’animal accomplit sans réflexion. En lui la nature accomplit sa propre nécessité dans des opérations restant de part en part naturelles. Nulle invention, nul progrès dans le monde animal et cela est, en un sens, le signe de sa perfection. Il n’a pas besoin de se perfectionner puisqu’il est d’emblée adapté. « Par son instinct un animal est déjà tout ce qu’il peut être, une raison étrangère a déjà pris soin de tout pour lui. Mais l’homme doit user de sa propre raison. Il n’a point d’instinct et doit se fixer lui-même le plan de sa conduite ».
PB : Faut-il le déplorer et voir dans ce fait, à la manière du mythe de Prométhée raconté par Protagoras, une étourderie, une imprévoyance de la nature ? Tout en insistant, à l’instar du mythe, sur l’économie de la dotation humaine, (l’homme ne dispose pas d’une connaissance innée, il n’a que des mains) ce texte renverse l’interprétation sophistique. L’homme n’est pas une erreur de la nature, il est l’être dans lequel elle s’accomplit sous sa forme la plus noble. Tout se passe comme si un génie avait bien fait les choses. L’homme n’est qu’apparemment le plus démuni des animaux. En réalité ce déficit d’instinct est sa chance car c’est le fondement de son exceptionnelle aventure et surtout de sa dignité.
2) L’homme a l’honneur d’être à lui-même sa propre œuvre.
Rien ne lui est donné. Il doit tout conquérir à la sueur de son front. A l’aube de l’histoire de l’espèce humaine ou à la naissance de chaque individu, l’homme est un candidat à l’humanité mais un candidat seulement. Il a des dispositions mais celles-ci doivent être développées pour parvenir à la pleine réalisation d’elles-mêmes. Or cet accomplissement jamais achevé est œuvre collective. Il implique un temps sans commune mesure avec celui qui est dévolu à l'existence individuelle. Il suppose des exercices, des apprentissages, une instruction dans lesquels la dimension historique est essentielle. Il n’est pas indifférent de naître à l’âge de Neandertal ou à celui de l’ordinateur. En cultivant ses aptitudes pour atteindre ses fins, l’homme transforme son milieu, produit des œuvres techniques, intellectuelles, artistiques, institutionnelles et par là se transforme lui-même. La longue suite des générations ne laisse pas l’homme inchangé. On observe une évolution au cours du temps et même un progrès. Les outils de l’homme moderne sont infiniment plus performants que les outils de Cro-Magnon, son mode de pensée moins frustre, ses mœurs plus raffinées. Il y a bien un mouvement permettant d’affirmer que par ses efforts, l’homme « s’élève de la plus grande rudesse d’autrefois à la plus grande habileté, à la perfection intérieure de son mode de pensée ».
D’où la dialectique : la culture, l’histoire qui sont des produits de l’activité humaine sont en retour ce qui la modifie. L’homme est bien à lui-même sa propre production. Il tire tout de lui-même sauf ce par quoi cela est possible : sa raison et sa main, mais ces aptitudes portent en creux le mouvement de la culture et de l’histoire. Comme toutes les dispositions, elles n’actualisent que progressivement leurs potentialités. Elles témoignent en tout cas que l'homme n'est pas déterminé à être ce qu'il est. Sa nature est originairement indéterminée. C'est une somme de possibles qu'il lui revient de déployer dans tel ou tel sens.
Prenons la main. En disant : « il n’a que la main », Kant souligne qu’à la différence des griffes ou des crocs la main n’est pas un organe spécialisé dans une fonction. C’est pourquoi elle peut en accomplir une infinité, toutes celles que l’intelligence lui assigne. Ce qui fait une main c’est son usage intelligent. Sa fonction est d’être instrumentalisée. Elle est disponible anatomiquement et physiologiquement. L’homme peut en faire une pince, un marteau, un crochet mais aussi un instrument d’exploration de la distance du monde ou de la rencontre de l’autre dans la caresse ou le signe adressé à une autre conscience. Elle est bien comme le disait Aristote, un outil et même « un instrument d’instruments » puisqu’elle permet de fabriquer d’autres outils. Les organes animaux, au contraire, ne sont pas de vrais outils car l'animal n'a pas le pouvoir de les instrumentaliser. Il est pris en eux, il ne peut pas les prendre, en jouer pour la bonne raison qu’il ne peut ni s’en déprendre ni les reprendre.
3) La double finalité de l’existence humaine.
L’homme est donc bien libre de l’instinct. D’où l’urgence de réfléchir sur le sens de son aventure. Faut-il penser à la manière de Protagoras que la raison supplée, dans une vie humaine, l’instinct et que sa fonction est la même que celle de l’instinct chez l’animal : assurer l’adaptation et la conservation de l’espèce? Autrement dit la raison est-elle totalement engluée dans le cycle vital ou la nécessité biologique ? De toute évidence les analyses précédentes veulent montrer que non. « Libre de l’instinct » l’homme l’est dans la mesure où il est capable d'inventer les moyens de son action mais aussi de se donner toutes sortes de fins ; aussi bien la poursuite d’un but utile (les activités utilitaires) qu’un but désintéressé (les activités libérales). Il peut être technicien ou artiste, physicien, philosophe ou prêtre.
La raison est fondamentalement liée à la liberté . Certes comme l’animal, l'homme doit assumer la nécessité vitale. Il est contraint lui aussi de pourvoir à la satisfaction de ses besoins. Si on appelle bonheur (ou bien-être pour l’animal) la satisfaction des besoins et des désirs, alors il faut dire que l’aspiration au bonheur est une tendance commune aux hommes et aux animaux. Le bonheur est une finalité propre aux espèces animales.
Mais si le bonheur était la seule finalité de l’existence humaine, pourquoi la nature nous aurait-elle engagés dans la douloureuse aventure qui est la nôtre ? Car outre qu’avec la conscience, le besoin devient désir, c’est-à-dire dynamisme beaucoup plus difficile à combler, l’homme ne peut atteindre ses buts que par le travail. Or travail implique efforts, souffrances. La transformation de l’homme et du monde par le travail n’est pas un chemin de délices. « Une foule de peines attendent l’homme ». Il est dur de tout devoir tirer de soi. Songeons que même les divertissements qui peuvent rendre la vie agréable sont conquis de haute lutte. Le moindre spectacle, les plaisirs du sport, de l’art coûtent cher en sacrifices et en douleurs. La nature semble nous avoir destinés à la conquête plus qu’à la jouissance proprement dite des fruits de notre labeur. A bien observer les choses, on a l'impression qu'on est moins fait pour être heureux que pour promouvoir par notre effort les conditions d'un bonheur mérité. Et cette observation va dans le sens des requêtes de la conscience commune. Pour chacun le bonheur est un bien et une aspiration naturelle, mais on s'indigne lorsqu'on constate que tout réussit à un paresseux et à un méchant alors qu'un homme vertueux peut être accablé par les coups du sort. Cela ne signifie-t-il pas que les hommes conçoivent le bonheur comme ce qui devrait être la récompense du mérite moral? Ils subordonnent donc la finalité naturelle (le bonheur) à une finalité plus élevée, une finalité éthique, décrite ici comme « mérite », « estime de soi » ?
En effet l’homme s’estime légitimement lorsqu’il a accompli son devoir dit Kant. Il s’estime lorsque sa conduite ou son être incarne une valeur, lorsqu’il soumet sa conduite à une loi dans laquelle il peut contempler le visage de ce qui le constitue comme une dignité. Cette loi est la loi morale que la raison est capable de se représenter. Il s'ensuit que tout se passe comme si la raison avait sa finalité spécifique ; une finalité éthique : construire un monde dans lequel les exigences de la raison, celles de la liberté et de la moralité triomphent des obstacles qu’elles ont à surmonter. Tout se passe dit le texte comme si la nature «tenait plus à ce qu’il parvînt à l’estime raisonnable de soi qu’au bien-être»
Conclusion :
La fin d’un être raisonnable ne peut pas être la même que celle de l’être dépourvu de raison. Kant nous demande de réfléchir sur le sens de notre condition. A quoi bon la raison si l’instinct pouvait pourvoir à notre destination? Ne faut-il pas le suivre lorsqu’il nous rappelle à notre destination éthique ? N’est-il pas vrai que nous sommes autre chose qu'un animal et que si nous aspirons au bonheur, celui-ci nous semble être une finalité subordonnée à une finalité plus haute ? Tout se passe comme si en droit le bonheur devrait être la récompense du mérite.
Texte complémentaire à lire.
« Pour assigner à l’homme sa classe dans le système de la nature, et pour le caractériser, il ne reste que ceci : il a un caractère qu’il se crée à lui-même, car il a le pouvoir de se perfectionner selon des buts qu’il a choisis lui-même. C’est pourquoi à partir d’un animal capable de raison (animal rationabile), il peut faire de lui-même un animal raisonnable (animal rationale); et par là, en premier lieu, il se conserve, lui et son espèce; deuxièmement, il donne à cette espèce une pratique, un enseignement, et une éducation qui le destine à la société familiale ; troisièmement, il la gouverne comme un tout systématique (ordonné selon les principes de la raison) qui est nécessaire à la société. Mais si on la compare à l’idée des êtres raisonnables possibles sur la terre, voici ce qui caractérise, par excellence, l’espèce humaine : la nature a placé en elle le noyau de la discorde et voulu que sa propre raison en tire la concorde, ou du moins ce qui en approche constamment; cette concorde est dans l’idée le but, la discorde est, selon le plan de la nature, le moyen d’une sagesse très haute, pour nous impénétrable : ii s’agit de perfectionner l’homme par le progrès de la culture bien qu’au prix de plus d’un sacrifice dans les joies de la vie. Parmi les vivants qui habitent la terre, on peut facilement reconnaître que l’homme, par sa disposition technique (aptitude mécanique doublée de conscience), par sa disposition pragmatique (utiliser habilement les autres hommes à ses fins) et par sa disposition morale (agir à l’égard de soi et des autres selon le principe de la liberté, conformément à des lois est visiblement distinct des autres êtres naturels : et l’un de ces trois niveaux suffit à caractériser l’homme par opposition aux autres habitants de la terre.
I. La disposition technique : […]
Ce qui caractérise l’homme comme animal raisonnable se trouve dans la forme et l’organisation de sa main, de ses doigts et de ses dernières phalanges et réside en partie dans leur structure, en partie dans la délicatesse de leur sensibilité ; en cela la nature a rendu l’être humain capable, non d’un seul type mais de toutes les formes de manipulation, et l’a rendu par conséquent susceptible d’utiliser la raison, montrant par là que sa disposition technique ou son habileté sont celles d’un animal raisonnable.
II. La disposition pragmatique est d’un niveau plus élevé; il s’agit du progrès de la civilisation par la culture, surtout la culture des qualités sociales et du penchant naturel dans l’espèce à échapper par les rapports sociaux à la brutalité de la force solitaire, et à devenir un être policé (pas encore moral cependant) et destiné à la concorde. — Cet homme est susceptible et a besoin d’une éducation aussi bien sous la forme de l’enseignement que de la répression (discipline). Une question se pose alors (avec ou contre Rousseau) t est-il plus facile de découvrir le caractère de l’espèce humaine selon ses dispositions naturelles, dans la rusticité de sa nature ou dans les artifices de la culture dont on ne peut apercevoir le terme ? — Avant tout, il faut remarquer que chez tous les autres animaux livrés à eux-mêmes, chaque individu atteint sa destination entière ; mais chez les hommes, seule l’espèce peut atteindre ce résultat de telle sorte que la race humaine ne peut s’efforcer vers sa destination que par le progrès au long d’une série d’innombrables générations. Pour elle le but demeure toujours en perspective ; et malgré bien des entraves cette tendance vers un but final ne fait jamais retour en arrière.
III. La disposition morale. La question est de savoir si l’homme par nature est bon ou mauvais, ou si, par nature, il peut être l’un ou l’autre selon la main qui l’a façonné. Dans ce cas, l’espèce elle-même n’aurait pas de caractère. — Mais il y a là une contradiction; car un être doué d’une faculté de raison pratique, et de la conscience que sa volonté est libre (cet être est une personne) se voit dans cette conscience même, au milieu des représentations les plus obscures soumis à la loi du devoir et affecté du sentiment (qu’on appelle le sentiment moral) qu’il est objet ou instrument de la justice et de l’injustice. Tel est le caractère intelligible de l’humanité en général, et dans cette mesure l’homme, selon ses dispositions innées, est bon par nature. Pourtant l’expérience montre un actif désir de l’illicite, bien qu’on sache que c’est illicite, c’est-à-dire un désir du mal ; penchant qui s’éveille infailliblement aussitôt que l’homme commence à faire usage de sa liberté t pour cette raison, on peut considérer ce penchant comme inné ; ainsi l’homme à cause de son caractère sensible peut être considéré comme méchant par nature si on parle du caractère de l’espèce : car on peut considérer que sa destination naturelle consiste dans le progrès continu vers le mieux »
Voici au total à quoi parvient l’anthropologie pragmatique en ce qui concerne la destination de l’homme et les caractères de son perfectionnement. L’homme est destiné par sa raison à former une société avec les autres et dans cette société à se cultiver, à se civiliser et à se moraliser par l’art et par les sciences ; aussi fort que soit son penchant animal à s’abandonner passivement aux attraits du confort et du bien-être, qu’il appelle félicité, sa raison le destine au contraire à se rendre digne de l’humanité dans l’actif combat contre les obstacles qu’oppose la grossièreté de sa nature.
II faut donc à l’homme une éducation; mais celui qui a tâche de l’éduquer est aussi un homme, affecté par la grossièreté de sa nature, et il doit produire chez l’autre ce dont il a lui-même besoin. C’est pourquoi l’homme dévie constamment de sa destination et qu’il y revient toujours à nouveau »
Kant. Anthropologie du point de vue pragmatique. 1798. Vrin, 1991, trad. Michel Foucault, p. 161 à 164.
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« l’instinct et l’intelligence représente deux solutions divergentes également élégantes d’un seul et même problème
Avec Kant cette divergence et interprétée comme déterminisme d’un côté, liberté de l’autre. »
Quand Kant explique que l’intelligence dont l’homme est le bénéficiaire parmi les animaux fait partie du ‘dessein de la nature’, cela n’est-il pas un déterminisme en soi ?
En espérant que vous pourrez éclairer ma lanterne.
cdlt
Par ailleurs serait-il possible d’intégrer dans vos textes des marques de ligne.
De façon à avoir des points de repères sur vos textes et de citer plus simplement les passages qui questionnent ?
Bonjour
PENSER la nature comme un système organisé de fins ne conduit pas à supprimer l’hétérogénéité des ordres qu’elle englobe.
Or l’ordre anthropologique se distingue de l’ordre strictement animal par la possibilité de la liberté inscrite en creux dans ce don de la nature que sont la raison et la main.
Il n’y a donc aucune légitimité à réduire l’ordre naturel à une seule de ses dimensions (le déterminisme). L’usage que Kant fait dans ce texte de la notion de nature n’est pas un usage scientifique. Il est métaphysique au sens où il dit que la métaphysique est la discipline du « comme si ».
Il s’ensuit qu’interpréter le fait de la liberté comme dessein de la nature ne revient pas à se contredire en la réinscrivant dans un processus de détermination.
NB: Pour ce qui est de votre requête, la ponctuation me semble bien suffisante pour disposer de points de repères dans la lecture et l’exploitation des textes.
Bien à vous.
Bonjour,
J’entends ce que vous dites. Merci pour vos éclaircissements.
Bien à vous.
Bonjour ! Merci beaucoup pour cette explication, limpide bien que complexe ! Bonne continuation, encore bravo,
Candice
Bonjour j’ai un devoir à faire sur le texte de Kant et j’ai comme question L’homme peut-il devenir un humain tout seul et sans la nature?
pouvez vous m’aider s’il vous plait
Merci, d’avance
Bonjour
Ce site n’est pas un site d’aide aux devoirs.
Mais il me semble qu’il vous fournit tout ce qu’il faut pour élucider votre question.
Bon travail.
Bonjour… Tous ces questionnement m’intéresse, je suis moi-même entrain d’écrire, je suis plutôt autodidacte, mais mes connaissances sont disparates, assez lacunaires sur certaines questions, ma fois mon but est tout autant d’exposer mes ideés que de les développer et les travailler à travers l’écriture… Cherchant à travers le WEB sur les questions de la conscience humaine, la nature et le dessein particulier qui est le siens, je tombe sur ce blog, sur le quel je reviens souvent, il est très riche, MERCI!… alors j’ose vous soumettre le passage de mon livre que je travail actuellement (tout est encore en germination et sans doute plein de faute je vous prie de m’en excuser)… peut-être voudrez vous le commenter…
Bonjour
Je suis désolée mais je n’ai pas vocation à être un correcteur.
Tous mes vœux de réussite dans la réalisation de votre projet.
Bien à vous.
Bonjour Prof. Simone MANON !
A travers ce mail, je cherche à discuter avec vous concernant la philosophie de Kant; notamment sur la destination de l’homme à travers l’anthropologie de la liberté (s’il y a ) et le postulat de Dieu.
Je suis étudiant en philosophie à l’ université pontificale (U.P.S)à Rome.
A Bientôt.
HUBERT BIENVENU
Intéressant
Bonjour,
Ce que vous dites me semble très intéressant. Merci d’avoir présenté et partagé un tel article.
Mais s’agit-il d’une destination naturelle ou d’une destination « artificielle » pour l’être doué de raison et de main? C’est-à-dire, en quoi consiste vraiment cette idée de destination selon Kant? vous voyez ce que je veux dire.
Bonjour
Il me semble que le texte kantien et son explication ne présentent aucune ambiguïté sur ce point. La main étant une dotation naturelle, la nature de sa destination va de soi. Il vous suffit de relire le texte et le commentaire pour éclairer votre lanterne.
Bien à vous.
Bonjour Simone,
les pages de l’APP auxquelles vous faites référence dans l’édition citée sont p. 261-264 et non p. 161-164 : rectification à qui veut retrouver le texte, le lire et l’approfondir !
Bien à vous,
Lucie
Bonjour Lucie
Vous ne devez pas consulter la même édition, car mes références sont exactes.
La publication du texte chez Vrin (1991) ne comporte d’ailleurs que 174 pages.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Tout d’abord, merci pour ce blog très éclairant qui me dépanne bien souvent.
J’aurais une question à propos d’Aristote. Il me semble qu’Aristote ne cesse d’affirmer que l’art imite la nature et non pas l’inverse; et que la finalité naturelle est selon lui non-consciente; la nature ne délibère pas; elle ne se représente pas par avance la fin visée; je reprends ici la lecture de JM Lerner.
Le finalisme qui lui est attribué n’est-il pas une déformation de sa pensée de la finalité naturelle. N’est-ce pas le modèle mécanique utilisé pour comprendre la nature au 17ème siècle qui va rendre le finalisme aristotélicien inintelligible? En somme, il n’y aurait rien dans la pensée d’Aristote comme l’attribution d’une causalité d’après des idées, c’est-à-dire une nature technicienne. Ce serait l’art qui serait naturel, comme imitation de la finalité naturelle, mais une imitation très inférieure à son modèle, en raison justement de la réflexion qui pense la fin avant de l’accomplir.
Bien cordialement!
Un collègue
Bonjour
Que le finalisme aristotélicien soit un finalisme immanent à la nature n’empêche pas qu’il s’agisse d’un finalisme, c’est-à-dire d’une représentation impliquant l’idée que c’est le conséquent qui détermine l’antécédent et non l’inverse.
Dans la Physique, il écrit:
« La forme étant une fin, et tout le reste s’ordonnant en vue de la fin et du but, on peut dire que la forme est le pourquoi des choses et leur cause finale. »
Expliciter ce présupposé ne revient pas à « déformer » la conception aristotélicienne de la finalité naturelle, simplement à en souligner l’implicite.
https://www.philolog.fr/aristote-la-main-et-lintelligence/
L’art imite en effet la nature pour notre philosophe. Il imite la nature naturante dans ses opérations créatrices, il donne forme à une matière comme si son geste consacrait l’union de deux essences à la manière des productions naturelles: celle de la matière informe (son substrat) et de la forme.
« Si donc les choses conformes à l’art le sont en vue d’une fin, il est clair que les choses conformes à la nature le sont aussi »
Ainsi il y a des ratés dans les productions naturelles comme il y en a dans les productions artistiques. En témoignent les monstres. Ce sont « des erreurs de ce qui advient en vue d’une fin ». Tout se passe comme si la résistance de la matière mettait en échec la forme, l’empêchait de se réaliser dans sa perfection.
Que le principe de production soit extérieur à la matière (l’art) ou interne (la nature), dans les deux cas il y actualisation d’une fin.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Je vous remercie de votre réponse.
Cependant, que la forme précède ne signifie pas qu’elle soit pensée, qu’elle soit présente dans un esprit qui anticipe par avance ce qui sera produit, comme elle peut l’être dans l’activité technicienne. En somme, la finalité naturelle, pour Aristote, serait inconsciente. Et je ne vois pas ce qui permet de dire que la nature pense la fin dans son processus de naturation.
Si je parle de déformation, c’est au sens où il s’agit alors de rabattre la pensée aristotélicienne sur une conception démiurgique de la nature qui lui est étrangère ou qu’il cherche même à combattre. Le finalisme d’Aristote n’est-il pas un finalisme qui pense la cause finale tout autrement que ne la pensera Kant, c’est-à-dire comme causalité par la représentation de l’effet? Ici, pas de représentation précédant l’effet. La Physique n’est justement pas le Timée.
Les passages de la Physique qui s’appuient sur la finalité dans l’art pour prouver la finalité dans la nature ne signifient pas que la nature agisse comme l’art, c’est-à-dire à partir de la représentation d’une fin; ils ne permettent pas d’inverser le rapport de l’art à la nature. C’est bien l’art qui est et demeure second par rapport à la nature, bien qu’il permette de comprendre la nature dans la mesure où dans l’art les différents sens de la cause peuvent clairement être distingués les uns des autres. L’art est comme un prisme qui permet de décomposer la causalité naturelle. Il me semble discutable de lire dans ces textes un implicite démiurgique.
Bien cordialement.
Un collègue qui cherche à comprendre Aristote (pour l’enseigner)!
Bonjour
Vous avez parfaitement raison de dire que le finalisme aristotélicien n’est pas un finalisme démiurgique mais personne ne le prétend.
Aristote est un naturaliste, le telos dont il est question dans sa physique est un principe de développement immanent et interne aux êtres naturels.
Reste que, comme tout finalisme, il s’expose dans des présupposés qu’il convient d’expliciter aux critiques classiques d’un Lucrèce, d’un Spinoza ou de la science moderne.
Pour ce qui est des rapports de l’art et de la nature, vous avez raison de souligner que pour Aristote l’art imite la nature mais cela ne signifie pas qu’en dernière analyse il ne pense pas la production naturelle sur le modèle de la production technicienne, ce qui est implicite dès lors qu’on inverse l’ordre naturel de la cause et de l’effet.
Bien à vous.
Bonjour Madame,
Merci pour vos éclaircissements et pour la peine que vous vous donnez pour me répondre.
Je n’en reste pas moins en désaccord avec votre interprétation dans la mesure où je ne comprends pas ce qui peut justifier qu’on interprète Aristote selon des présupposés implicites qui sont très précisément à l’inverse que ce qu’il dit explicitement; en somme, selon votre lecture, il faut supposer que lorsque Aristote dit que l’art imite la nature, il pense implicitement la nature selon le modèle de l’art, et donc que la nature imite l’art. Je conçois qu’il soit difficile de penser une finalité non-consciente, non-technicienne qui serait première relativement à une finalité consciente et technicienne, mais à mon sens, cette lecture fait trop violence à la théorie aristotélicienne. Cela dit, j’ai trouvé une lecture assez proche de la vôtre dans le livre que Rémi Brague consacre à Aristote (Aristote et la question du monde); Brague parle de nature démiurgique; mais je suis heurté par cette interprétation; je l’ai toujours attribuée à une imprécision linguistique de Brague qui ne centre pas son propos sur le concept de nature, mais sur celui de kosmos.
Quant à la critique spinoziste du finalisme, elle vise la finalité naturelle; mais ce qui est en question dans les remarques que je vous adresse, ce n’est pas tant la finalité naturelle que la manière dont Aristote la pense.
Les enjeux de cette question dépassent la compréhension de la nature; il va encore s’agir des rapports de la technique avec la nature, comme du sens de la technique. Et à ce point de vue, là encore, il me semble que lire Aristote à la lumière de Descartes, Spinoza ou Kant me paraît une entreprise qui risque de passer à côté de ce que la pensée d’Aristote a de spécifique.
Bien cordialement.
Bonjour cher collègue
Il me semble que vous ne distinguez pas deux perspectives.
D’une part la nécessité d’expliciter la pensée d’un auteur avec le souci de lui être fidèle. C’est le premier travail d’un professeur. Rendre intelligible un auteur au plus près de sa pensée. De ce point de vue votre propos est absolument légitime. Vous mettez en œuvre cette honnêteté intellectuelle qui est la première vertu d’un professeur de philosophie, à savoir d’un médiateur entre la pensée des grands auteurs et les élèves.
D’autre part la nécessité d’ interroger les points aveugles ou l’implicite d’une pensée, ici d’une conception finaliste de la nature. Peu importe qu’il s’agisse d’un finalisme démiurgique ou pas, d’une finalité inconsciente ou pas. Le problème porte sur l’explication finaliste en soi. Ce qui était en jeu dans la première partie de cet article.
Bien à vous.
Bien qu’au seuil de la vieillesse, je fréquente assez souvent votre site avec intérêt et plaisir;
m’étonnant et me réjouissant d’y trouver tant d’explications, d’exposés très clairs et compréhensibles; alors qu’on peut avoir l’impression que bien des philosophes se veulent
volontairement difficiles, obscurs, inaccessibles, hors de portée des méprisables Béotiens qui tentent de les approcher…
Merci et beaucoup de reconnaissance !
Hervé Pichon Toulouse
Bonjour Monsieur
Je vous remercie pour ce sympathique message.
« Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement et les mots pour le dire viennent aisément ».
Boileau a raison. En tout cas la simplicité et la clarté devraient être la première vertu d’un professeur.
Bien à vous.
bonsoir,
je suis en plein recherche d’éclaircissement sur la pensée kantienne, je ne comprend pas la phrase suivante : la nature est possible en tant que mon entendement lui prescris des règles.
merci d’avance
Bonjour
D’abord vous devez corriger votre expression. Ex: je ne comprendS pas; mon entendement lui prescriT
Ce propos n’est intelligible que dans le cadre de la théorie kantienne de la connaissance. Cf. https://www.philolog.fr/lexperience-est-elle-le-fondement-de-la-connaissance-le-criticisme-kantien/
Kant médite ici le concept de nature et établit que comme totalité de l’expérience possible, ce concept ne correspond à aucune intuition empirique ou sensible. Il suppose une totalisation de l’expérience procédant d’une activité synthétique de l’esprit. Comme objets de l’expérience que la science s’efforce d’étudier Kant fait comprendre que leur mise en ordre selon des lois universelles découle elle aussi d’une activité de l’entendement appliquant aux intuitions sensibles ses catégories. Autrement dit l’ordre de la nature tel que la science l’élabore est celui qu’elle met en elle ou le lui prescrit.
Bien à vous.