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Leszek Kolakowski. Photo Mariusz Kubik.  

 
 

   Leszek Kolakowski est mort le vendredi 17 juillet à Oxford. Né en 1927 à Radom, en Pologne, il fut l'un des plus grands philosophes polonais, dont la renommée a largement dépassé les frontières d'un pays qu'il dut quitter en 1968. Il connut dans sa vie et dans sa pensée les déchirements du siècle. D'abord militant communiste, engagé dans l'Union de Combat des Jeunes, il fait peu à peu l'expérience du divorce entre les espérances millénaristes du marxisme et la réalité du marxisme réel. A partir de 1956 il fait le deuil de ses illusions adolescentes et se distingue dans la tâche qui a toujours été celle de la philosophie : non point construction fantasmatique du réel mais analyse critique du donné, travail rigoureux des lumières soucieux de s'affranchir des errements idéologiques et de promouvoir la lucidité.

   Dans la Gazeta Wyborcza l'écrivain et chroniqueur Jacek Bochenski écrit : « Il a initié et gagné la bataille contre le communisme, mais il l'a combattu à sa manière. Il s'est battu contre quelque chose qu'il connaissait, qu'il avait vécu de l'intérieur et qu'il avait même contribué, pour une courte période, à créer ». Et dans Le monde, daté du 24 juillet, ses compagnons de route Bronislaw Baczko et Krysztof Pomian soulignent que Kolakowski a défendu «  l'autonomie de la philosophie, non seulement contre les croyances collectives, les religions et les idéologies, mais aussi contre la science qui, elle aussi, essaie de la réduire au rôle d'un instrument, ce qu'illustrent les philosophies positivistes. Et il l'a défendu contre elle-même : contre le penchant de la liberté et de la raison à céder à la tentation de transgresser toutes les limites, d'oublier la corporéité et la finitude qui sont le propre de l'individu et du genre humain ».
 L'été dernier j'avais présenté le livre de Jacques Dewitte, l'exception européenne, dans lequel l'auteur rend un hommage appuyé à son maître Kolakowski et à sa thèse d'un européanisme paradoxal. Ce grand penseur n'a en effet pas davantage souscrit au relativisme culturel en vogue dans son pays d'émigration qu'au dogmatisme idéologique en usage dans son pays d'origine. Au contraire il célèbre l'insigne valeur de la culture européenne et affirme haut et fort: « Nous affirmons notre appartenance à la culture européenne [...] par notre capacité à garder une distance critique envers nous-mêmes, de vouloir nous regarder par les yeux des autres, d'estimer la tolérance dans la vie publique, le scepticisme dans le travail intellectuel, la nécessité de confronter toutes les raisons possibles aussi bien dans les procédures du droit que dans la science, bref de laisser ouvert le champ de l'incertitude. [...] Cette aptitude à se mettre soi-même en question, à abandonner [...] sa propre fatuité, son contentement de soi pharisien, est aux sources de l'Europe en tant que force spirituelle ».Conférence prononcée en 1980. Le Village introuvable.
    Parmi ses ouvrages retenons :
 
  • Chrétiens sans Église : la conscience religieuse et le lien confessionnel au XVIIe siècle, Gallimard, 1966. 
  •  La Philosophie positiviste, Denoël, Paris, 1976.
  • Le Village introuvable, Éditions Complexe, Bruxelles, 1986.
  • Histoire du marxisme, Fayard, 1987
  • Dieu ne nous doit rien : brève remarque sur la religion de Pascal et l'esprit du jansénisme, Albin Michel, 1997.
  •  Philosophie de la religion, 10/18, 1999.
  • Petite philosophie de la vie quotidienne, Éditions du Rocher, 2001.
 
   Puisque la fonction de ce blog est de faire lire les auteurs, j'ai choisi un extrait du Village introuvable, 1979.
 
 
   « Rien n'est moins vrai que l'opinion selon laquelle nous nous retrouvons maintenant, grâce à l'expansion incroyable des moyens d'information, dans un village gigantesque s'étendant sur toute la surface de la terre et qu'après avoir détruit le village traditionnel, nous l'avons reproduit, dans une spirale ascendante « dialectique », à l'échelle globale. Le contraire paraît évident : il n'y a aucune « spirale », il n'y a que le mouvement irrésistible unidirectionnel qui efface sans merci, d'une année à l'autre, les vestiges de la communauté rustique et dont le résultat est bien visible dans les cultures urbaines et industrielles les plus avancées. Ce village-monstre dont nous nous imaginons parfois être les habitants ne s'oppose pas seulement au village ancien dans sa technologie (l'économie villageoise était un modèle parfait de recyclage, les fermes ne produisaient presque pas d'ordures, tout était réutilisé, alors que se débarrasser des ordures est bien l'un des problèmes majeurs de notre civilisation) et pas seulement dans ses changements dont le rythme vertigineux contraste avec les cycles naturels monotones de la vie paysanne. Surtout, c'est un village imaginaire et artificiel, un substitut cérébral dont l'irréalité est difficile à cacher et qui semble provoquer de plus en plus la nostalgie, dissimulée sous des formes idéologiques différentes, d'un village « vrai ». Cet écran de télévision sur lequel nous regardons, avec quelques heures de retard à peine et simultanément, les émeutes au Japon, les cadavres en Iran, un discours du président Américain et un match de football à Sydney, au lieu de nous rendre le monde entier familier, paraît effacer la différence entre la réalité et la fiction au profit de cette dernière. Ces guerres, ces révolutions, ces souffrances et ces terreurs sont pour nous des westerns, des thrillers, des fantaisies captivantes de cinéastes. Au lieu de devenir proche et tangible, la réalité se transforme en fiction littéraire; au lieu de nous fournir l'occasion de participer aux affaires mondiales ou de nous y encourager, la masse épaisse d'information visuelle et verbale que nous nous efforçons en vain de digérer nous offre un monde auquel nous nous identifions d'une façon esthétique, c'est-à-dire qu'elle nous apporte un peu de plaisir sans responsabilité.
   Puisque le village réel, c'est surtout le monde des contacts personnels, des connaissances sans intermédiaire et qui comptent, il va de soi que le village planétaire n'existe pas et n'existera jamais.
   La ruine du village et la mobilité de notre vie, ce n'est pas seulement la perte progressive de ce milieu relativement stable et quasi-naturel du voisinage, c'est aussi la fin de cet espace humain qui jadis constituait pour nous un système de référence à partir duquel notre monde se bâtissait peu à peu; les notions de maison familiale, de lieu natal, de famille de plusieurs générations sont en voie de disparition rapide et avec elles la notion même de l'enfance; puisque nous sommes partout, nous ne sommes nulle part, notre espace est purement cartésien, indifférencié et infini, sans points privilégiés. C'est une perte qui peut-être ne se laisse pas facilement définir ou saisir dans les catégories de la sociologie empirique, mais qui n'en reste pas moins réelle et réellement vécue. On a maintes fois décrit ces quartiers nouveaux des grandes métropoles qui, quoique bien planifiés et raisonnablement équipés de tout ce qu'il faut pour le confort, sont pourtant mystérieusement morts, indifférents, n'abritant aucune forme de communauté, aucun espace spirituel, et dans lesquels rien ni personne ne prend vraiment racine.
   Puisque nous flottons dans un infini géométrique, sans savoir comment nous définir nous-mêmes par rapport à un ordre qui nous dépasse, sans avoir l'image d'un tel ordre, et par conséquent sans règles qui nous assigneraient le champ des responsabilités « naturelles », nos besoins ont tendance à s'enfler infiniment, et les sentiments subjectifs de pénurie n'ont aucun rapport avec ce qu'on a déjà. Et comme malgré tout les ressources réelles ne sont pas inépuisables, nous sommes souvent la proie d'une famine douloureuse au milieu de l'opulence, et la misère véritable, physiologiquement définie qui nous entoure ou dont nous sommes conscients, n'y change rien.
   Nous voilà donc encore en proie - aussi bien dans les slogans politiques que dans les spéculations philosophiques - à cette même nostalgie vaine du village, laquelle hante la civilisation occidentale depuis plus de deux siècles, c'est-à-dire dès le début de l'urbanisation moderne et surtout de l'industrialisation.
   Vico déjà - qui non sans raison a été redécouvert récemment et retient l'attention des historiens - avait décrit les déclins périodiques et inévitables des civilisations dans les termes qui devaient bientôt devenir familiers chez les rousseauistes et chez les critiques romantiques de la modernité : la disparition des autorités et des mythes, la décomposition de la solidarité tribale spontanée, l'absorption exclusive de chacun par ses intérêts privés, etc. Sommes-nous condamnés à répéter sans fin tous ces clichés pitoyables sur « l'atomisation », sur la solitude dans la foule, sur la « mécanisation » de la vie, sur la dissolution des liens familiaux, tribaux, nationaux, sur la « dépersonnalisation » des déracinés, la « réification » et la Gemeinschaft évaporée ? Eh bien, il semble que oui, nous y sommes condamnés et nous réinventons des formules nouvelles pour rafraîchir un peu le vocabulaire, tombé en désuétude, de Jean-Jacques, des romantiques allemands, des saint-simoniens, du jeune Marx. Mais notre vie spirituelle tourne sans cesse autour des mêmes rêves, tantôt pour réanimer l'imagerie arcadienne, tantôt pour la refouler ou pour la nier, en tant que fantasme puéril et réactionnaire, dans un acte désespéré de défi. La philosophie dont nous nous nourrissions au cours des dernières décennies, qu'est-elle sinon la névrose des exilés du paradis - réel ou imaginaire, peu importe ! -, sinon les tentatives renouvelées d'affronter une vie à laquelle ni les mythologies établies, ni le sens de la solidarité nationale ou tribale n'offrent plus un ordre intelligible, une vie sans lieu d'identification à un « tout » qui nous dépasse ? La métaphysique antérieure de Heidegger semble avoir été animée par ce désir: opposer à l'homme qui veut échapper à sa liberté et à sa responsabilité et qui se dissout (dans les cadres tout prêts de l'anonymat commode un homme qui cherche ses racines dans l'Etre ineffable et qui réaffirme, par cette recherche, sa propre existence irréductible. La métaphysique première de Sartre, au contraire, paraissait n'être que l'acceptation résignée du monde qui, à l'exception du glissement volontairement trompeur dans l'inauthenticité, dans l'univers des choses, nous invite seulement à demeurer dans notre liberté vide, sans perspective d'enracinement ou d'identification à une communauté réelle. Chacun produisant son temps (se « temporalisant ») séparément à partir de sa liberté illimitée, aucun temps commun ne peut surgir pour nous donner le cadre de l'existence en commun; par conséquent, la communauté n'existe pas, sauf sous forme d'une fuite mensongère dans l'abri de l'être-en-soi, de la chose, et les rencontres entre les gens sont surtout basées sur le désir de s'approprier l'autre. Après avoir abandonné sa philosophie de l'existence, Sartre essaya de dessiner une vision de la communauté qui se construit sans cesse dans un projet révolutionnaire et qui, sans jamais arriver à une forme fixe (les vestiges de ses batailles anciennes contre la réification), n'en donne pas moins à ses participants une espèce d'identité. Malheureusement, c'est encore un retour qui semble illusoire: la révolution étant, par définition, le processus de la décomposition des formes institutionnalisées de la vie sociale, elle ne peut s'établir en tant que façon permanente de vivre et, bien qu'il soit vrai qu'au cours de ce processus les groupes actifs acquièrent un fort sentiment d'identification collective, il est également vrai que ce ne sont que des périodes brèves d'euphorie, inévitablement suivies par des déceptions amères lors du rétablissement des institutions; la révolution conçue comme une découverte d'esprits affamés d'un lieu durable d'identification psychologique ne fut et ne sera jamais qu'une chimère d'adolescents ».
 
 
 
 
 
 
 
 

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11 Réponses à “Hommage à Leszek Kolakowski.”

  1. michaël dit :

    Chère madame,
    J’ai lu cet article – et plusieurs autres pages de votre blog – avec grand intérêt. Mais je crois qu’une allusion perfide de votre part à ce qu’on peut appeler la pensée-Marx (pour ne plus la confondre avec le « marxisme » dont s’est réclamé notamment l’URSS et que Marx lui-même aura récusé de son vivant) mérite un commentaire. Vous écrivez que L. K. a abandonné ses illusions d’adolescent pour se consacrer à la vraie tâche de la philosophie qui est « non point construction fantasmatique du réel, mais analyse critique du donné … ».
    déjà, ça commence bien, elle descend le marxisme dès la première note : « d’abord communiste, il a fait le deuil de ses illusions adolescentes pour se consacrer à la vraie tâche de a philosophie : non point construction fantasmatique de la réalité, mais analyse critique du donné ». Je crois deviner que c’est le matérialisme dialectique que vous visez par la formule « construction fantasmatique de la réalité », mais vous oubliez que Marx a lu des centaines d’ouvrages d’histoire et d’économie avant de commencer à écrire le Capital. Vous n’ignorez pas non plus qu’Engels a écrit un ouvrage détaillé, ultra-réaliste des conditions de vie des ouvriers anglais. Enfin, Marx aura été sollicité toute sa vie par de prestigieux journaux américains pour commenter l’actualité. Peut-on citer un exemple de penseur qui se soit attaché avec tant de soin à la réalité ?
    Mais évidemment, Marx ne s’est pas tenu à la matière brute ; il a lu Hegel, l’a critiqué, et met en oeuvre une dialectique originale pour penser la réalité. Les concepts de capital, d’exploitation, de plus-value, d’aliénation et tout l’appareil dialectique : contradiction, négation de la négation, dépassement-conservation ne lui servent pas à créer « une vision fantasmatique », mais permettent à Marx de concevoir rationnellement la réalité. Après tout, est-ce si étrange que cela que la réalité, aussi multiple, changeante et diverse que nous la connaissons, puisse, en plus d’être vécue, éprouvée, en même temps aussi conçue ? La dialectique ne saurait être une vision, puisque c’est la logique la plus propre à épouser le réel et à le comprendre, d’autant plus que la dialectique est aussi mobile que la réalité.

    Je crois que la pensée-Marx mérite mieux que d’être moquée en sous-main et soigneusement tue. Vous qui parlez si bien de la liberté et voyez tout le problème de la liberté comme arrachement aux déterminismes (vous citez Spinoza à bon escient), que ne parlez-vous aussi de la conception marxienne de la liberté, assurément, plus subtile que la « merveilleuse » liberté postulée par Luc Ferry dans « Apprendre à vivre ».

    Très respectueusement,
    Michaël

  2. Simone MANON dit :

    Je vous remercie de ce commentaire me permettant de souligner que la substance de ce petit papier n’est pas de présenter une analyse critique de la pensée de Marx mais de rendre hommage à un auteur récemment disparu.
    Pour ce qui est de la critique du marxisme, Kolakowski s’y est employé avec beaucoup de profondeur. Je vous conseille deux conférences que vous pouvez lire dans le village introuvable: le mythe de l’identité à soi de l’homme (l’unité de la société civile et de la société politique dans la pensée socialiste) et les racines marxistes du stalinisme.
    Par ailleurs permettez moi de m’étonner du dogmatisme avéré de votre formule: « La dialectique ne saurait être une vision, puisque c’est la logique la plus propre à épouser le réel et à le comprendre, d’autant plus que la dialectique est aussi mobile que la réalité ». Plus modestement je ne cesse de me poser et reposer la question: mais qu’est-ce donc que le réel dès lors qu’on n’a plus la naïveté de l’assimiler aux appropriations symboliques que nous en opérons?
    Bien à vous.

  3. michaël dit :

    Merci de votre réponse et de la délicatesse que vous mettez à ne pas relever mes grossières erreurs de syntaxe ; j’ai eu comme honte de souiller votre si joli site d’un commentaire si mal ficelé.
    Je vais me dépêcher de lire les conférences de Kolakowski.
    Quant à la question que vous ne cessez de vous poser, j’ai moins que vous la réponse. Juste ceci : le philosophe peut vouloir interpréter le réel, l’assimiler à un reflet en idées ou que sais-je ; mais le philosophe peut aussi vouloir changer le réel après se l’être approprié.
    Celui qui ne veut qu’interpréter, aura bien du mal à vérifier si son interprétation colle au réel, là je crois est la naïveté.
    Mais celui qui s’approprie le réel pour le transformer, peut juger de son interprétation au succès – ou à l’échec – de son projet révolutionnaire. Si on peut orienter le cours du réel, c’est bien qu’on en a compris quelque chose, non ?

    Bien à vous

  4. Simone MANON dit :

    La conception pragmatique de la vérité pose de nombreux problèmes surtout si le souci de vérifier ses thèses se solde par du sang et des larmes. Et pour ce qui est de la transformation marxiste de la société et de l’homme, l’histoire me semble-t-il a administré quelques tragiques leçons.
    Alors ne serait-il pas temps d’en finir avec cette volonté prométhéenne et de conquérir un peu de sagesse? Kolakowski dit souvent que ce chemin consiste à sortir de l’adolescence.

  5. michaël dit :

    Il y avait du sang et des larmes avant le régime soviétique et il y en a après, aujourd’hui.
    Et je crois qu’on ne peut pas parler de faillite historique du communisme tout simplement parce que de communisme il n’y a jamais eu encore.
    Et aussi : il ne s’agit pas avec la révolution de s’amuser à voir si on avait raison ou pas, si le modèle d’explication du réel était valable.
    Et enfin : j’ai failli vous dire que je ne suis pas un adolescent (mais ce n’est pas un argument, on peut être bien vieux et rester enthousiaste et tumultueux), j’ai failli dire que le Marx du Capital était adulte mais communiste et j’ai plein d’exemples de jeunes bien assis et si sages qu’ils aiment le monde comme il boîte.
    L’argument est nul qui condescend : il faut bien que jeunesse se passe. La jeunesse alors n’a qu’une chose à attendre : que les vieux sages trépassent et que le monde lui appartienne.

  6. bricecout dit :

    Michaël : « on ne peut pas parler de faillite historique du communisme tout simplement parce que de communisme il n’y a jamais eu encore. »
    Je trouve fantastique qu’un partisan du matérialisme dialectique fasse ainsi preuve d’un idéalisme philosophique aussi absolu.
    Mettre ainsi des « idées pures » à l’abri du réel et de la vérification historique est simplement stupéfiant, pour un marxiste.
    Kolakowski (encore lui) a fort bien montré, en philosophe, ce que le totalitarisme soviétique de la pire époque (stalinienne) devait à la pensée de Marx elle-même. Je vous recommande notamment le chapitre 5. (« le stalinisme en tant que marxisme ») du texte intitulé « Les racines marxistes du stalinisme » (in « Le village introuvable ») : négation de la société civile et des ses institutions (le droit, l’Etat, la liberté négative, le marché), ruine du concept même de vérité (réduite à son intérêt instrumental pour le camp « progressiste », négation de la question de la liberté (« sans objet dans la nouvelle société socialiste »), etc.
    Le communisme, votre idéal meurtrier, a été essayé en Russie, en Chine, en Corée, en Europe de l’Est, à Cuba, au Cambodge, etc.
    Chaque fois, le résultat a été une tyrannie assortie de massacres de masse et de régression intellectuelle.
    Que diriez-vous de la proposition suivante : « on ne peut pas parler de la faillite historique du fascisme ou du nazisme, car de vrai fascisme ou de vrai nazisme, il n’y a jamais eu. » ? Moi, elle me ferait hurler.
    Au nom des victimes.
    Idem du communisme.
    Lisez Kolakowski, qui connaissait le marxisme mieux qu’aucun Français et qui a vécu dans une « démocratie populaire ».

  7. michael dit :

    Ce que je dirais de la proposition suivante : « on ne peut pas parler de la faillite historique du fascisme ou du nazisme, car de vrai fascisme ou de vrai nazisme, il n’y a jamais eu » ? Eh bien, je dirais comme vous : qu’elle pue l’idéalisme. Mais imaginez un instant qu’un historien appelle nazisme le système politique et idéologique de l’Allemagne de 1933 à 1945. Imaginez qu’un autre historien étudie mieux la période : il pourra publier un livre sous le titre suivant : Le nazisme était-il vraiment du nazisme ? Mais une chose ne changera pas : des millions d’hommes sont morts. Ce que je veux dire, c’est que les victimes ne sont pas concernées par le débat sur l’idéalisme de la formule, et ce n’est pas parce qu’on nie la propriété du mot dont on désigne couramment la chose, qu’on nie la chose. Au contraire je crois : ce sont les bourreaux qui se réclamaient d’une idéologie, d’un mot ou d’une personne. Et c’est plus rassurant de dire que le communisme a fait des millions de mort que de dire que des millions de russes ont tué des millions de russes. Je ne comprends pas votre phrase autrement qu’ainsi : les victimes du nazisme tiennent à être mortes du vrai nazisme, pas d’un vague homme ordinaire qui se réclamait vaguement d’un nazisme pour nourrir sa famille et/ou assouvir ses sales penchants meurtriers.

  8. Simone MANON dit :

    Malgré sa confusion qui me le rend totalement inintelligible, je fais passer ce message en tant que réponse à Bricecout.

  9. Romain dit :

    Bonjour madame,

    Je ne suis pas certain de saisir intégralement la notion d’européanisme paradoxal. Pourriez-vous brièvement en développer les aspects essentiels?

    En vous remerciant d’avance

  10. Simone MANON dit :

    Bonsoir Romain
    Je développe cette signification dans l’article « l’exception européenne » qui est en lien.
    Sans doute ne l’avez-vous pas lu.
    Comme je n’ai guère envie de me répéter, je vous y renvoie.
    Remarquez comment est construite l’expression:
    Européanisme ou européocentrisme: une telle attitude s’expose à la condamnation morale, celle qui consiste à stigmatiser toute forme d’ethnocentrisme.
    Mais cet européocentrisme est paradoxal car le propre de la culture européenne est précisément d’avoir instruit le procès de l’ethnocentrisme, autrement dit d’avoir rompu avec la clôture ethnocentrique et de s’être ouverte sur l’universel.
    En cela elle est une exception car aucune autre culture n’a institué une distance critique avec elle-même. Il est donc sophistique d’affirmer l’égalité des cultures car cela revient à exonérer les autres de l’effort qui fait l’honneur et la « supériorité » de la culture européenne.
    Voyez les nombreux articles consacrés à l’Europe pour approfondir cette signification. Chapitre XXII
    Bonne lecture.

  11. Romain dit :

    Merci beaucoup!
    La lecture de votre article « l’exception européenne » est éclairante.

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