Le mot et la chose
Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose
Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
A mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose.
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Dieu que cette dame a de la chance !
Joyeux Noel
JM
Bonjour,
quel est le sens des deux derniers vers du poème « le mot et la chose » ? L’auteur demande-t-il qu’on lui passe le mot comme on lui passerait le sel, auquel cas le dernier vers devient pour la dame une promesse d’action, ou utilise-t-il le verbe « passer » dans le sens de « dispenser » ? Dispensez-moi de vos discours sentimentaux, et je vous dispenserai de vos devoirs conjugaux ?
Bonjour
Il ne faut pas se dispenser d’un « SVP » et d’un « merci d’avance » quand on sollicite l’aide de quelqu’un. Les règles élémentaires de la politesse semblent décidément en voie de disparition si j’en crois le nombre de messages que je supprime pour cette raison.
Autrement dit, passez moi la question avec politesse, et je vous passerai la réponse !
PS: Quant à la chose, dispensez-vous, s’il vous plaît, de parler de devoirs conjugaux et voyez combien l’expression est déplacée dans le cadre de cette poésie galante!
Bien à vous.
Simone, votre dernier commentaire est ravissant et merveilleusement pensé. Pourtant j’aurai parié que cet abbé polisson allait encore plus loin, et jouait justement sur les 2 sens du verbe passer. Dispensez moi du mot, je vous ferai voir des merveilles. Ça me semble donner encore plus de génie au poète. ( le poite qui s’identifie à l’oiseau sorti de son nid…)
Qu’en pensez vous ?
Bonjour
Vous avez parfaitement raison. L’abbé joue sur les deux registres avec la légèreté qui convient au libertinage. Mais à quoi bon le préciser à celui qui ramène les jeux d’Eros aux devoirs conjugaux?
Bien à vous.
Bonjour,
J’ai imaginé une 3iéme voie pour cette conclusion : prendre « passer » comme « pardonner » ou « donner l’absolution » (n’oublions pas qu’il était abbé) :
si vous me pardonnez le mot (galant),
je vous donnerais l’absolution pour la chose…
Bien amicalement
Merci pour cette suggestion pertinente.
Bien à vous.
Quel talent cet abbé…ce poème est fait pour les femmes, tout est en subtilité et chacun y trouve son bonheur…comment penser au devoir conjugal » mot que je déteste » après une telle ode à l’amour ?
D’après ce que j’ai lu, l’attribution de ce poème à Gabriel Charles de Lattaignant, est incertaine. Le texte ne figure pas dans ses œuvres publiées. Les notes de l’anthologie de la poésie française publiée par la Pléiade le rappelle. Trop osé ce texte ? Il semblerait que d’autres publiés « officiellement », sous son nom, le soit tout autant.. Ce n’est pas grave : cela rajoute au plaisir de le lire que d’imaginer que c’est un Abbé qui a écrit ce poème…