Puisque la distinction de la société civile et de l'Etat a été élaborée par Hegel, il convient de restituer son analyse. La société civile est la société en tant qu'elle est une association fortuite d'intérêts privés. Elle est un moment placé entre la famille et l'Etat. Elle incarne le moment où des individus n'ayant pas d'existence libre dans la famille patriarcale sont reconnus comme des êtres indépendants les uns des autres, ayant pour fin la satisfaction de leurs besoins et intérêts. Mais à la différence de « l'optimisme libéral », Hegel considère que « le système des besoins » est un système atomistique, menacé en permanence de dissolution et d'éclatement par le jeu des égoïsmes. (Alors que pour les libéraux ce jeu comporte sa loi immanente de régulation). Il s'ensuit qu'il faut qu'entre ses éléments constitutifs une forme d'unité soit instaurée. Historiquement, Hegel souligne que ce sont les corporations qui ont eu cette fonction. L'organisation corporatiste avait pour vocation de lutter contre la fragmentation particulariste en élevant les particularités à l'universel. Ce qui est par essence le rôle de l'Etat. Sa fonction médiatrice consiste à subsumer le particulier sous l'universel. Comme tel, il incarne la dimension du rationnel. Il est l'Idée morale en acte, « la substance éthique du social ».
Hegel est ainsi conduit à développer une conception organiciste de l'Etat, s'exposant à la critique des théories contractualistes et libérales.
Les théories contractualistes lui reprochent de refuser leurs prémisses individualistes. De fait la conception hégélienne ne considère pas l'individu comme une entité indépendante de la communauté. Il s'ensuit que l'organisation politique n'est pas pensée comme résultant d'un contrat implicite par lequel des individus menacés dans l'état de nature s'associent, cette association étant le moyen de réaliser des fins individuelles : la protection de leur liberté , de leur vie et de leur propriété. Hegel défend la conception grecque des rapports de l'individu et de la société. C'est « la destination des individus » que de mener « une vie universelle » c'est-à-dire d'être membres de l'Etat.
Les théories libérales lui reprochent de résorber la société civile dans l'Etat alors que celui-ci devrait simplement garantir le libre jeu des libertés individuelles.
On peut envisager l'articulation du sociétal et de l'étatique de plusieurs manières :
1) L'état libéral.
Le libéralisme consiste à dire que la personne humaine et la société civile ont une existence indépendante de leur institution politique que celle-ci soit le fait de la volonté du peuple ou du monarque. Il admet l'indépendance relative du social qu'il conçoit comme une somme d'intérêts concourant selon Jérémie Bentham (1810) à la prospérité générale, pourvu que l'Etat laisse à chacun la liberté de les faire valoir. Le libéralisme conteste donc à l'Etat le droit d'intervenir dans les mécanismes du fonctionnement de la société civile. Sa mission est de sauvegarder les droits fondamentaux de la personne humaine, droits qui sont menacés dans l'état de nature.
Le libéralisme est d'une manière générale une théorie des limites de l'Etat. La souveraineté politique doit être limitée pour le bien de la personne et pour le dynamisme et la prospérité de la société civile. Il attend du jeu même de la liberté des individus (reconnue et garantie par l'Etat libéral) la promotion des biens supérieurs de l'humanité : la civilisation ; la paix civile ; la prospérité, la liberté ; la justice.
Son présupposé est que, sous réserve d'une liberté réelle des échanges, la concurrence est le principe du bien public.
Sa faiblesse est que la liberté des échanges qu'il présuppose est plus formelle que réelle. L'égalité des hommes dans le système des échanges est fictive. Les inégalités de fait (naturelles et historiques) font que les libertés ne jouent pas avec les mêmes chances de reconnaissance dans le jeu des libertés. Pour certains ce jeu est très coûteux.
Le libéralisme est travaillé par une tension entre un libéralisme radical (Von Mises; Hayek, Nozick) qui dénonce toute intervention de l'Etat comme nocive et un libéralisme social qui reconnaît que les dysfonctionnements de l'échange impliquent une régulation étatique. (Paine, Rawls)
2) L'Etat-Providence.
Tocqueville (1805.1859) situe son origine dans l'Ancien Régime. En dépossédant de leurs pouvoirs tous les pouvoirs constitués susceptibles de lui faire obstacle, l'Etat monarchique a habitué les individus à fuir leurs responsabilités et à s'en remettre de « la peine de penser et de vivre » aux pouvoirs publics. « Le gouvernement ayant pris la place de la providence, il est naturel que chacun l'invoque dans les nécessités particulières ». (Providence signifie ici le sage gouvernement de Dieu sur la création. Un homme est la providence d'un autre, quand il est la cause de son bonheur, son protecteur ou son ami secourable).
S'il est vrai qu'à son origine, l'Etat-providence correspond à une volonté de contrôle social, il ne procède plus entièrement de cette volonté. Il se propose surtout d'aménager l'espace public, parce qu'il doute de la capacité de la société civile à réaliser par sa seule dynamique, l'harmonie sociale. Il intervient donc dans les mécanismes du marché pour en tempérer les rigueurs. Il ne veut pas seulement préserver les libertés, il veut corriger les inégalités qui font que la liberté est coûteuse pour les plus faibles, les moins bien armés dans la concurrence des uns et des autres. Son objectif est donc de mettre à l'abri les individus du besoin et du risque et de promouvoir la justice sociale :
-Par l'assistance, ex : la sécheresse a réduit à la faillite quantité d'exploitations agricoles, les difficultés de tel secteur d'activité risquent de réduire au chômage quantité de salariés : l'Etat intervient par des subventions au titre de la solidarité nationale.
-Par des transferts de revenus, ex : les diplômés des secteurs économiquement prospères, les êtres ayant des grandes compétences ou simplement un sens de l'effort et du travail plus grand que d'autres parviennent à des niveaux de rémunération bien supérieurs à ceux qui n'ont pas ces qualités. Si l'on ajoute que souvent les individus se marient avec des personnes qui leur ressemblent, on voit vite comment l'écart peut se creuser de manière vertigineuse entre les membres d'une société. Or un trop grand écart menace à terme la cohésion nationale, le sentiment d'appartenir à une même communauté de destin. On va donc procéder à un rééquilibrage des revenus en prenant par le biais de l'impôt une part de la richesse des riches pour la transférer aux autres. L'Etat assure diverses allocations (logement, scolarité des enfants, handicap etc.). Par la redistribution de la richesse, l'Etat-providence veut non seulement diminuer les inégalités économiques mais aussi relancer la croissance par la consommation selon le principe keynésien.
-Par le souci de réaliser l'égalité des chances, ex : démocratisation de l'enseignement, systèmes de bourses, discrimination positive.
NB : L'Etat-Providence est aujourd'hui en crise. Cette crise est à la fois selon Pierre Rosanvallon (La crise de l'Etat-Providence 1981) une crise de légitimité, une crise d'efficacité et une crise de financement.
Crise de légitimité : Légitime à ses débuts, l'Etat-providence est de plus en plus critiqué par la population. D'une part parce que les valeurs sociales ont changé, la crise économique ayant conduit à valoriser le mérite, la responsabilité plutôt que la solidarité. De plus en plus d'individus sont réticents à payer le prix d'une solidarité dont certains réclament, à trop peu de frais et de scrupules le droit d'en être les bénéficiaires. D'autre part parce que le système manque de transparence. Nombreux sont les individus qui n'établissent pas le rapport entre ce qu'ils paient et ce qu'ils reçoivent. Les prestations sociales sont considérées par certains comme un dû mais en même temps les cotisations nécessaires à ces prestations mécontentent.
Crise d'efficacité et de financement: D'une part parce que sa structure est très lourde et très coûteuse. Son financement pose de gros problèmes et les déficits de diverses institutions deviennent vertigineux. (Sécurité sociale. Assurance chômage. Système des retraites etc.). D'autre part parce que les thèses keynésiennes sont remises en cause. Les libéraux considèrent que trop d'Etat et trop d'aides sociales dissuadent les individus de travailler et de produire, que le moteur de l'économie est moins la demande que l'investissement etc.
3) L'Etat totalitaire.
Quel que soit son niveau d'intervention dans la société civile, l'Etat-providence ne prétend pas se substituer à elle. Il se donne simplement pour mission d'en corriger les injustices.
Il accepte donc le principe du conflit social comme constitutif d'un monde libre et démocratique.
L'Etat totalitaire procède de la volonté de faire disparaître le conflit, en supprimant l'hétérogénéité sociale. « Il faut disait Lénine, nettoyer la terre russe de ses insectes nuisibles ». « Le sol Russe doit être nettoyé des chiens et des cochons de la bourgeoisie agonisante ». (Par exemple, les matelots d'Odessa fusillèrent tous ceux qui avaient les ongles propres.)
La volonté démiurgique de faire du passé table rase, de nier les distinctions traditionnelles d'un ordre social fait de cet Etat quelque chose d'inédit dans l'histoire et de proprement terrifiant.
Idée-force : Le contraire de l'Etat totalitaire n'est pas la démocratie puisque, si on n'y prend garde, celle-ci, au gré des passions populaires, peut être despotique, voire tendre à une certaine forme de totalitarisme. Le contraire de cet Etat est une société pluraliste autorisant la plus grande hétérogénéité sociale et mettant l'accent sur les droits de l'individu.
Cf. Cours sur l'Etat. (dernière partie)
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Bonjour madame,
une question: dans la conception de Hegel exposée au début de l’article, peut-on considérer famille, société et Etat comme les trois termes d’une dialectique (la dialectique étant généralement pour Hegel une dynamique au fondement de toute chose) ?
Merci d’avance pour votre réponse et bonne fin de journée.
Oui. La famille, la société civile et l’Etat sont trois moments de la moralité objective que Hegel articule dans une dialectique de la nécessité et de la liberté, du particulier et de l’universel ainsi que du naturel et du rationnel ou de l’éthique.
Bonjour Madame,
Merci beaucoup pour ce blog que je consulte régulièrement avec plaisir. Je me permets de vous demander une petite précision. Si j’ai bien compris l’analyse de Hegel, trois moments peuvent donc être distingués dans l’évolution de la société : la famille, la société civile puis l’Etat. Mais comment se positionne justement Hegel par rapport aux sociétés sans Etats ? Sa vision n’est- elle pas du coup trop restreinte et déterministe ? De plus je n’arrive pas très bien à cerner la position de Hegel par rapport à la société civile. Elle serait un état instable auquel doit s’ajouter des institutions, mais n’est-elle pas le foyer d’un dynamisme qui joue le rôle d’un contre pouvoir et qui limite les excès de l’Etat et donc nécessaire ?
En vous remerciant d’avance de votre réponse.
Bonjour Juliette
Pour ce qui est du rapport de Hegel (19°siècle) à la théorie de Pierre Clastres (20°), il faut éviter les anachronismes.
Pour la distinction : société civile/Etat, il faut bien voir que « la société civile est la différence qui vient se placer entre la famille et l’Etat, même si sa formation est postérieure à celle de l’Etat, qui doit la précéder comme une réalité indépendante, pour qu’elle puisse subsister » (Hegel). La distinction est donc conceptuelle. L’ordre en question est autant logique qu’historique (les deux étant identiques dans le système hégélien).
L’individu de la société civile est le particulier (l’être de besoins poursuivant un but égoïste) qui émerge avec la société marchante. Hegel souligne que ce sont les formes modernes de l’échange et du travail qui ont libéré les individus des distinctions statutaires, ethniques, nationales propres aux ordres holistes. La société marchande a permis la reconnaissance de ce que « l’homme vaut parce qu’il est un homme et non parce qu’il est juif, catholique, protestant, allemand, italien etc. » (Hegel). La différenciation de la société civile a permis aux Modernes de reconnaître « un droit de la liberté subjective », droit constituant « le point critique et central qui marque la différence entre les Temps modernes et l’Antiquité » (Hegel).
Mais pour satisfaire ses besoins, le particulier doit entrer en rapport avec d’autres individus particuliers et pour que les intérêts des uns ne soient pas le tombeau de l’intérêt des autres, le particulier doit être subsumé sous l’universel. Telle est la fonction de l’Etat. Parce qu’il transcende les intérêts particuliers, parce qu’il est le service de l’universel, l’Etat est, pour Hegel, l’incarnation de la Raison.
Voilà pourquoi l’Etat n’est pas, pour notre philosophe, le simple moyen de garantir les droits des particuliers, il a une finalité éthique qui est celle de l’homme en qualité d’être de raison. « L’association en tant que telle est elle-même le vrai contenu et le vrai but, et la destination des individus est de mener une vie collective ; et leur autre satisfaction, leur activité et les modalités de leur conduite ont cet acte substantiel et universel comme point de départ et comme résultat » (Hegel).
Par cette conception éthique et organiciste de l’Etat, Hegel s’expose aux critiques des purs libéraux qui considèrent que le dépassement des antagonismes s’opère par un processus immanent à la société civile c’est-à-dire par la dialectique du conflit et de la solidarité des intérêts. (« La main invisible » chez Smith, « vices privés, bénéfices publics » chez Mandeville, « le dessein de la nature » chez Kant)
En espérant avoir un peu éclairé votre lanterne.
Merci beaucoup. Je crois avoir saisi le raisonnement : Dans un premier temps, l’individu pense sa liberté comme la recherche d’un intérêt particulier. Seulement, il se rend compte que cette conception de la liberté n’est pas satisfaisante, parce que n’étant pas fondée sur la Raison, elle est arbitraire. Dans un second temps, l’individu prend donc conscience que si la liberté est bien puissance de vouloir selon la Raison, et si l’Etat c’est bien ce qui transcende le particulier pour réaliser l’universel de la Raison, alors il s’ensuit que la liberté individuelle ne peut se déployer que dans et par l’Etat. Et ce qu’il s’agirait de voir dans cette réconciliation dialectique du particulier (l’individu) avec l’universel (l’Etat), c’est la réalisation de l’Esprit dans l’Histoire.
J’ai d’abord une question de fond : Comment l’individu se situe -t-il par rapport à l’Etat, et quel est le rapport qu’il entretient avec lui ? L’individu est-il « dans » l’Etat comme le citoyen rousseauiste, ou est-ce qu’Hegel conçoit plutôt l’Etat comme une instance séparée de l’individu ? Du coup, l’individu est-il un législateur actif au sein de l’Etat (comme chez Rousseau : le citoyen souverain réaliserait sa liberté dans une loi qu’il produit et qui l’oblige), ou l’individu est-il un simple sujet de quelque chose d’universel qui le dépasse ?
Enfin, j’ai une question plutôt formelle : Je ne vois pas trop comment réutiliser Hegel dans le cadre d’une dissertation. J’ai l’impression que c’est une philosophie fermée sur elle-même, avec des concepts si abstraits, que je ne vois pas trop comment une problématisation en fin de première partie pourrait me conduire à parler d’Hegel. En gros, j’aurais l’impression d’insérer maladroitement la doctrine en deuxième partie, histoire – par exemple – d’avoir quelque chose à dire qui s’opposerait aux conceptions libérales de l’Etat.
Merci encore
Votre propos, Simon, montre que vous partez de l’individu et que vous pensez implicitement la genèse de l’Etat à partir de celui-ci. Rien n’est plus éloigné de la pensée hégélienne. Hegel pense l’Etat comme une totalité comparable à l’organisme animal. Ses membres n’ont pas de véritable existence hors du tout qui assure leur harmonie et leur viabilité. Comme l’organisme est organisation des parties, l’Etat est organisation des éléments qui le composent. Ce qui ne signifie pas que Hegel subordonne l’individu à L’Etat car l’individu ne pouvant être pleinement lui-même que réconcilié avec l’universel, il ne peut être concrètement libre que dans et par l’Etat. Ce dernier est l’organisation raisonnable c’est-à-dire universelle de la liberté. Comme tel, il incarne la souveraineté.
Hegel dit que « l’Etat est l’unité substantielle comme idéalité de ses moments » c’est-à-dire des pouvoirs particuliers qui le constituent et de la classe des fonctionnaires dont la caractéristique est d’être des serviteurs de l’universel. Il s’ensuit que la souveraineté n’est pas la prérogative du peuple, elle est consubstantielle à l’Etat légal et constitutionnel. Celui-ci ne se fonde pas dans un contrat, il se développe rationnellement à partir de la famille et de la société civile bourgeoise (> différence entre la cité antique et l’Etat moderne). Il a priorité sur l’individu dans la mesure où il incarne « l’esprit objectif » qui seul permet à l’individu de s’élever à la vérité et à la vie éthique. L’individu n’est donc ni le citoyen-législateur à la manière rousseauiste, ni le sujet d’un despotisme, il est membre à part entière de la totalité dont il est le moyen et la fin dans sa dimension éthique.
Pour votre dernière question, je précise que j’ai pour principe de ne pas intervenir dans le travail des élèves.
Bien à vous.
Avec ces précisions, le premier paragraphe du cours me semble clair. Merci beaucoup !
Bonne continuation
Bonjour madame,
Merci pour votre travail tout d’abord.
J’aurais une question à propos de la liberté chez Hegel. Peut-on dire que par l’Etat Hégélien s’accomplit une réconciliation de la liberté telle qu’elle est perçue chez les anciens (comme participation au pouvoir politique) et de la liberté telle qu’elle est conçue chez les modernes (comme libre arbitre et volonté subjective autonome)?
Pour être plus clair (ce qui n’est pas facile, je trouve la philosophie hégélienne aussi grandiose que difficile et exigente conceptuellement) :
Hegel pense l’histoire de la philosophie sur le mode du dépassement permanent, mais bien sûr du dépassement dialectique qui sursume tout en conservant les termes précédents. Ainsi dans la phénoménologie de l’esprit, les philosophie d’entendement (Kant, Leibniz, voire même Platon) succèdent aux philosophies de la certitude sensible et de la perception (philosophies empiristes) mais toutes sont ressaisies et dépassées dans le concept hégélien de la conscience de soi.
Pour revenir à la liberté, de la même manière peut-on dire que la liberté telle qu’elle se réalise dans l’Etat moderne hégélien constitue une synthèse dialectique des deux conceptions antiques (appartenance active à un cosmos) et modernes (autonomie de la volonté individuelle) de la liberté dans la mesure où il opère une synthèse du subjectif et de l’objectif, du particulier et de l’universel?
Bien cordialement,
Félicitation pour votre site que je trouve très clair mais aussi très riche de sources.
Bonjour
Merci pour l’appréciation que vous faîtes de mon site.
On peut répondre oui à votre question à condition de bien voir que la liberté subjective que l’Etat accomplit est la liberté rationnelle, non celle de l’individu (prisonnier des intérêts de sa famille et de sa position dans la société civile) telle que les démocrates la conçoivent.
Hegel a une conception organiciste de l’Etat. Il ne le fonde pas sur des prémisses individualistes.
Cf. « L’État, comme réalité en acte de la volonté substantielle, réalité qu’elle reçoit dans la conscience particulière de soi universalisée, est le rationnel en soi et pour soi : cette unité substantielle est un but propre absolu, immobile, dans lequel la liberté obtient sa valeur suprême, et ainsi ce but final a un droit souverain vis-à-vis des individus dont le plus haut devoir est d’être membres de l’État. Si on confond l’État avec la société civile et si on le destine à la sécurité et à la protection de la propriété et de la liberté personnelles, l’intérêt des individus en tant que tels est le but suprême en vue duquel ils sont rassemblés et il en résulte qu’il est facultatif d’être membre de l’État. Mais sa relation à l’individu est tout autre; s’il est l’esprit objectif, alors l’individu lui-même n’a d’objectivité, de vérité et de moralité que s’il en est un membre. L’association en tant que telle est elle-même le vrai contenu et le vrai but, et la destination des individus est de mener une vie collective; et leur autre satisfaction, leur activité et les modalités de leur conduite ont cet acte substantiel et universel comme point de départ et comme résultat. » Hegel (Principes de la philosophie du droit)
Bien à vous.
Merci madame pour votre réponse. je pensais pourtant que l’individu réalisait sa liberté au sein de l’institution étatique dans la mesure ou cette dernière comme entité totalisante et expression de l’esprit objectif des peuples permettait la conciliation de la recherche de ses intérêts particuliers (dans la société civile) et de sa soumission au droit instauré par la communauté. La citation du paragraphe 258 est en effet très éclairante. Puis-je vous demander de quelle traduction des principes de la philo du droit vous la tenez car la mienne de J.F. Kervegan est bien plus obscure.
Bien cordialement
Bonjour
J’ai cité Hegel dans la traduction de André Kaan publiée dans la collection Idée nrf (Gallimard,1949, 1968) avec une préface de Jean Hyppolite.
Le principe de la conciliation du particulier et de l’universel est clairement établi dans le §260. « Ni l’universel ne vaut et n’est accompli sans l’intérêt particulier, la conscience et la volonté, ni les individus ne se vivent comme des personnes privées orientées uniquement vers leur intérêt sans vouloir l’universel; elles ont une activité consciente de ce but. Le principe des Etats modernes a cette puissance et cette profondeur extrêmes de laisser le principe de la subjectivité s’accomplir jusqu’à l’extrémité de la particularité personnelle autonome et en même temps de la ramener à l’unité substantielle et ainsi de maintenir cette unité dans ce principe même ».
Mais QUI définit ce qui est rationnel en soi et pour soi?
Hegel fait bon marché des tensions entre le particulier et l’universel au nom d’une conception dogmatique du rationnel. La conciliation qu’il suppose est purement théorique au regard de ce qui peut s’observer chaque jour dans la conduite des individus, au regard aussi du relativisme et du nihilisme qui n’ont cessé de gangrener la vie des peuples et la pensée des individus.
Bien à vous.
Bonjour madame,
Tout d’abord merci pour votre travail, ce blog m’a permis d’approfondir beaucoup de notions en philosophie.
Un élément du texte a cependant attiré mon attention, vous parliez d’un libéralisme radical, qui selon vous, dénonce toute intervention de l’état comme nocive. Par intervention de l’état, vous vouliez dire « intervention de l’état dans les échanges » ou bien intervention de l’état tout court ? Parce que même des auteurs tels que Mises ou Hayek reconnaissent quelques prérogatives à l’état, contrairement aux penseurs Anarcho-capitalistes ( Murray Rothbard, David Friedman etc… ).
Bien à vous.
Bonjour
Il me semble que le texte ne cultive guère l’ambiguïté puisque le refus d’intervention de l’Etat porte, comme cela est indiqué, sur les mécanismes de la société civile, celle-ci étant définie par Hegel comme le système des besoins et des échanges.
Bien à vous.