- PhiloLog - https://www.philolog.fr -

Objectivité.

  Elle concerne tout ce qui est objectif.

 

  Sur le plan métaphysique, elle caractérise ce qui existe en dehors de notre pensée. Pour l’option réaliste par exemple, il existe une réalité indépendante de l’esprit sur laquelle celui-ci doit se régler pour élaborer la connaissance. L’objectivité du réel c’est l’idée que nous ne sommes pas condamnés au solipsisme individuel ou collectif. Il y a hors de nous une réalité avec laquelle nous sommes en rapport par nos sens et notre esprit.

*

  Sur le plan cognitif, l’objectivité est la grande valeur, la norme des sciences du réel. Elle est réalisée par des procédures permettant aux savants d’élaborer des énoncés pouvant, en droit, faire l’accord des esprits. Tandis que les énoncés d’opinion sont relatifs à la personnalité de ceux qui les énoncent, les énoncés scientifiques sont universellement reçus par ceux que Bachelard appellent « les travailleurs de la preuve ». La règle du jeu pour produire de tels énoncés est draconienne.

*

  Connaissance objective signifie connaissance méthodiquement et rationnellement élaborée. « Est objectif ce que la pensée méthodique a élaboré, mis en ordre, compris et ce qu’elle peut ainsi faire comprendre » Paul Ricœur. Histoire et vérité.

*

   Opposée à subjectivité, elle requiert l’impartialité du sujet connaissant. L’impartialité est le propre de celui qui s’interdit tout parti pris de type moral, politique, idéologique. Le postulat d’objectivité des sciences pose que ce doit être le propre du savant. Il préconise que le savant doit avoir pour éthique d’être étranger dans sa pratique théorique à toutes considérations éthiques, politiques ou idéologiques.  (Evidemment il s’agit ici de la formulation d’un idéal de la connaissance. Dans les faits, il n’est pas rare que des savants confondent science et idéologie mais la règle du jeu de la « cité scientifique » fait qu’ils finissent toujours par être démasqués).

*

   Le savant doit donc étudier les faits en toute impartialité.

Le biologiste Atlan formule ainsi ce postulat :

*

« 1) Que les phénomènes soient observés par des méthodes dites objectives c’est-à-dire reproductibles et indépendantes non pas de l’existence des observateurs mais de la subjectivité des observateurs.

*

   2) Que l’interprétation de ces observateurs ne fassent aucunement appel à la subjectivité même partagée sous la forme de jugements de valeur a priori sur le caractère souhaitable ou désirable de tel ou tel résultat, ce qui exclut d’emblée qu’on se préoccupe du caractère bon ou mauvais de tel ou tel résultat, de telle ou telle théorie ».

*

  En ce sens l’objectivité de la connaissance découle de la frontière qui a été radicalement tracée entre le plan des faits et le plan des valeurs.

*

  Paradoxe ; Il faut être moralement, politiquement, idéologiquement impartial c’est-à-dire neutre pour construire la connaissance objective des faits. Et pourtant cette définition de l’objectivité n’est pas neutre. C’est déjà un parti pris éthique, une position de valeur : celle de la supériorité de la valeur de la connaissance rigoureusement objective. « Cet interdit, ce premier commandement qui fonde la connaissance objective n’est pas lui-même et ne saurait être objectif ; c’est une règle morale, une discipline… Le postulat d’objectivité, pour établir la norme de la connaissance définit une valeur qui est la connaissance objective elle-même. L’accepter c’est donc énoncer la proposition de base d’une éthique : l’éthique de la connaissance ». Jacques Monod. Le Hasard et la Nécessité.

*

  Le postulat d’objectivité des sciences postule aussi que l’explication finaliste n’a pas droit de cité dans le discours scientifique. « La pierre angulaire de la méthode scientifique est le postulat d’objectivité c’est-à-dire le refus systématique de considérer comme pouvant conduire à une connaissance « vraie » toute interprétation des phénomènes donnée en termes de cause finale c’est-à-dire de projet ». Jacques Monod., Ibid.

*

  La science ne reconnaît que les causes efficientes ou concomitantes. Elle refuse une notion aussi contraire à l’ordre naturel que celle de cause finale. Contraire à l’ordre naturel car on ne voit pas comment ce qui n’est pas encore (une fin) pourrait phénoménalement agir sur ce qui le produit comme effet (les moyens). L’ordre phénoménal est que les antécédents déterminent les conséquents, non que les conséquents prédéterminent les antécédents.

*

  Ex : L’oiseau vole parce qu’il a des ailes (la structure détermine la fonction : explication mécaniste) et non : l’oiseau a des ailes pour voler (la fonction prédétermine la structure : explication finaliste). La science substitue donc au concept de fin celui de résultat. Scientifiquement tout ce qui est, est le résultat d’une causalité non intentionnelle, d’une causalité aveugle.

*

  Or le biologiste est confronté à ce que Monod appelle « une contradiction épistémologique » car il étudie un objet : l’être vivant, dont la finalité interne et externe est un fait observable, mais pour en rendre compte il doit s’interdire de recourir au finalisme. Monod dit que cette contradiction est le problème de fond de la biologie.

*

  « L’objectivité nous oblige à reconnaître le caractère téléonomique des êtres vivants, à admettre que dans leurs structures et dans leurs performance, ils réalisent et poursuivent un projet. Il y a donc là, au moins en apparence une contradiction épistémologique. Le problème central de la biologie, c’est cette contradiction elle-même qu’il s’agit de résoudre si elle n’est qu’apparente, ou de prouver radicalement insoluble si en vérité il en est bien ainsi ».Ibid.