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Vérité de raison et vérité de fait.

 «  Tous les objets de la raison humaine ou de nos recherches peuvent se diviser en deux genres, à savoir les relations d’idées et les faits. Du premier genre sont les sciences de la géométrie, de l’algèbre et de l’arithmétique et, en bref, toute affirmation qui est  intuitivement ou démonstrativement certaine. Le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés, cette proposition exprime une relation entre ces figures. Trois fois cinq est égal à la moitié de trente exprime une relation entre ces nombres. Les propositions de ce genre, on peut les découvrir par la seule opération de la pensée, sans dépendre de rien de ce qui existe dans l’univers. Même s’il n’y avait jamais eu de cercle ou de carré dans la nature, les vérités démontrées par Euclide conserveraient pour toujours leur certitude et leur évidence.

   Les faits, qui sont les seconds objets de la raison humaine, on ne les établit pas de la même manière ; et l’évidence de leur vérité, aussi grande qu’elle soit, n’est pas d’une nature semblable à la précédente. Le contraire d’un fait quelconque est toujours possible, car il n’implique pas contradiction et l’esprit le conçoit aussi facilement et aussi distinctement que s’il concordait pleinement avec la réalité. Le soleil ne se lèvera pas demain, cette proposition n’est pas moins intelligible et elle n’implique pas plus la contradiction que l’affirmation : il se lèvera. Nous tenterions donc en vain d’en démontrer la fausseté. Si elle était démonstrativement fausse, elle impliquerait contradiction et l’esprit ne pourrait jamais la concevoir distinctement ».

                        Hume. Enquête sur l’entendement humain. 1748. trad. A Leroy.

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 Ex : Le soleil ne se lèvera pas demain.

Le soleil se lèvera.

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  Ces propositions portent sur les faits. Ceux-ci ne sont pas constatés directement et sur le plan de la pensée nous pourrions bien admettre sans contradiction logique l’une ou l’autre des propositions. En elles-mêmes elles ne contiennent aucune incohérence. Comme l’écrit Hume : « le contraire d’un fait quelconque est toujours possible car il n’implique pas contradiction».

  D’où le problème dit, du fondement de l’induction. Induire consiste à passer de l’observation d’un certain nombre de cas particuliers à l’énoncé d’une loi générale.

Or aucune nécessité logique ne fonde la croyance que du fait que le soleil s’est levé aujourd’hui ou hier, il se lèvera demain. La proposition « le soleil s’est levé hier » ne contient en elle-même ni la proposition : « le soleil se lèvera » ni la proposition ; « le soleil ne se lèvera pas ».

  Ici nous ne sommes pas sur le plan de la nécessité démonstrative et c’est seulement « l’accoutumance » qui nous dispose à penser que le soleil se lèvera. Les lois que la science formule sous la forme de la nécessité et de l’universalité ne sont pas fondées en raison.

Ex : Le carré de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des deux autres côtés.

  Ici on est sur le plan de la nécessité démonstrative. Un théorème est démontré par une opération intellectuelle ne s’appuyant sur rien d’extérieur à la pensée. Le lien entre les propositions est nécessaire. Il est totalement impossible d’obtenir une conclusion opposée à celle qui a été déduite validement si le raisonnement est logique.

NB : Hume demandait de s’assurer de la nature des vérités dont il est question dans un discours. Contient-il autre chose que des vérités de fait ou des vérités de raison ? Si c’est le cas, un tel discours ne contient que des sophismes ou des illusions, disait-il.