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 La leçon d'anatomie du docteur N. Tulp. Rembrandt.1632. La Haye. Mauritshuis.

  

 Le vivant.

   Définition.

 

  Se dit des êtres ou systèmes se distinguant des choses physiques par les facultés d'assimilation, d'autorégulation, de croissance et de reproduction.

Ce sont des êtres organisés dont la structure est adaptée à la fonction. Pour dire ce caractère d'adaptation fonctionnelle, le biologiste Jacques Monod parle de téléonomie. (télos en grec signifie but).

Cette organisation n'est pas le fait de forces extérieures au système vivant lui-même mais de processus internes. Les êtres vivants s'autoconstruisent. Pour dire cela Monod parle de morphogenèse autonome.

Les êtres vivants ont la capacité de reproduire des êtres qui sont identiques. Monod parle d'invariance reproductive.

  Le vivant est en rapport avec son milieu duquel il tire les éléments de sa survie. Il intervient sur son environnement et peut être modifié par lui.

  Excepté les jumeaux monozygotes, le vivant est fortement individualisé.

 

 Problèmes.

 

Y a-t-il une spécificité du biologique irréductible à l'ordre physico-chimique et si oui en quoi consiste cette spécificité?

Peut-on donner un modèle mécanique du vivant ou formulation différente du même problème: peut-on assimiler le vivant à une machine?

Quel est le problème épistémologique de fond de la biologie?

A quels obstacles se heurte l'expérimentation sur le vivant?

Pourquoi a-t-on jugé souhaitable d'instituer un Comité Consultatif National d'Ethique (1983 en France)? Quels sont les problèmes éthiques posés par l'évolution de la biologie?

 

 

 La  matière.

 

 Définition.

 

1)      Le latin materia est formé de la même racine que mater (la mère). La matière est la matrice commune où s'engendrent les multiples objets du monde. Les premiers penseurs grecs la confondent avec la nature.

2)      Par matière, on entend communément ce dont une chose est faite ; ce qui peut être transformé par le travail humain, ce qui est le support du changement. Selon la formule d'Aristote, la matière est le « ce en quoi » de chaque chose. Ex : Le marbre est la matière de la statue. Aristote oppose la matière et la forme. La matière est conçue comme un principe indéterminé, une pure potentialité (matière première) que la forme actualise et spécifie (matière seconde). Il s'ensuit que c'est la forme qui constitue le principe déterminant de la chose, ce qui permet à la matière d'être ceci ou cela. (un cheval, une tulipe, une pierre etc.) Selon la théorie aristotélicienne, dite hylémorphisme, tous les corps résultent de deux principes distincts et complémentaires : la matière (hulè) et la forme (morphè). Toute substance est un composé de matière et de forme, forme fixant une limite aux changements pouvant affecter la matière. Ex : Une pierre ne peut pas devenir un cheval.

3)      En physique, la matière est la substance de tous les corps. Elle est composée de molécules, elles-mêmes composées d'atomes, ceux-ci étant à leur tour composés d'électrons en mouvement autour d'un noyau formé de protons et de neutrons. Dans l'état actuel de nos connaissances nous admettons une équivalence de la matière et de l'énergie. La physique de Newton établissait une différence entre le point matériel et l'espace vide dans lequel il est situé. (La matière est une quantité mesurable principalement par sa masse).

  Avec la découverte par Faraday et Maxwell au 19°siècle du champ électromagnétique, on peut penser que l'espace est force sans qu'il soit nécessaire de ramener la force à l'action d'une substance.

  L'espace n'est pas un milieu inerte mais un champ d'énergie parcouru par des lignes de forces (visualisables dans la limaille de fer où l'on a placé un aimant). La force de gravitation exercée par le soleil sur la terre doit être pensée en terme de champ.

  L'élaboration du concept de champ ouvre la voie à une représentation non substantialiste de la matière. Ce que consacre Einstein lorsqu'il établit la convertibilité de la masse (matière) et de l'énergie (le champ).

  L'évolution de la physique conduit ainsi à ce qu'on a appelé la dématérialisation de la matière volatilisée en événements.

 

 Problèmes.

 

  Traditionnellement on opposait la matière vivante et la matière inerte ; la matière et l'esprit.

  Le dualisme de la substance étendue et de la substance pensante est théorisé par Descartes avec vigueur.

  La matière est assimilée à l'étendue. « La nature de la matière ou du corps pris en général, ne consiste point en ce qu'il est une chose dure ou pesante ou colorée, ou qui touche nos sens de quelque autre façon, mais seulement en ce qu'il est une substance étendue en longueur, largeur et profondeur ». Descartes.

  L'étendue ou l'extension se prête à la mesure et aux calculs. Les phénomènes matériels n'ont pas de profondeur psychique, pas d'intériorité. Ils sont étalés dans l'espace et leurs mouvements s'expliquent par les lois de la mécanique. La réalité humaine et elle seule car les animaux ne sont que de la substance étendue comme l'est l'organisme humain (théorie de l'animal-machine ; liquidation cartésienne du thème aristotélicien des différentes âmes : âme nutritive et âme sensitive) témoigne qu'il existe une autre substance que Descartes appelle la substance pensante (il n'y a qu'une âme et c'est la substance pensante). Celle-ci n'est pas étalée dans l'espace, elle échappe aux lois de la mécanique en tant qu'elle dispose du libre arbitre, ce qui fonde la supériorité et la dignité de l'être humain.

  La question est de savoir si les trois ordres qu'on a traditionnellement distingués : matière, vie et esprit constituent des ordres hétérogènes, absolument discontinus ou bien s'ils correspondent à des niveaux différents d'une seule et même réalité.

  Comme la biologie s'efforce de rendre compte de la spécificité de la matière vivante par les lois physico chimiques de la matière tout court, peut-on comme le tentent les neurosciences expliquer les opérations de la pensée voire du libre arbitre par les lois de la matière cérébrale ?

  Au fond, ce qui se passe aujourd'hui à propos de l'esprit et de sa réduction possible aux lois de la matière cérébrale, est la répétition de ce qui s'est passé à propos de la vie. L'animisme, le vitalisme voulaient voir en elle une réalité hétérogène à la simple matière, comme le dualisme matière- esprit prétend voir dans l'esprit une réalité immatérielle, d'une nature absolument autre. Qu'en est-il en réalité ?

  Il y a ceux qui défendent la spécificité et l'indépendance des lois régissant tel niveau considéré et il y a ceux qui les réduisent aux lois niveaux élémentaires. Les premiers qualifient les seconds de réductionnistes. Or les sciences qualifiées de réductionnistes ne méconnaissent pas que la matière organique ou la matière cérébrale incarnent un niveau de complexité supérieure permettant l'émergence de propriétés nouvelles.  En revanche elles refusent d'admettre qu'il y a autre chose que de la matière et nous invitent, comme c'était déjà le cas de Spinoza à nous émerveiller des pouvoirs du corps ou de la matière.

NB : Le problème du rapport matière-esprit a été affronté dans la réflexion sur l'art. Cf. Cours : texte de Hegel portant sur l'art.

  Pensez aussi aux analyses de Descartes, pour qui le dualisme n'a de sens que méthodologique et spéculatif. L'homme concret est l'union d'une âme et d'un corps. D'où cette étrangeté du corps humain. Il a une expressivité qui lui donne une subjectivité irréductible. Impossible de le réduire à un corps-objet. Comme l'œuvre d'art, il bruisse d'une dimension spirituelle.

 

 

 

 

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55 Réponses à “Présentation du chapitre XVII: matière, vie, esprit.”

  1. Jean dit :

    Bonjour Mme Manon.
    Je poste sur cette réflexion mais je ne suis pas sûr du bien fondé dans cette rubrique. Pour autant..
    Je m’interroge encore -à mon âge – sur la mélancolie.
    La mélancolie, situation de vie -d’existence- que nous pouvons vivre à t elle sa place dans la reflexion philosophique ?
    Merci de vos pistes de réflexions , textes..
    Cordialement.
    Jean

  2. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Si l’on est cartésien ou neurobiologiste on s’attache à expliciter le substrat physiologique des états d’âme et à chercher les solutions thérapeutiques à des vécus privant l’homme de la libre disposition de ses facultés ou des conditions de son épanouissement. C’est très clair chez Descartes dans l’image de l’arbre de la philosophie. « Toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines font la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui sortent de ce tronc sont toutes les autres sciences qui se réduisent à trois principales, à savoir la médecine, la mécanique et la morale, j’entends la plus haute et la plus parfaite morale, qui, présupposant une entière connaissance des autres sciences, est le dernier degré de la sagesse. » Dans certaines situations, la morale, affirme-t-il, présuppose les ressources de la médecine. Cette remarque implique de définir la mélancolie, en terme psychiatrique, comme une maladie.
    Mais on peut s’en tenir à une acception plus commune et strictement existentielle. Spleen, tristesse, ennui, panne du désir, angoisse. Tous ces vécus sont consubstantiels au simple fait d’exister et sont sans doute un aiguillon de la réflexion.
    Je me souviens de la magnifique exposition sur ce thème organisée par Jean Clair au Grand Palais en 2005.
    Vous trouverez ici une bibliographie conséquente. https://sites.arte.tv/philosophie/fr/philosophie-5-melancolie-philosophie-0
    Bien à vous.

  3. Jean dit :

    Bonjour Mme Manon.
    Merci pour votre réponse.
    Désolé de mon doublon . Je suis pas trés à l’aise et me répère difficilement avec l’informatique..
    cordialement.

  4. ALYS dit :

    Bonsoir Madame MANON,

    Je viens de passer en Khâgne moderne spécialité philosophie et c’est toujours avec plaisir que je me réfugie dans vos cours. Comme vous le savez peut-être le programme de tronc commun pour les concours de l’ENS s’organise autour de la questions des sciences. Nous avons eu notre premier sujet de réflexion « Que connaissons-nous du vivant ». J’ai élaboré mon introduction et ma problématique autour de l’insuffisance de la biologie. En effet envisager la question du vivant dans le cadre scientifique seul pose un problème épistémologique (la mécanique et la chimie ne pouvant pas saisir à elles seules tout le concept ) mais aussi éthique. Ma problématique (ou devrais-je dire esquisse de pb) est donc la suivante : Pour pouvoir embrasser toutes les caractéristiques du vivant n’est-il pas nécessaire de laisser place à des modes de connaissances exclus du champ de la scientificité remettant ainsi en question le monopole de la science ?

    Ma troisième partie (après avoir fait état du pouvoir de la science, de ses limites, des questions éthiques que pose la notion de vivant) m’amène à envisager le vivant d’un point de vue métaphysique et ontologique. Or je crains n’avoir pas suffisamment de références et de textes sur lesquels m’appuyer. Je pensais utiliser Kant et sa réflexion sur les connaissances a priori mais il s’agit seulement de décrire un mode de connaissance et non de comprendre comment le vivant peut être conçu en dehors des connaissances empiriques. Trouve-t-on des auteurs qui envisagent la question du vivant en métaphysique? D’autre part je pensais interroger la relativité du concept « vivant » selon les sociétés mais en général je n’aime pas terminer une réflexion sur « tout est relatif »(encore moins quand les questions de savoir et de vérité sont en jeu). En plaçant cette partie de ma réflexion dans une perspective anthropologique j’espère ainsi contourner le problème du relativisme.

    Ces questions sont peut-être floues mais il s’agit d’un thème nouveau que je n’ai abordé ni en Terminale, ni en hypokhâgne et qui me laisse quelque peu démunie.

    Je vous remercie par avance pour l’attention que vous porterez à mon commentaire et vous souhaite une excellente soirée,
    Bien à vous

  5. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Vous devriez utiliser le corpus sur la vie en GF Flammarion.(Thierry Hoquet)
    Vous trouverez de nombreuses références.
    Bien à vous.

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