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Notion de hasard.

 La roulette

 

  Origine du mot : Il viendrait de El Azar en Palestine où les croisés inventèrent un jeu de dés. D’où jeu de hasard.

 

  Sens commun : Terme couvrant des significations très différentes.

Ce qui est imprévu ou imprévisible, non expliqué ou non explicable, trop complexe pour que les conditions en soient déterminables. Sans justification apparente.

   En 1654 Pascal annonce une nouvelle science : la géométrie du dé. Elle concilie ce qui semblait contraire : les incertitudes du dé et les démonstrations mathématiques.

   Scientifiquement, concéder qu’il y a du hasard est, pour l’esprit un aveu d’échec. La science s’efforce de dégager le déterminisme des phénomènes. Le principe du déterminisme est un postulat de la raison scientifique. Il pose que tous les phénomènes naturels sont liés les uns aux autres par des relations invariables ou lois.

  

  Le mathématicien Laplace (1749- 1824) a donné une formulation célèbre du déterminisme : « Nous devons envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent ; si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome ; rien ne serait incertain pour elle et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux ».

   Connaître scientifiquement c’est énoncer la loi, c’est simuler par un mécanisme ou décrire par un formalisme un processus. Or certains phénomènes résistent à cette exigence d’intelligibilité. On dit qu’ils sont aléatoires.

 Ex : en microphysique on ne peut pas appliquer aux phénomènes atomiques le déterminisme classique.

  En 1927 Heisenberg énonce «  les relations d’incertitude » établissant qu’il est impossible de déterminer à la fois la vitesse et la position d’un corpuscule. Il s’ensuit que l’état futur d’un système ne peut être prévu qu’en termes de probabilités c’est-à-dire de déterminisme statistique.

   Le terme de hasard s’emploie pour désigner soit des relations logiques entre des éventualités abstraites soit des relations observables entre des phénomènes concrets. Dans le premier cas on parle de probabilités, dans le second de hasard. La confusion est toujours au rendez-vous entre ces deux plans.

 

  La distinction entre concept mathématique et notion empirique d’aléa conduit à distinguer les sens suivants du mot hasard :

 

1) On dira que des événements se produisent par hasard quand on doit s’en remettre au calcul des probabilités pour spécifier leur chance respective d’apparition.

Ex : en théorie cinétique des gaz : pour un ensemble de molécules on ne peut que prévoir les valeurs moyennes des paramètres caractéristiques de cet ensemble et pour chacune des molécules uniquement la probabilité que telle ou telle trajectoire sera effectivement parcourue.

 

2) On parle de hasard lorsqu’il y a disproportion entre la quantité de la cause et celle de l’effet.

Ex : Une mutation dans le règne végétal ou animal. L’effet  « boule de neige »  en histoire.

 

3) Cournot (1801-1877) a synthétisé les deux sens précédents. On parle de hasard lorsque les effets de causes antécédentes indépendantes se mêlent brusquement. Le hasard est la rencontre fortuite de séries causales indépendantes les unes des autres. Ex : le passant qui reçoit une tuile sur la tête.

 

NB : Remarquons que le hasard n’est pas l’absence de détermination. Dans le premier cas il consiste à substituer un déterminisme statistique au déterminisme laplacien. Dans le deuxième il procède du contraste entre une cause qui paraît minime et des effets considérables.

 

PB : Qu’en est il du hasard ? Est-il une propriété du réel ou l’expression des insuffisances (provisoires) de l’esprit à en rendre compte ? Pour le mathématicien René Thom  «  la fascination de l’aléatoire témoigne d’une attitude antiscientifique par excellence ». En effet, dit-il, « le déterminisme en science n’est pas une donnée, c’est une conquête. En cela les zélateurs du hasard sont les apôtres de la désertion ». A lire : La Querelle du Déterminisme. Le débat. Gallimard 1990