- PhiloLog - https://www.philolog.fr -

Joyeux Noël et bonnes vacances.

 

 

Telle est la nostalgie : habiter dans les vagues

et ne jamais avoir d’asile dans le temps.

Et tels sont les désirs : dialogues à voix basse

des heures quotidiennes avec l’éternité.

 

Et ainsi va la vie – jusqu’à ce que des heures de la veille

s’élève la plus solitaire

qui, souriant autrement que ses sœurs,

s’offre en silence à l’éternel.

 

0

00

 

Les pauvres mots que la vie quotidienne

flétrit, les mots sans éclat, je les aime.

Je leur prodigue les couleurs de mes fêtes,

et ils sourient et lentement trouvent la joie.

 

Ils chauffent leurs blanches joues d’hiver

au miracle qui survint à leur douleur;

jamais encore ils ne furent chantés,

mais frémissants, dans mon chant ils s’avancent.

 

0

00

 

Tu ne dois pas chercher à comprendre la vie,

Elle sera dès lors pour toi comme une fête.

Laisse chaque jour te combler

Comme un enfant qui passe

Se voit comblé de fleurs

Par chaque brise.

 

Il ne lui vient pas à l’esprit

de les ramasser ni de les garder.

Doucement de sa chevelure,

tendre prison, il les enlève,

et à ses chères jeunes années

il tend les mains pour avoir d’autres fleurs.

 

0

00

 

Les rêves de ta vie profonde,

libère-les de leur ténèbre.

Ils sont jeux d’eaux et tombent

plus clairs et en pauses chantantes

dans le sein de leurs vasques.

 

Et je sais maintenant : deviens tel un enfant.

Toute angoisse n’est qu’un commencement;

mais la terre est illimitée,

et la peur n’en est que le geste et le désir en est le sens.

 

Rainer Maria Rilke.  POUR ME FÊTER, Poésie, Œuvres II, Seuil, 1972, p. 72. 73.