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Hommage à Christian Bobin. Les ruines du ciel. Gallimard, 2009.

 

  Nous habitons le paradis; pas celui que les hommes croient trouver dans les ors de Versailles, les feux de la rampe ou le culte du veau d’or. Célébrité, richesse, puissance… toujours les mêmes idoles et la même propension des hommes à sacrifier les sources de la joie à leur vanité. Quelle folie de chercher hors de soi ce qui est en soi! Ainsi devient-on indisponible au bonheur de se sentir exister, au plaisir de contempler un rayon de lumière ou de croiser le regard de notre frère en humanité. Petits riens, pourtant, par lesquels s’effectue la rédemption des peines de chaque jour.

 

   Nous habitons le paradis mais la bonne nouvelle est trop ignorée pour qu’il ne soit pas nécessaire de la murmurer de temps en temps… Avec les mots du paradis…légers comme le souffle de l’âme, féconds comme la lumière de l’infini répandant sur toute chose son trop plein d’amour. Pas n’importe quel amour bien sûr. Celui qui se mûrit dans le désarroi de la nuit obscure et dans la béatitude du jour glorieux. La vie n’attendait que son chant d’allégresse pour être vécue dans la plénitude de son offrande, le cœur débordant de gratitude.

 

   Mais ne fait pas resplendir la petite musique de l’âme qui veut. Il y faut l’école du silence, la grâce de la lumière, l’évidence du détachement. Il y faut la vérité d’une vie en correspondance avec la vérité de la vie et le secret de l’âme éternelle. Le miracle de la rencontre est à ce prix.

   Christian Bobin nous offre ce moment de perfection. Il brise l’apparente solitude des âmes; leur donne l’impression de se toucher, de communier. Avec lui on se sent en pays de connaissance…chez soi, dans l’universelle expérience qui est le secret de chacun.

   Son talent est aussi grand que sa discrétion. Il ferait presque oublier que la profondeur du sens est liée à la réussite de la forme. Son écriture est à la mesure de la bonne nouvelle dont il est le héraut. Limpide, simple comme si elle coulait de source. Elle fait sentir, elle fait voir, elle fait vibrer des cordes trop souvent inemployées. Elle rend visible dans la pluie qui tombe, dans le soleil qui luit, dans la silhouette entrevue, le monde entier et son énigme jamais résolue.

 

   Il faut de toute urgence enrichir sa boîte aux trésors du dernier livre de Christian Bobin.