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Distinguons avec rigueur l’histoire et la philosophie de l’histoire.
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I) L’histoire ou connaissance historique.
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« Histoire » vient d’un mot ionien signifiant « voir, savoir, s’informer ». Elle est une « enquête » sur le passé, un effort pour le reconstituer (par définition, le passé n’est plus, il faut le reconstruire à partir des traces qu’il a laissées sur son chemin : les archives) et la construction d’un savoir. Marc Bloch la définit comme « la science des hommes dans le temps ».
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De fait, depuis la fin du XIX° siècle, le discours ayant pour objet le passé de telle ou telle société s’efforce de se constituer selon une norme de vérité ou d’objectivité, ce que connote l’idée de science. D’où la mise au point de méthodes (la critique externe et la critique interne définies par l’école positiviste, méthodes nécessaires mais pas suffisantes car l’histoire n’est pas une chronique. Une fois les faits méthodiquement établis, il s’agit de les rendre intelligibles, ce qui implique de les articuler rationnellement) et l’exigence d’une éthique de la connaissance en l’absence desquelles le récit historique ne peut que relever du roman historique ou de l’histoire idéologique.
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Reste que si les méthodes et la vocation de l’historien sont de nature scientifique, de nombreux obstacles épistémologiques liés à la nature de l’objet d’étude conduisent à se demander si l’histoire peut être considérée comme une science.
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L’objet de cette connaissance est, en effet, un objet humain et chacun comprend qu’il est plus difficile de conquérir l’objectivité dans les sciences humaines que dans les sciences de la nature. Cela tient au fait que le sujet qui connaît a plus d’intérêts en jeu dans une recherche où il est aussi l’objet de la connaissance que lorsque ce n’est pas le cas. Par exemple, l’historien est un acteur historique dans son présent. C’est un sujet engagé dans une aventure historique qui interroge l’histoire passée et qui peut donc être enclin à chercher en elle le passé de l’avenir qu’il projette. Il ne s’ensuit pas que le discours historique soit nécessairement l’otage des intérêts idéologiques du présent mais enfin l’éthique de la connaissance (désintéressement, ascèse des passions etc.) est plus difficile à honorer dans les sciences humaines que dans les sciences de la nature.
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L’objet humain est infiniment plus complexe que l’objet physique ou chimique car il intègre la dimension de l’esprit avec sa capacité symbolique, sa volonté et donc sa liberté possible. Est-il possible d’étudier le déterminisme d’un tel objet conformément au présupposé méthodologique d’une science ? Une science s’efforce, en effet, de dégager les lois qui régissent les phénomènes. Les lois sont des rapports constants et nécessaires entre des phénomènes de telle sorte que les uns étant donnés, il est possible de prévoir l’apparition des autres. Peut-on subsumer les faits humains sous de telles lois ? Et s’il est possible de parler de lois psychologiques, de lois sociologiques, de lois économiques, peut-on dire qu’il y a des lois de l’histoire ?
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« Nous attendons de l’histoire une certaine objectivité, l’objectivité qui lui convient : c’est de là que nous devons partir et non de l’autre terme. Or qu’attendons-nous sous ce titre ? L’objectivité ici doit être prise en son sens épistémologique strict : est objectif ce que la pensée méthodique a élaboré, mis en ordre, compris et ce qu’elle peut ainsi faire comprendre. Cela est vrai des sciences physiques, des sciences biologiques ; cela est vrai aussi de l’histoire. Nous attendons par conséquent de l’histoire qu’elle fasse accéder le passé des sociétés humaines à cette dignité de l’objectivité. Cela ne veut pas dire que cette objectivité soit celle de la physique ou de la biologie : il y a autant de niveaux d’objectivité qu’il y a de comportements méthodiques. Nous attendons donc que l’histoire ajoute une nouvelle province à l’empire varié de l’objectivité. » Histoire et vérité, seuil, p. 23, 24.
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II) La philosophie de l’histoire.
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Comme la notion de philosophie l’indique, il ne s’agit pas d’une connaissance positive des faits historiques mais d’une réflexion sur la réalité historique. Le philosophe de l’histoire s’interroge sur le devenir de l’humanité dans le temps. Il ne s’intéresse pas à l’histoire particulière de tel ou tel peuple mais à l’histoire universelle, l’enjeu étant de se demander s’il est possible de lui trouver un sens dans la double acception du terme (signification et direction) :
- N’est-elle que bruit et fureur, absurdité et non sens ou bien a-t-elle une signification qu’il revient au penseur d’expliciter ?
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N’est-elle qu’un mouvement aveugle, aberrant ou bien a-t-elle une orientation, une direction que le penseur peut repérer sous l’apparent désordre des faits historiques ?
Au fond, les grandes philosophies de l’histoire ont la prétention de penser l’odyssée de l’humanité considérée comme un tout, d’en proposer une interprétation globale, valable non seulement pour le passé mais aussi pour l’avenir, cet effort de rationalisation et de systématisation de l’aventure des hommes dans le temps ayant un double enjeu :
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Enjeu théorique : Peut-on fournir un principe de compréhension « de l’histoire universelle au point de vue cosmopolitique » ?
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Enjeu pratique : Peut-on assigner un but à l’action humaine tel que la pratique individuelle puisse s’insérer avec cohérence dans l’histoire collective ?