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Freud ou l’hypothèse d’un inconscient psychique.

 Freud

 

  Historiquement, la psychanalyse s’élabore entre 1895 et 1925, dans un climat intellectuel fortement marqué par les théories neurophysiologiques. Freud dit de lui-même qu’il était un neurologue ne comprenant rien aux névroses. « Je présentais un jour un névropathe affecté d’une céphalalgie fixe comme un cas de méningite chronique. A mon excuse, soit dit en passant, c’était alors le temps où les plus grandes autorités de Vienne diagnostiquaient la neurasthénie comme une tumeur du cerveau » Ma vie et la psychanalyse.

Freud, médecin viennois travaille avec Breuer, Brücke, mais aussi Charcot et Bernheim. L’enjeu de l’époque est de « faire entrer la psychologie dans le cadre des sciences naturelles, c’est-à-dire de représenter les processus psychiques comme des états quantitativement déterminés de particules distinguables, ceci afin de les rendre évidents et incontournables » Esquisse d’une psychologie scientifique.

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Mais Freud va rompre avec l’idée que les phénomènes psychiques ont une cause essentiellement organique en étant attentif à sa propre vie psychique, en particulier à ses rêves et en tirant les leçons de sa pratique clinique reposant sur l’usage de l’hypnose comme moyen thérapeutique.

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Pour rendre intelligibles les phénomènes qu’il observe, il propose de diviser le psychisme en psychisme conscient et psychisme inconscient. Il énonce ainsi la prémisse fondamentale de la psychanalyse qui est à la fois :

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  • Une thérapeutique originale de certains troubles psychiques.
  • Une théorie du psychisme humain.
  • Une méthode d’investigation de ce psychisme applicable à toutes ses manifestations. On peut faire une psychanalyse des religions, des œuvres d’art, des mœurs, du politique etc.

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 I)                   Distinction notionnelle.

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  Il ne faut pas confondre inconscience et inconscient psychique.

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1)    Inconscient comme adjectif.

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  L’inconscience est l’état de ce qui est dépourvu de conscience. Le terme qualifiant cet état est un adjectif. On dit d’un homme évanoui, d’un phénomène physique qu’il est inconscient. Inconscient n’est pas ici un substantif. Le mot signifie : ce qui n’est pas conscient au sens large.

L’adjectif et son terme corrélatif : inconscience se prête aussi à un autre usage. Par exemple, lorsqu’on dit à quelqu’un : « quelle inconscience ! » ou : « tu es complètement inconscient ! », on ne signifie pas qu’il est dépourvu de conscience mais qu’il n’en fait pas un bon usage. On l’accuse de ne pas bien se représenter une situation, de ne pas envisager les conséquences de ses actes, de ne pas faire preuve de jugement. Et ce n’est jamais un compliment. On attend, en effet, de l’être doué de conscience qu’il en fasse preuve dans toutes les occurrences de la vie. A défaut, s’il se rend coupable d’un délit, « l’inconscient » doit savoir que l’inconscience n’est pas ce qui le disculpera. Elle est au contraire ce qui l’accablera. Le juge se demandera ce qu’aurait fait dans cette situation, un homme moyennement prudent et diligent (le bon père de famille) et il prononcera la sentence en conséquence.

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2)    Inconscient comme substantif.

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  Avec Freud, le mot inconscient cesse d’être un adjectif pour devenir un substantif. Il n’est plus un déficit de ce qui seul constitue une réalité psychique, à savoir la conscience. Il devient une réalité psychique à part entière.

  L’inconscient est une zone du psychisme restant étrangère à la conscience, parce qu’une force de refoulement l’empêche de devenir consciente.

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II)                Théorie freudienne du psychisme.

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  Dans la deuxième topique, qu’il élabore dans les années 1920, Freud distingue trois instances de la personnalité psychique : le ça, le moi et le surmoi.

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 1)      Le ça.

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   Le ça est proprement l’inconscient. Il est constitué par l’ensemble des productions psychiques, issues de l’activité pulsionnelle et ne pouvant jamais parvenir à la conscience parce qu’elles se heurtent à des impératifs moraux et sociaux. Elles sont donc l’objet d’un refoulement. Le ça désigne tous les représentants psychiques liés aux deux grandes forces pulsionnelles traversant la nature humaine :

– La force de vie ou libido, ou pulsion sexuelle que Freud symbolise par Eros, le dieu grec de l’amour.

– La force de mort ou pulsion de destruction ou pulsion agressive que Freud symbolise par Thanatos, le dieu grec de la mort.

Cette instance est une instance dynamique cherchant sans cesse à se satisfaire. Elle obéit au principe du plaisir.

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2)      Le moi.

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   Il correspond globalement à l’instance consciente et volontaire de la personnalité psychique. Mais il ne s’agit pas d’une instance originaire et autonome, transparente à elle-même. Il est une production secondaire et  il est régi par des mécanismes inconscients. Le moi est une modification du ça au contact de la réalité extérieure. Freud le pense comme un être de surface. Il agit avec les forces du ça mais doit les adapter à la réalité extérieure. « Il est facile de voir que le moi est la partie du ça qui a été modifiée sous l’influence du monde extérieur par l’intermédiaire du système Préconscient-conscient, qu’il est en quelque sorte une continuation de la différenciation superficielle » Essais de psychanalyse.

Le moi est donc issu de l’activité entravée des pulsions, sa source est corporelle, mais il est bien une instance psychique dans la mesure où il est la projection mentale d’une différenciation. « Le moi est avant tout un moi corporel, il n’est pas seulement un être de surface, mais il est lui-même la projection d’une surface » Essais de psychanalyse.

Il s’ensuit qu’il est une instance conflictuelle devant concilier des injonctions contradictoires. Il obéit au principe de réalité. Lorsque l’adaptation est menacée, il se défend par le mécanisme du refoulement. Le refoulement est un processus dynamique de défense du moi qui est inconscient. Il est déclenché par la censure émanant du surmoi.

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 3)      Le surmoi.

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   C’est l’instance qui prolonge en chacun de nous l’influence parentale et sociale. Il est l’introjection ou l’intériorisation des interdits parentaux et sociaux. C’est en nous, la parole de l’autre, un autre légiférant à notre insu. Lorsqu’il y a transgression des interdits, le sujet éprouve un sentiment de culpabilité.

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  Attention : Il ne faut pas confondre le surmoi avec la conscience morale. Le surmoi est une instance inconsciente. La conscience morale est un effet de surface du surmoi, mais comme l’expression l’indique elle est consciente.

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  L’exposé succinct de ces quelques éléments doctrinaux montre combien cette théorie du psychisme humain est une remise en cause radicale du cogito.

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   D’une part, elle établit que sur la scène psychique, le sujet n’est pas transparent à lui-même. Descartes pose l’équivalence : pensée -conscience -psychisme. Souvenons-nous de son affirmation : « Par le nom de pensée, j’entends tout ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement par nous-mêmes ». Pour Freud, il y a là une illusion : « L’inconscient est le psychisme lui-même et son essentielle réalité ». Nous avons un rapport imaginaire à nous-même lorsque, disant « je » ou « moi », nous croyons que le sujet est un et transparent à lui-même. La conscience de soi n’est pas connaissance mais méconnaissance de soi. Avec le concept d’inconscient Freud fait éclater l’unité de la personne. Il loge l’altérité au cœur même du sujet, donnant une forme de confirmation au propos de Rimbaud : « je est un autre ». De fait, Freud montre que l’inconscient est en nous une autre scène. C’est un système psychique autre, hétérogène au système conscient. Il ignore la contradiction, le négatif, le temps, la mort. Il est régi par les processus primaires du déplacement, de la condensation et il obéit au principe du plaisir. La conscience, au contraire, obéit au principe de réalité et elle est régie par les processus secondaires, par exemple le principe de non contradiction. Au fond, nous coexistons avec un autre en nous dans un rapport d’extériorité et d’étrangeté.

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   D’autre part cette théorie liquide le principe cartésien du libre arbitre. Sur la scène intérieure, affirme Descartes, nous avons la libre disposition de nous-mêmes. Nous pouvons nous rendre souverain en qualité de sujet pensant et voulant. Descartes décrit sous le nom de vertu de générosité le projet moral lié à ce présupposé. Freud substitue au principe du libre arbitre celui d’un déterminisme psychique radical, d’autant plus radical qu’il est inconscient. Les pensées et les conduites du sujet sont déterminées par des mécanismes inconscients : le refoulement, la censure, la sublimation, le principe du plaisir, le principe de réalité etc.

L’exigence d’une souveraineté de la conscience est donc une prétention exorbitante : « le moi n’est pas maître dans sa propre maison ».

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  Il faut bien prendre la mesure de la subversion que Freud opère de la conception cartésienne du sujet. On a pu dire que l’inconscient, c’est l’écart entre le sens que chacun donne à ses paroles, à ses faits et gestes et le sens que ces paroles ou ces faits et gestes ont dans l’interprétation analytique. L’activité du psychisme indexée sur celle du corps produit des effets conscients mais les causes de ces effets sont inconscientes. Certes, le sujet produit en permanence des rationalisations de sa pensée et de sa conduite mais celles-ci sont des rationalisations secondaires. La véritable raison de celles-ci échappe au sujet.

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III)             Théorie des formations substitutives.

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   Freud appelle ainsi toutes les productions psychiques qui restent inintelligibles en termes psychiques, tant qu’on ne formule pas l’hypothèse d’un inconscient psychique. En effet les données de la conscience sont lacunaires : un symptôme névrotique, un rêve, un acte manqué, un fantasme sont pour elle des énigmes, dans la mesure où elle ne peut pas les rapporter à sa spontanéité. Certes, elle peut leur assigner des causes organiques, matérielles comme le fait Descartes, mais elle leur dénie ainsi leur dimension psychique (le fait qu’elles ont une signification). L’intérêt du freudisme est de chercher à expliquer psychiquement une donnée psychique. L’obscurité psychique s’éclaire dès qu’on voit en elle une manifestation de l’inconscient, quelque chose qui se forme en lieu et place de quelque chose d’autre, à titre de substitut. D’où l’expression : formation substitutive.

Freud a eu l’intuition de ce processus en étant attentif à ses rêves et en soignant des malades mentaux, essentiellement des hystériques. Ce qui l’a conduit à élaborer une théorie de la maladie mentale et une théorie de l’interprétation des rêves.

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1)      Théorie des la maladie mentale.

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  Ex : L’hystérie de conversion. Elle se caractérise par des symptômes d’ordre somatique : contractures, paralysies, névralgies etc.

Freud élabore une étiologie psychologique des troubles mentaux. Le psychisme est une structure conflictuelle où des forces contradictoires s’affrontant, l’équilibre mental est une conquête précaire. L’architecture psychique s’est édifiée au cours d’une histoire dont Freud retrace les étapes et dont il montre combien elle fait peser des risques sur la santé mentale future. Cette histoire est marquée par des traumatismes naturels ou circonstanciels et par la formation de complexes. Freud appelle ainsi un ensemble d’affects dont l’origine remonte à l’enfance. Toujours caractérisés par l’ambivalence amour/haine, ils sont source de culpabilité. Ils ne sont pas nécessairement morbides mais peuvent le devenir.

Freud accorde une importance déterminante dans la construction de la personnalité psychique au complexe d’Œdipe. Le petit garçon est lié à sa mère par un amour libidinal, incestueux et éprouve à l’égard de son père des sentiments ambivalents. D’une part il l’aime, le père incarnant l‘idéal du moi auquel va s’identifier l’enfant, d’autre part le père étant un rival dans le cadre du rapport à la mère l’enfant ressent de la jalousie et un désir de meurtre. Freud écrit que « tout homme se voit assigné  la tâche de surmonter l’Œdipe. S’il faillit à cette tâche il sera un névropathe.

Il pointe par là l’importance déterminante du temps de l’enfance dans la vie d’un homme.

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Il demande d’admettre que tous les contenus affectifs de notre histoire sont mémorisés sous forme de traces. Ces traces mnésiques peuvent constituer des points de fixation que de nouveaux traumatismes ont le pouvoir de réactiver. Un symptôme névrotique apparaît alors, celui-ci devant s’interpréter comme la formation substitutive de données inconscientes qui étaient jusqu’alors refoulées.

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La névrose est ainsi théorisée comme échec du refoulement et comme phénomène d’ d’hypermnésie.

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« Les hystériques souffrent de réminiscences. Leurs symptômes sont les résidus et les symboles de certains événement traumatiques » écrit Freud.Cinq leçons sur la psychanalyse.

Dans l’hystérie de conversion, par exemple, les symptômes traduisent dans le corps ou à sa surface un conflit psychique. Ils sont le résultat involontaire et inconscient de traumatismes dont les affects n’ont pas été éliminés lorsqu’ils se sont produits. Ils se transforment alors en symptômes somatiques.

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Une telle explication des troubles psychiques conduit Freud à élaborer une méthode de soins dont on comprend qu’elle a pour enjeu de faire prendre conscience au malade de l’origine de ses troubles.

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Cette thérapeutique est la cure analytique. (On dit aussi : psychanalyse, cure cathartique, psychothérapie analytique).

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Elle est longue et onéreuse. Le malade est allongé sur le divan. La difficulté consiste à vaincre les barrières que la conscience oppose à la mise à jour de l’inconscient. Le médecin a pour fonction d’être un médiateur entre le malade et lui-même. La méthode est celle des associations libres. Le patient est invité à dire tout ce qui lui vient à l’esprit sans le contrôler. Il doit au fond, donner la parole à l’inconscient.

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La cure passe normalement par une phase décisive que Freud appelle la névrose de transfert. C’est le moment où le malade répète sur la personne de l’analyste les affects qui sont à l’origine de ses troubles. Il les revit, il les transfère  sur son médecin ; et comme ceux-ci sont marqués par l’ambivalence, il aime et il hait son analyste. « Nous surmontons le transfert, écrit Freud, en montrant au malade que ses sentiments au lieu d’être produits par la situation actuelle, ne font que reproduire une situation dans laquelle il s’était déjà trouvé auparavant. Nous le forçons ainsi à remonter de cette reproduction au souvenir ».

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Au fond, la psychanalyse propose de former un souvenir conscient, là où quelque chose qui est de l’ordre de la trace mnésique, affective, inconsciente, aliène, bloque l’expression positive des possibilités psychiques. Son originalité consiste à penser que seul un travail sur les affects peut promouvoir une libération. C’est la situation analytique qui permet le déplacement des affects et leur réorientation sous forme non pathogène, ce n’est pas une prise de conscience intellectuelle.

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Freud est d’ailleurs modeste sur ce qu’il faut entendre par guérison. Devenir capable de travailler et d’aimer à nouveau, voilà le gain. Ce n’est certainement pas de cesser d’être ce qu’une constitution et une histoire ont fait d’une personnalité psychique. Mieux se comprendre, cesser de répéter les conduites inadaptées, se projeter vers l’avenir avec un peu plus de lucidité. Ce n’est certes pas un remaniement radical d’un profil psychique mais les patients disent souvent que la psychanalyse leur a ouvert de nouvelles possibilités de vie.

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La thérapie freudienne implique donc de comprendre, d’une part que le mieux-être s’opère par une transformation de l’inconscient en conscient, d’autre part que cette transformation n’est pas l’initiative de la conscience, mais l’effet en elle de mécanismes mis en œuvre par la relation analytique.

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Cf. «  Le facteur décisif de la cure, c’est la réintégration du souvenir traumatique dans le champ de la conscience. Là est le cœur de la psychanalyse. Loin donc que la psychanalyse soit la négation de la conscience, elle est au contraire un moyen d’étendre le champ de conscience d’une volonté possible par dissolution des contractures affectives. Elle guérit par une victoire sur l’inconscient. On ne saurait exagérer l’importance de cette péripétie de la thérapie freudienne : en particulier on ne soulignera jamais assez que cette prise de conscience est irréductible à une simple compréhension théorique, à un simple savoir sur l’étiologie de la névrose telle que le médecin peut l’élaborer pour lui-même ou même en communiquer la conviction à son patient. L’interprétation n’est pas le défoulement ; c’est la réintégration intuitive du souvenir qui « purifie » la conscience. Mais, en retour, l’interprétation par un autre est le détour nécessaire de la conscience malade à la conscience saine. C’est le psychanalyste qui doit dissoudre les automatismes refoulés, les résistances refoulantes et les manifestations de « transfert » qui ne sont que des suites de ces deux difficultés à vaincre. Il faut qu’un autre (…) interprète et sache, pour que moi je me réconcilie avec moi-même. Il faut qu’un autre me traite comme un objet, comme champ d’explication causale, et considère ma conscience même comme le symptôme, comme l’effet-signe de forces inconscientes, pour que moi je devienne maître de moi ». Ricœur. Philosophie de la volonté.

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 2)      Théorie des rêves et des actes manqués.

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  Avant Freud, le rêve avait fait l’objet d’une interprétation religieuse et d’une interprétation physiologique. Freud en élabore une conception psychologique.

Le rêve, dit-il, est un rébus. Il faut distinguer en lui le contenu manifeste et le contenu latent. Le premier est absurde, incohérent, le second recèle le sens du rêve. Seul un travail d’interprétation peut retrouver derrière les images manifestes les significations cachées.

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Freud va s’efforcer d’élucider deux questions :

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-Pourquoi le contenu latent se déguise-t-il dans le contenu manifeste ? Il suggère que dans la vie nocturne il y a relâchement du refoulement mais pas suppression. Subsiste la censure du rêve. Le rêve est donc : « la réalisation (déguisée) d’un désir (refoulé) ».

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-Quels sont les mécanismes de déguisement des tendances dans le rêve ?

Freud en dégage trois : la condensation (une seule image onirique peut renvoyer à plusieurs désirs) ; le déplacement (l’objet de la tendance n’est pas son objet réel mais un objet substitut. Elle s’est déplacée de l’un à l’autre) ; la dramatisation (le sujet joue son désir, il l’exprime en acte non en imagination).

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     L’acte manqué relève de la même intelligibilité. Rien n’est insignifiant dans les conduites humaines, tout peut faire l’objet d’une interprétation analytique. Ainsi une maladresse, un lapsus, un oubli qu’on attribue d’ordinaire à un manque de vigilance de la conscience est l’expression de l’inconscient. « Un acte manqué est un discours réussi » disait Lacan, c’est le discours de l’inconscient.

Comme « le rêve est la voie royale qui mène à l’inconscient », l’acte manqué nous en apprend beaucoup sur nous-mêmes.  Chacun a donc intérêt à être attentif aux différentes péripéties de son existence pour apprendre à se connaître dans sa part obscure.

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IV)              Théorie de la pulsion.

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  Si avec le concept d’inconscient Freud fait éclater l’unité de la personne, on peut dire qu’avec celui de pulsion il nous permet d’en penser l’unité psychosomatique.

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« Le concept de pulsion nous apparaît comme un concept limite entre le psychique et le somatique, comme le représentant psychique des excitations issues de l’intérieur du corps et parvenant au psychisme comme une mesure de l’exigence de travail qui est imposée au psychisme en conséquence de sa liaison au corporel ». Pulsions et destin des pulsions dans Métapsychologie.1915.

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  La source de la pulsion étant un état d’excitation à l’intérieur du corps, son origine est somatique. Le mot pulsion connote l’idée de poussée. La pulsion est une énergie, une force motrice.

Mais cette énergie ne nous est connue psychiquement que par ses buts.

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  Le but de la pulsion, c’est sa satisfaction. La satisfaction est toujours expérience de plaisir défini comme suppression de l’état d’excitation, cause de déplaisir.

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  L’objet de la pulsion, c’est ce par quoi elle peut atteindre son but. Il ne semble pas que cet objet soit fixé par la nature, l’observation des hommes témoignant de l’extraordinaire plasticité des objets des pulsions. Ceux-ci mettent en jeu les symboliques culturelles, les processus éducatifs, l’histoire individuelle. C’est là leur dimension proprement psychique.

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Il s’ensuit qu’on peut dire avec Merleau-Ponty qu’avec Freud : « le corps passe dans l’âme et l’âme passe dans le corps ».

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Freud admet que sous forme originaire, la nature humaine est traversée par deux grandes énergies pulsionnelles : la pulsion de vie ou libido, la pulsion de mort ou pulsion agressive. Il reconnaît que c’est là sa mythologie : « La théorie des pulsions est pour ainsi dire notre mythologie, les pulsions sont des essences mythiques, formidables dans leur indétermination. Elles nous frappent par leur plasticité, leur capacité de changer de buts et leur faculté de se faire représenter. Nous ne pouvons dans notre travail les perdre un instant de vue et nous ne sommes cependant jamais sûrs de les apercevoir avec acuité ».Nouvelles Conférences. 1933.

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Freud a étudié les mécanismes de transformations des pulsions à partir d’un fond archaïque supposé être leur mode d’expression primaire. Il décrit le déplacement (transfert partiel de l’énergie de son objet réel à un objet substitut) ; le transfert (déplacement global) ; le compromis (arrangement de la tendance avec ce qui est permis) ; la conversion (renversement de la tendance en son contraire) ; la sublimation.

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La sublimation est , en physique, le passage d’un état solide de la matière à un état gazeux. Il y a une transformation telle, qu’il est impossible de reconnaître dans l’état d’arrivée, l’état de départ. Freud  importe dans le champ psychologique ce concept physique. Sublimer consiste à substituer à un but et un objet sexuel ou agressif primaires, de nouveaux buts ou de nouveaux objets ayant une valeur morale et sociale reconnue.

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Ex : l’amour mystique, l’amour parental ou filial sont des sublimations de la libido.

Le sport de compétition, la lutte économique, intellectuelle ou politique sont des sublimations de l’agressivité.

Par ce mécanisme inconscient, le psychanalyste prétend expliquer tout ce qu’il y a d’éthiquement admirable dans les conduites humaines. Il refuse de présupposer  l’existence d’un désir spirituel et moral naturel. Seules la pulsion sexuelle et la pulsion agressive sont des dynamismes naturels. Elles oeuvrent dans l’ensemble des pratiques humaines, même si leur transformation les rend méconnaissables.

Le freudisme est en ce sens une théorie généalogique et évolutionniste dérivant le supérieur de l’inférieur.

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   Conclusion: Comme tout savant, Freud a élaboré des concepts précis, rigoureux,  pour rendre compte des faits observés. Il a systématisé ces concepts dans une théorie dont il faut souligner la cohérence interne, le caractère opératoire et la fonction heuristique. La question, néanmoins demeure de savoir si cette théorie satisfait aux exigences de la scientificité. Reste que, tant qu’on l’envisage comme une pure hypothèse, la notion d’inconscient est un outil théorique fécond.