Flux pour
Articles
Commentaires

 David Michel Ange. Exécuté entre 1501et 1504. Galerie de l'Académie de Florence.

 

  La conscience définit la manière humaine d'exister. A la différence des choses qui sont mais ne le savent pas, l'homme est et il le sait. Cela change tout et fonde le statut d'exception que la modernité aussi bien que la tradition ont conféré à l'homme. L'une et l'autre affirment en effet que l'homme est un être à part et  supérieur. Son humanité se recueille dans ce qui le distingue des animaux et des choses. La conscience fait sa supériorité ontologique.

  Dans ce cours, je veux montrer que l'homme est doué de conscience pour le meilleur et pour le pire.

  Pascal parle de grandeur et de misère. Voyons ce qu'il faut entendre par là.

 

I)                   Grandeur humaine.

 

A)    La tradition mythique.

 

  Nous sommes les héritiers de Jérusalem et d'Athènes. Si nous ne commençons pas par là, nous risquons de ne pas nous comprendre dans notre modernité.

 

a)      La tradition biblique.

 

  Elle nous dit que l'homme a été fait à l'image de Dieu. La conscience est la marque du créateur sur la créature et le support de la domination qu'il est appelé à exercer sur le monde.

  Cf. Genèse I,26 : « Dieu dit : faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre. Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa ».

 

b)      La mythologie grecque.

 

  Les dieux grecs ne sont pas des créateurs, reste que lorsque le moment fut venu de l'émergence des espèces vivantes, l'espèce humaine est distinguée de toutes les autres. L'étourdi Epiméthée en charge de la répartition des attributs spécifiques oublie l'homme. Celui-ci « naît nu, sans chaussures, sans couvertures, sans armes ». Mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon.

  Pour réparer l'imprévoyance de son frère, Prométhée va voler à Héphaïstos et à Athéna l'aptitude technicienne et Zeus envoie à l'humanité, via Hermès l'aptitude morale. Ce récit montre que les prérogatives humaines (l'intelligence technicienne et morale) sont des capacités originairement divines. L'homme n'est pas un être de la nature comme les autres, il y a en lui de la divinité.

 

B)    La modernité juridique.

 

  Ce principe d'une supériorité ontologique est aussi affirmé dans l'institution juridique qui distingue l'ordre des personnes et l'ordre des choses.

  La chose est un objet dont on dispose. Elle est disponible pour un usage instrumental.  On peut en faire commerce, l'acheter ou la vendre, bref la traiter comme un simple moyen à notre usage.

  La personne est indisponible pour un tel usage. Elle est un sujet disposant des choses mais dont on ne peut disposer. Elle est hors commerce. Cette formule ne signifie pas seulement que la personne n'est pas une marchandise mais qu'elle est exclue de toute circulation entre les hommes car elle échappe à l'emprise de la volonté. Alors que la chose a un prix, la personne est définie comme ayant une valeur. Elle ne peut donc pas être traitée comme un simple moyen, elle doit être traitée comme une fin en soi. C'est dire que la personne, à la différence de la simple chose engage une relation d'ordre moral.

  Kant a donné une formule décisive de l'impératif moral : « Agis de telle sorte que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne d'autrui, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». Fondements de la métaphysique des mœurs. 2° section.1785.

 

  Comme les présupposés de l'institution juridique ne peuvent  plus être d'ordre religieux dans un Etat laïc, il convient de se demander sur quoi se fondent de telles conventions.

  Qu'est-ce qui permet d'instituer l'homme comme un sujet de droit  et d'égaliser des individus pourtant si différents, en affirmant : « tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droit » ? Qu'est-ce qui autorise à leur attribuer le statut de personne ?

  Impossible de répondre : « parce qu'ils participent de la divinité ». Nous avons rompu avec l'âge mythologique et nous ne demandons plus aux poètes de rendre intelligible notre expérience. Il s'ensuit que c'est avec les seules ressources de la raison que les modernes élucident  ces questions.

  Nos majestueux édifices juridiques ne peuvent que reposer sur des fondements philosophiques. Quels sont-ils ?

 

C)    L'élucidation philosophique de la notion de personne.

 

a)                   Kant.

 

  «  Posséder le Je dans sa représentation : ce pouvoir élève l'homme infiniment au-dessus de tous les autres êtres vivants sur la terre. Par là, il est une personne ; et grâce à l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir, il est une seule et même personne, c'est-à-dire un être entièrement différent, par le rang et la dignité, des choses comme le sont les animaux sans raison, dont on peut disposer à sa guise ; et ceci, même lorsqu'il ne peut pas encore dire le Je, car il l'a cependant dans sa pensée ; ainsi toutes les langues, lorsqu'elles parlent à la première personne doivent penser ce Je, même si elles ne l'expriment pas par un mot particulier. Car cette faculté (de penser) est l'entendement.

Il faut remarquer que l'enfant, qui sait déjà parler assez correctement, ne commence qu'assez tard (peut-être un an après) à dire Je ; avant, il parle de soi à la troisième personne (Charles veut manger, marcher etc.) ; et il semble que pour lui une lumière vienne de se lever quand il commence à dire Je ; à partir de ce jour, il ne revient jamais à l'autre manière de parler. Auparavant il ne faisait que se sentir, maintenant il se pense » Anthropologie du point de vue pragmatique.1798.

 

  Dans ce texte magnifique, Kant médite la notion de sujet. Et c'est bien par là qu'il faut commencer car la notion est impliquée dans la définition de l'homme comme sujet de droit ou comme une personne. Ces expressions renvoient à l'idée d'une unité et d'une identité personnelle, chaque individu se pensant identique à lui-même et distinct des autres. Or comment cela est-il possible puisque, comme tout ce qui est, nous sommes soumis à la loi du temps ? Nous n'arrêtons pas de changer. Nos vécus passés sont différents de notre vécu présent et celui-ci des vécus à venir. Pourtant, au moment où nous disons changer, il faut bien que nous rapportions ces changements à quelque chose que nous supposons permanent dans le temps. Qu'est-ce donc qui confère unité et permanence à un être qui, empiriquement n'est jamais le même puisqu'il devient ? Kant montre que c'est « l'unité de la conscience dans tous les changements qui peuvent lui survenir». A chaque instant de sa vie un sujet est présent à lui-même par la conscience. Or la conscience n'est pas seulement aperception des états présents, elle est aussi mémoire. Grâce à cette faculté le sujet se souvient de ce qu'il a été, il sait qu'il n'est plus tout-à-fait le même et il témoigne par là  qu'il reconnaît ses états, dans leur diversité comme siens. Cette opération est l'opération fondamentale de l'entendement (ou faculté de comprendre). Elle consiste  à synthétiser dans l'unité d'un être, une multiplicité et une diversité empirique.

  Kant prend l'exemple du petit Charles pour préciser sa pensée. Celui-ci, comme tous les enfants, commence à parler de lui à la troisième personne. « Charles veut manger » ; « Charles veut une caresse ». L'enfant doit conquérir le Je. Kant analyse cette évolution comme un passage du « se sentir » au « se penser ». Sentir c'est être immergé dans la multiplicité mouvante d'états. C'est s'écouler au rythme de l'hémorragie temporelle sans pouvoir se sentir changer car, comme ne cesse de le rappeler Kant, tout changement implique la permanence de ce qui change. A défaut de cette permanence le changement n'est pas possible. On a affaire à des états se succédant extérieurement les uns aux autres, sans fil conducteur pour qu'il y ait sens à dire que quelque chose change. L'enfant sent bien ses états mais il ne pourra dire qu'ils sont « siens » que lorsqu'il sera capable d'établir un lien entre eux et de les synthétiser dans l'unité du sujet qu'il est désormais grâce à cette opération.

Ainsi, lorsque Charles dit Je, il témoigne qu'il est devenu capable de se penser c'est-à-dire de dépasser l'immédiateté de ses sensations pour les rapporter à un sujet qui sent. Son expérience n'est plus éclatée en une multiplicité de vécus sans lien les uns avec les autres. Charles se pose dans l'existence comme le centre unificateur de ses expériences passées, présentes et à venir. Le Je accompagne alors toutes ses représentations et l'élève à la dignité d'une personne.

  En disant que le Je accompagne toutes ses représentations, Kant signifie que l'unité ou l'identité du sujet n'est pas une donnée empirique. La conscience de soi accompagne toutes nos représentations mais ne peut pas s'en détacher. Elle ne peut donc pas se saisir séparément et devenir à elle-même son propre objet. Voilà pourquoi Kant dit que la personne ou le sujet sont saisis dans une aperception originaire ou transcendantale. L'unité de la conscience ou du je pense est la condition de possibilité de l'expérience du sujet mais elle n'est pas donnée dans l'expérience. Elle est consubstantielle à l'activité de ce même sujet ayant l'aperception de lui-même au sein même de son activité.

 

PB : Nous venons de fonder l'unité personnelle, mais en quoi est-il possible de dire que l'activité synthétique de l'entendement est le principe d'une dignité ? Nous voyons bien que c'est ce qui nous arrache au statut des simples objets en nous permettant de nous poser comme des sujets mais en quoi est-on autorisé à parler de dignité ? Après tout, ce pouvoir pourrait être envisagé comme une capacité comme une autre. L'homme aurait une aptitude dont seraient privés les autres êtres, un point c'est tout. Pas de quoi lui conférer un statut d'exception en l'insularisant dans l'univers.

 

  Le génie de Kant consiste à établir qu'au contraire, ce pouvoir marque une rupture radicale sur le plan ontologique.

  Car cet être qui se pose comme un sujet témoigne déjà qu'il n'est pas soumis entièrement à la loi du devenir. Il fait échec au déterminisme temporel en lui imposant une autre loi. Mais surtout il échappe à la loi de l'être car, par la pensée il est capable de se représenter la loi de ce qui doit être. L'homme est « un être entièrement différent, par le rang et la dignité, des choses comme le sont les animaux sans raison » parce qu'il est doué d'une capacité morale. La conscience fait la dignité de l'homme dans la mesure où elle lui permet de se représenter la loi morale et de se sentir tenu de soumettre sa conduite à son exigence. La grandeur de l'homme se recueille dans la capacité qui l'arrache au règne de la nature ou de l'être (régi par le principe du déterminisme) pour rendre possible le règne du devoir être ou de la moralité, (ce qui est possible par liberté).

C'est ce pouvoir moral et la liberté qu'il suppose qui inspirent le respect en l'homme et rien d'autre.

   «  La moralité est la condition qui seule peut faire qu'un être raisonnable est une fin en soi (...) La moralité ainsi que l'humanité, en tant qu'elle est capable de moralité, c'est donc là, ce qui seul a de la dignité » (Fondements de la métaphysique des mœurs).

  L'homme ne peut donc pas revendiquer une dignité en sa qualité d'individu empirique. A ce niveau, rien ne le distingue des choses. Sa dignité est attachée à sa seule personnalité morale, c'est-à-dire à une dimension qui n'est pas physique mais métaphysique. L'homme est une personne non point parce qu'il est un homme ou une femme, un juif, un chrétien ou un musulman, un français, un italien ou un anglais. Ces déterminations ne sont pas essentielles pour le définir comme une personne. Seule sa qualité de sujet moral le constitue comme tel. 

  D'où la possibilité d'affirmer en toute cohérence l'égalité de tous les hommes. Alors que les aptitudes physiques, intellectuelles, artistiques sont si inégalement réparties entre les hommes, alors que par les appartenances culturelles ou religieuses, ils sont si différents les uns des autres,  il y a quelque chose qui leur est commun, les égalise et fonde l'unité du genre humain.

  Le premier principe de la Déclaration universelle des droits de l'homme (1948) en formule la nature : « Ils sont doués de raison et de conscience et doivent agir les uns avec les autres dans un esprit de fraternité ».

  Nous sommes frères c'est-à-dire également hommes, par la capacité morale de nous représenter notre devoir et par rien d'autre.

 

  

 

b)                Le pour soi ou la responsabilité de la liberté. Hegel. Sartre.

 

 

 hegel

 

«  Les choses de la nature n'existent qu'immédiatement et d'une seule façon, tandis que l'homme, parce qu'il est esprit, a une double existence ; il existe d'une part au même titre que les choses de la nature, mais d'autre part il existe aussi pour soi, il se contemple, se représente à lui -même et n'est esprit que par cette activité qui constitue un être pour soi. Cette conscience de soi, l'homme l'acquiert de deux manières : Primo, théoriquement, parce qu'il doit se pencher sur lui-même pour prendre conscience de tous les mouvements, replis et penchants du cœur humain et d'une façon générale se contempler, se représenter ce que la pensée peut lui assigner comme essence, enfin se reconnaître exclusivement aussi bien dans ce qu'il tire de son propre fond que dans les données qu'il reçoit de l'extérieur. Deuxièmement, l'homme se constitue pour soi par son activité pratique, parce qu'il est poussé à se trouver lui-même, à se reconnaître lui-même dans ce qui lui est donné immédiatement, dans ce qui s'offre à lui extérieurement. Il y parvient en changeant les choses extérieures qu'il marque du sceau de son intériorité et dans lesquelles il ne retrouve que ses propres déterminations. L'homme agit ainsi, de par sa liberté de sujet, pour ôter au monde extérieur son caractère farouchement étranger et pour ne jouir des choses que parce qu'il y retrouve une forme extérieure de sa propre réalité. Ce besoin de modifier les choses extérieures est déjà inscrit dans les premiers penchants de l'enfant : le petit garçon qui jette des pierres dans le torrent et admire les ronds qui se forment dans l'eau, admire en fait une œuvre où il bénéficie du spectacle de sa propre activité ».

                                                                              Hegel. Introduction à l'esthétique. 1828.1829.

     Hegel nous invite à comparer la modalité d'être de la chose et celle de l'être doué de conscience. Nous apprenons que si l'une est « en soi », l'autre existe « pour soi ».

  La chose est sur le mode de l'en soi car elle est « immédiatement » et « d'une seule façon ».

  De fait, ce stylo sur le bureau n'a pas le pouvoir de se séparer de lui-même, de se diviser pour se représenter. Son être n'est pas,  pour lui, médiatisable par une représentation. Il est clos en lui, il n'y a pas d'écart possible entre lui et lui, entre lui et le monde. Conséquemment il ne peut pas être autre chose que ce qu'il est. Son mouvement, sa forme sont l'effet nécessaire des lois qui le régissent. Il a été conçu par un technicien pour un certain usage, son utilisateur en dispose à sa guise. Il n'y a pas de spontanéité dans le stylo par laquelle il pourrait initier un mouvement, décider de changer sa couleur, modifier ce qu'il est, se projeter de manière différente vers les autres choses. Il est entièrement déterminé à être ce qu'il est.

  Rien de tel avec l'être doué de conscience. Celui-ci n'est pas clos en soi, il est ouvert au monde et à lui-même. Il dispose du pouvoir de s'échapper de lui-même, de se représenter, de refuser ou de consentir à ce qu'il est. Il est sur le mode du « pour soi » et il faut bien comprendre ce que cela veut dire.

  D'abord qu'au pour soi est refusée la nécessité de l'être qui est ce qu'il est. On parle de nécessité, là où quelque chose ne peut pas ne pas être ou être autrement qu'il est. Ce n'est pas le cas du pour soi. Il n'est pas « d'une seule façon ». Il a une « double existence ». En effet, il existe bien comme existent les choses. Ainsi, l'homme est au monde sous la forme d'un corps, de certaines données psychologiques, sociales, identifiables comme on identifie les simples objets. Il y a bien, ce que Sartre (empruntant le terme à Heidegger) nomme une facticité irréductible de l'être doué de conscience. On peut essayer de définir ses contours, de décrire ce qui le caractérise comme on le fait avec tout ce qui est donné comme un fait observable.

  Mais voilà, si on l'identifiait à ces données objectivables, on le manquerait dans ce qui fait qu'il n'est pas une chose comme les autres. Car il dispose du pouvoir de se mettre à distance de cette facticité, il a conscience de lui et en tant qu'il s'échappe de ce qu'il est sur le mode du donné, il n'est plus ce simple donné. Il est, dit Sartre, une transcendance. Le mot doit être entendu dans un sens purement phénoménologique. Etre une transcendance consiste à avoir le pouvoir de transcender, au sens de dépasser, de nier ce qui est et de se projeter vers ce qui n'est pas.

  D'où l'ambiguïté de la condition humaine. Sartre la formule ainsi : « L'homme est l'être qui est ce qu'il n'est pas et n'est pas ce qu'il est ».

  Il est cette conscience par laquelle lui est refusée la nécessité de l'être qui est ce qu'il est. Car qu'est-ce qu'être pour une conscience ? Est-ce être quelque chose de déterminé comme une nature ou une essence ? Non, c'est précisément l'impossibilité d'être une chose ayant une consistance et une identité propre. La conscience, c'est l'écart, la transcendance, c'est-à-dire au fond, la liberté. Disposer du pouvoir de s'échapper de soi et du monde revient à échapper à la nécessité caractérisant l'ordre de l'en soi.

  Il s'ensuit que l'existence humaine est placée sous le signe d'une contingence radicale. Exister pour un pour soi, c'est en ce sens, être condamné à la liberté ( selon la célèbre formule de Sartre). Rien ne le détermine absolument puisque tout ce qui est, constitue un « dehors » pour la conscience. Ni ce moi qu'il est aussi, ni le monde dans lequel il est en situation, ne peuvent l'enclore dans leur nécessité. Il est irréductiblement libre, d'une liberté constitutive de sa condition. Il est condamné à se déterminer de telle ou telle façon, dans toutes les situations de son existence.

 

  Pour définir la conscience ou la liberté, Hegel parle de négativité. Négativité ne signifie pas que la conscience est un phénomène négatif mais qu'elle agit en niant ce qui n'est pas elle (Sartre parle de néantisation). Elle s'accomplit comme travail du négatif. « La liberté est la négation constante de tout ce qui conteste la liberté » dit Hegel.

 

  D'où l'ambiguïté du précepte delphique que Socrate avait fait sien : « Connais-toi toi-même ».

  S'il est vrai que le sujet se pose par la capacité que nous venons de décrire, « Connais-toi toi-même » ne signifie pas : « Efforce-toi de savoir ce qui te constitue dans ta facticité, dans la particularité de données objectivables » mais : « Découvre ta liberté foncière et assume la responsabilité qu'elle te confère. Ne fais pas preuve de mauvaise foi en prétendant que ton existence est nécessaire ou que tu es soumis à des déterminismes ». Là où certains se croient assigner à la tâche de se comprendre dans leur particularité empirique, le précepte invite à découvrir notre part universelle. Nous sommes tous des pour soi, des consciences c'est-à-dire des libertés.

 

  Après avoir établi la distinction de l'en soi et du pour soi, Hegel examine comment l'homme prend conscience de son être pour soi.

 

  Premièrement, dit-il, en se réfléchissant dans sa dimension d'être doué de conscience, comme nous venons de le faire. Mais l'homme prend également conscience de lui-même en agissant dans le monde. Il transforme la nature par le travail, il se transforme lui-même par l'éducation, il transforme les institutions par l'action politique. Quelle qu'elle soit, l'activité humaine révèle que l'homme entretient un rapport spécifique avec ce qui constitue « un dehors » pour la conscience. Ce dehors c'est le donné, la nature, le corps, tout ce qui a son principe d'existence hors de la liberté et à ce titre incarne pour elle une étrangeté. Or le propre d'une liberté est de nier ce qui la nie. Il s'ensuit que le pour soi ne laisse pas subsister les choses dans leur étrangeté. Sa tendance la plus fondamentale étant de s'exprimer, de se manifester comme négativité, il modifie le donné afin d'imprimer en lui sa marque.

  Qu'il s'agisse du travail, de l'art, de l'action politique ou autre, toute l'activité pratique des hommes peut être interprétée comme l'œuvre d'une liberté s'efforçant d'inscrire dans l'extériorité le signe de l'intériorité spirituelle. L'homme se donne ainsi une image extérieure de ce qu'il est intérieurement et cette médiation est nécessaire à la prise de conscience de soi. Dans l'oeuvre, il se contemple lui-même et peut s'approprier sa propre essence. Hegel interprète ainsi le geste si familier de l'enfant s'amusant à lancer des pierres dans l'eau. Ce jeu obéit aux mêmes lois que les autres actions. Il témoigne que l'enfant ne laisse pas les choses inchangées. Il les nie dans leur caractère autre, il inscrit en elles son chiffre. En lançant une pierre et en regardant les ronds qui se forment dans l'eau, il manifeste la tendance du pour soi à marquer le donné du sceau de ses propres exigences. En intervenant sur la surface de l'eau, il la transforme et jouit du spectacle de sa liberté.

  NB : Notez qu'avec cette analyse, commence le remaniement théorique du concept de travail. Si avec les Grecs, le travail apparaît comme une activité servile au sens où nous l'avons analysé (Cf. Répertoire : libéral), ici, et évidemment dans une tout autre perspective, l'activité laborieuse est dévoilée comme manifestation de la liberté.

  NB : Le pour soi, vient-on de comprendre, s'objective dans ses œuvres pour prendre conscience de soi et s'accomplir. Mais toute objectivation est-elle une objectivation réussie ? N'y a t il pas des objectivations ratées c'est-à-dire des formes d'expression aliénées ? Nous affronterons bientôt cette question.

 

Conclusion : Il y a indéniablement une grandeur humaine. Une capacité morale, une liberté ne sont pas rien sur le plan moral. Là est le principe de la dignité humaine et ce qui fonde l'obligation du respect de l'homme pour l'homme.

  Le philosophe rejoint ici les grandes intuitions des poètes. Ils nous disaient, dans les mythes, que l'homme est de filiation divine. Nous disons, à l'âge de la rationalité que l'homme est une valeur, qu'il a une supériorité ontologique. Dans les deux cas, on dit au fond la même chose avec des mots différents et il est possible de transposer dans le langage de la raison ce que les conteurs disaient dans celui de l'imagination. Ne disqualifions donc pas inconsidérément les significations mythiques et apprécions la clairvoyance d'un auteur que je crois être Descartes (mais je ne parviens pas à retrouver cette formule que j'ai apprise il y a fort longtemps dans le texte) : « Il y a dans l'esprit humain des semences de vérité comme il y a dans le silex des semences de feu. Les philosophes et les savants les extraient par raison, les poètes par imagination ».

 

 

 
 II)                Misère humaine.

 

 Munch. Le cri.

 

  Si la conscience fait la grandeur de l'homme, elle fait aussi sa misère. Pourquoi ?

 

1) Parce que la conscience permet de se représenter sa petitesse, sa fragilité, sa misère. Que sommes-nous dans l'univers ? Bien peu de chose. Un petit rien qu'une brise peut anéantir. Un être trivial qui, chaque jour dans les toilettes ou dans les faiblesses et les laideurs de son corps est rappelé à sa misérable condition. Comment ne pas se sentir humilié par cette trivialité ? Robert Antelme qui fit l'expérience de la déchéance dans les camps de concentration se fait l'écho de cette douloureuse expérience. « On tremblera toujours de n'être que des tuyaux à soupe, quelque chose qu'on remplit d'eau et qui pisse beaucoup ». Et chaque jour sur les lits d'hôpitaux, des milliers d'êtres humains sont condamnés à boire jusqu'à la lie et sans pouvoir toujours lui donner un sens, cette implacable humiliation.

 

2) Parce que la conscience permet de se représenter sa finitude. L'animal doué de conscience sait qu'il va mourir. Il ne sait pas ce qu'il sait quand il sait cela mais la certitude de l'événement jointe à l'ignorance de ce que signifie mourir l'angoissent. On a pu dire que l'angoisse est la première pensée de l'homme. L'angoisse est une peur sans objet. Et de fait, qu'est-ce que la mort si ce n'est le tout autre, l'effondrement de l'être, ce qu'il est impossible de nommer de manière conséquente ? L'angoisse définit la manière humaine d'exister, elle est un existential selon le mot de Heidegger. Impossible de lui échapper entièrement, pourtant on s'en passerait bien.  

 

3) Parce que la conscience est au principe de l'impuissance humaine à être heureux. Pour de multiples raisons.

  L'une tient au fait que le besoin se transforme avec la conscience en désir. Or si le besoin est facile à combler, il n'en est pas de même avec le désir. Ce dernier a tendance à s’illimiter et à nous projeter vers des mirages. Désirer consiste à viser la possession d'un objet fantasmé comme source de plaisir. L'objet du désir étant construit dans l'imaginaire, l'homme se condamne souvent pour son malheur à poursuivre vainement des chimères.

  L'autre procède de la temporalisation inhérente à la conscience. L'homme ne parvient pas à être au présent. Il est inapte à cueillir le jour dans la perfection de son offrande. Il ne cesse d'introduire dans sa vie l'inquiétude de la fuite du temps. Il s'échappe vers des temps imaginaires. Il se souvient du passé et vit de nostalgie (« Ah ! Le bon vieux temps »), de regrets ou de remords ; il anticipe l'avenir et vit d'espérances de lendemains qui chantent (« Ah ! Vivement que je sois grand, vivement les vacances ; vivement la retraite »). Il n'hésite pas à sacrifier le seul temps réel pour des lendemains qui souvent déchantent et surtout il ne voit pas que cette manière d'être au temps est le principal artisan de son insatisfaction dans le présent. Malédiction de la nostalgie et de l'espérance car le passé nostalgique ou l'avenir espéré sont d'ordinaire des fantasmes. Le passé était beaucoup moins beau lorsqu'il était vécu et l'avenir décevra lorsqu'il cessera d'être un rêve. Mais à coup sûr la construction fantasmatique du passé et de l'avenir a pour conséquence désastreuse le dénigrement du présent. Méditant cette tendance délétère de la conscience, André Comte Sponville remarque que Dante a eu tort d'inscrire sur la porte de son enfer : « Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance », il faudrait plutôt en faire le sésame du paradis. Pascal constatait de même : «  Nous ne vivons jamais, nous espérons de vivre et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais » Pensée, 172 B.

  Enfin l'impuissance de l'homme à être heureux est peut-être liée à la conscience en un sens plus fondamental encore. Tout se passe, nous dit Pascal, comme s'il y avait logé en elle le souvenir d'un paradis perdu, d'un bonheur parfait ayant laissé en elle une trace indélébile. Une trace si vive que les hommes désirent inlassablement en retrouver le chemin. « Tous les hommes recherchent d'être heureux ; cela est sans exception ; quelques différents moyens qu'ils y emploient (...) C'est le motif de toutes les actions des hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre ». Et pourtant impossible de combler ce désir qui par sa seule énergie témoigne de la misère de notre condition. Cette misère, affirme le chrétien Pascal c'est celle de l'homme privé du seul être capable de le combler c'est-à-dire privé de Dieu. "Qu'est-ce que nous crie cette avidité et cette impuissance, sinon qu'il y eut autrefois dans l'homme un véritable bonheur, dont il ne lui reste maintenant que la trace toute vide, et qu'il essaie inutilement de remplir de tout ce qui l'environne, recherchant des choses absentes le secours qu'il n'obtient pas des présentes, mais qui en sont toutes incapables, parce que ce gouffre infini ne peut être rempli que par un objet infini et immuable, c'est-à-dire que par Dieu même" Pensée, 425B

 

4) On peut, ne pas suivre Pascal dans cette analyse, reste que l'on ne rechercherait  pas la vérité, la justice, le bien, le beau si l'on n'en avait pas une idée. Or leur exigence n'est en nous qu'à titre de trace. Impossible de les dévoiler dans la plénitude d'une intuition, ou la perfection d'une action. La conscience porte en elle la nostalgie d'une perfection qui la tente mais s'éloigne à mesure qu'elle la vise. D'où le malheur d'un être se sentant toujours en déficit de l'idéal qu'il intentionne. Insatisfaction du savant découragé parfois d'apaiser son désir de savoir, déception de l'artiste qu'aucune œuvre ne comble dans son aspiration à la perfection, culpabilité du sujet moral mesurant douloureusement la distance le séparant de la pureté morale. La négativité de la conscience ne s'exerce pas ici pour faire rayonner sa liberté mais pour humilier celui en qui elle travaille.

 

Conclusion : La conscience expose l'existence humaine à l'humiliation, à l'angoisse, à la culpabilité, à l'ennui, à la mélancolie, au sentiment de l'absurde, tout tourment dont l'animal est protégé par son hébétude. Ce que ce dernier perd en dignité, il le gagne en inconscience de ses propres limites et en quiétude.

 

A méditer: 

 

  "La grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne se connaît pas misérable. C'est donc être misérable que de se connaître misérable; mais c'est être grand que de connaître qu'on est misérable. Pensée fait la grandeur de l'homme" Pensée, 347 B.

 

 

Partager :

Pin It! Share on LinkedIn

76 Réponses à “Ambiguïté de la condition humaine.”

  1. Joanna dit :

    Je n’ai plus pu trouver où était Sartre…Donc je le mets ici. J’ai retrouvé la référence mythologique sur le danger du regard (que j’avais commencé à expliciter en classe). C’est donc Sélémé(file du roi de Thèbes) dont Zeus est tombé éperduement amoureux. Héra, jalouse se transforme en sa nourrice et lui suggère de demander à Zeus de se présenter dans sa vraie forme divine. Sélémé fait d’abord jurer à Zeus sur le Styx de lui donner tout ce qu’elle demande. Zeus jure, elle lui demande sa véritable forme, et il est obligé de le faire à cause de sa promesse sacrée. Sélémé le voit , et son corps ne pouvant le supporter, elle s’embrase et meure. Certaines versions disent que c’est par pure coquetterie qu’elle le demandanda…quoi qu’il en soit cela prouve bien le danger du regard.

  2. chamberien dit :

    « ……..domination qu’il est appelé a exercer sur le monde…….. »
    « ….L’homme n’est pas un être de la nature comme les autres, il y a en lui de la divinité… »

    L’Homme supérieur en intelligence vient de chuter, il a rencontrer plus intelligent, ou plutôt mieux connecté dans les parties cerébrales de technicités et de mémoires. Il est avéré scientifiquement que le Chimpanzé a plus de connections dans le cortex cérébrale que l’homme. « Beaucoup de gens croient naïvement que les humains sont les créatures les plus intelligentes sur cette planète, conclut le chercheur. Je pense que cette recherche montre très clairement qu’ils se trompent. »

    C’est un chercheur Japonnais qui a déclaré cela aprés avoir démontré qu’un singe s’avait mieux compter, ou en tout cas plus rapidement, qu’un être humain face à un écran tactile montrant des chiffres pendant 21 ms et les remplaçant par des carrés blancs. Le Chimpanzé est plus rapide et plus de deux fois plus efficace que l’homme pour remettre les nombres dans l’ordre.

    http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3244,36-985889@51-985896,0.html

  3. Simone MANON dit :

    On se demande pourquoi il a fallu attendre l’homme pour construire les mathématiques!

  4. chamberien dit :

    Quand Sartre défini la conscience par l’intentionnalité; la conscience n’est pas une chose ni un être mais une action, une activité qui conceptualise et donne un sens aux choses.
    La conscience est elle donc, comme l’existence; contingente?
    Pour Sartre l’imagination, si je ne me trompe pas, est une sorte d' »existence » différente de celle que nous comprenons d’après ce mot.

    Mais là ou je n’arrive pas à suivre Sartre, c’est dans sa Néantisation. Pour lui, enfin dans « L’être et le néant » la néantisation consiste à remplacer une difficulté ou un souci actuel par une imagination ou une émotion. Quand j’imagine ou je vais passer mes prochaine vacance, c’est en fait pour dissimuler une difficulté du présent.
    Mais a ce moment là, Sartre définit le néant comme la conscience en appelant ça le pour -soi mais qu’est ce que l’en soi? La chose qui est face à la conscience ( néant )?
    Parce que si l’en soi est l’être de la chose et que le pour soi est l’être doué de conscience alors ces deux être sont différents tout en étant qu’un?

  5. Simone MANON dit :

    Pour la réponse à vos questions vous pouvez consulter avec intérêt le dictionnaire de philosophie Morfaux. Les articles: néantisation et en soi, pour soi sont très éclairants.

  6. louison dit :

    bonjour,
    même si je sais qu’il n’y en a pas …question idiote tout de même: une personne amnésique ou mieux une personne plongée dans le coma n’as pas je pense conscience de son etat; est-elle une chose? Je provoque volontairement mais m’interroge serieusement sur les questions ethiques.

    Merci si vous avez le temps de me repondre et merci pour votre site

  7. Simone MANON dit :

    Une personne amnésique ou une personne dans le coma reste, juridiquement, une personne. Simplement elle ne peut plus être un sujet majeur. Elle a besoin d’une assistance ou d’un tuteur pour veiller au respect de ses droits.

  8. Cenluard dit :

    Bonjour Madame,
    Tout d’abord félicitations pour votre site, très clair, très instructif, et qui me rend bien des services
    (pas facile d’écouter dans le brouhaha caractéristique, dans mon lycée, des classes de TES en philo).

    Quelque chose me dérange un petit peu dans la sous-partie consacrée à Kant ; si vous pouviez m’éclairer à ce sujet, vous me rendriez un immense service. Il s’agit en fait de confronter la « notion de personne » telle que vous la présentez, et la question de l’apparition de la conscience ; en effet, si on prend l’exemple de « Charles », qui acquiert au bout de tel nombre d’années la capacité de dire « je », on peut se demander si cette capacité ne viendrait pas de l’éducation, bref de la culture ? Est-ce que Victor, l’enfant sauvage, avait appris à dire je ? On pourra répondre, j’imagine, que cette capacité, enfouie au plus profond de l’être humain, doit en quelque sorte être activée par la culture, alors qu’elle ne saurait l’être chez l’animal, décidément sujet « en soi ». Mais, dans ce cas se pose une question plus grave, et c’est en fait elle qui me dérange le plus ; elle ressemble un peu au mot de Voltaire « Dieu a créé l’homme à son image, qui le lui a bien rendu ». Si ma capacité à dire je, à me reconnaître comme sujet pensant, vient de ce que ma famille, c’est à dire la culture, a activé en moi cette spécificité qui n’attendait que cela pour s’exprimer, on peut se demander : est-ce que le fait d’être « pour soi » et non « en soi » se révélerait en fait être la pire des condamnations, à savoir celle liée à mon milieu (qu’il soit social, culturel…).
    On pourrait résumer ce problème -qui n’en est peut-être pas un, à vous de me rassurer- par ceci:
    1/ Admettons un chien attaché à un poteau par une laisse, si bien qu’il ne peut absolument pas bouger. Tout pareil à lui, une chienne est attaché à côté, mais les deux animaux ne peuvent pas se voir
    2/ Un homme arrive, qui propose au chien le marché suivant : je te détache du poteau, mais je te tiendrais toujours en laisse où que nous allions ; tu pourras ainsi explorer grâce à moi les terres les plus éloignées, et par tes empreintes tu y laissera une trace durable. Puis il fait le même marché à la chienne. Les deux animaux acceptent.
    3/ Les deux animaux se rencontrent, la nature fait son oeuvre, la chienne est grosse sous la bienveillance de l’homme qui la tient attaché. Des chiots naissent, qui chacun sont relié à l’homme et soumis à sa volonté.
    4/ L’habitude aidant, les animaux oublient qu’ils sont attaché. Ils oublient la laisse et le maître. Ils oublient que les endroits qu’ils visitent ne sont visités que sous la volonté du maître qui tient la laisse ; ils imaginent que là où leur maître les emmène est l’endroit même qu’eux même ont décidé de visiter.

    L’homme qui tient la laisse, ce n’est pas Dieu, c’est la conscience. Si la conscience est étrangère à l’homme – en effet c’est par le biais de la culture, donc par le biais d’autres consciences – qu’elle se trouve éveillée en l’homme, et qu’elle devient ensuite le déterminant de sa spécificité et de sa nature profonde, et par là même la maîtresse de ses actions et de ses choix, alors l’homme n’est-il pas tenu en laisse par cette conscience, donc esclave, donc inférieur au dernier des animaux ?

    C’est très long…excusez moi. Je crois véritablement qu’en me corrigeant et en me répondant vous améliorerez sensiblement ma capacité à faire de bonnes dissertations étant donné qu’il doit y avoir dans le développement ci dessus beaucoup d’expressions, de jugements péremptoires caractéristiques d’un esprit profane à la philosophie…

  9. Simone MANON dit :

    D’abord je voudrais exprimer mon regret de savoir que des professeurs acceptent le brouhaha et compromettent ainsi la formation intellectuelle des élèves d’une classe. Mais je sais bien que la discipline dépend de la volonté politique d’un établissement et que celle-ci fait souvent défaut.
    Votre propos est souvent intéressant même s’il a le tort de confondre une condition empirique et une condition transcendantale. Pour développer les capacités mentales, il faut effectivement un contexte culturel, des apprentissages linguistiques et vous avez raison de penser que Victor n’identifie pas plus des objets autour de lui qu’il ne s’identifie comme sujet. Il est dans un état d’hébétude intellectuelle.
    Cela dit la culture, le langage ne créent pas ce qu’ils supposent. Ils développent une capacité qu’ils présupposent. Sans langage pas de pensée mais sans pensée pas de langage, sans contexte culturel pas de développement mental mais sans une capacité mentale pas d’émergence du fait culturel. Il faut s’en tenir au rapport dialectique des deux plans.
    Nous ne sommes pas l’esclave de notre entendement (ou de notre conscience). C’est au contraire par leur exercice que nous pouvons nous affranchir de ce qui nous détermine ne serait-ce qu’en en prenant connaissance.
    Ainsi par l’initiation philosophique c’est-à-dire par la médiation des grands penseurs, vous n’allez pas creuser votre servitude, vous allez au contraire conquérir votre autonomie spirituelle et morale.
    Tous mes voeux de réussite.

  10. Cenulard dit :

    Merci de m’avoir répondu ; désolé de vous solliciter à nouveau sur un sujet que vous avez certainement laissé de côté.

    J’ai bien compris que la culture n’était pas créatrice mais animatrice, révélatrice de la conscience. Cependant, ce qui nous active, ce grâce à quoi nous devenons conscient, ce qui nous fait naître en quelque sorte, n’a-t-il pas un formidable pouvoir sur nous, tout comme notre mère qui nous met au monde peut en avoir un ? Que la conscience soit notre façon d' »acquérir une autonomie spirituelle et morale », c’est entendu. Mais une autonomie par rapport à quoi ? par rapport à une certaine culture n’est-ce pas ? C’est à dire par rapport à la culture qui nous a fait « naître une seconde fois », ou ont pourrait dire, « naître pour la communauté humaine, naître en tant qu’homme ». Donc si nous nous construisons, si nous acquérons cette autonomie à laquelle vous faites allusion, c’est bien à l’intérieur de quelque chose, dans le sein de quelque chose : dans le cadre de notre conscience, qui elle-même est né dans le cadre de la culture.
    C’est en ce sens que je me demande si nous ne somme pas esclaves de notre pensée, comme nous sommes esclaves de notre corps. Tout comme notre naissance biologique nous lie et nous rend esclave de nos parents jusqu’à notre majorité, notre naissance en tant qu’homme ne nous rend elle pas esclave de notre conscience ? Et dans ce cas, à quand la majorité, et par quel biais ?

    En dehors de ça, comment dans le système que vous présentez, comprendre l’affirmation de Proust : « L’art est la révélation, qui serait impossible par des moyens directs et conscients (comment comprendre ici ce : conscient ?), de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde. »

    Ce qui m’amène à poser la question : l’art ne serait-il pas le seul moyen d’affirmer la majorité « humaine » que j’évoquais tout à l’heure, à savoir le moyen de nous affranchir de notre conscience non en nous en délivrant, ce qui est impossible, mais en embrassant celle d’un autre, de millions d’autres, ce à quoi la philosophie est inefficace ?

    Merci beaucoup si vous vous êtes attardé à lire jusqu’ici, encore plus si vous répondez (je tiens à préciser que ce genre de questionnement n’est pas de ceux qui conditionnent ma vie et que mon amour de la littérature ne vient pas de cette espérance d’affirmer ma « majorité » : n’hésitez donc pas à être féroce avec mes arguments.)

  11. Simone MANON dit :

    Il y a beaucoup de confusions dans votre propos.
    D’une part dépendance n’est pas synonyme d’esclavage, d’autre part le thème de l’expression « de la différence qualitative qu’il y a dans la façon dont nous apparaît le monde » n’a rien à voir avec celui de la majorité intellectuelle et morale.

  12. Emeline C. dit :

    Bonsoir j’ai un commentaire à faire au sujet du I de votre cours. Les latins de l’Antiquité n’employaient pas explicitement dans leur langue le Je, il était seulement suggérer par les terminaisons et pourtant la conscience de soi apparaît dans l’Antiquité alors ma question est pourquoi ne le disaient-ils pas clairement?

    Merci pour vos éclairements. J’aime beaucoup votre blogs, vos cours m’aident beaucoup.

  13. Simone MANON dit :

    Vous avez remarqué que Kant précise: « même quand elle ne l’exprime pas par un mot particulier ».
    La question du sentiment de l’identité personnelle est une question complexe que j’ai traitée dans un cours figurant sur ce blog. L’émergence de la subjectivité est tributaire d’organisations sociales et ce qui caractérise le monde antique est sa structure et sa mentalité holistes. Le christianisme a joué un rôle important dans le processus d’autonomisation de la personne par rapport à la totalité sociale.
    Voyez pour approfondir la question les cours sur l’identité, la réflexion sur les sources de la culture européenne. (Les deux matrices de l’Europe)et le texte de Pierre Hadot: Figure du sage.

  14. Véronique dit :

    Bonjour,
    Le désir procède-t-il de la négativité ou bien doit-on considérer que négativité et désir sont finalement une seule et même chose ?
    Merci beaucoup pour vos éclaircissements.

  15. Simone MANON dit :

    On peut considérer le désir et la négativité comme une seule et même chose. Grimaldi le formule avec bonheur dans son livre « le Désir et le Temps » page137:  » Le désir est dans l’être, l’être de la négativité et la négativité de l’être ».

  16. Véronique dit :

    Merci beaucoup pour votre réponse. J’avoue ne pas connaître Grimaldi mais comme je suis toujours friande de vos conseils en lecture et des références que vous nous donnez, je relève le nom de l’auteur et le titre de l’oeuvre.

    Dans un tout autre ordre d’idée : j’ai lu que des gens désireux d’imprimer votre cours, vous demandaient de le mettre en format PDF. Mais en fait il y a déjà un moyen d’imprimer les pages de ce blog : dans la barre d’outils d’internet explorer, sous l’onglet « Page », choisir « Modifier avec Microsoft Office Word ». La page s’ouvre automatiquement sous Word, il suffit alors d’effacer ce qu’on ne veut pas garder (images etc…) ; ça ne prend que quelques secondes.

    Cordialement.

  17. Lili dit :

    Bonjour,
    Déjà, félicitations et merci pour votre site qui m’aide beaucoup pour les révisions et l’approfondissement de mes cours!
    Je voulais vous demander, peut-être que je me trompe, mais le II, 2 me semble étrange :
    « L’animal est doué de conscience sait qu’il va mourir. »
    Vous parlez ici de l’humain en tant qu’animal ? pourquoi cette appellation?

    (et encore bravo pour le site!)

  18. Lili dit :

    (Pardon, je viens de me relire, et j’ai mal recopié la phrase qui est en fait : « L’animal doué d’une conscience sait qu’il va mourir »)

  19. Simone MANON dit :

    L’homme appartient au genre animal. Aristote le définit comme un animal raisonnable.
    Animal: genre proche.
    Raison: différence spécifique.

  20. charline dit :

    Une question me tarode, les études ce n’est que de la théorie, n’est-il pas mieux d’agir sur le monde plutôt qu’essayer de le comprendre ? Je pense qu’il faut d’abord essayer de le comprendre mais que faire ???

  21. Simone MANON dit :

    Voyez la réponse apportée à votre question dans le cours sur la raison.

  22. Charles dit :

    Bonjour
    Je suis élève en terminale L. En lisant votre cours qui est très bon il y a une chose que je n’ai pas compris. C’est l’entendement ou la liberté qui fait de moi une personne ?
    merci

  23. Simone MANON dit :

    Oui, c’est ce que le texte de Kant et son explication établissent clairement.
    Il vous faut comprendre que la personne est ce qui se distingue de la chose ou du simple objet.
    La notion de personne est donc une catégorie métaphysique et morale qui exige d’être fondée. Telle est la fonction du recours au thème de l’entendement et de la liberté.
    C’est parce que l’homme est doté d’un entendement, c’est-à-dire d’un pouvoir intellectuel lui permettant de se poser comme un sujet, c’est parce qu’il n’est pas rigoureusement soumis, à la manière des choses au déterminisme naturel (#liberté), qu’on peut lui octroyer le statut moral et juridique de personne (ou de sujet de droit).
    Relisez plusieurs fois le cours afin de l’assimiler. Il ne s’agit pas d’un cours facile.
    Bon courage.

  24. Charles dit :

    Merci.Si j’ai bien compris, l’entendement et la liberté c’est la même chose pour Kant. Je comprends le texte de Kant comme ça : l’enfant est déjà un Je avant de pouvoir le dire tout comme certaines langues suppriment le Je à la première personne; ça ne veut pas dire qu’elles ne pensent pas le Je; il est bien là mais pas exprimé. ça semble étrange mais je suis un Je même si je n’en ai pas conscience. Jusque là je comprend. Ce que je ne comprend pas c’est pourquoi l’enfant a une capacité morale a 3 ans quand il commence à dire Je ? je comprend l’entendement, je comprend la capacité morale mais je vois pas pourquoi c’est pareil. Je crois pas du tout qu’un bébé a une capacité morale

  25. Simone MANON dit :

    Permettez-moi de vous dire, Charles, que vous ne comprenez pas correctement les significations.
    Il faudra pour cela une formation plus soutenue car les thèmes abordés dans ce cours sont ardus.
    Je vous conseille donc la patience.
    Non, l’entendement n’est pas la même chose que la liberté. Commencez donc par essayer de définir par votre propre effort ces deux notions.
    Non, il n’y a pas de sens à dire qu’on est un « Je » avant certaines opérations. Le « Je », c’est-à-dire le sujet (ou le principe d’une unité et d’une identité personnelle), n’a pas de réalité empirique. Idée difficile…
    Non, l’enfant de trois ans n’a pas encore les moyens d’être un véritable sujet moral. Il doit être éduqué pour développer les dispositions de sa nature.
    Patience donc et désir de vous approprier les significations grâce aux élucidations de votre professeur.Tout se clarifiera en chemin.
    Bien à vous.

  26. Stephane dit :

    Bonjour Madame,
    j’ai l’impression à la lecture de ce cours d’avoir entrouvert une porte ou gravit une marche peu importe l’image et je tenais à vous remercier pour cela. Il me semble que la compréhension des idées développées ici est un prérequis à la compréhension de la philosophie et qu’on ne peut savoir de quoi parlent les philosophes sans ces bases. Ce rai de lumière arrive peut-être un peu tard pour moi mais j’ai l’intention de recommander ce texte (et bien d’autres évidemment, mais il faut un début) à ma fille qui en terminale aborde la philosophie comme je le fis auparavant, c’est-à-dire en reculant si vous me permettez cette image triviale.
    Très cordialement

  27. Simone MANON dit :

    Bonjour Stéphane
    Je comprends aujourd’hui la teneur de votre dernier message en découvrant que vos dix sept ans sont loin derrière vous. Aussi dois-je vous présenter mes excuses pour un propos qui s’adressait à un jeune élève. J’imagine toujours que ce sont des terminales qui interviennent sur ce blog, ce qui est loin d’être le cas.
    Quoiqu’il en soit, avant de discuter un auteur, il faut le lire. Je n’ai pas lu la réflexion de Wolff sur la corrida mais je ne doute pas que si je le faisais, je découvrirai un aspect des choses qui m’est jusque là resté inconnu. Il ne faut jamais croire qu’on a le monopole de l’humanité et il convient de définir ce que l’on entend par « morale » avant d’accuser les autres d’en manquer. Si la réflexion philosophique a un sens, c’est bien de nous permettre de conquérir cette plus élémentaire sagesse, qui n’a rien à voir avec le relativisme mais tout avec la rigueur intellectuelle et morale.
    Finalement vous avez suscité en moi le désir de présenter sur ce blog le livre que je vous conseillais. Ce sera sans doute mon prochain article.
    Merci pour cette suggestion et tant mieux si mes modestes cours vous réconcilient avec les exigences de la philosophie.
    Bien à vous.

  28. Stephane dit :

    Bonjour Madame Manon,
    vous n’avez pas à vous excuser, c’est plutôt à moi de le faire car je n’avais pas à tenir ici une opinion, ce n’est pas le lieu.
    Sans aucun doute votre prochain article m’aidera dans la lecture de l’ouvrage de M.Wolff, lequel est en commande car pas facile à trouver.
    Bien à vous.

  29. Elise dit :

    Bonjour Madame,
    Bien entendu, je tiens à vous remercier pour votre blog qui est extrêmement bien construit et qui va certainement me « sauver » pour le baccalauréat (je suis en terminale L)
    Je poste ce message car je n’ai pas compris le paragraphe sur la négativité chez Hegel et Sartre (I)3)b). Si j’ai bien compris ce qui précède, l’homme peut-être étudié comme un objet (la facticité chez Sartre), mais il est surtout une conscience, c’est-à-dire justement l’impossibilité d’être un objet, un en-soi. Donc l’homme, puisqu’il ne subit aucun déterminisme, aucune nécessité d’être une chose particulière, est libre d’être ce qu’il veut être (ce qui peut être vu comme une contrainte, d’où l’expression sartrienne disant que l’homme est condamné à être libre). Intervient alors la notion de négativité que je n’ai pas comprise : est-ce que l’homme se construit en opposition avec ce qui existe déjà ?
    Merci de consacrer autant de temps à ce blog et aux questions qui vous sont posées… En espérant que vous aurez le temps de répondre à la mienne,
    Cordialement,
    Elise

  30. Simone MANON dit :

    Bonjour Elise
    Attention à éviter les contradictions. Îl ne faut pas interpréter le célèbre « condamné à être libre » comme une contrainte. L’idée de contrainte et celle de liberté sont antinomiques. L’expression signifie qu’on n’échappe pas à sa condition et que la condition humaine se caractérise précisément par la liberté.
    La négativité est le propre du pour soi. A la différence de l’en soi, le pour soi est projet, désir c’est-à-dire refus, négation (Sartre emploie le mot de néantisation) de ce qui est au nom de ce à quoi il aspire et qui n’est pas tant qu’il ne l’a pas réalisé.
    Ex: En désirant comprendre, vous niez ce qui est (votre état actuel d’incompréhension) par la seule intentionnalité de votre désir.
    On peut donc dire que l’homme n’est pas, il se fait être, ou, selon votre expression, il se construit en opposition à ce qui est.
    En espérant avoir clarifié les choses.
    Bien à vous.

  31. Elise dit :

    Madame,
    Je vous remercie infiniment pour cette explication claire et synthétique de la négativité, ainsi que pour la clarification sur le « condamné à être libre » de Sartre.
    Merci plus généralement pour votre patience et votre dévouement,
    Cordialement,
    Elise

  32. K.Pierre zongo dit :

    Bonsoir Madame.Merci pour votre disponibilité à notre endroit.Je voudrais que vous m’aidiez car je suis en exposé.Le sujet est le suivant:peut-on parler de langage animal?Ce que je voudrais vous demander,c’est de m’aider avec le plan.D’avance merci!

  33. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Désolée, je n’interviens pas dans le travail des élèves.
    Par ailleurs, il me semble qu’il vous suffirait de consulter le chapitre sur la langage, pour cesser d’être démuni sur ce thème.
    Bon travail.

  34. Bonjour

    Petite remarque qui s’adresse à tous sauf à Mme Manon bien évidemment:
    Ce qui ressort de toutes vos interventions sur ce blog, c’est le manque de lecture effectué par les étudiants. Il faudrait que vous lachiez un peu vos écrans TV, vos manettes de jeu, votre internet (malgré qu’il y ait quelques miracles comme ce blog), vos sms et que vous alliez tous trainer dans les rayons des librairies et des bibliothéques (souvent peu onéreuses) et preniez en main tous ces ouvrages pour les parcourir en laissant votre esprit vagabonder le long des pages et ensuite que vous retrouviez la convivialité (comme quand j’étais jeune) des cafés (on n’est pas obligé d’y boire de l’alcool) pour débattre entre vous à baton rompu.

    Au-delà du plaisir de la découverte et de l’échange, quelles richesses se cachent là et qui ont construit le discours de tant de nos penseurs.

  35. benfifi dit :

    Bonsoir Madame,
    Merci pour votre réponse à la page « comment-concevoir-les-rapports-de-la-pensee-et-du-langage », et merci pour votre site et votre travail.
    Dans l’introduction vous dîtes « A la différence des choses qui sont mais ne le savent pas, l’homme est et il le sait. »
    Au fait, je me demande ce qui me laisse penser que ma gourde en plastique, par exemple, est mais ne le sait pas.
    Bien sûr, tout le monde autour de moi le dit, et je ne fais que répéter. C’est tout?…
    Inversement, est-ce que je sais que je suis?
    Bien sûr, tout le monde autour de moi le dit, et je ne fais que répéter. C’est tout?…
    Existe-t-il des preuves?
    Merci de votre attention. Bien à vous.

  36. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il me semble qu’il y a suffisamment de vrais problèmes à affronter pour qu’il n’y ait aucun intérêt à en poser de faux.
    Que vous vous demandiez si les animaux ont une conscience, soit. Sur ce point voyez: https://www.philolog.fr/descartes-et-la-question-du-langage/
    Mais y a-t-il sens à l’envisager pour la matière inerte?
    Une réalité se manifeste par des signes. Quels sont les signes, en ce qui concerne votre gourde, qui sont de nature à donner des doutes sur son statut?
    Bien à vous.

  37. benfifi dit :

    Bonjour Madame,
    Je vous prie de m’excuser de vous avoir irritée. Je me questionne. Mal peut-être, mal sûrement (et tant pis pour l’erratum).
    Vous dîtes: « Mais y a-t-il sens à l’envisager pour la matière inerte? »
    Puis: « Quels sont les signes, en ce qui concerne votre gourde, qui sont de nature à donner des doutes sur son statut? »
    Deux questions. Difficiles pour moi. Pourriez-vous y répondre, s’il vous plaît, ou tout au moins, aborder le sujet.
    Merci de votre attention. Bien à vous.

  38. Simone MANON dit :

    Bonjour
    On se pose d’ordinaire une question lorsque quelque chose nous étonne, s’offre à l’esprit comme un objet d’interrogation.
    Y a-t-il sens à vous demander si vous savez que vous êtes? Ne suffit-il pas de réfléchir votre expérience pour n’avoir aucun doute sur ce fait?
    Idem pour la gourde ou ce que Hegel analyse sous l’expression de l’en soi. Rien (aucun signe) dans la manière d’être de la gourde ne fonde une interrogation légitime sur le fait qu’elle puisse disposer d’une conscience.
    Bien à vous.

  39. benfifi dit :

    Bonjour Madame,
    Il y a des enseignements qu’on m’a appris. En fait, je sais ce que j’ai appris. Je n’ai pas appris que j’étais. Je ne sais donc pas que je suis. Peut-être cet enseignement existe-t-il. Je ne l’ai pas suivi.
    Mais il m’arrive d’être conscient que je suis. Pas tout le temps. Je suis conscient que je suis quand je pense que je suis. Il y a des journées où je ne suis pas conscient que je suis. D’autres où je le suis quelques secondes, quelques minutes, rarement plus. Ca se produit quand je m’arrête. Au repos, je pense à diverses choses. Mon esprit s’abandonne. Parfois alors, je pense que je suis. Dans ces moments-là, je suis inactif. Je ressemble à une statue… consciente à plein temps.
    Mais quand je travaille, je travaille. Il peut m’arriver d’être conscient que je travaille. Pendant ce laps de temps, ma concentration est réduite. Je pense qu’il ne vaut mieux pas que je me mette à être conscient que je suis, pendant mon travail, ça serait trop risqué. De même lorsque je conduis mon véhicule.
    Je suppose que les autres êtres humains fonctionnent comme moi. Pourquoi? Parce que je me rends compte qu’ils me ressemblent. Uniquement pour cette raison-là. Il y a d’autres êtres qui me ressemblent moins. Pour ceux-là, je suis moins sûr. Mais en fait, je n’en sais rien.
    Il en est ainsi de ma gourde. Si je n’ai pas reçu de signe de sa conscience, je n’en ai pas reçu davantage de son absence de conscience. Difficile alors de me prononcer.
    Toutefois, il es amusant de remarquer qu’il y a plus de ressemblance entre ma gourde et cette pseudo-statue qu’il m’arrive d’être, qu’entre l’être humain hyper-actif que je suis au travail et ma gourde.
    Merci de votre attention. Bien à vous.

  40. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Non, n’y a pas que ce que vous avez appris que vous savez.
    Consultez la présentation du cours sur la conscience pour comprendre que votre propos est irréfléchi. https://www.philolog.fr/la-conscience/
    Voyez aussi https://www.philolog.fr/le-cogito-ou-la-certitude-de-soi-comme-chose-pensante/ et
    https://www.philolog.fr/peut-on-ne-pas-etre-soi-meme/
    Vous ne semblez pas faire la différence entre la conscience immédiate (souvent confuse, vague) et la conscience réfléchie. Il n’y a pas besoin d’avoir une conscience claire et précise de quelque chose, autrement dit, il n’est pas nécessaire que la conscience soit attentive à son objet (ce qui est le propre de la conscience réféchie) pour qu’il y ait conscience. La conscience est un savoir qui accompagne la pensée, les gestes, l’être de celui qui en est doué.
    Seule la mauvaise foi, au sens sartrien, peut conduire à se dérober ou à nier le fait de conscience.
    Bien à vous.

  41. hugo dit :

    bonsoir Madame,
    je ne comprends pas ce que veut dire la conscience comme négativité chez Hegel et la conscience comme pouvoir de néantisation chez Sartre . Qu ‘ est ce que cela signifie quand on dit que la conscience introduit du néant dans l ‘être? J ‘ai bien essayé de chercher sur le net ,mais c ‘est très confus
    Je vous remercie pour toute l ‘aide précieuse que vous nous apportez dans nos cheminements spirituels personnels. La pensée philosophique est puissante mais souvent abscons . La médiation par l’intermédiaire de personnes pédagogues et aimant transmettre le savoir est tellement rare qu ‘il faut bien reconnaître que nous avons beaucoup de chance de vous avoir .

  42. Simone MANON dit :

    Bonjour
    La conscience est ce par quoi le néant vient au monde en un double sens.
    Prenez l’exemple de l’imagination: lorsque j’imagine une chimère, je pose ce que j’imagine comme irréel, autrement dit comme un néant ou un non-être. La chimère n’existe pas. En ce sens la conscience imageante est néantisante: elle dévoile un néant au sein de l’être.
    Lorsque je pose une question, la réponse peut envelopper la possibilité d’une négation.
    Lorsque je perçois un objet, je le fais surgir sur fond de tout ce que je nie pour le faire apparaître. https://www.philolog.fr/la-conscience-est-essentielle-au-devoilement-de-letre-mais-inessentielle-quant-a-son-etre-sartre/
    Toutes les opérations de la conscience reposent sur un acte de néantisation.
    Et s’il en est ainsi, cela tient au fait que la conscience n’est pas un être existant sur le mode de la chose. Elle n’est pas engluée dans l’être. Elle peut prendre du recul par rapport à elle, échapper à l’être massif, déterminé des choses. Sa capacité de négation se fonde pour Sartre dans le fait que la conscience est son propre néant.
    Non seulement elle nie le donné en posant par l’imagination, la perception, le jugement, le questionnement, la temporalisation, etc. la possibilité d’un non-être mais elle se néantise elle-même en se désengluant de l’être pour être capable de toutes ces opérations. Voilà pourquoi Sartre écrit que: « l’être par qui le néant vient au monde doit être son propre néant ». Ce qui est une manière de dire qu’elle est libre.
    Bien à vous.

  43. Cadot Dominique dit :

    Bonjour, Madame Manon. Ne peut-on opposer à votre conclusion : « … tout tourment dont l’animal est protégé par son hébétude. Ce que ce dernier perd en dignité, il le gagne en inconscience de ses propres limites et en quiétude. », les milliers d’anecdotes (recevables vu la diversité des sources) que l’on peut rencontrer en éthologie sur les comportements animaux. Celles-ci ne rendent-elles pas incontestable le fait que de nombreuses espèces animales sont capables de mettre au moins entre parenthèses cette hébétude ou cet accaparement par lequel Heidegger voulait caractériser l’essence de l’animalité, de ne pas être toujours captives de besoins vitaux et immédiats, et d’être assez loin de toujours mener une vie quiète ou béate ? « Un arbre ne se connaît pas misérable » pense Pascal. Mais (pardon, Pascal !) n’évite-t-il pas la difficulté ? De la plante à l’animal n’y a-t-il pas précisément un pas que la plante n’a pas franchi ? En vous remerciant.

  44. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Que l’animal ne soit pas réductible à la plante, rien de plus clair. il y a une sensibilité animale, des formes concrètes d’intelligence chez les animaux supérieurs mais enfin cela n’autorise pas à projeter sur l’animal les caractéristiques du sujet parlant et pensant. J’ai observé pendant 21 ans mon chat auquel j’étais très attachée. Je l’ai vu se trémousser de plaisir, souffrir, jouer de manière très cruelle, à nos yeux, avec les souris; j’ai pris la mesure de ce que Bergson appelle la mémoire-habitude, mais je n’ai jamais pu repérer quelque chose comme une inquiétude métaphysique dans son comportement.
    Je ne retire donc pas un mot de la conclusion qui vous fait problème.
    Bien à vous.

  45. Simon Yaspo dit :

    “Agis de telle sorte que tu traites l’humanité, aussi bien dans ta personne que dans la personne de tout autre, toujours en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen.”

    Dans cette citation de Kant, on peut lire « en même temps comme une fin, jamais simplement comme un moyen ». Sommes-nous donc autorisé à utiliser autrui comme une fin et comme un moyen simultanément? Dans quel cas précis utilise-t-on l’humain en tant que fin et moyen dans le même temps ?

    Bien à vous.

  46. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Quand on demande un service à quelqu’un, on ne se dispense pas de quelques formules de politesse élémentaire du type « s’il vous plaît » et « merci d’avance ». Cela témoigne qu’on s’adresse à une personne c’est-à-dire qu’on la traite comme une fin en soi en même temps qu’on l’utilise comme le moyen d’éclairer sa lanterne.
    Il suffit donc d’un peu de bon sens pour répondre à votre question. Dans les relations de travail chacun fonctionne pour les autres comme moyen (pour le chef d’entreprise, l’ouvrier est le moyen de faire tourner l’outil de travail, pour ce dernier le chef d’entreprise est le moyen de gagner sa vie); idem dans les relations sexuelles, les partenaires sont les uns pour les autres des moyens de jouissance; idem dans les relations familiales.
    Mais dans toutes les relations humaines, on peut avoir ou non (en même temps) du respect pour la personne. Ce qui s’appelle la traiter comme une fin. Ce dont se dispense le violeur ou le négrier.
    Bien à vous.

  47. Philippe C dit :

    Bonsoir Madame,
    Merci pour ce cours que j’étudie avec beaucoup d’intérêt et de plaisir. Je pense avoir retrouvé la citation de René Descartes :
    « Il y a en nous des semences de science, comme en un silex des semences de feu ; les philosophes les extraient par la raison, les poètes les arrachent par l’imagination ; elles brillent alors davantage »
    Descartes, Olympiques in OEuvres philosophiques, Premier Tome, Edition Alquié, p. 61
    Bien Cordialement,

  48. Simone MANON dit :

    Bonsoir Monsieur
    Merci pour la référence.
    Bien à vous.

  49. David D dit :

    Bonjour,
    Comment pouvons-nous être sûrs que « les choses sont mais ne le savent pas »?
    Merci.

  50. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Parce que pour avoir conscience de quoi que ce soit, il faut disposer d’une conscience et celle-ci implique une organisation de la matière qu’on n’observe pas dans les pierres ou les plantes.
    Bien à vous.

Laisser un commentaire