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Picasso, le viage de la paix, lithographie, 1951.

 

 Cf. Textes.

    Parler, c'est toujours parler à quelqu'un de quelque chose. Par la parole l'homme noue un rapport aux autres et au réel. Or on peut distinguer différentes pratiques de la parole. La pratique philosophique du discours par exemple n'est pas la pratique commune, celle qui règne dans ce que Platon appelle la caverne. La question est donc de savoir ce qui caractérise l'une et l'autre.

 

I)                   Parole convenue et parole démystifiante.

 

   La parole en vigueur dans la caverne est d'ordinaire une parole oubliant de s'interroger sur elle-même, sur sa valeur de vérité, sur ses conditions de possibilité, sur ses présupposés, sur ses intentions. Le sujet croit spontanément que ce qu'il dit est vrai. Il croit que les choses sont comme il les dit car « il ne se rend pas compte du caractère conventionnel du langage » (F.C.). Il ne se préoccupe pas d'examiner si les mots désignent correctement le réel pas plus qu'il ne soupçonne la dimension problématique de ce qu'il nomme ainsi. Car qu'est-ce que le réel ? Est-ce le corrélat de la perception, de l'imagination ou d'une représentation construite avec le souci méthodique des sciences et la prudence de la réflexion philosophique ?

    Dans l'immédiat, le réel est en effet pour chacun ce qui est réfracté par ses sens, la langue de son groupe, son idiosyncrasie particulière. Or les sens renseignent  sur les choses telles qu'elles sont dans leur rapport à notre corps, non sur ce qu'elles sont véritablement. D'où l'imprudence de se fier aveuglément aux informations qu'ils fournissent. De même la langue de chaque groupe est tributaire de l'analyse singulière que chaque collectivité fait du donné en fonction de sa mentalité, de ses traditions, de sa manière spécifique de se projeter dans le monde. Une langue n'est pas un instrument neutre de décodage du réel, elle est un système d'interprétation du réel de telle sorte qu'apprendre une langue revient à apprendre à penser le monde d'une certaine façon.

   Platon précise, dans l'allégorie de la caverne, avec l'image du feu, la nature de la lumière faisant surgir le réel sous forme non réfléchie. C'est une lumière artificielle. Cela signifie que la représentation et la parole qui s'en fait l'écho sont fabriquées par les conventions linguistiques et culturelles. Par conventions, il faut entendre des décisions humaines, des accords implicites entre des volontés. Or ceux-ci sont ordonnés à d'autres exigences que le souci scrupuleux du vrai ou de l'adéquation à ce qui est. Les conventions sont tributaires de l'arbitraire de la fantaisie des groupes sociaux. Ici on déclare que les hommes sont égaux en droit, ailleurs on déclare le contraire. Pourquoi en est-il ainsi ? A bien observer le monde, la réponse pascalienne s'impose souvent : Parce qu'il a plu aux hommes qu'il en soit ainsi.

    En ce sens on peut dire que la parole spontanée a un rapport imaginaire à la réalité : « Ce qu'elle nomme réel, c'est l'imaginaire qu'elle élabore à partir des bribes de réalité que laisse subsister sa perception obscurcie » (F.C.).

 

    Le philosophe ne se sent pas chez lui sur une scène l'imagination subvertit la raison. Il veut redonner ses droits à l'exigence rationnelle. Aussi sa parole est-elle en rupture avec la parole convenue. Les conventions sont pour elle un objet d'interrogation. Elle a cessé d'être une parole naïve. Pour le penseur « il importe de savoir ce qui est dit et ce que cela veut dire » (F. C). Alain disait de manière analogue que « penser consiste essentiellement à savoir ce que l'on dit et si ce que l'on dit est vrai ».  Il ne s'agit donc plus de produire du sens avec la vanité et la suffisance de celui pour qui ce qu'il dit va de soi. Pour le philosophe rien ne va de soi et sa conscience des problèmes donne à sa parole l'allure hésitante de celui qui s'attarde aux difficultés, se heurte à des apories, cherche la formulation juste et se sent toujours à distance de la transparence du sens. Car qu'est-ce que le réel ? A quelles conditions le discours peut-il en rendre compte ?  Au fond, le philosophe prend au sérieux le fait de parole et il sait que le langage « ne vaut que lorsqu'il traduit une connaissance véritable » (F.C.) Il assume avec un sens aigu de la responsabilité les conséquences de cette prise de conscience. D'où sa manière d'être décalé par rapport aux évidences collectives, aux significations coutumières et sa propension à inquiéter ses interlocuteurs dans leurs fragiles certitudes. Par là, la parole philosophique a une dimension subversive. Elle est reçue comme insolente, obscène parfois tant elle est irrespectueuse des conventions rassurantes.

 Merleau-Ponty rappelle dans sa leçon inaugurale au Collège de France que : « La vie et la mort de Socrate sont l'histoire des rapports difficiles que le philosophe entretient, - quand il n'est pas protégé par l'immunité littéraire, - avec les dieux de la Cité, c'est-à-dire avec les autres hommes et avec l'absolu figé dont ils lui tendent l'image ». Effet tragique de la vigilance philosophique. Elle conduit à suspendre les pseudo-certitudes et à confronter la parole spontanée aux maux dans lesquels elle s'enlise trop souvent: l'insignifiance, le fantasme, la vacuité, le bruit et l'arrogance.

 

II)                Parole doxique et parole réfléchie.

 

    La parole naïve, parole convenue est donc une parole prisonnière de l'opinion. Elle est la caisse de résonnance de tout ce qui circule dans une société à un moment donné en matière d'idées toutes faites. Or ces préjugés sont divers, multiples, contradictoires. Les paroles doxiques sont incohérentes. Et cela suffit à les disqualifier. C'est donc moins à leur ruine que travaille le philosophe, leur confusion y suffit, qu'à une conversion de sa propre existence et si possible de celle des autres. « Commencer à philosopher, c'est, de prime abord, mettre en question non seulement le contenu des diverses opinions [...] mais encore le statut d'une existence qui croit qu'opiner c'est savoir et qu'il suffit d'être certain pour être vrai » (F.C.) 

   Opiner en effet n'est pas penser. Et c'est peut-être la chose la plus difficile à comprendre tant les hommes tiennent à leurs opinions et érigent ce qui, en toute rigueur, est un impensé en substance même de leur pensée. Se réapproprier le pouvoir de penser, c'est-à-dire s'efforcer de penser par soi-même exige de se réveiller du sommeil dogmatique de l'opinion. Cela revient d'abord à en interroger la valeur de vérité afin de la rejeter si elle ne résiste pas à l'épreuve ou à la fonder en raison s'il s'agit de ce que Platon appelle une « opinion droite ». Mais alors on découvre toujours que « s'il arrive à la science (ou à la réflexion philosophique) de légitimer l'opinion, c'est toujours pour d'autres raisons que celles qui fondent l'opinion de sorte que, en droit, l'opinion a toujours tort » (Bachelard). Il s'ensuit que cet exercice implique « un long détour » selon la formule platonicienne. Dans l'idée de détour, il y a celle de « se détourner de » et « de faire un crochet par ». Se détourner, bien sûr, du chemin habituel, celui qui est tracé par les habitudes, le prestige du nombre, de l'autorité, la puissance des intérêts et des passions pour emprunter un nouvel itinéraire : celui qui procède de la seule souveraineté de la raison.

   Il n'y a donc pas de pensée et de parole réfléchie sans ascèse, sans détachement. Tant que la vérité n'est pas l'enjeu d'une quête désintéressée, elle est l'otage de ce qui conduit à la confondre avec son simulacre (la vraisemblance). François Châtelet insiste sur le ressort majeur de la force des opinions. Celui-ci tient à la souveraineté de la part sensible dans l'humaine condition : « A la racine des contradictions des opinions, il y a donc la diversité qu'implique nécessairement la soumission aux désirs. La séquence est fort claire désormais : l'homme, qui est passif devant ses appétits, prend pour juge de sa pensée ses intérêts, ses passions ; pour faire valoir ces derniers, il parle, il use du langage pour les manifester face à autrui; or, de par leur nature, les intérêts sont contradictoires ; surgissent ainsi les discours antagonistes, tous assurés de leur vérité, tous fermés à l'argumentation de l'autre ».

   D'où la nécessité de la dure école de la rigueur intellectuelle pour découvrir que le logos a sa propre nécessité et que seul celui qui se soumet à l'impératif de la cohérence peut échapper au monde bariolé des énoncés contradictoires et de la singularité logique. Mais cette révélation fait signe dans l'existence sous la forme d'une tâche. (« Toujours penser en accord avec soi-même » écrit Kant). La parole philosophique en assume les obligations même si cela doit la mettre en butte avec les autres paroles. Comme Platon le fait dire à Socrate : « Mieux vaudrait me servir d'une lyre dissonante et mal accordée, diriger un chœur mal réglé, ou me trouver en désaccord ou en opposition avec tout le monde, que de l'être avec moi-même, étant un, et de me contredire. Gorgias 482bc.

 

III)             Parole insidieusement ou ouvertement violente et parole par nature dialogique.

 

    «  L'opinion [...] est certaine de soi. Et lorsqu'elle se heurte à la certitude égale de l'autre, elle s'étonne, elle s'indigne et entre dans la discussion avec le sentiment que la contestation qu'on lui oppose est dérisoire, qu'elle en triomphera aisément. En fait tout au long du débat, elle s'enferme sur elle-même et reste sourde à l'argumentation adverse. Le dialogue n'est qu'apparent : deux monologues parallèles se développent ».

   François Châtelet décrit ici l'échange de paroles tel qu'on peut souvent l'observer dans la caverne. La rencontre des paroles doxiques est affrontement, elle n'est jamais reconnaissance de l'autre. Chacun se croyant détenteur de la vérité, nul n'est en situation d'admettre que l'autre puisse avoir raison, que ses argument méritent d'être écoutés et que ses objections puissent conduire à se remettre en cause soi-même. L'autre n'est pas vécu comme un partenaire dans une recherche commune de la vérité mais comme un adversaire qu'il faut vaincre. Le dogmatisme de la doxa détruit ainsi les conditions de possibilité d'un véritable dialogue entre les hommes. Les « débats » sont d'ordinaire des joutes oratoires où deux monologues poursuivent dans le mépris de l'exigence de vérité la stratégie de pouvoir qui les anime. L'important n'est pas de chercher à faire la lumière ensemble sur une question donnée, ce n'est pas de travailler à sortir de la contradiction dans laquelle enferment les opinions opposées, l'important est de triompher en étant le plus fort. Dans cette pratique, la parole est un instrument de pouvoir et on comprend que très tôt, les hommes des sociétés démocratiques se soient préoccupés d'en maîtriser les « ficelles ». Cet art de bien parler qu'on appelle « la rhétorique » était enseigné à Athènes par les Sophistes. C'est que, s'il est vrai que l'homme empirique « est la mesure de toutes choses » la caverne est un horizon indépassable. Pour tous ceux qui, avec Protagoras, défendent une option relativiste en matière de vérité, la parole ne peut pas être autre chose qu'un vulgaire outil au service des intérêts individuels ou collectifs.

   La parole non philosophique est donc parole sophistique. Elle ne s'embarrasse ni d'honnêteté intellectuelle, ni du souci de la valeur théorique des arguments. Platon dit, en ce sens, que la rhétorique des sophistes est « ouvrière de persuasion », maîtresse dans l'art de faire croire et Perelman qu'elle est  « une technique du vraisemblable à l'usage du vulgaire ». Elle ne fait pas appel à la raison de l'autre pour discriminer le vrai du faux. Au contraire. Sa prodigieuse efficacité procède de son art d'annihiler la puissance de l'entendement de ceux auxquels elle s'adresse par la mise en œuvre d'une stratégie de séduction. Elle flatte les passions, les intérêts des hommes, elle les enchaîne ainsi à ce qui les rend inférieurs à eux-mêmes au lieu de libérer en eux le principe de supériorité.

   Comme telle, elle a un rapport à la violence. Elle fait injure à la dignité de l'esprit humain en l'instrumentalisant à des fins étrangères aux exigences spirituelles et morales. Elle reconduit les rapports de force à l'intérieur du seul élément permettant aux hommes de les suspendre. C'est par la parole en effet que certains hommes exercent leur domination sur d'autres et cette violence est au rendez-vous chaque fois que la parole est un moyen d'affirmation narcissique ou de pouvoir social.

 

   A contrario la parole philosophique suppose l'ascèse de cette violence. Elle parie qu'il est possible de faire amitié par l'esprit. Aussi en appelle-t-elle à la raison de l'autre pour savoir ce qu'il en est de la vérité. Elle est le rêve d'une cité du dialogue où l'on pourrait surmonter le différend, dénouer le conflit des opinions, c'est-à-dire des intérêts, par la discussion. Elle est par essence dialogique et le dialogue est, par nature, l'autre de la violence.

   Au principe de la violence, il y a en effet l'erreur de croire qu'on puisse avoir raison tout seul. Désespérant paradoxe. C'est toujours au nom de la raison ou de la vérité dont ils revendiquent l'universalité que les hommes s'entretuent allégrement. Mais voilà le recours à la violence est un déni de ce qui est présupposé. Car seuls des esprits libres peuvent reconnaître une vérité et la seule faculté habilitée à cette possibilité est notre faculté commune, à savoir la raison. La pierre de touche de la rectitude d'un entendement est donc l'accord de l'entendement de l'autre.

   Voilà pourquoi la deuxième maxime du sens commun concernant l'acte de penser fait obligation de « penser en se mettant à la place de tout autre » (Kant). Car qu'est-ce que la pensée ? Platon répond « le dialogue de l'âme avec elle-même ».  La pensée est par essence dialogique. De fait, dans l'exercice intérieur de la pensée, on est à la fois le sujet qui questionne et celui qui répond. On se fait à soi-même les objections que l'autre pourrait nous adresser dans la discussion. Le rapport dialogique à l'autre ne fait donc que dramatiser (= mettre en acte) l'essence dialogique de la pensée, l'acte de penser qu'intérioriser la situation de débat avec les autres. 

   Encore faut-il bien s'entendre sur ce que dialoguer veut dire. C'est s'entretenir avec une ou plusieurs personnes sur une question faisant problème en vue de dépasser le différend  et de réaliser un accord commun.

   Un vrai dialogue procède bien d'un désaccord initial (sinon il n'y aurait pas débat) mais l'enjeu de la confrontation de points de vue divergents n'est pas le triomphe d'une opinion sur une autre, c'est le dévoilement de la vérité. Dans un vrai dialogue les protagonistes sont des chercheurs d'un bien à partager et c'est « en frottant et en limant sa cervelle à celle d'autrui » (Jean Lacroix), qu'ils espèrent y parvenir. C'est dire qu'ils sont l'un pour l'autre l'occasion de se libérer de leurs aveuglements passionnels ou de leur étroitesse d'esprit. Chacun teste sous l'autorité de l'autre la validité de sa parole comme s'il allait de soi que la mesure de la vérité transcendait la particularité empirique de chacun, cette mesure étant, en droit, quelque chose qui n'est ni « toi », ni « moi » mais « nous », « un nous » que le débat, s'efforce de faire advenir. Le dialogue présuppose ainsi, l'existence d'une raison commune à tous les hommes, instance transcendante et universelle, permettant s'ils veulent bien lui donner le pouvoir de se mettre d'accord.

   St Augustin a dit cela d'une manière émouvante : «  Quand nous voyons l'un et l'autre que ce que tu dis est vrai, quand nous voyons l'un et l'autre que ce que je dis est vrai, où le voyons-nous, je te le demande ? Assurément ce n'est pas en toi que je le vois, ce n'est pas en moi que tu le vois. Nous le voyons l'un et l'autre dans l'immuable vérité qui est au-dessus de nos intelligences ». Les Confessions, XII, XXV, 35, Pléiade I, p. 1079.

   Le dialogue est donc une relation à l'autre médiatisé par un tiers, ce tiers étant la raison ou la vérité. Il suppose que les hommes se vivent comme des partenaires d'une tâche commune, celle de lutter contre ce qui brouille ou perturbe la compréhension réciproque. Il vise l'accord des esprits comme le seul critère de vérité et le but à atteindre. Son horizon, c'est la République des esprits que tous les grands philosophes ont appelée de leurs vœux. C'est la Cité éthique, la Cité de la paix qui est aux antipodes de la violence à laquelle condamne la parole doxique. « L'alternative est sans équivoque, écrit François Châtelet : entre la violence et le dialogue, entre celui pour qui la parole est seulement un cri de colère, de passion ou une injure, et celui à qui, à chaque instant, il importe de savoir ce qui est dit, pourquoi cela est dit et ce que cela veut dire, il faut choisir ».

 

 Conclusion :

 

   Le mot grec « logos » qui signifie parole signifie aussi discours, raison, parole sensée. L'horizon du sens est la communauté des esprits car le sens n'existe qu'autant qu'il est compris et il ne peut être compris qu'à partir du moment où une parole le fait émerger de la confusion et de l'arbitraire d'un imaginaire personnel. Cet effort consiste à élever sa parole au niveau de la raison c'est-à-dire au niveau d'un discours sensé.

   «  D'après Hegel l'homme commence par une opinion personnelle, plus ou moins cohérente qu'il dénomme mythe. C'est le stade du monologue. L'idée de vérité n'est pas encore présente ou du moins explicitée. Mais les opinions bientôt se heurtent, le mythe en rencontre d'autres, les monologues s'opposent. Sous une forme ou sous une autre c'est le triomphe de la violence. Mais il arrive aussi qu'au lieu d'imposer leurs opinions par la force les hommes les confrontent, les discutent. C'est le passage du mythe à la science, du monologue au dialogue. La discussion fait la transition du barbare au philosophe, du pré-homme à l'être proprement humain » Jean Lacroix, Le sens du dialogue.

  

A méditer:   

 

   « Ce qui fait l'unité de l'empire de la violence, c'est qu'il a le langage pour vis-à-vis. C'est pour un être qui parle, qui, en parlant, poursuit le sens, pour un être qui a déjà fait un pas dans la discussion et qui sait quelque chose de la rationalité, que la violence fait problème, que la violence advient comme problème. Ainsi la violence a son sens dans son autre : le langage. Et réciproquement. La parole, la discussion, la rationalité tirent elles aussi leur unité de sens de ceci qu'elles sont une entreprise de réduction de la violence. La violence qui parle, c'est déjà une violence qui cherche à avoir raison ; c'est une violence qui se place dans l'orbite de la raison et qui commence déjà à se nier comme violence ».

    « Il ne faut point cesser de tenir comme simple vérité formelle, quoique vide, ce qui fut notre point de départ : à savoir que le discours et la violence sont les contraires les plus fondamentaux de l'existence humaine. L'attester sans cesse est la seule condition pour reconnaître la violence où elle est et recourir à la violence quand il faut. Mais celui qui n'aura point cessé de la désigner comme contraire du discours sera gardé à jamais d'en faire l'apologie, de la travestir ou de la croire dépassée quand elle ne l'est pas. Le recours à la violence doit toujours rester culpabilité limitée, faute calculée ; qui appelle le crime un crime est déjà sur la voie du sens et du salut ».

 

                    Paul Ricœur, Violence et langage, dans Lectures I, Seuil, p. 132, 139.

 

«  Il y a deux sortes de conflits, qui se règlent, les uns par un débat, les autres par la violence : comme le premier est particulier à l'homme et que l'autre lui est commun avec les bêtes, il ne faut recourir au second que s'il est impossible d'employer le premier moyen »

                    Cicéron, Traité des devoirs. I, XI

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12 Réponses à “Quelle pratique de la parole implique l’esprit philosophique?”

  1. Gilles dit :

    Bonjour madame,

    Je suis un nouveau lecteur de ce site que j’ai découvert dans une circonstance difficile : j’ai lu votre réflexion sur Prométhée qui m’a aidé à écrire le dernier article d’un journal dont nous avons du arrêter l’édition. Plus récemment, une phase d’hospitalisation m’a permis de vivre ce dialogue intérieur. Le passage présentant la pensée « par essence dialogique » est un éclairage très précieux. Souvent notre entourage nous dit « laisse tomber toutes ces questions et vis ta vie ». Ce serait folie et capitulation d’appliquer cela à la lettre. Ce site m’inspire confiance car le savoir transmis n’est pas désincarné. L’auteur se pose et sait simplement dire « je ». Pour un ancien élève de l’enseignement technique, qui n’a pas reçu de cours de philosophie, c’est une grande fenêtre ouverte. Enfin, je trouve courageux de nous proposer des textes assez longs et documentés, très éloignés de la culture Web dominante. C’est un effort de vous lire. En retour, nous trouvons un ressourcement et un éveil pour résister aux routines et apprécier les richesses de son prochain (et parfois en soi même). Avec beaucoup de respect.

    Gilles

  2. Simone MANON dit :

    Merci pour cet aimable message. J’ai bien conscience que la réflexion philosophique est exigeante mais vous avez compris qu’elle est une manière de se soucier de l’excellence humaine et que rien n’est plus important pour un homme que de prendre soin de son âme.
    Bien à vous.

  3. Pamela dit :

    Et dire que vous aviez hésité à créer ce blog… Rien que pour Gilles ça en valais le coup. Quelles bétise pour une personne qui pratique la philosophie que de limiter la transmission de son expérience. : )
    Je suis revenue sur votre blog en repassant la ou je l’avait laissé. J’ai relu le message sur le laisser vivre que j’avais écrit, et constater que vous m’aviez répondu. Mais je ne trouve pas ou est l’article sur le sophisme que vous avez du écrire quelques temps apres m’avoir répondu. Il y a un an à peu près…
    Merci.
    A bientot !

  4. Simone MANON dit :

    C’est une surprise de découvrir, Pamela, que vous venez encore sur le blog de votre ancien professeur. J’espère que vous avez trouvé votre voie et que les petits germes que j’ai semés donnent de belles fleurs. Vous pouvez trouver un cours sur sophistique, sophiste, sophisme dans la catégorie répertoire.
    Joyeuses fêtes. Avec mon bon souvenir.

  5. Doutre Claudine dit :

    Bonjour Madame
    Je suis retraitée infirmière ,la philosophie m’intéresse beaucoup et j’aurais aimé assister à des conférences ou cours de philo mais je réside dans une ville non universitaire.C’est
    avec bonheur que je découvre votre Blog et je vous dis merci.
    Claudine.

  6. Simone MANON dit :

    Bravo pour votre curiosité et bonne retraite.

  7. landry NDONG BOUROBOU dit :

    Bonjour Madame je suis jeune gabonais jaimerais etre abonné dans votre blog car notre bibliothèque est très pauvre afin d’avoir de l’aide de votre part.

  8. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Je ne comprends guère le sens de votre message car mon blog étant gratuit, sa consultation ne requiert pas d’inscription.
    Bien à vous.

  9. gruvman dit :

    Bonjour Madame et merci pur votre blog et vos explications.

    N’étant pas philosophe j’ai un peu de mal .

    Néanmoins je m’accroche car j’ai un projet théâtral en liaison avec les langues et le jeu des langues

    Arthaud, Daumal et d’autres poètes n’ont -ils pas été tentés de retrouver cette langue originaire d’émotions dont par parle J.J. Rousseau? Comédien j’ai envie de travailler sur cette matière en conciliant geste et parole pour exprimer des choses non prisonnières de la raison de la pensée, de la grammaire… En travaillant une langue qui s’inventerait au fur et à mesure qu’elle se dirait. ( AVEC L’UTILISATION DE CE QU’ON APPELLLE LE « GROMELO ». Vous connaissez ?
    Bien cordialement à vous

  10. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Tous mes voeux de réussite dans un projet qui ne fait pas le choix de la facilité et qui, à mes yeux, va trop dans le sens du goût de l’époque pour la déconstruction et l’apologie d’une supposée spontanéité.
    Ces remarques se sont pas destinées à minimiser le talent du mime et du comédien, seulement à exprimer la nostalgie de l’amour de la langue dans ses possibilités d’expression, à la fois belles et profondes.
    Bien à vous.

  11. B.Katia dit :

    Bonjour,

    Je tiens à vous féliciter pour ce texte ! Il me montre que je ne suis pas seule à me questionner sur les réelles valeurs du Tout, de la Vie et de ceet ceux qui nous entourent.
    Lorsque je me questionne je mets à contribution mon entourage, mais souvent cela retombe comme la poussière et le sujet n’est guère approfondi. Il me semble pourtant important de remettre en doute tous les fondements culturels, de moeurs, de la Vie comme nous la vivons aujourd’hui. Il me semble important de lever la tête pour contempler avec tristesse toutes ces populations aller droit devant avec des oeillères et ne réfléchissant qu’au travers ces étroits corridors qui influencent leurs actions.
    Croyez-vous qu’il est possible un jour que la majorité des Humains se quesitionnent sur la Vérité de leur existence ?
    Pensez-vous qu’un jour plutôt que de vivre leur vie comme on leur a montré, les personnes regarderont réellement ce qui les entourent et dialogueront de vraies choses, remettant en question des façons de penser, de vivre, de faire ce qu’ils font par mimétisme ??
    Croyez-vous en la profondeur des échanges d’Âmes à Ames ?

    Je me questionne beaucoup, mon entourage me trouve un peu incensée de remttre tout en question pour n’importe quoi ! Mais qui dit que la majorité n’est pas dans le faux et qu’au final une poignée d’Hommes se questionnant sur les fondements de tout ne feront pas évoluer les pensées et par le fait même les actions Humaines ??

    Merci, bonne continuation,

  12. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il y a 25 siècles que la philosophie invite les consciences à la vigilance critique mais, d’une part l’exercice est bien trop difficile, il requiert une formation intellectuelle beaucoup trop exigeante pour devenir l’apanage des masses, d’autre part l’esprit critique n’est pas l’esprit de critique. Il s’agit de distinguer le vrai du faux en soumettant les énoncés à l’étamine d’une raison affranchie des aveuglements passionnels non de tout remettre en question dans un esprit nihiliste très répandu par les temps qui courent.
    Vous pouvez consulter les articles réunis dans le chapitre 1 intitulé « la philosophie » (dans la colonne de droite).
    Bien à vous.

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