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Edouard Debat Ponsan. La vérité sortant du puits. Musée d'art de la ville d'Amboise. Dépôt du musée d'Orsay. 

 

 
Vérité et son antonyme fausseté sont des adjectifs substantivés. Ils dérivent de vrai et de faux, termes ne pouvant être employés que comme des prédicats ou des qualifications

 PB: Quels sont les sujets de ces prédicats? Jamais des choses ou des êtres mais seulement des jugements que l'esprit porte sur les choses ou les êtres. «Il n'y a de vrai ou de faux que dans les jugements» écrit Aristote.

  NB: Il n'y a donc pas de sens à dire qu'un fait est vrai. Un fait est réel ou fictif. Ex: un arbre n'est ni vrai ni faux. Il est réel ou pas. Ce qui peut être vrai ou faux, c'est la proposition portant sur le fait. Par exemple: « Il y a un arbre dans la cour ».

   La vérité est la norme établissant la valeur d'un jugement ou d'une connaissance. Elle régit le plan du discours non celui de l'être.

  On dit parfois «un vrai Picasso », «une vraie perle ». Ces exceptions à la règle signifient seulement, dans le premier cas qu'un tableau peut être l'oeuvre d'un faussaire et non du maître ou qu'une perle peut être artificielle plutôt que naturelle. Le recours aux notions de vrai ou de faux épingle implicitement le jugement qui ne sait pas faire la différence.

  NB : Les mots qui sont des adjectifs substantivés font apparaître un grand piège du langage. On croit naïvement qu'au substantif correspond une substance, une réalité. Or il n'y a pas dans le réel quelque chose que l'on pourrait appeler « la vérité ». Il en est de la vérité, ce qu'il en est de la liberté, de la justice ou de la beauté. Ces grands mots désignant des valeurs ne renvoient à rien hors d'eux. Ils n'ont de sens que comme qualification d'un sujet. Une loi peut être juste ou injuste, une conduite libre ou aliénée, une oeuvre belle ou laide, un énoncé vrai ou faux. En dehors de cet usage, on ne sait pas de quoi l'on parle.

  PB :

Quels sont les critères permettant de juger qu'un jugement est vrai?

L'absence de critère infaillible de la vérité conduit-elle nécessairement au scepticisme ?

Que signifie-t-on lorsqu'on distingue les vérités de fait et les vérités de raison ?

N'y a-t-il de vérité que scientifique ?

Peut-on légitimer le principe de vérités du cœur ?

Vérité et véracité.

Y a-t-il des mensonges innocents ?

Peut-on fonder un droit de mentir ?

 

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27 Réponses à “Présentation du chapitre XVI: la vérité.”

  1. BOYER ERIC dit :

    Bonjour,
    la rigueur et la profondeur de vos analyses sont vraiment remarquables. Merci de tout coeur pour votre dévouement !

  2. Simone MANON dit :

    Votre message me fait plaisir même si tous les articles de ce blog ne méritent pas cet éloge.
    Bien à vous.

  3. Camille dit :

    Bonjour,
    Tout d’abord je vous remercie sincèrement pour l’aide précieuse que votre blog a pu m’apporter, par sa richesse et sa clarté, que ce soit pour la préparation du bac, ou encore maintenant pour mon année d’hypokhâgne.
    Vous indiquez que le mot « vrai » ne peut être substantivé. J’ai de ce fait du mal à comprendre ce que Boileau entend par « vrai » lorsqu’il écrit dans l’épître IX de « L’Art poétique » : « rien n’est beau que le vrai ». Faut-il comprendre ici le vrai comme le réel, en opposition aux apparences, voire comme l’essence des choses ?
    En vous remerciant d’avance,
    Cordialement.

  4. Simone MANON dit :

    Bonjour Camille
    Merci pour votre aimable appréciation de mon blog.
    Boileau formule ici la thèse de la circularité du beau, du vrai et du bien qui sera remise en cause par la modernité. On cessera alors de considérer que « le beau est l’éclat du vrai » pour affirmer l’autonomie des champs épistémologiques, moraux et esthétiques et « le polythéisme des valeurs » (selon l’expression de Max Weber).
    Les notions de vrai et de beau connotent ici l’idée de valeurs ayant une dimension transcendantale. Boileau reconduit la thèse platonicienne. La belle apparence est ce qui déchire les apparences, donne des ailes à l’âme et lui permet de s’envoler vers la patrie de l’intelligible pur.
    Chez Platon, seules les essences immuables et éternelles (qui ne sont visibles qu’avec les yeux de l’esprit = l’Idée) est le réel. La définition implicite du vrai est donc bien: ce qui est conforme à ce qui est.
    Bien à vous.

  5. Raphaël A. dit :

    Bonjour Madame,
    Tous mes vœux pour cette nouvelle année qui commence. Que tout ce que vous donnez à ce site vous soit largement rendu !
    Merci pour vos précédents conseils de lecture, j’ai lu avec beaucoup d’admiration pour son auteur le Cours familier de philosophie politique de Pierre Manent. Son exposé est limpide et clairvoyant, et qui plus est absolument captivant (autre bénéfice moins intellectuel, il m’a servi de cadeau de Noël à deux reprises…). L’ouvrage de Steiner sur Heidegger est également très clair.

    Dans un second temps, je souhaitais vous poser une question.
    Après avoir parcouru certains articles de votre site j’avoue être dans la confusion sur la question de la vérité, ou plutôt celle du relativisme. Dans certains d’entre eux, notamment ceux consacrés au philistinisme culturel je sens une critique latente du relativisme. Pour autant dans votre article sur les critères de l’idée vraie, vous montrez bien que l’on ne peut pas trouver de fondement absolu à la vérité.

    Ma question posée brutalement elle serait celle-ci : comment peut-on ne pas être relativiste, une fois qu’il a été prouvé qu’il n’y a pas de critère de la vérité ? Ou peut-être un peu plus précisément, sur quel fondement est-il possible de critiquer le relativisme actuel dans la mesure où le critère d’une vérité absolue n’existe pas ?

    Je croyais avoir compris que dans le domaine de l’opinion, l’exercice d’une pensée critique permettait de faire la différence entre une idée forte, qui s’impose par la cohérence et la puissance de la construction de l’argumentation qu’elle sous-tend, et une idée faible, inadéquate qui relève du préjugé et de l’erreur.
    Pour prendre pour exemple l’œuvre d’art il me semble que le chef d’œuvre s’illustre par son intemporalité, le fait qu’il apporte un « supplément d’âme » ou qu’il augmenter ma puissance d’affecter et d’appréhender le monde, là où le tube du moment n’apporte au mieux que plaisir et jouissance esthétique.

    J’ai du coup été interpellé par un post que Pierre Manent a publié sur son profil Facebook à l’époque de la sortie de C.Guéant sur la comparaison des civilisations :
    « Pour commenter l’actualité, nul livre n’est plus recommandé que l’ouvrage commandé en 1952 par l’UNESCO, « Race et Histoire ». Claude Lévi-Strauss y rappelle que l’idée de hiérarchie des civilisations puis des cultures est sans valeur (thèses de Gobineau). Comparer les valeurs de deux civilisations est impossible, ces valeurs dépendant de référentiels internes. La croyance en la supériorité de l’Occident est vielle, mais demeure un ethnocentrisme à part entière, à savoir une pratique consistant à « répudier purement et simplement les formes culturelles morales, religieuses, sociales, esthétiques, qui sont les plus éloignées de celles auxquelles nous nous identifions. » (C.L-S). Ne pouvant juger depuis nos référentiels une autre civilisation, nous sommes en principe condamnés à un « relativisme sans appel », à considérer la nôtre comme supérieure. La culture reste un sous-ensemble de la civilisation mais l’idée est là: la relativisation des civilisations est issue de la deuxième moitié du XXème siècle. Pour ne plus hiérarchiser les civilisations, nous nous refusons à les comparer. Ce que certains dénomment maladroitement ou à dessein nihilisme, nous l’appelons relativisme. »

    Je me trompe peut-être mais il me semble que les arguments convoqués ici (ethnocentrisme, référentiels internes) pour montrer qu’on ne peut pas comparer deux cultures sont proches de ceux utilisées pour montrer que tout se vaut en matière d’art (même si les deux problèmes sont bien sûrs différents). Et je me dis que si même un philosophe de la trempe de Pierre Manent se range du point de vue du relativisme c’est vraiment que c’est le sens inéluctable de l’histoire.

    Cependant quand j’entends une chanson de Booba je ne peux pas me dire qu’elle peut prétendre au même statut que le Tristan de Wagner … Il en va de même envers une cité pacifique et qui aurait pour but d’œuvrer pour la liberté de son peuple par opposition à une cité belliqueuse, violente, qui aurait par exemple légitimé le meurtre (je suis dans l’imaginaire là…).

    In fine ma question serait ; n’existe-il pas d’argument en droit qui permettent de critiquer cette marche de fait vers un relativisme de plus en plus large ? Relativisme d’ailleurs d’autant plus étonnant qu’il ne va pas sans un renforcement du moralisme … Ou alors effectivement m’est-il impossible d’argumenter que Dostoïevski vaut plus et mieux que Nothomb, et ce de manière universelle, et non pas que pour moi.

    Bref … long message veuillez m’en excuser, j’ai conscience de forcer le trait et d’être caricatural mais cette question me tient à cœur.
    Bien cordialement,

  6. Simone MANON dit :

    Bonjour Raphaël
    Votre message est peut-être long mais il a le mérite de la cohérence et il pose, avec la sincérité de l’engagement d’une personne dans son questionnement, une vraie question.
    Il est vrai qu’il n’y a pas, en théorie, un critère infaillible de vérité. C’est d’ailleurs la condition de l’existence et de la liberté de la pensée car, si un tel critère existait, il n’y aurait plus qu’à déployer, sous une forme pouvant confiner au mécanisme, un discours positif.
    Comme l’écrit Hannah Arendt, la pensée est dangereuse dans son essence car elle n’apporte pas de certitudes qui lui permettraient de s’endormir mais cela ne condamne pas au nihilisme. Elle dit avec finesse que le nihilisme est l’autre face du conformisme, il n’est pas l’effet nécessaire de la liberté de la pensée. https://www.philolog.fr/pensee-et-nihilisme-hannah-arendt/
    https://www.philolog.fr/solitude-esseulement-isolement-hannah-arendt/

    Alors peut-on reconnaître qu’il n’y a pas de critère infaillible de la vérité et néanmoins ne pas consentir au relativisme?
    Oui, c’est au fond la position d’un Socrate lorsqu’il est confronté à ce que Patocka appelle « l’anarchie rationaliste », caractérisée par le triomphe de la pensée sophistique et conjointement l’effondrement de la cité grecque. Il en appelle à une révélation de la conscience humaine à elle-même, qui, pour ne pas pouvoir se justifier avec la rigueur logique d’une démonstration, est néanmoins ce qui permet de se réclamer d’une transcendance du vrai et d’un sens commun en l’absence desquels on ne peut plus discriminer entre le vrai et le faux, entre le bien et le mal ou entre le beau et le laid. https://www.philolog.fr/socrate-ou-lexperience-philosophique-patocka/
    De ce point de vue notre époque s’éclaire à la lumière de ce qu’a vécu la cité grecque. C’est patent dans la question du relativisme culturel. Je ne me prononcerai pas sur le propos de Pierre Manent auquel il ne faut sans doute pas donner une autre portée que circonstancielle.
    La question de la comparaison et de la hiérarchisation des cultures (à différencier de la notion de civilisation) est une question épineuse. Et il est vrai que tant que nous jugeons en fonction de critères particuliers à la nôtre, notre jugement peut être légitimement taxé d’ethnocentrisme et n’a aucune valeur théorique.
    Cependant n’y a-t-il pas une culture qui s’est efforcé de rompre avec la clôture ethnocentrique, d’initier un rapport critique à elle-même, permettant de formuler des valeurs pouvant prétendre à l’universalité de droit à défaut de fait? Cette culture est la culture européenne et à ce titre elle incarne ce que Jacques Dewitte appelle une exception. https://www.philolog.fr/plaidoyer-pour-leurope-ou-loccident-lexception-europeenne-jacques-dewitte/
    Dans la mesure où les critères énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’homme ont été acceptés par des hommes appartenant à d’autres sphères culturelles que celle où ils ont été formulés, ne peut-on pas en admettre le bien-fondé? Et conséquemment lorsqu’on mobilise ces critères pour juger de certaines pratiques culturelles, l’accusation d’ethnocentrisme ne tombe-t-elle pas d’elle-même?
    Je vous renvoie donc aux articles qui donnent leur substance à ces quelques remarques.
    Voyez aussi: https://www.philolog.fr/y-a-t-il-une-alternative-au-nihilisme-du-sens-patocka-et-tolstoi/
    https://www.philolog.fr/la-guerre-des-dieux-ou-lunite-et-la-paix-par-le-logos-max-weber-et-benoit-xvi/
    Bien à vous.

  7. Raphaël A. dit :

    Merci beaucoup pour votre réponse qui, par sa clarté, me sort de mon impasse et m’ouvre de nouvelles portes ! J’hésite à chaque fois à venir poser mes petits problèmes du moment en ligne, mais chacun de vos message m’a toujours permis d’aller plus loin dans mon apprentissage ! Merci encore, je vais explorer les articles dont vous me conseillez la lecture.
    Bien à vous,
    Raphaël

  8. lea dit :

    Bonjour, voila je m’entraîne a faire des bacs blanc afin de ne pas me casser la figure le jour du bac, et je voulais savoir, le sujet  » pourquoi nous trompons nous » renvoie plus a quel chapitre de philosophie ? Puisque je ne trouve aucun chapitre de mon cours qui m’aiderait a répondre a la question. Merci d’avance, bonne journée.

  9. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Votre sujet met en jeu de nombreux articles sur ce blog.
    Il vous faudra distinguer l’erreur et l’illusion. https://www.philolog.fr/erreur-et-illusion/
    Interroger les causes et les raisons de l’une et de l’autre.
    Les articles sur l’allégorie de la caverne seront éclairants.
    https://www.philolog.fr/explication-de-lallegorie-de-la-caverne/ (les liens sont fondamentaux, en particulier: opinion, chaînes)
    Vous rencontrerez nécessairement la question du jugement et la nécessité d’une éthique du jugement.
    https://www.philolog.fr/les-operations-de-la-raison/
    https://www.philolog.fr/le-jugement-est-un-don-particulier-qui-ne-peut-pas-du-tout-etre-appris-mais-seulement-exerce-kant/comment-page-1/#comment-85242
    Descartes est ici un passage obligé.
    https://www.philolog.fr/le-bon-sens-est-la-chose-du-monde-la-mieux-partagee-descartes/
    https://www.philolog.fr/les-regles-de-la-methode-descartes/
    Bon travail.

  10. Lea dit :

    merci beaucoup

  11. Emma dit :

    Bonjour,
    Je suis très heureuse d’être tombée sur ce site car ayant un devoir de philo sur la vérité je n’ai pas trouver beaucoup de chose concise mais votre blog est super donc merci beaucoup
    Bonne journée et je ne manquerai pas de revenir juste pour ma culture personnelle

  12. luce dit :

    Bonjour

    C’ est vraiment enrichissant ce blog. Je passais juste par la pour me faire une idée du cours ayant débuté aujourd’hui sur la vérité et j ai eu un plus sur ce qui a été dit en classe .merci et continuer comme cela, je ne manquerai pas de participer.

  13. avv dit :

    bonjour pouvez vous m’aider s’il vous plais
    Un discours vrai est un discours qui dit être ce qui est et ne dit pas être ce qui n’est pas. On parvient par cette définition à savoir que l’homme est capable de dire quelque chose de vrai à propos du monde.
    On peut faire une distinction entre ce qu’on appelle le vrai et la vérité. Le vrai c’est une qualification du discours. La vérité c’est un concept qui va qualifier un discours total et global. Le vrai qualifie un discours partielle sur une vérité partielle. La vérité nous amène a l’omniscience, saisir la totalité du réel. On ne peut jamais vraiment posséder la vérité mais seulement l’apercevoir.
    Un discours cohérent est un signe de vérité. Tant qu’il ne se contredit pas, on peut conclure qu’il est vrai, tandis que s’il était contradictoire, il serait immédiatement jugé faux, ou incohérent.
    L’incohérence renvoie donc a une image de mensonge ou fausseté.
    Mais la cohérence d’un discours implique-t-il pour autant qu’il soit vrai? Est-elle le critère de sa vérité? Peut-on aller jusqu’à affirmer que la cohérence est en elle-même le vrai ?

  14. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Vous avez de nombreux cours dans ce chapitre pour éclairer votre lanterne. Il vous suffit de vous donner la peine de les ouvrir. Par exemple: https://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/
    Attention à l’incorrection de l’expression. Ex: S’il vous plaît- un discours partiel-
    Attention aussi aux confusions: l’incohérence est une chose, le mensonge en est une autre.
    Bien à vous.

  15. Adil dit :

    Bonjour,

    J’aimerai savoir si la raison dit toujours la vérité. Pourriez vous s’il vous plait m’aider car je dois faire une conclusion expliquant une stratégie argumentative afin de répondre à cette question. Je sais qu’il existe une vérité qui n’est seulement visible par le coeur comme la fois mais qu’on ne peut donc pas prouver seulement j’avoue que je ne comprends pas trop quels pourraient etre les arguments contre à ma problématique.

    Bien à vous, cordialement.

  16. Simone MANON dit :

    Bonsoir
    Désolée, ce site n’est pas un site d’aide aux devoirs.
    Voyez ce cours: https://www.philolog.fr/les-criteres-de-lidee-vraie/
    Bon travail.

  17. Sofiene dit :

    Bonjour,je m’appelle sofiene j’ai 17 et j’aimerais proposer ma question.
    1) Comment savoir ce qui est vrai ou faux car l’homme n’est pas omniscient. Il se base donc sur une réalité qu’il connait, mais ignore ce qu’il se trouve autre part que dans son monde. Il se base de son point de vue personnel mais une vérité ici pourrait être erreur autre part dans notre Univers.

  18. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Le recherche de la vérité est ce qui mobilisent philosophes et savants. C’est une entreprise difficile exigeant de part et d’autre rigueur intellectuelle, respect d’une méthode et conscience aiguë des limites de la raison humaine dans la conquête du vrai. Qu’il soit scientifique ou philosophique, un énoncé ne peut jamais prétendre être une vérité absolue. Mais ce n’est pas parce que nous ne pouvons pas accéder à une telle vérité que nous devons renoncer à distinguer le vrai du faux, à élaborer des savoirs susceptibles de faire l’accord des esprits, et à mettre en œuvre les procédures de réflexion sans lesquelles l’esprit ne peut qu’être victime d’erreurs et d’illusions. Le doute, l’examen critique, autrement dit la réflexivité sont ce qui arrache l’esprit à ses aveuglements et le font avancer sur le chemin de la connaissance.
    Bien à vous.

  19. Guy David dit :

    Bonsoir Madame,
    Je voudrais vous dire que j’ai bien aimé votre explication du tout premier énoncé du Discours de la Méthode. Merci infiniment.
    Cependant, bien que je ne sois pas philosophe, je me permets de reprendre votre explication en ce qui concerne les substantifs dits « adjectifs substantivés » qui sont « un piège » du langage, comme vous l’écrivez, me semble-t-il. A votre avis, il serait naïf de croire que ces substantifs renvoient à une substance, une réalité.
    Or, je veux citer un exemple, parmi tant d’autres, où des substantifs renvoient à une réalité, à une personne, à savoir toutes les proclamations de Jésus-Christ dans l’Evangile de Jean. Voici un des fameux « εἰμι » du Christ: « Je suis le chemin, la vérité et la vie » ( Ἐγώ εἰμι ἡ ὁδὸς καὶ ἡ ἀλήθεια καὶ ἡ ζωή – Jean 14:6 ). Même si « Je suis le chemin » est manifestement une métaphore employée par Jésus pour faire comprendre à Thomas que toute personne qui désire aller au le Père doit impérativement passer par lui, et lui uniquement, en vertu de son oeuvre expiatoire à la croix de Golgotha, n’empêche que  » [Je suis] la vie » doit est pris au sens littéral. Tout comme « Je suis la résurrection », car Il est le créateur, il est le sauveur et le rédempteur du monde.
    Tout le discours de l’apôtre Jean démontre que Jésus est la personnification, l’essence même, de tout ce que nous appréhendons de manière intellectuelle ou abstraite, mais qui en Jésus est réalité tangible et incontestable.
    D’ailleurs, et Pierre et Jean, dans leurs épîtres respectives, font appel au sensoriel pour témoigner de la véracité de leur relation avec Jésus aussi bien que de la transformation spirituelle dont ils ont fait l’expérience quand il ont placé leur foi en Jésus pour leur salut. Jean pour ne citer que lui, n’hésite pas à recourir au pléonasme pour bien faire comprendre aux destinataires de ses lettres la teneur de son message. Permettez-moi de citer le début de sa première épître:
     » 1 Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché, concernant la parole de vie, – 2 car la vie a été manifestée, et nous l’avons vue et nous lui rendons témoignage, et nous vous annonçons la vie éternelle, qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée, – 3 ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, à vous aussi, afin que vous aussi vous soyez en communion avec nous.  » ( 1 Jean 1: 1-3 ).
    Il est clair qu’il ne s’agit là aucunement de déclarations métaphysiques éthérées ou ésotériques destinées aux initiés. L’apôtres nous parle de manière empirique. La vie, écrit-il, a été manifestée et il l’a appréhendée avec tous ses sens.
    Ma conclusion c’est que les substantifs renvoient déjà à une réalité physique, visible aussi bien qu’invisible. Qu’il y ait des réalités invisibles pour l’heure n’exclut pas qu’elles seront appréhendées dans leur plénitude lors de la résurrection. Le discours philosophique a ses limites et nous laisse trop souvent dans des impasses.
    Merci de m’envoyer votre remarque.
    Mes salutations respectueuses,
    Guy David

  20. Simone MANON dit :

    Bonjour
    D’abord il me faut préciser que tous les substantifs ne sont pas des adjectifs substantivés, mais tous ceux qui le sont sont effectivement des pièges du langage.
    L’exemple que vous apportez pour refuser cette remarque de bon sens requiert pour être probant un acte de foi en une parole. Or l’intensité subjective d’une conviction (qu’il s’agisse de celle de celui qui parle ou de celui qui écoute) montre que les croyants en telle affirmation n’arrivent pas à douter ou à penser différemment mais cela ne prouve pas qu’ils aient raison de ne pas y arriver. Leur certitude repose sur un sentiment et un sentiment ne peut fonder une vérité objective. Cf. Kant: Définition de la croyance: C’est un « assentiment pour une raison qui est objectivement insuffisante, mais subjectivement suffisante »
    Voilà pourquoi il serait souhaitable que la croyance sans renoncer à elle-même ait conscience de la fragilité de ses assises. Cela permettrait aux hommes de foi de comprendre que d’autres puissent ne pas partager leur foi ou en avoir une autre. Le monde y gagnerait en civilité et en respect mutuel.
    Bien à vous.

  21. Guy David dit :

    Bonjour Madame Manon,

    Merci de votre réaction. Ce n’est pas le moment de polémiquer. Je veux juste comprendre.
    Primo, est-ce possible de savoir quelle règle ou quels critères s’appliquent pour distinguer les substantifs des adjectifs substantivés? La question relève du l’usage du grec où l’adjectif neutre précédé de l’article défini, par exemple  » τὸ καλόν » (le beau »), désigne « la beauté ». De la même manière, en français, ne nous sommes pas d’accord que « le beau » et « la beauté » renvoient à un unique concept universel, bien que « la beauté » pour reprendre l’aphorisme du jeune poète romantique anglais, John Keats, soit une question de perception – (Beauty lies in the eyes of the beholder)?
    Secundo, vous concluez que mon exemple « Je suis la vérité » ne cadre pas avec votre remarque « de bon sens » et vous digressez sur la tangente de « la foi » (acte de foi) en proposant la définition de la croyance selon Kant. Je relève dans cette partie de votre réponse un amalgame foi-croyance. Voici un exemple que je propose pour démontrer la nette distinction entre la foi et la croyance. Quelques-uns de nos prédécesseurs n’avaient-ils pas construit leur épistémologie sur le géocentrisme? Or, vous conviendrez que cette croyance scientifiquement erronée n’affectait en aucune manière leur foi, puisque cette foi a été transmise inchangée de siècle en siècle en dépit de la véracité avérée de l’héliocentrisme.
    Or, pour demeurer sur le plan de la foi, je me permets de dire que la foi (ou la croyance selon Kant) pourrait relever, pour certains, soit d’une « crédulité aveugle » (d’où l’idée kantienne de « subjectivité suffisante ») c’est-à-dire non éprouvée soit, pour d’autres, être solidement assise sur une réalité objective vérifiable et empiriquement et rationnellement.
    Par ailleurs, une croyance peut être fragile, très fragile même. Mais la foi, surtout celle des deux apôtres, est fondée pas sur une croyance subjective mais sur un objet suffisant, en fait sur une personne, dont l’historicité tant antérieure que postérieure à sa résurrection est attestée dans pratiquement tous les écrits de l’époque, donc des témoignages irréfutables.
    Enfin, j’ai trouvé la dernière partie de votre réponse quelque peu expéditive, sinon contenant un brin d’agressivité moralisatrice. Et cela d’autant plus que vous en appelez à la tolérance, à la civilité et au respect mutuel.
    Je vous laisse cette définition de la foi, « Or la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. » (Hébreux 11:1). Si on n’est pas averti, je puis vous assurer qu’il y a de très fortes que ce niveau de pensée nous ébranle.
    Agréez mes salutations les plus cordiales.
    Guy David

  22. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Comme j’ai horreur de la polémique permettez que ma réponse se réduise à quelques remarques:
    -Une langue n’est pas une construction rationnelle. C’est un procès sans sujet dans lequel l’usage, la mentalité d’un peuple, ses manières d’être, etc. sont déterminants. https://www.philolog.fr/la-parole-nature-et-fonction/
    La réflexion philosophique commence lorsque l’on réfléchit sur le langage, c’est-à-dire lorsque l’on interroge le sens de ce que l’on dit. Par exemple y a-t-il sens à parler du beau (comme nous y invite une langue substantivant les qualifications) comme si la beauté était une réalité substantielle? Vous avez raison de préciser que cet usage est typique de la langue grecque. La question est de savoir s’il peut être fondé en raison. https://www.philolog.fr/quelle-pratique-de-la-parole-implique-lesprit-philosophique/
    -Pour ce qui est du thème de la croyance:
    La croyance se distingue du savoir.
    -L’un est un discours fondé en raison, même si en dernière analyse, la science et la philosophie reposent sur un irrationnel de fondement car la raison ne peut pas démontrer qu’une connaissance élaborée par des procédures rationnelles est plus autorisée qu’une connaissance reposant sur une Révélation par exemple. En ce sens il y a au principe de la philosophie et de la science un acte de foi en la supériorité de la raison en matière d’élaboration des savoirs.
    L’autre est un contenu de pensée qui repose sur d’autres raisons que des raisons. Les fondements d’une croyance peuvent être de différentes natures. Cf. https://www.philolog.fr/opinion/
    Avoir foi c’est faire confiance, croire. https://www.philolog.fr/foi-et-savoir/
    Cette confiance peut être massive, enthousiaste, aveugle mais elle peut aussi envelopper une part de doute. J’aime beaucoup cette affirmation prononcée par certains: la foi est le doute surmonté.
    Bien à vous.

  23. meet mikala dit :

    je voudrais savoir si ce blog existe toujours parce que depuis que j’interviens à certains theme personne ne m’a repondu . ou alors l’acteur de celui si n’existe plus ou bien il ne dispose plus de temps ici.

  24. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Ce blog est toujours en activité mais je n’accepte pas tous les messages, en particulier je ne réponds pas aux élèves qui me demandent de faire leur travail à leur place.
    Bien à vous.

  25. François ROCHERON-OURY dit :

    Bonjour Madame,

    Je me permets de vous écrire pour vous dire combien je trouve votre blog en tous points remarquables.

    Je l’ai beaucoup consulté avec mes enfants quand ils étaient en classe de terminale et pour le dernier en école préparatoire, pour les aider dans leur réflexion et je continue toujours à le faire régulièrement aujourd’hui pour moi, tant votre pensée est riche d’enseignements.

    Vos élèves ont eu beaucoup chance de vous avoir, car vous faites partie de ces professeurs que l’on aurait tous eu envie d’avoir, même si je considère avoir été personnellement particulièrement gâté par la qualité des enseignants que j’ai eu l’honneur de rencontrer durant mes études.

    Votre volonté de transmettre à la fois bienveillante et exigeante, sans jamais céder à la facilité, vous honore.

    Cependant, il semble que depuis quelque temps votre blog ne soit plus actif.

    Aussi, veuillez pardonner ma question, peut être indiscrète, cette inactivité est-elle provisoire ou définitive?

    Je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de ma respectueuse considération.

  26. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Vous m’honorez par ce message trop élogieux. J’ai effectivement cessé de fournir mon blog à la suite d’une véritable crise morale. Il y avait déjà longtemps que je vivais dans la douleur ce qu’il faut bien appeler une éclipse de la raison à grande échelle dans le monde intellectuel. Les attentats, puis la violence du mouvement des gilets jaunes, légitimée par de nombreux messages de professeurs de philosophie (que je n’ai pas approuvés tant ils me faisaient honte) ont comme rompu le ressort de mon activité. J’ai eu le sentiment de me cogner contre un mur après toute une vie consacrée à la diffusion de l’esprit des Lumières. La vanité, provisoire peut-être, de mon travail me sautait aux yeux et paralysait mon énergie. Sans parler de la méchanceté et de l’indécence de certains messages, proprement déplacées dans un véritable débat philosophique. Je commence à espérer une renaissance lorsque j’observe les réactions à la mainmise sur l’Université de ce que Braunstein a épinglé dans son livre « la philosophie devenue folle ». Mais tout cela est bien timide encore.
    Dans ces conditions le plus sage m’a paru être le retrait. J’ai laissé en ligne mon blog par égard pour tous ceux qui le fréquentent. Je l’avais créé pour payer ma dette à la République et permettre à d’autres d’avoir la chance qui fut mienne d’être formés à l’école des grands esprits, ceux par lesquels on devient meilleur. Pour cette raison majeure je le maintiens ouvert.
    Je vous remercie de votre bienveillance.
    Bien à vous.

  27. François ROCHERON-OURY dit :

    Bonjour Madame,

    Je vous remercie pour avoir pris le temps de me répondre.

    Vous faites preuve de bien trop de modestie, mon message n’était en rien trop élogieux, il était sincère et le reflet d’une réalité qui est, je suis sûr, partagée par beaucoup.

    J’entends parfaitement les raisons qui vous ont conduite à interrompre votre magnifique blog, raisons que je ne suis pas loin de partager.

    Je forme cependant le vœu que peut être un jour vous reviendrez sur votre décision, en me permettant de vous rappeler que dans nos sociétés, même dans les situations les plus désespérées, il y a toujours eu des personnes, rares il vrai, qui nous rassemblaient mieux que celles qui nous séparaient.

    Quitte à heurter votre modestie, Madame, vous faites partie, par la qualité de votre enseignement, la rigueur et l’exigence de votre pensée de ces personnes, trop rares, qui nous rassemblent pour nous permettre de devenir meilleurs.

    Je vous prie d’agréer, encore une fois, Madame l’expression de ma respectueuse considération.

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