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 Le mot et la chose

 

 

Madame quel est votre mot

Et sur le mot et sur la chose

On vous a dit souvent le mot

On vous a fait souvent la chose

 

Ainsi de la chose et du mot

Vous pouvez dire quelque chose

Et je gagerais que le mot

Vous plaît beaucoup moins que la chose

 

Pour moi voici quel est mon mot

Et sur le mot et sur la chose

J'avouerai que j'aime le mot

J'avouerai que j'aime la chose

 

Mais c'est la chose avec le mot

Mais c'est le mot avec la chose

Autrement la chose et le mot

A mes yeux seraient peu de chose

 

Je crois même en faveur du mot

Pouvoir ajouter quelque chose

Une chose qui donne au mot

Tout l'avantage sur la chose

 

C'est qu'on peut dire encore le mot

Alors qu'on ne fait plus la chose

Et pour peu que vaille le mot

Mon Dieu c'est toujours quelque chose

 

De là je conclus que le mot

Doit être mis avant la chose

Qu'il ne faut ajouter au mot

Qu'autant que l'on peut quelque chose

 

Et que pour le jour où le mot

Viendra seul hélas sans la chose

Il faut se réserver le mot

Pour se consoler de la chose

 

Pour vous je crois qu'avec le mot

Vous voyez toujours autre chose

Vous dites si gaiement le mot

Vous méritez si bien la chose

 

Que pour vous la chose et le mot

Doivent être la même chose

Et vous n'avez pas dit le mot

Qu'on est déjà prêt à la chose

 

Mais quand je vous dis que le mot

Doit être mis avant la chose

Vous devez me croire à ce mot

Bien peu connaisseur en la chose

 

Et bien voici mon dernier mot

Et sur le mot et sur la chose

Madame passez-moi le mot

Et je vous passerai la chose.

 

Gabriel Charles de LATTAIGNANT (1697-1779)

 

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9 Réponses à “Le mot et la chose. Gabriel Charles, Abbé de LATTAIGNANT.”

  1. jmc dit :

    Dieu que cette dame a de la chance !
    Joyeux Noel
    JM

  2. Thomas dit :

    Bonjour,
    quel est le sens des deux derniers vers du poème « le mot et la chose » ? L’auteur demande-t-il qu’on lui passe le mot comme on lui passerait le sel, auquel cas le dernier vers devient pour la dame une promesse d’action, ou utilise-t-il le verbe « passer » dans le sens de « dispenser » ? Dispensez-moi de vos discours sentimentaux, et je vous dispenserai de vos devoirs conjugaux ?

  3. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Il ne faut pas se dispenser d’un « SVP » et d’un « merci d’avance » quand on sollicite l’aide de quelqu’un. Les règles élémentaires de la politesse semblent décidément en voie de disparition si j’en crois le nombre de messages que je supprime pour cette raison.
    Autrement dit, passez moi la question avec politesse, et je vous passerai la réponse !

    PS: Quant à la chose, dispensez-vous, s’il vous plaît, de parler de devoirs conjugaux et voyez combien l’expression est déplacée dans le cadre de cette poésie galante!
    Bien à vous.

  4. alice dit :

    Simone, votre dernier commentaire est ravissant et merveilleusement pensé. Pourtant j’aurai parié que cet abbé polisson allait encore plus loin, et jouait justement sur les 2 sens du verbe passer. Dispensez moi du mot, je vous ferai voir des merveilles. Ça me semble donner encore plus de génie au poète. ( le poite qui s’identifie à l’oiseau sorti de son nid…)
    Qu’en pensez vous ?

  5. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Vous avez parfaitement raison. L’abbé joue sur les deux registres avec la légèreté qui convient au libertinage. Mais à quoi bon le préciser à celui qui ramène les jeux d’Eros aux devoirs conjugaux?
    Bien à vous.

  6. Denis Barge dit :

    Bonjour,
    J’ai imaginé une 3iéme voie pour cette conclusion : prendre « passer » comme « pardonner » ou « donner l’absolution » (n’oublions pas qu’il était abbé) :
    si vous me pardonnez le mot (galant),
    je vous donnerais l’absolution pour la chose…
    Bien amicalement

  7. Simone MANON dit :

    Merci pour cette suggestion pertinente.
    Bien à vous.

  8. Emmanuelle Baylac dit :

    Quel talent cet abbé…ce poème est fait pour les femmes, tout est en subtilité et chacun y trouve son bonheur…comment penser au devoir conjugal  » mot que je déteste  » après une telle ode à l’amour ?

  9. Pascal Bib dit :

    D’après ce que j’ai lu, l’attribution de ce poème à Gabriel Charles de Lattaignant, est incertaine. Le texte ne figure pas dans ses œuvres publiées. Les notes de l’anthologie de la poésie française publiée par la Pléiade le rappelle. Trop osé ce texte ? Il semblerait que d’autres publiés « officiellement », sous son nom, le soit tout autant.. Ce n’est pas grave : cela rajoute au plaisir de le lire que d’imaginer que c’est un Abbé qui a écrit ce poème…

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