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 Texte de Platon : Gorgias 492a. 495a. (traduction: Monique Canto) Cf. la sagesse socratique. Cf. aussi https://www.philolog.fr/platon-plaisirs-purs-et-plaisirs-melanges/#more-3465

CALLICLES
 
  (...) Veux-tu savoir ce que sont le beau et le juste selon la nature ? Hé bien je vais te le dire franchement ! Voici, si on veut vivre comme il faut, on doit laisser aller ses propres passions, si grandes soient-elles, et ne pas les réprimer. Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement - j'en ai déjà parlé - est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Car, bien sûr, pour tous les hommes qui, dès le départ, se trouvent dans la situation d'exercer le pouvoir, qu'ils soient nés fils de rois ou que la force de leur nature les ait rendus capables de s'emparer du pouvoir -- que ce soit le pouvoir d'un seul homme ou celui d'un groupe d'individus--, oui, pour ces hommes-là, qu'est-ce qui serait plus vilain et plus mauvais que la tempérance et la justice ? Ce sont des hommes qui peuvent jouir de leurs biens, sans que personne y fasse obstacle, et ils se mettraient eux-mêmes un maître sur le dos, en supportant les lois, les formules et les blâmes de la masse des hommes ! Comment pourraient-ils éviter, grâce à ce beau dont tu dis qu'il est fait de justice et de tempérance, d'en être réduits au malheur, s'ils ne peuvent pas, lors d'un partage, donner à leurs amis une plus grosse part qu'à leurs ennemis, et cela, dans leurs propres cités, où eux-mêmes exercent le pouvoir ! Ecoute, Socrate, tu prétends que tu poursuis la vérité, eh bien, voici la vérité : si la facilité de la vie, le dérèglement, la liberté de faire ce qu'on veut, demeurent dans l'impunité, ils font la vertu et le bonheur ! Tout le reste, ce ne sont que des manières, des conventions, faites par les hommes, à l'encontre de la nature. Rien que des paroles en l'air, qui ne valent rien !
 
SOCRATE   
 
  Ce n'est pas sans noblesse, Calliclès, que tu as exposé ton point de vue, tu as parlé franchement. Toi, en effet, tu viens de dire clairement ce que les autres pensent et ne veulent pas dire. Je te demande donc de ne céder à rien, en aucun cas ! Comme cela, le genre de vie qu'on doit avoir paraîtra tout à fait évident. Alors, explique-moi : tu dis que, si l'on veut vivre tel qu'on est, il ne faut pas réprimer ses passions, aussi grandes soient-elles, mais se tenir prêt à les assouvir par tous les moyens. Est-ce bien en cela que la vertu consiste ?   
 
CALLICLES
 
  Oui, je l'affirme, c'est cela la vertu !
 
SOCRATE
 
  Il est donc inexact de dire que les hommes qui n'ont besoin de rien sont heureux.
 
CALLICLES
 
  Oui, parce que, si c'était le cas, les pierres et même les cadavres seraient tout à fait heureux !
 
SOCRATE
 
  Mais, tout de même, la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ! En fait, je ne serais pas étonné si Euripide avait dit la vérité - je cite le vers : « Qui sait si vivre n'est pas mourir et si mourir n'est pas vivre ? » Tu sais, en réalité, nous sommes morts. Je l'ai déjà entendu dire par des hommes qui s'y connaissent : ils soutiennent qu'à présent nous sommes morts, que notre corps est notre tombeau et qu'il existe un lieu dans l'âme, là où sont nos passions, un lieu ainsi fait qu'il se laisse influencer et ballotter d'un côté et de l'autre. Eh bien, ce lieu de l'âme, un homme subtil, Sicilien ou Italien, je crois, qui exprime la chose sous la forme d'un mythe, en a modifié le nom. Etant donné que ce lieu de l'âme dépend de ce qui peut sembler vrai et persuader, il l'a appelé passoire. Par ailleurs, des êtres irréfléchis, il affirme qu'ils n'ont pas été initiés. En effet, chez les hommes qui ne réfléchissent pas, il dit que ce lieu de l'âme, siège des passions, est comme une passoire percée, parce qu'il ne peut rien contrôler ni rien retenir- il exprime ainsi l'impossibilité que ce lieu soit jamais rempli.
  Tu vois c'est tout le contraire de ce tu dis, Calliclès. D'ailleurs, un sage fait remarquer que, de tous les êtres qui habitent l'Hadès, le monde des morts - là, il veut parler du monde invisible-, les plus malheureux seraient ceux qui, n'ayant pu être initiés, devraient à l'aide d'une écumoire apporter de l'eau dans une passoire percée. Avec cette écumoire, toujours d'après ce que disait l'homme qui m'a raconté tout cela, c'est l'âme que ce sage voulait désigner. Oui, il comparait l'âme de ces hommes à une écumoire, l'âme des êtres irréfléchis est donc comme une passoire, incapable de rien retenir à cause de son absence de foi et de sa capacité d'oubli.
  Ce que je viens de te dire est, sans doute, assez étrange ; mais, pourtant, cela montre bien ce que je cherche à te faire comprendre. Je veux te convaincre, pour autant que j'en sois capable, de changer d'avis et de choisir, au lieu d'une vie déréglée, que rien ne comble, une vie d'ordre, qui est contente de ce qu'elle a et s'en satisfait.
  Eh bien, est-ce que je te convaincs de changer d'avis et d'aller jusqu'à dire que les hommes, dont la vie est ordonnée, sont plus heureux que ceux dont la vie est déréglée ? Sinon, c'est que tu ne changeras pas d'avis, même si je te raconte toutes sortes d'histoires comme cela !
 
CALLICLES
 
  Tu l'as dit, Socrate, et très bien ! C'est vrai, je ne changerai pas d'avis !
 
SOCRATE
 
  Bien. Je vais te proposer une autre image, qui vient de la même école. En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces deux genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on n'obtient qu'au terme de maints travaux pénibles. Mais, au moins, une fois que cet homme a rempli ses tonneaux, il n'a plus à y reverser quoi que ce soit ni à s'occuper d'eux ; au contraire, quand il pense à ses tonneaux, il est tranquille. L'autre homme, quant à lui, serait aussi capable de se procurer ce genre de denrées, même si elles sont difficiles à recueillir, mais comme ses récipients sont percés et fêlés, il serait forcé de les remplir sans cesse, jour et nuit, en s'infligeant les plus pénibles peines. Alors, regarde bien, si ces deux hommes représentent chacun une manière de vivre, de laquelle des deux dis-tu qu'elle est la plus heureuse ? Est-ce la vie de l'homme déréglé ou celle de l'homme tempérant ? En te racontant cela, est-ce que je te convaincs d'admettre que la vie tempérante vaut mieux que la vie déréglée ? Est-ce que je ne te convaincs pas ?
 
CALLICLES
 
  Tu ne me convaincs pas, Socrate. Car l'homme dont tu parles, celui qui a fait le plein en lui-même et en ses tonneaux, n'a aucun plaisir, il a exactement le type d'existence dont je parlais tout à l'heure : il vit comme une pierre. S'il a fait le plein, il n'éprouve plus ni joie ni peine. Au contraire, la vie de plaisirs est celle où on verse et on reverse autant qu'on peut dans son tonneau !
 
SOCRATE
 
  Mais alors, si on en verse beaucoup, il faut aussi qu'il y en ait beaucoup qui s'en aille, on doit donc avoir de bons trous, pour que tout puisse bien s'échapper !
 
CALLICLES
 
  Oui, parfaitement.
 
SOCRATE
 
  Tu parles de la vie d'un pluvier, qui mange et qui fiente en même temps ! non ce n'est pas la vie d'un cadavre, même pas celle d'une pierre ! Mais dis-moi encore une chose : ce dont tu parles, c'est d'avoir faim et de manger quand on a faim, n'est-ce pas ? 
 
CALLICLES
 
  Oui
 
SOCRATE
 
  Et aussi d'avoir soif et de boire quand on a soif ?
 
CALLICLES
 
  Oui, mais surtout ce dont je parle, c'est de vivre dans la jouissance, d'éprouver toutes les formes de désirs et de les assouvir - voilà, c'est cela, la vie heureuse !
 
SOCRATE
 
  C'est bien, très cher. Tu t'en tiens à ce que tu as dit d'abord, et tu ne ressens pas la moindre honte. Mais alors, il semble que moi non plus je n'aie pas à me sentir gêné ! Aussi, pour commencer, réponds-moi : suppose que quelque chose démange, qu'on ait envie de se gratter, qu'on puisse se gratter autant qu'on veut et qu'on passe tout son temps à se gratter, est-ce là le bonheur de la vie ?
 
CALLICLES
 
  Que tu es extravagant, Socrate ! En fait, tu es un démagogue, un orateur de foule !
 
SOCRATE
 
  C'est pour cela, Calliclès, que j'ai choqué Polos et Gorgias, je les ai faits se sentir gênés ! Mais toi, tu ne seras pas choqué, tu n'auras même pas honte, car tu es un homme courageux. Alors réponds, et c'est tout.
 
CALLICLES
 
  Eh bien, je déclare que même la vie où on se gratte comme cela est une vie agréable !
 
SOCRATE
 
  Et si c'est une vie agréable, c'est donc aussi une vie heureuse.
 
CALLICLES
 
  Oui, absolument.
 
SOCRATE
 
   Si on se gratte la tête, seulement, ou faut-il que je te demande tout ce qu'on peut se gratter d'autre ? Regarde, Calliclès, que répondras-tu, quand on te demandera si, après la tête, on peut se gratter tout le reste ? Bref, pour en venir au principal, avec ce genre de saletés, dis-moi, la vie des êtres obscènes, n'est-elle pas une vie terrible, laide, misérable ? De ces êtres, oseras-tu dire qu'ils sont heureux, sous la seule condition qu'ils possèdent tout ce qui leur faut ?
 
CALLICLES
 
  Mais n'as-tu pas honte, Socrate, de mener notre discussion vers ce genre d'horreurs ?
 
SOCRATE
 
  Parce que c'est moi qui l'ai poussée là ! Ô noble individu ! N'est-ce pas plutôt celui qui affirme sans nuances que les hommes qui éprouvent la jouissance, de quelque façon qu'ils jouissent, sont des hommes heureux ? N'est-ce pas plutôt celui qui ne peut pas distinguer quels sont les plaisirs bons et quels sont les mauvais ? Mais maintenant, dis-moi encore juste ceci : prétends-tu que l'agréable soit identique au bon, ou bien y a-t-il de l'agréable qui ne soit pas bon ?
 
CALLICLES
 
  Eh bien, pour ne pas être en désaccord avec ce que j'ai dit si jamais je réponds que l'agréable est différent du bon, je déclare que c'est la même chose.
 
SOCRATE
 
  Calliclès, tu es en train de démolir tout ce qui avait été dit avant, et tu n'aurais même plus les qualités requises pour chercher avec moi ce qui est vrai si tu te mets à dire des choses contraires à ce que tu penses.
 
CALLICLES
 
  Toi aussi, tu fais pareil, Socrate !
 
SOCRATE
 
   Eh bien, si je le fais, j'ai tort de le faire ! Et toi aussi, tu as tort ! Mais, bienheureux, réfléchis à une chose : le bien ne consiste pas dans uns jouissance à n'importe quel prix, car, sinon, si c'est le cas, il semble bien que le tas de saletés auxquelles j'ai fait allusion tout à l'heure de façon détournée, va nous tomber sur la tête, et plus encore !
 
 
 

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15 Réponses à “Faut-il satisfaire tous ses désirs? Le débat: Socrate-Calliclès.”

  1. truchaud dit :

    Bonjour,
    J’ai été amené à rechercher votre cours après avoir vu une interview du metteur en scène Steve Mac Queen à propos du film « Shame » sur l’émission Bord cadre » ». Il y avait une intervention de M. Olivier Couriol qui a cité le dialogue Socrate – Callidies.
    Au delà du pur désir, je pense que ce débat peut également s’appliquer à la recherche effrénée de la performance et de la curiosité professionnelle au détriment des relations durables avec les proches et même de la réflexion sur le sens de sa vie. Qu’en pensez-vous? Je suis retraité et Pr émérite des Universités en Pharmacie.

  2. Simone MANON dit :

    Bonjour Monsieur
    Je n’ai pas encore vu Shame mais j’ai bien l’intention d’aller le voir car je travaille actuellement sur la question de l’ennui. Je me demande si le phénomène addictif n’est pas le symptôme d’une existence dévastée par ce sentiment: dégoût de la vie, mortelle fatigue de vivre, d’où la tentation de fuir son vide intérieur, l’angoisse du néant par diverses pratiques qui sont moins des voies de salut qu’un enlisement dans un pathos morbide.
    Addiction au jeu, à l’internet, au sexe, au sport, au travail…. Expressions diverses et multiples d’un même désarroi. Celui-ci me semble la rançon des âmes désarmées sur le plan spirituel et moral.
    Bien à vous.

  3. Julie dit :

    Bonjour, je suis en terminal ES, mon professeur de philosophie nous a donné à faire une dissertation : « Pour être heureux, faut-il satisfaire tous ses désirs? ». Comme situation de départ dans mon introduction, j’ai choisit Peau de Chagrin de Balzac car j’arrive très bien à la problématiser : Sommes nous prisonnier de nos désirs ? Le désir fait t’il le malheur de l’homme ? Pourquoi peut-on croire que le bonheur réside dans la satisfaction de tous les désirs ? Mais je bloque littéralement pour mon plan! Pouvez vous m’aider s’il vous plait?
    Merci d’avance.

  4. Simone MANON dit :

    Désolée, Julie, je n’interviens pas dans le travail des élèves.
    Bon travail.

  5. stéphane dit :

    Ce dialogue est d’une actualité décapante…

  6. Simone MANON dit :

    Oui, et c’est le propre de tous les grands textes philosophiques.
    Bien à vous.

  7. Thibauld dit :

    Bonjour,
    D’abord merci pour votre travail. Je me demandais si vous pouviez m’aider, après lecture et relecture de ce texte je me suis demandé, la complète satisfaction de nos désirs, c’est le nihilisme ?

    Cordialement, Thibauld.

  8. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Le moins que l’on puisse dire est que vous opérez des raccourcis étonnants. « La totalité des satisfactions possibles » est très exactement la définition que Kant donne du bonheur. Pour ce qui est de l’éthique de Calliclès, elle incarne la revendication d’un immoralisme aristocratique et d’un hédonisme sans barrières. Que cet hédonisme suppose la subversion des valeurs sociales et morales partagées par le plus grand nombre, c’est un fait. Peut-on pour autant parler de nihilisme ? C’est là un concept moderne ayant une signification précise et il est clair que cette position philosophique n’a rien à voir avec la définition que vous semblez en donner : la satisfaction de tous les désirs.
    Je vous conseille de commencer par approfondir l’idée de nihilisme.Cf. https://www.philolog.fr/dieu-est-mort-disait-nietzsche-quel-est-le-sens-de-cette-affirmation/
    Quant au texte de Platon, j’en donne quelques clés dans l’article sur la sagesse socratique qui est en lien au début de l’article.
    Bien à vous.

  9. Alice dit :

    Bonjour,
    Après avoir lu le débat Socrate-Calliclès, que je trouve très prenant, il y a un point qui m’échappe.
    Lorsque Socrate parle des non-initiés et de leur « absence de foi », de leur « capacité d’oubli », je ne suis pas certaine de comprendre le premier terme. Je ne pense pas que Socrate parle de la foi en terme religieux, mais je ne vois pas sur quoi la foi porterais dans ce cas là.

    Cordialement,
    Alice.

  10. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Le discours socratique sur l’âme est essentiellement moral mais il implique des présupposés métaphysiques dont le philosophe sait bien qu’ils ne relèvent pas de la compétence de la raison. Chaque fois que la raison est mise en échec, Platon recourt au mythe ou fait allusion à des poètes ou des prêtres initiés à ce qui est en soi mystérieux.
    Ainsi en est-il de l’idée que l’âme est d’essence divine, qu’elle est immortelle, qu’elle a contemplé les Idées dans une vie préempirique mais qu’en s’incarnant dans un corps elle a bu au fleuve de l’oubli (le Léthé). Voilà pourquoi, elle a perdu le souvenir de sa nature divine et celui des devoirs auxquels l’assigne son origine divine. (Cf. mythe de la réminiscence et mythe de la métempsycose)
    En faisant l’apologie des passions dont le siège est dans le corps (tombeau de l’âme selon la croyance pythagoricienne à laquelle il est fait clairement allusion), Calliclès fait l’apologie d’une vie typique d’une âme oublieuse d’elle-même, d’une âme n’ayant pas confiance (absence de foi) dans son être. Dans l’Alicibiade, Socrate affirmait que « l’âme c’est l’homme ». Ce parti-pris philosophique et moral est l’objet d’une révélation intérieure chez Socrate et ceux qui s’en réclament. Impossible de démontrer rationnellement un tel énoncé. Il est donc l’objet d’une foi.
    Bien à vous.

  11. Fred dit :

    On s’est toujours cru libre en suivant notre raison, en la plaçant comme guide de nos actions autrement on se croirait simplement esclave de nos passions et désirs. Cette thèse a été défendue dans l’histoire de la philosophie d’abord par Socrate devant Calliclès dans le Gorgias, puis par Spinoza dans le Traité Théologico-politique Chap XVI page 141 « « On s’imagine que c’est être esclave que d’obéir et qu’on n’est libre que lorsqu’on vit à sa fantaisie. Il n’en est rien ; car celui-là est réellement esclave qui est asservi à ses passions et qui est incapable de voir et de faire ce qui lui est utile, et il n’y a de libre que celui dont l’âme est saine et qui ne prend d’autre guide que la raison». Pourtant nous savons que l’homme ne devient raisonnable qu’au sein d’une société qu’il est donc avant tout désirs et instincts alors il en résulte que s’il suit ses passions et la satisfaction du désir il agit selon sa nature car le désir fait partie de lui :il n’est donc nullement esclave mais simplement agissant selon sa nature ,seulement c’est tout simplement parce que la satisfaction totale des désirs ,cette liberté totale est incompatible avec la vie en société qui nous est toutefois indispensable que l’on arrêter « la liberté de chacun la ou commence celle de l’autre » .Le fait de suivre la raison est il au fond un acte de liberté ou un simple effet de la négation de sa nature animale par l’homme dont parlait Georges Bataille ? «Je pose en principe un fait peu contestable: que l’homme est l’animal qui n’accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie… l’homme parallèlement se nie lui- même, il s’éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l’animal n’apportait pas de réserve. »Parce que nous avons honte de notre animalité, nous trouvons la plupart de nos désirs bas et détestables, voila d’ailleurs d’où vient la morale de « guerre contre soi » contre ses instincts qui anime l’ascétisme ?

  12. Fred dit :

    Il est dans la nature même de l’homme de désirer pourquoi nous croyons nous plus libre en niant ce que nous sommes ,ne faisons finalement que nous emprisonner dans la morale rationnelle pour que la vie en société soit possible ?

  13. Simone MANON dit :

    Bonjour
    Le dogmatisme de votre propos me semble déplacé tant il est présomptueux de se croire titulaire d’un savoir sur ce qu’est la nature humaine. Car toute la difficulté est précisément de déterminer ce qu’il faut entendre par là. Qu’en est-il de cette nature?
    https://www.philolog.fr/enigmatique-nature-humaine/
    https://www.philolog.fr/faut-il-se-mefier-de-lidee-de-nature-humaine/
    Si l’on s’en tient au fait comme G. Bataille, on observe que l’homme est l’être qui nie le donné naturel, en lui (par l’éducation), et hors de lui, ( par la technique il transforme la nature, par la réforme ou la révolution, les institutions). Mais précisément, c’est cela sa nature. La nature de l’homme est de nier la nature.
    La question est alors de savoir ce qui rend raison de ce fait.
    Affirmer qu’il en est ainsi parce que l’homme a honte de son animalité est un peu court. Il faudrait encore expliquer la possibilité de la honte. Pourquoi l’animal n’en fait-il pas l’expérience? Et on ne voit guère le rapport de l’inventivité technicienne avec la honte. Si l’homme nie le donné et produit ses conditions d’existence c’est surtout parce que l’intelligence supplée en lui l’absence d’un instinct et qu’il a des besoins à satisfaire (Cf. https://www.philolog.fr/le-mythe-de-promethee/)
    Par ailleurs si vous voulez réduire l’homme à sa pure naturalité, il faut vous interdire de parler de désir. Ce qui est naturel, au sens naturaliste, c’est le besoin dans son caractère limité et élémentaire, certainement pas le désir qui suppose développement de la conscience et de l’imaginaire.
    La question mérite donc davantage de réflexion.
    https://www.philolog.fr/le-sac-de-peau-platon/
    Bien à vous.

  14. Tahir Ahmed-Ouahbi dit :

    Les passions , penchants naturels de l’homme vers ce qu’il lui convient , elles ne sont ni condamnables ni louables dans l’absolu.
    Dans la langue arabe , le mot passion et le mot vent ont la même racine  » ha wa » .
    Le vent a des bienfaits et des méfaits , les énumérer serait inutile, mais les comparer aux passions sera très utile ; le danger aussi bien pour vent que pour les passions réside dans le déchainement …

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